Deux ministres des autels ont saisi la victime ; l'un la tient par les épaules, et l'autre par la ceinture : ils l'emportent à l'autel ; et elle, la victime, la fille d'Agamemnon, Iphigénie, vous l'avez reconnue, elle élève au ciel ses yeux, et ses bras, et ses cris. Car elle n'est pas résignée : la résignation n'est pas de cet âge-là. Calchas marche le premier vers l'autel, et tient en main le glaive déjà tiré du fourreau. Son costume de grand prêtre est nouveau et pittoresque : il est revêtu de deux tuniques ; mais, de l'intérieure, qui est verte, on ne voit que les manches ; l'autre, violette, retombe sur ses pieds : une ceinture d'or attache autour de ses flancs et fait croiser sur le devant une draperie blanche bordée de pourpre. Son attitude et son geste indiquent un temps d'arrêt et de réflexion : peut-être a-t-il un pressentiment soudain du dénouement heureux de cette terrible tragédie. Car derrière lui, sur les nuages, parait Diane, qui, le diadème en tête et l'arc à la main, ordonne à une de ses nymphes de substituer à l'horrible offrande qui se prépare une biche que celle-ci tient par les cornes.

A l'opposite de l'autel s'élève, sur une colonne tronquée, la statue de cette même déesse dont les Grecs veulent fléchir le courroux. Cette petite statue d'or tient deux flambeaux, qui sont les attributs de Diane Lucifère ou Phascélide (Serv., in Aen., II, 116) ; et à ses côtés on voit deux chiens. Près de là, enfin, se trouve le dernier ou le premier personnage de cette tragédie, le père ambitieux, le monarque parricide, trop roi pour reculer devant un crime utile, trop père pour envisager son crime de sang-froid : que de pensées, que de sentiments, que d'enseignements dans cet homme !

H. Roux, Herculanum et Pompéi,
tome III, planche 92, pp.3 sqq (éd. 1875)

Désespérant de rendre tant de choses, le peintre a enveloppé son Agamemnon dans un manteau de pourpre qui lui couvre la moitié de la figure, et il a caché le reste en lui faisant porter la main devant ses yeux. C'est le même artifice dont avait usé auparavant Timante le Samien : mais là s'arrête la ressemblance entre l'artiste grec et le faiseur de fresques de la maison dite d'Homère à Pompéi. Ce n'est pas que celui-ci paraisse dépourvu de talent : mais cet ouvrage est le plus faible et le plus inégal de tous ceux qu'on a trouvés dans le même endroit. Le groupe principal pyramide assez bien ; la figure d'Iphigénie est expressive, ses bras ont du mouvement : mais quelles incorrections ! quelle froideur dans tout le reste.

On se demande si, l'idée principale étant évidemment empruntée à Timante, tout le tableau ne serait pas une copie comme tant d'autres morceaux déjà signalés, et si les défauts de l'exécution ne viendraient pas de la froideur qui se glisse toujours dans un travail d'imitation. Sur cela, des critiques font observer qu'au contraire, si l'ensemble manque d'harmonie, du moins le feu et l'inspiration, caractères d'une oeuvre originale, brillent dans certaines parties essentielles ; et qu'il ne faut, par conséquent, attribuer les vices des autres parties qu'à la rapidité forcée du faire de la fresque. Ces deux opinions ne nous paraissent pas inconciliables : le peintre à fresque ne copiait pas, c'est-à-dire qu'il ne travaillait pas avec le modèle sous les yeux ; mais il s'inspirait du souvenir d'un chef-d'oeuvre, souvenir qui lui suggérait l'ordonnance du tableau, et lui donnait, pour l'exécution d'une de ses figures, un feu bientôt étouffé sous la fatigue de l'exécution matérielle. Là, comme il arrive très souvent, l'art apparaissait d'abord ; mais le métier tuait l'art.


Commentaire de M. L. Barré dans l'édition d'Herculanum et Pompéi mentionnée ci-dessus.
Commentaire de cette même fresque dans les Pompeiana de William Gell (s'ouvre dans une autre fenêtre).