Deux ministres des autels ont saisi la victime ; l'un la tient par les épaules, et l'autre par la ceinture : ils l'emportent à l'autel ; et elle, la victime, la fille d'Agamemnon, Iphigénie, vous l'avez reconnue, elle élève au ciel ses yeux, et ses bras, et ses cris. Car elle n'est pas résignée : la résignation n'est pas de cet âge-là. Calchas marche le premier vers l'autel, et tient en main le glaive déjà tiré du fourreau. Son costume de grand prêtre est nouveau et pittoresque : il est revêtu de deux tuniques ; mais, de l'intérieure, qui est verte, on ne voit que les manches ; l'autre, violette, retombe sur ses pieds : une ceinture d'or attache autour de ses flancs et fait croiser sur le devant une draperie blanche bordée de pourpre. Son attitude et son geste indiquent un temps d'arrêt et de réflexion : peut-être a-t-il un pressentiment soudain du dénouement heureux de cette terrible tragédie. Car derrière lui, sur les nuages, parait Diane, qui, le diadème en tête et l'arc à la main, ordonne à une de ses nymphes de substituer à l'horrible offrande qui se prépare une biche que celle-ci tient par les cornes. |
A l'opposite de l'autel s'élève, sur une colonne tronquée, la statue de cette même déesse dont les Grecs veulent fléchir le courroux. Cette petite statue d'or tient deux flambeaux, qui sont les attributs de Diane Lucifère ou Phascélide (Serv., in Aen., II, 116) ; et à ses côtés on voit deux chiens. Près de là, enfin, se trouve le dernier ou le premier personnage de cette tragédie, le père ambitieux, le monarque parricide, trop roi pour reculer devant un crime utile, trop père pour envisager son crime de sang-froid : que de pensées, que de sentiments, que d'enseignements dans cet homme !
H. Roux, Herculanum et Pompéi,
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Désespérant de rendre tant de choses, le
peintre a enveloppé son Agamemnon dans un manteau de
pourpre qui lui couvre la moitié de la figure, et il a
caché le reste en lui faisant porter la main devant
ses yeux. C'est le même artifice dont avait usé
auparavant Timante le Samien : mais là s'arrête
la ressemblance entre l'artiste grec et le faiseur de
fresques de la maison
dite d'Homère à Pompéi. Ce n'est
pas que celui-ci paraisse dépourvu de talent : mais
cet ouvrage est le plus faible et le plus inégal de
tous ceux qu'on a trouvés dans le même endroit.
Le groupe principal pyramide assez bien ; la figure
d'Iphigénie est expressive, ses bras ont du mouvement
: mais quelles incorrections ! quelle froideur dans tout le
reste.
On se demande si, l'idée principale étant
évidemment empruntée à Timante, tout le
tableau ne serait pas une copie comme tant d'autres morceaux
déjà signalés, et si les défauts
de l'exécution ne viendraient pas de la froideur qui
se glisse toujours dans un travail d'imitation. Sur cela, des
critiques font observer qu'au contraire, si l'ensemble manque
d'harmonie, du moins le feu et l'inspiration,
caractères d'une oeuvre originale, brillent dans
certaines parties essentielles ; et qu'il ne faut, par
conséquent, attribuer les vices des autres parties
qu'à la rapidité forcée du faire de la
fresque. Ces deux opinions ne nous paraissent pas
inconciliables : le peintre à fresque ne copiait pas,
c'est-à-dire qu'il ne travaillait pas avec le
modèle sous les yeux ; mais il s'inspirait du souvenir
d'un chef-d'oeuvre, souvenir qui lui suggérait
l'ordonnance du tableau, et lui donnait, pour
l'exécution d'une de ses figures, un feu bientôt
étouffé sous la fatigue de l'exécution
matérielle. Là, comme il arrive très
souvent, l'art apparaissait d'abord ; mais le métier
tuait l'art.
Commentaire de M. L. Barré dans l'édition
d'Herculanum et Pompéi mentionnée
ci-dessus.
Commentaire de cette même
fresque dans les Pompeiana de William Gell
(s'ouvre dans une autre fenêtre).