Jean Rosembach (XVe-XVIe s.)
Prêtre, imprimeur. Il naquit à Heidelberg
(Allemagne) à une date qu'on ne peut
préciser, à cause de l'incendie qui
dévora les archives de cette ville en
1693. |
M. Claudin, l'auteur distingué des Origines de
l'Imprimerie en France, ouvrage monumental destiné
à l'Exposition Universelle de 1900, pense que Rosembach
pourrait bien être l'imprimeur du Bréviaire de
Narbonne, sorti en 1491 du cloître de Saint-Just. En
1493, dit encore M. Hurtebize, «Rosembach quitte Valence
où il vend son atelier et il se rend à Barcelone
où ses travaux jouissaient d'une telle réputation
qu'il fut, durant sept ans, l'imprimeur le plus en faveur
à cause du soin extrême qu'il donnait à ses
oeuvres». Rosembach imprima à Barcelone, en 1493,
d'ordre de Jean Margarit, évêque de Gérone,
un Missel qui fut réprouvé, mais
conservé comme monument de l'art. En 1494, il imprima
à Barcelone le Llibre dels Angels, en catalan, de
Mgr Ximenez, évêque d'Elne, ouvrage qui a
été imprimé : en latin, à
Genève, en 1478 ; en français, à
Genève, en 1478 ; en espagnol, à Burgos, en 1498,
1516, 1527, et en catalan à Barcelone, en 1495, avec le
nom de Pere Miquel. En 1495, il imprima le Llibre de les
dones, du même auteur, traduit aussi et publié
plusieurs fois. Ce livre a été également
copié à la main par le colonel Puiggari en 1881 et
par l'abbé Jalabert, de la Réal, en 1888. La
première copie surtout est une merveille par la finesse
des dessins qui ornent les initiales. Rosembach a encore fait
sortir de ses presses : Franciscus Niger, de modo
epistolandi, 18 sept. 1493 ; Constitutions de
Cathalunya, 30 mai 1494 ; Historia e conquestes dels
comtes de Barcelona y reis d'Arago, 4 juin 1495 ; P.
Aelii Donati in sex P. Torenti afri comisediis
interpretatio, 17 mars 1498 ; et quelques autres de peu
d'importance.
Ce fut à cette époque, c'est-à-dire vers
le milieu de l'année 1498, que Rosembach importa
l'imprimerie à Tarragone. Dans cette ville, il a
imprimé deux ouvrages importants : Liber hymnorum,
18 sept. 1498 ; Missale ecclesie Tarraconensis, 26 juin
1499. Après cette impression, Rosembach vint à
Perpignan. Un fait qui peut avoir une très grande
importance, c'est le décès ab intestat
à Perpignan, en 1499, d'un imprimeur nommé Jean
Valdes, qui avait imprimé à Gérone. Est-ce
un ouvrier de Rosembach ou avait-il entrepris pour son compte
une oeuvre que Rosembach dut continuer ? Nous savons seulement
que celui-ci imprima, en 1500, le Bréviaire d'Elne
dont un bel exemplaire sur velin, le seul qui existe, est
conservé à la bibliothèque
Sainte-Geneviève à Paris. C'est un don fait par
Mgr Le Tellier, archevêque de Reims. En voici le titre
avec ses abréviations : Breviarium Elnense. Incipit
breviarium secudu // usum Elne. Ad honorem san//ctissime
trinitatis. Et Beatis//sime virginis Marie, sanctis//simarumq.
virginu ac mrm // Eulalie et Julie. Ce bréviaire est
imprimé sur deux colonnes de 35 lignes chacune, format
in-8°, caractères gothiques, sans réclames,
avec signatures. Il contient 472 feuillets chiffrés plus
28 feuillets non chiffrés, destinés aux offices
particuliers. Au recto, 2e colonne du 218e feuillet de la
troisième partie, on lit cette inscription en rouge : Ad
honore e gloria sanctis//me (sic) individue trinitatis...
Breviari//um ad usum elnesu ecclesie // optime ordinatu ad
diligetu cu//ra castigatu :... impressa sunt felici//ter ppniani
per Joanem Ro//sembach Germanu de Handelberg anno incarnationis
do//minice millesimo // MCCCCC. A la fin la marque de
l'imprimeur petit format (il en avait plusieurs). La
première et la dernière page de ce précieux
incunable ont été reproduites dans le bel ouvrage
de M. O. Thierry-Poux, Premiers Monuments de l'imprimerie en
France au XVe siècle.
Rosembach imprima d'autres livres à Perpignan à
cette époque. M. P. Deschamps, dans son Dictionnaire
de géographie ancienne et moderne à l'usage du
libraire et de l'amateur de livres (Paris, Didot, 1870),
colonne 1013, cite d'après Gallardo, un Vocabularius
catalan y aleman, in-8° à deux colonnes, qui
aurait été imprimé en 1502 avec les
caractères du Breviarium Elnense. Avec la date de
1503, il existe un volume imprimé à Perpignan par
Rosembach, appartenant à la bibliothèque
particulière de M. Claudia, 16 rue Dauphine à
Paris, qui a bien voulu nous endonner le titre : «La
cirurgia del reverend e meritissim doctor en arts e en medicina
lo reverend Mestre Pere de Argilata loqual estat traduit de lati
en lengua vulgar cathalana per lo venerabile en Narcissola
batxeler en arts e en medecina cirurgia cuilada de Barchelone,
corrigit emendat per los reverendissims e meritissims doctors en
arts e en medecina Mestre Francesch Servent y Mestre Alfonso de
Torrelleo e Mestre Gelabert cirurgia tots de la vila de
Perpinya». On lit à la fin : «Estampat ab
gran diligencia en la noble vila de Perpinya per Mestre Johan
Rosembach alamany a XV del mes de gener any M. D. III.»
Au-dessous, la marque de Rosembach. C'est un labeur important
qui ne comprend pas moins de CCC.VIII feuillets chiffrés
plus 6 feuillets non chiffrés de table ; le
tout-imprimé en lettres gothiques, à deux
colonnes. M. Puiggari conservait dans ses dossiers une page
manuscrite, copiée de cet ouvrage. M. P. Deschamps cite
encore un autre ouvrage imprimé à Perpignan :
Tomas de Perpinya, del estilo de escribir a cualquier
persona (en catalan), junii 1510, in-4° ; mais cette
date ou le lieu d'impression soulèvent quelques doutes,
car Rosembach imprimait en 1509, à Barcelone, un
Missel de Tarragone, et en 1510, le 20 avril, la
Recollecta de tots los privilegis, provisions, pragmatiques e
ordinacions de la fidelissima vila de Perpinya, qu'on
appelle communément la Rigaudina, du nom de son auteur
Rigaud. Cet ouvrage comprend en tout 99 feuillets
chiffrés en 198 pages, est imprimé sur une seule
colonne, en lettres gothiques, avec initiales et notes
marginales. Au milieu du livre se trouve un titre imprimé
en rouge : Taula dels estils de la Cort del veguer de
Rossello e de Vallespir. à la première page,
au-dessous du titre, sont les armes de la ville dont le dessin
est le plus ancien connu. C'est certainement une planche
xylographique exécutée par Rosembach
lui-même. A la fin on lit : «A lahor e gloria de
Nostre Senyor Deu Jesu Christ fonch acabada la present obra
appellada Recollecta de tots los privilegis provisions
pragmatiques e ordinacions de la fidelissima vila de Perpgnya
estampada en la insigne ciutat de Barcelone per Mestre Johan
Rosembach alemany a XXIIII del mes de abril Mil DX».
En 1511, Rosembach imprima à Barcelone le Missel
d'Elne, dont un exemplaire se trouve actuellement aux
archives des Pyrénées-Orientales. En 15l6, il
imprima aussi à Barcelone un livre dont il ne subsiste
probablement que l'exemplaire trouvé dans la
bibliothèque du colonel Puiggari : MATUTINE BEATE MA//RIE
VIRGINIS SECUN//DUM ELNENSIS // DIOCESIS. C'est un livre de
petite dimension comme les paroissiens modernes ; il mesure : le
papier 97 x 70 millimètres, et le texte 73 x 45
millimètres ; il y a de nombreuses gravures, les unes
occupant toute la page et d'autres, plus petites, remplissant
environ la moitié de la hauteur et la moitié de la
largeur du texte. Elles sont assez grossièrement faites.
A la fin on lit, imprimé en rouge, le nom et la ville en
noir : «Officiuz beatissime Virginis Marie ad usum
elnensis diocesis missa eiusde : officium mortuor : septem
psalmi penitentiales : officiu sancte crucis et sancti spirit :
plures orationes devotissima : tam post kalendarium, q. in fine
finiunt feliciter. Impressum Barcinone per Magistrum Joannem
Rosembach, alemanus, anno salutis M. D. XV1. Die XXII mensis
februarii.» (Sans marque).
En 1518, Rosembach vint diriger l'imprimerie que les religieux
de Montserrat avaient établie pour leurs besoins dans le
couvent. Parmi les nombreux travaux sortis de ses mains, on cite
la gravure d'une belle image de la Vierge, ce qui prouverait que
Rosembach s'occupait aussi de gravure sur bois. Il quitta le
monastère vers 1522 et retourna à Barcelone. En
1530 il imprima de nouveau le missel de Tarragone ; c'est
probablement sa dernière oeuvre.