Réalisée au cours des années 1440-1442, l’admirable tribune sculptée de l’église paroissiale Sainte-Eulalie de Millas (Pyrénées-Orientales) est une œuvre d’art injustement méconnue. Couvrant la première travée occidentale de la nef unique, ce monument liturgique originellement destiné à accueillir l’orgue constitue pourtant l’un des rares témoins encore visibles du savoir-faire des artistes et artisans roussillonnais de l’époque gothique en matière de décoration intérieure.

Vue d'ensemble de la tribune

La tribune repose sur un élégant arc diaphragme en calcaire blanc ajouré de deux oculi et agrémenté à la clé d’un cul-de-lampe sculpté. De bonne facture, celui-ci représente deux hommes nus, contorsionnés pour des raisons de perspective, soutenant le culot sur lequel devait autrefois trôner une statue.

Le cul-de-lampe

 

S’inspirant de la tribune de l’église des Carmes de Perpignan (malheureusement détruite en 1944), le ciseau de Pere Vidal, un maître fustier de Millas, a agrémenté les corniches de rosaces déclinant un vocabulaire de trilobes, quadrilobes, pentacles et autres motifs géométriques impeccablement élaborés. Mais, alternant avec les moulures, c’est surtout la qualité expressive des cinquante-quatre têtes sculptées sur les corbeaux qui retient l’attention.

Majoritairement composée de visages masculins et féminins, tantôt réalistes, tantôt grotesques, cette série expressive comprend également des créatures monstrueuses et chimériques (griffon) ainsi que quelques gueules d’animaux exotiques (singe et lion). Les références religieuses ne sont pas tout à fait absentes de cette galerie profane puisqu’on peut y admirer une remarquable représentation du prophète Moïse dont la tête est surmontée par de curieuses cornes de lumière. C’est d’ailleurs significativement sous cette figure biblique que l’on trouve l’unique inscription écrite de la tribune « Moyrs profet ».

Les têtes-corbeaux à l'extérieur de la tribune côté nef (de gauche à droite)

Les têtes-corbeaux sous la tribune côté nef (de gauche à droite)

Les têtes-corbeaux sous la tribune côté portail (de gauche à droite)

Le décor peint, œuvre du perpignanais Bartomeu Capdevila, se caractérise par sa polychromie combinant le rouge, le bleu et le blanc. Constitué de feuillages, de pampres, de fleurons et d’étoiles, celui-ci exhibe également sur la partie médiane des solives une remarquable série d’écus armoriés évoquant les prêtres, et sans doute aussi la fabrique, les confréries et les familles nobles ayant contribué à financer la construction de la tribune.

Vue d'ensemble du plafond et des poutres peintes

Les blasons (de gauche à droite)

    

© Rodrigue Tréton pour le texte
© Agnès Vinas pour les images
Tous droits réservés


Et pour prolonger sur la toile