TIBIA (αὐλός)
C'est le nom que l'on donnait à plusieurs instruments
à vent très usités chez les anciens et
faits de roseau, de buis, de corne, de métal, du tibia
(os de la jambe) de quelques animaux ou oiseaux, d'où
l'origine même du nom. Tous ces instruments, toutefois,
appartenaient à une même classe,
caractérisée par la présence de trous
qu'ouvraient ou que fermaient à volonté les
doigts, et par celle d'une embouchure que l'on introduisait
entre les lèvres et par laquelle on soufflait dans
l'instrument.
-
(μόναυλος). Une des formes les plus anciennes et les
plus simplesde la tibia était un petit cylindre
en buis, assez semblable au flageolet moderne, et tout
à fait semblable à l'instrument dont se servent
encore maintenant les bergers ou pifferari des
montagnes près de Rome. On voit cette tibia
dans le specimen ci-joint, pris d'une statue
représentant un faune. Ce genre de tibia
était connu particulièrement sous le nomde
monaulos, emprunté au grec (Mart. XIV, 64).
-
Tibia gingina (γίγγρας). Sorte de petite
flûte très simple, faite de roseau d'un fort et
petit diamètre, produisant un son aigu et plaintif,
comme notre fifre ; elle était d'un grand usage en
Phénicie et en Egypte (Solin. 5 ; Festus, s.v.
; Athen. IV, 76). On en a trouvé dans les tombeaux
égyptiens plusieurs specimens, variant de longueur
entre 0m 228 et 0m 457 ; la gravure en représente un
de 0m 228 de long, tiré de la collection de Salt au
Musée Britannique.
|
-
Tibia obliqua (πλαγίαυλος). Instrument
assez semblable à notre basson, avec une
embouchure placée sur le côté du
tube, et que l'on tenait, quand on en jouait, dans
une position oblique, de manière que le
sommet en vînt près de l'oreille droite
(per obliquum calamum ad aurem porrectum
dextram, Apul. Met. XI, p.245), ainsi
qu'on le voit dans la figure ci-jointe,
d'après un bas-relief conservé au
Vatican et qui représente un certain nombre
de génies célébrant les
fêtes de Bacchus. On prétend que ce fut
Midas qui l'inventa (Plin. HN. VII, 57), et
on en attribuait l'usage aux satyres et aux
compagnons de Bacchus (Serv. ad Virg.
Aen. XI, 737).
|
|
|
-
Tibia vasca. C'était, à ce que
l'on suppose, un instrument du même genre que
celui que nous venons de décrire, mais plus
simple et moins puissant, sur lequel
s'exerçaient les commençants, la forme
de l'embouchure facilitant la production et la
modulation des sons, et de là lui viendrait
ce nom de vasca, mot à mot
légère ou inférieure (Solin. 5
; Saumaise ad Vopisc. Carin. 19 ;
Gloss. Philoxen.) Si ces conjectures sont
fondées, on en aurait un specimen dans la
figure ci-contre, qui représente une
statue-terme de Pan conservée au Musée
Britannique. L'embouchure est disposée comme
dans la figure précédente, mais le
cylindre est plus mince, et n'est formé que
d'une simple tige de roseau. Le bras droit et le bas
de l'instrument sont des restaurations modernes.
|
-
Tibia longa. La longue flûte que l'on employait
dans les temples, pendant les sacrifices pour faire entendre
une musique éclatante et solennelle au moment de la
libation (Marius Victorin. I, 2478). La figure est
empruntée à un bas-relief publié par
Casali (Splend. Urb. Rom. III, 1), et
représentant un sacrifice ; on y voit quatre
personnages soufflant dans ce même instrument, presque
aussi long que le corps des musiciens mêmes qui le
manient.
-
Tibia curva (ἔλυμος). La flûte phrygienne
(Athen. IV,79) ; elle servait surtout dans les
cérémonies du culte de Cybèle (Pollux,
IV, 74). Le tube en était fait en buis, et à
l'extrémitié opposée à
l'embouchure, se terminait par un bout recourbé
(Pollux, l.c.) en forme de corne, comme on le voit
dans le specimen ci-joint, emprunté à un
bas-relief romain ; c'est ce qui la fait appeler curva
(Virg. Aen. XI, 737 ; Tibull. II, 1 86), ou tibia
adunco cornu (Ov. Met. III, 533).
Elle avait souvent aussi deux branches qui se séparaient
à la moitié environ de la longueur totale de
l'instrument, comme on le voit dans la figure ci-après,
empruntée aussi à un bas-relief ; par suite, les
sons que cette flûte fait entendre sont alors
caractérisés par l'épithète
biforis (Virg. Aen. XI, 618, biforem dat tibia
cantum ; Stat. Theb. IV, 668, biforem
tumultum).
-
Tibiae pares (ζεύγη). Paire de
flûtes, de même longueur et de même
diamètre, toutes deux dans le même ton,
c'est-à-dire toutes deux basses ou toutes deux hautes
; un même musicien soufflait en même temps dans
toutes les deux ; mais chaque flûte était
à elle seule un instrument séparé et
complet, et ce n'était pas, comme dans le
modèle précédent, deux branches partant
d'un même tronc.
Le speciment que nous donnons est emprunté à un
bas-relief en marbre de la villa Mattei, où les deux
flûtes sont tenues par une Muse. L'Hécyre de
Térence était accompagnée de flûtes
de ce genre, comme nous l'apprend la notice mise en tête
de la pièce : modos fecit Flaccus Claudi, tibiis
paribus.
-
Tibiae impares. Paire de flûtes dans lesquelles
soufflait en même temps un seul musicien, mais qui
avaient chacune un diapason et des sons différents,
l'une était basse et l'autre haute ; différence
qui résultait, à ce que l'on croit, de
l'inégalité de longueur des deux flûtes
et de l'inégalité des intervalles entre les
trous, comme semblent l'indiquer les figures de la gravure,
empruntées aussi à un bas-relief. Le
Phormion de Térence était accompagné
par des flûtes de ce genre, come le dit la notice mise
en tête de la pièce : modos fecit Flaccus
Claudi, tibiis imparibus.
|
|
-
Tibia dextra (αὐλὸς ἀνδρήιος). Dans
une paire de tibiae impares, celle qu'en
jouant on tenait de la main droite (Festus,
s.v.), comme le montre la figure ci-jointe,
d'après une peinture d'Herculanum. Elle
était faite de la artie supérieure de
la tige du roseau (Theophrast. HP. IV, 12 ;
Plin. HN. XVI, 66) et produisait les notes
graves ou basses (gravi bombo, Apul.
Flor. I, 3, 2), ce qui la fait appeler par
Hérodote la flûte mâle (I, 17).
L'Eunuque de Térence était
accompagné par une paire de flûtes
basses : tibiis duabus dextris ;
l'Andrienne, par deux paires de flûtes,
une de basses, une de hautes : tibiis paribus
dextris et sinistris.
|
-
Tibia sinistra ou laeva (αὐλὸς γυναικήιος). Dans une paire de flûtes, celle que
l'on tenait de la main gauche, comme le montre la
dernière figure. Elle était faite de la partie
inférieure de la tige du roseau (Theophrast.
HP. IV, 12 ; Plin. HN. XVI, 66) ; elle produisait
les notes hautes ou aiguës (acuto tinnitu, Apul.
Flor. I, 3, 2) ; ce qui la fait appeler la flûte
féminine par Hérodote (I, 17).
-
Tibia incentiva. La flûte qui conduit, ou
flûte basse ; synonyme de tibia dextra (Varro,
R.R. I, 2, 15), parce que c'était la
flûte de droite qui commençait.
-
Tibia succentiva. La seconde flûte ou
flûte haute ; synonyme de tibia sinistra (Varro,
R.R. I, 2, 15), parce que le chant, que
commençait la basse, était aussitôt
repris et continué par la flûte haute ou de la
main gauche.
-
Tibiae Sarranae. Paire de flûtes de longueur et
de diamètre égal, comme les tibiae
pares, de manière que toutes les deux
étaient à la même hauteur et dans le
même ton (Serv. ad Virg. Aen. IX, 618).
Les Adelphes de Térence étaient
accompagnés de cet instrument, dont on suppose que le
nom vient de Sarra, l'ancien nom de Tyr ; mais sur cette
origine, ainsi que sur les caractères particuliers de
cet instrument, on ne sait rien de réellement
authentique.
-
Tibiae milvinae. Flûtes qui avaient un son
particulièrement aigu et perçant (Solin. 5 ;
Festus, s.v.) ; on n'en sait pas plus long sur leur
forme et leurs caractères distinctifs.
Illustration complémentaire
|
|
Joueur de flûte (tibicen)
dans une procession solennelle
Détail d'un bas-relief en marbre
Casa de Pilatos, Séville (Espagne), 2002
© Agnès Vinas
|