[Athènes - L'Acropole]
Tardieu, 1821
XXII. [4] Il n'y a qu'un seul chemin pour entrer dans la
citadelle ; car de tout autre côté elle est
fermée ou par des rochers fort escarpés ou par un
bon mur. Les vestibules qui y conduisent sont couverts d'un
marbre blanc, qui soit pour la grandeur des pierres, soit pour
les ornements, passe tout ce que j'ai vu ailleurs de plus beau.
Je n'ai pu savoir qui l'on a voulu représenter par les
statues équestres que l'on a placées sur ces
vestibules, si ce sont les fils de Xénophon, ou si elles
ont été mises là seulement pour la
décoration. A droite est une chapelle de la Victoire,
mais dont la statue n'est point ailée ; cette chapelle
donne d'un côté sur la mer, et c'est de là,
dit-on, qu'Egée se précipita.
[5] Le vaisseau qui portait en Crète le tribut des
Athéniens était parti avec des voiles noires, et
Thésée qui plein de courage allait combattre le
Minotaure, avait promis à son père que s'il
était victorieux, il reviendrait avec des voiles blanches
; mais la joie d'avoir enlevé Ariadne lui fit oublier
d'annoncer sa victoire par ce signal ; de sorte qu'Egée
voyant des voiles noires crut que son fils avait péri, et
de désespoir il se jeta dans la mer ; les
Athéniens élevèrent ensuite un tombeau
à ce héros.
[6] A gauche c'est une
salle où il y a des peintures ; on ne connaît rien
à plusieurs parce que le temps les a effacées ;
cependant on distingue encore Diomède qui emporte de
Lemnos les flèches de Philoctète, et Ulysse qui
enlève le Palladium de la citadelle de Troie. Dans un
autre tableau vous voyez Oreste et Pylade ; le premier poignarde
Egisthe, et le second tue les enfants de Nauplius qui
étaient venus au secours d'Egisthe. Dans un autre c'est
Polyxène que l'on immole sur le tombeau d'Achille, action
barbare qu'Homère a jugé plus à propos de
passer sous silence, de la même manière
qu'après avoir dit qu'Achille détruisit Scyros, il
s'est bien gardé de dire que ce guerrier avait
passé quelque temps dans cette île avec des filles,
circonstance que les autres poètes n'ont pas
oubliée. C'est Polygnote qui a fait les tableaux dont je
parle, aussi bien que celui où Ulysse est
représenté dans le moment qu'il est aperçu
par Nausicaé, et par ses femmes qui étaient venues
laver à la rivière avec cette princesse, comme
Homère le raconte.
[7] Il y a encore d'autres peintures dont les principaux sujets
sont, Alcibiade avec les marques de la victoire qu'il remporta
à Némée dans une course de chevaux, et
Persée qui apporte la tête de Méduse
à Polydecte roi de Sériphe : je laisse l'histoire
de Méduse comme étrangère à mon
sujet. Entre ces derniers tableaux, outre un enfant qui porte
des cruches d'eau et un Athlète peint par
Timenète, j'ai remarqué un portrait de
Musée qui me rappelle de vieilles poésies,
où j'ai lu que Borée lui avait accordé le
don de voler : ces poésies sont, comme je crois,
d'Onomacrite ; car nous n'avons rien qui soit bien certainement
de Musée, si ce n'est un hymne en l'honneur de
Cérès, qu'il fit pour les Lycomides.
[8] En entrant dans la citadelle, on trouve un Mercure et les
trois Grâces, que l'on attribue à Socrate fils de
Sophronisque, ce philosophe que l'oracle de Delphes
déclara le plus sage de tous les hommes. Le Scythe
Anacharsis était venu autrefois à Delphes pour en
remporter le même témoignage ; mais la Pythie ne
lui fit pas cet honneur.
XXIII. [1] Les Grecs tirent vanité de bien des choses,
mais surtout de leurs sept sages, au nombre desquels ils mettent
le tyran de Lesbos et Périandre fils de Cypsélus.
Mais il faut avouer que Pisistrate et son fils Hippias furent
beaucoup plus humains, même plus entendus dans le
gouvernement militaire et civil, en un mot plus louables,
particulièrement avant qu'Hippias eût l'esprit
aigri par le meurtre d'Hipparque son frère, et qu'il se
fût porté à punir si cruellement tous ceux
qui en étaient complices, surtout la courtisanne
Lééna.
[2] Car je dirai ici une chose qui passe pour constante parmi
les Athéniens, quoiqu'elle ne soit écrite nulle
part ; c'est qu'après la mort d'Hipparque, Hippias sous
prétexte que Lééna avait été
amie d'Aristogiton, et que selon toutes les apparences elle
savait son secret, fit souffrir à cette femme toute sorte
de cruautés, jusqu'à ce qu'elle expirât dans
les tourments ; c'est pourquoi lorsque les Athéniens se
virent enfin délivrés de la tyrannie des enfants
de Pisistrate, ils érigèrent à cette
courtisane une statue sous la figure d'une lionne, et Callias
fit mettre auprès une Vénus que l'on croit
être de Calamis.
[3] On voit aussi dans la citadelle Diitréphès en
bronze tout percé de flèches. Pour ne rien dire de
plusieurs autres belles actions qu'il a faites, ce fut lui qui
ramena ces Thraces qu'Athènes avait soudoyés, et
qui ne purent s'embarquer avec Démosthène, parce
qu'il était déjà parti pour Syracuse quand
ils arrivèrent. Mais Diitréphès
étant entré dans le golfe de Chalcis, y
débarqua ses troupes, puis alla faire le siège de
Mycalèse qui est bien avant dans les terres de
Béotie, et l'ayant prise il fit passer tous les habitants
au fil de l'épée sans distinction d'âge ni
de sexe. Ce qui prouve que tout fut massacré, c'est que
les villes de Béotie que les Thébains
ravagèrent alors, furent repeuplées par ceux
mêmes qui avaient échappé à cette
désolation, et qu'elles subsistent encore aujourd'hui ;
il en serait de même de Mycalèse, si elle n'avait
pas été entièrement détruite.
[4] Pour revenir à la statue de
Diitréphès, je fus surpris de la voir
percée de flèches ; car il est certain qu'en ce
temps-là les Crétois étaient les seuls
Grecs qui se servissent de flèches. Nous savons que les
Locriens d'Opunce, qui, au rapport d'Homère,
étaient venus à Troie avec l'arc et la fronde,
avaient une sorte d'arme très pesante dans le temps de la
guerre des Perses, et les Malliens eux-mêmes n'ont pas
conservé l'usage des flèches, qu'ils ignoraient,
je crois, avant Philoctète. Auprès de cette statue
est celle d'Hygie que l'on dit fille d'Esculape, et une autre de
Minerve surnommée Hygeia.
[5] Je ne parle point de plusieurs autres moins
célèbres, niais je remarquai en ce lieu un petit
banc de pierre où, si l'on en croit les Athéniens,
Silène se reposa, lorsque Bacchus vint pour la
première fois dans l'Attique, et ils donnent le nom de
Silènes aux Satyres qui sont les plus avancés en
âge. Comme je leur faisais beaucoup de questions sur ces
Satyres, pour tâcher d'apprendre quelque chose de plus que
ce qui s'en dit communément, un Carien nommé
Euphémus me conta ce qui suit : que s'étant
embarqué pour aller en Italie, il avait été
jeté par la tempête vers les
extrémités de l'Océan.
[6] «Là il y a, me disait-il, des îles
incultes qui ne sont habitées que par des sauvages ; nos
matelots n'y voulaient pas aborder, parce qu'elles leur
étaient déjà connues ; mais, poussés
par les vents, ils furent obligés de prendre terre
à celle qui était la plus proche. Ils appellaient
ces îles les Satyrides ; les habitants sont roux et ont
par derrière une queue presque aussi grande que celle des
chevaux. Dès que ces sauvages nous sentirent dans leur
île, ils accoururent au vaisseau, et y étant
entrés, sans proférer une seule parole ils se
jetèrent sur les premières femmes qu'ils
rencontrèrent ; nos matelots, pour sauver l'honneur de
ces femmes, leur abandonnèrent une barbare qui
était dans l'équipage, et aussitôt ces
Satyres en assouvirent leur brutalité, non seulement en
la manière dont les hommes usent des femmes, mais par
toute sorte de lascivetés». Voilà ce qui me
fut conté par ce Carien.
[7] Il y a bien d'autres antiques dans la citadelle
d'Athènes ; je me souviens particulièrement du
petit Lycitis qui était fils de Myron ; il est en bronze,
portant un vase sacré ; c'est Myron lui-même qui
l'a fait, de même que la statue de Persée dans
l'attitude où vraisemblablement il était quand il
tua Méduse. Mais il ne faut pas oublier une chapelle de
Diane Brauronia, dont la statue est de Praxitèle : cette
déesse est ainsi appellée du nom d'une bourgade de
l'Attique, où l'on montre une statue fort ancienne que
l'on dit être de la Diane Taurique.
[8] Je n'oublierai pas non plus un cheval de bronze, fait
à la ressemblance de ce fameux cheval de bois, qui
était certainement une machine de guerre inventée
par Epéüs, et propre à renverser des murs, ou
bien il faut croire que les Troyens étaient des stupides,
des insensés qui n'avaient pas ombre de raison. Mais
comme c'est une opinion reçue, que les plus vaillants de
l'armée des Grecs se cachèrent dans le ventre de
ce cheval, la forme du cheval de bronze dont je parle cadre avec
tout ce que l'on dit du cheval de Troie ; car on voit
Ménesthée, Teucer, et les fils de
Thésée qui, penchés, épient le
moment de descendre.
[9] Derrière ce cheval il y a plusieurs statues ; j'en
remarquai une faite par Critias, d'un homme qui du temps que
Charinus était archonte, disputa le prix de la course
tout armé. Cinobius a aussi sa statue pour
récompense d'une très belle action ; ce fut lui
qui par un décret dont la régularité fut
justifiée, ordonna que Thucydide fils d'Olorus serait
rappelé d'exil ; mais à quelque temps de
là, Thucydide fut tué par une insigne trahison :
il a son tombeau près de la porte Mélitide. Le
pancratiaste Hermolycus et Phormion fils d'Asopicus sont aussi
là en bronze.
[10] Il est inutile de répéter ce que les autres
en ont dit ; j'observerai seulement que Phormion qui ne le
cédait à aucun autre Athénien en vertu, et
dont la naissance était illustre, se trouvant
accablé de dettes, prit le parti de se retirer dans le
bourg de Péanie ; ce qui n'empêcha pas les
Athéniens de lui donner le commandement de leur
armée navale : mais Phormion le refusa, disant que tant
que ses dettes ne seraient pas payées, il n'aurait nulle
autorité sur le soldat : les Athéniens qui
voulaient absolument l'avoir pour général,
payèrent ses dettes, et Phormion prit le commandement de
la flotte.
XXIV. [1] Vous verrez encore là une Minerve qui
châtie le Silène Marsias, pour avoir emporté
une flûte qu'elle avait jetée, et qu'elle ne
voulait pas qu'on ramassât. A tous ces monuments
j'ajouterai un tableau qui représente le combat de
Thésée contre le Minotaure, soit que ce fût
un homme ou un monstre, comme on aimera mieux le croire ; et
à dire le vrai, nous avons vu des femmes enfanter des
monstres encore plus extraordinaires.
[2] Dans un autre tableau on voit Phryxus fils d'Athamas,
immolant le bélier qui l'avait porté à
Colchos ; on ne sait pas bien à qui il l'immole, mais on
peut conjecturer que c'est à ce dieu que les
Orchoméniens appellent Laphystius. Phryxus qui, suivant
l'usage des Grecs dans les sacrifices, vient de couper le ventre
de la victime, en regarde une partie rôtir sur les
charbons. Je me souviens encore d'un Hercule qui étouffe
de gros serpents dans ses mains, comme le dit la fable ; d'une
Minerve qui sort de la tête de Jupiter, et enfin d'un
taureau qui fut consacré en ce lieu-là par le
sénat de l'Aréopage.
[3] La raison de cette consécration est une ample
matière de conjectures ; pour moi, je me contente d'avoir
déjà dit que les Athéniens sont les plus
religieux de tous les peuples ; ils sont en effet les premiers
qui aient honoré Minerve sous le nom d'Ergané, et
Mercure sous la forme de ces bustes qui n'ont que la tête
et le tronc ; les premiers aussi qui se soient avisés de
consacrer dans leurs temples une statue au bon Génie. Que
si vous préférez les beautés de l'art
à la simple antiquité, voici ce que vous pourrez
voir ; un guerrier inconnu qui a la tête dans un casque,
ses ongles sont d'argent, c'est un ouvrage de Cloétas ;
une statue de la Terre suppliante qui demande de la pluie
à Jupiter, soit que les Athéniens aient autrefois
manqué d'eau, ou que toute la Grèce ait
été affligée d'une sécheresse
générale ; une statue de Timothée fils de
Conon, et une de Conon même, une autre de Progné
qui médite d'égorger son fils, et celle d'Itys.
Vous verrez encore une Minerve avec l'olivier qu'elle donne aux
Athéniens, un Neptune qui fait sortir de la terre une
source d'eau en leur faveur, et une statue de Jupiter
Poliéus de la façon de
Léocharès.
[4] Je vais dire comment les Athéniens sacrifient
à Jupiter Poliéus, mais sans rendre raison de leur
culte. Ils mettent sur son autel de l'orge mêlée
avec du froment et ne laissent personne auprès, le boeuf
qui doit servir de victime mange un peu de ce grain en
s'approchant de l'autel ; le prêtre destiné
à l'immoler l'assomme d'un coup de hache, puis s'enfuit,
et les assistants comme s'ils n'avaient pas vu cette action
appellent la hache en jugement : voilà comment se passe
la cérémonie.
Tardieu, 1821
[5] Il nous faut maintenant considérer le
Parthénon. Sur le fronton de la façade vous voyez
tout ce qui a rapport à la naissance de Minerve ; sur le
fronton de derrière l'ouvrier a représenté
le différend qui survint entre Neptune et Minerve au
sujet de l'Attique. La statue de la déesse est d'or et
d'ivoire ; du milieu de son casque s'élève un
Sphinx ; je parlerai des Sphinx quand j'en serai à la
description de la Béotie. Les deux côtés du
casque sont soutenus par des griffons.
[6] Aristée de Proconnèse parle des griffons dans
ses poésies ; il dit qu'ils sont continuellement en
guerre avec les Arimaspes pour de l'or que produit le pays, et
qui est soigneusement gardé par ces griffons ; que les
Arimaspes n'ont qu'un oeil, et qu'ils habitent au-dessus des
Issédons ; que pour les griffons, ce sont des animaux
assez semblables au lion, avec cette différence qu'ils
ont le bec et le plumage d'un aigle : voilà ce qu'il en
dit.
[7] Je reviens à la statue de Minerve ; elle est toute
droite avec une tunique qui lui descend jusqu'au bout des pieds
; sur son estomac il y a une tête de Méduse en
ivoire, et auprès de la déesse une Victoire haute
d'environ quatre coudées ; Minerve tient une pique dans
sa main, son bouclier est à ses pieds, près de sa
pique en bas est un serpent, symbole d'Ericthonius. Sur le
piédestal il y a un bas-relief qui représente
Pandore et ce que l'on dit de sa naissance, car selon
Hésiode et les autres poètes Pandore a
été la première femme, et avant elle
l'espèce n'en était pas au monde. Dans ce temple
je n'ai vu qu'une seule statue d'homme, c'est celle de
l'empereur Hadrien ; mais à l'entrée j'ai vu celle
d'Iphicrate, ce général Athénien qui est
connu par tant de belles actions.
Tardieu, 1821
[8] Hors du temple j'ai remarqué un Apollon en bronze
qui passe pour être de Phidias ; cet Apollon est
surnommé Parnopius, parce que le pays étant
infesté de sauterelles ce dieu promit de l'en
délivrer, et l'on dit que réellement il l'en
délivra. Pour moi, je sais que sur le mont Sipyle les
sauterelles ont été exterminées
jusqu'à trois fois, mais différemment ; la
première fois ce fut un grand vent qui les en chassa ; la
seconde, une chaleur excessive ayant succédé
à des pluies continuelles les fit mourir ; et la
troisième elles périrent par un froid violent qui
vint tout à coup : c'est ce que j'ai vu arriver de mon
temps.
XXV. [1] On voit encore dans la citadelle d'Athènes une
statue de Périclès fils de Xantippe, et une de
Xantippe même qui dans un combat naval défit les
Perses auprès de Mycalé. La statue de
Périclès est isolée, mais à
côté de Xantippe est Anacréon de
Téos, qui le premier après Sapho la Lesbienne fit
des poésies galantes ; il est représenté
comme un homme qui a un peu de vin dans la tête et qui
chante. Ensuite c'est Ino fille d'Inachus, et Callisto fille de
Lycaon ; leurs statues sont un ouvrage de Dinomène, et
leurs aventures ont été toutes pareilles ; car
aimées l'une et l'autre de Jupiter et odieuses
également à Junon, elles furent changées,
l'une en vache et l'autre en ourse.
[2] Le mur de la citadelle du côté du midi est
orné de diverses peintures dont voici le sujet ; la
guerre des Dieux contre les Géants qui habitaient la
Thrace et l'isthme de Pallène, le combat des
Athéniens contre les Amazones, leur victoire sur les
Perses à la journée de Marathon et la
défaite des Gaulois en Mysie ; chaque tableau est
d'environ deux coudées, c'est Attalus qui les a mis et
consacrés dans le lieu où ils sont. Olympiodore a
aussi là sa statue et l'a certainement bien
méritée, non seulement par ses grandes actions,
mais pour avoir relevé le courage des Athéniens,
dans un temps où rebutés par des disgrâces
continuelles ils ne pouvaient ni remédier au
présent, ni bien espérer de l'avenir.
[3] Car le malheur qui leur arriva à
Chéronée fut fatal à tous les Grecs. Ceux
qui par politique n'avaient pas voulu prendre part à la
cause commune, et ceux qui trahissant leur patrie
s'étaient rangés du côté des
Macédoniens, tous furent asservis. Philippe s'empara de
plusieurs villes, et pendant qu'il endormait les
Athéniens par des propositions de paix, il les
affaiblissait de plus en plus, les dépouillait de toutes
les îles qu'ils possédaient, et leur faisait
insensiblement perdre l'empire de la mer ; de sorte que durant
tout son règne et celui de son fils, les Athéniens
n'osèrent faire aucune entreprise. Mais après la
mort d'Alexandre, voyant que la Macédoine avait
déféré la couronne à Aridée
et le gouvernement à Antipater, ils ne jugèrent
pas à propos de souffrir que la Grèce
demeurât plus longtemps dans l'oppression ; ils
armèrent donc les premiers et engagèrent les
autres à suivre leur exemple.
[4] Les villes qui firent alliance avec les Athéniens
furent premièrement dans le Péloponnèse,
Argos, Epidaure, Sicyone, Trézène, Elée,
Phliasie et Messène ; en second lieu hors de l'isthme de
Corinthe les Locriens, les Phocéens, les Thessaliens, les
Carystiens, et les Acarnaniens qui font partie des Etoliens.
Pour les Béotiens, comme ils avaient rasé
Thèbes et qu'ils en possédaient tout le
territoire, dans la crainte que les Athéniens ne
rétablissent cette ville pour s'en servir ensuite contre
eux, non seulement ils ne se liguèrent point avec
Athènes, mais ils se déclarèrent pour les
Macédoniens et les assistèrent de toutes leurs
forces.
[5] Après que chacune des villes
confédérées eut fourni ses troupes et
nommé un commandant particulier, toutes ensemble
s'accordèrent à donner le commandement
général à Léosthène
Athénien, tant pour la prééminence de la
ville d'où il était, que pour son mérite
personnel et sa grande expérience au métier de la
guerre, outre que toute la Grèce lui avoir une obligation
singulière ; car Alexandre ayant condamné les
Grecs qui avaient servi sous Darius et sous ses satrapes
à rester en Perse, Léosthène les fit
embarquer à son insu et les ramena en Europe. Revenu en
sa patrie, il lui rendit des services signalés et passa
de beaucoup les espérances que l'on avait conçues
de sa valeur ; mais ces espérances s'évanouirent
bientôt par sa mort qui fut pleurée
généralement de tous ses citoyens, et qui dans la
suite leur causa bien des malheurs. En effet peu de temps
après la garnison macédonienne qui était
dans Athènes s'empara d'abord de Munychie, ensuite du
Pirée et de ce que l'on appelle les longues
murailles.
[6] Antipater étant mort sur ces entrefaites, Olympias
partit de l'Epire pour venir ôter le royaume et la vie
à Aridée ; mais elle ne jouit pas longtemps du
fruit de son crime ; Cassander l'assiégea dans sa
capitale, et s'en étant rendu maître, il la livra
à la populace ; puis s'emparant lui-même du royaume
(je laisse tout ce qui est étranger à mon sujet),
il vint prendre en Attique le fort Panacte, ensuite Salamine, et
obligea les Athéniens de reconnaître pour roi
Démétrius fils de Phénostrate et l'un des
plus sages hommes de son tems. Un autre Démétrius
fils d'Antigonus, prince qui dans une grande jeunesse
n'était sensible qu'à la gloire de se faire aimer
des Grecs, chassa bientôt le nouveau tyran.
[7] Mais Cassander, qui haïssait les Athéniens,
gagna Lacharis, et lui persuada de se faire roi
d'Athènes. Ce Lacharis avait toujours tenu le premier
rang parmi le peuple ; du reste c'était le plus cruel de
tous les hommes, et qui n'épargnait ni le sacré ni
le profane. Le fils d'Antigonus, quoique alors peu d'accord avec
les Athéniens, ne laissa pas de détruire la
tyrannie de Lacharis, qui voyant déjà son ennemi
aux portes, enleva de la citadelle les boucliers d'or que l'on y
conservait, et toutes les richesses qui se pouvaient
transporter, sans même respecter celles qui étaient
consacrées à Minerve, et se réfugia chez
les Béotiens.
[8] Mais l'opinion qu'ils eurent de son opulence fut justement
la cause de sa perte ; car les habitants de Coronée le
tuèrent pour avoir ses trésors.
Démétrius, ayant ainsi délivré les
Athéniens de leurs tyrans, ne se pressa pas pour cela de
leur rendre le Pirée ; au contraire dans la suite il
acheva de les subjuguer, mit garnison dans la ville, et fortifia
le Musée ; c'est une colline qui est dans l'enceinte de
l'ancienne ville vis-à-vis de la citadelle. On dit que le
poète Musée avait accoutumé de se retirer
là pour faire des vers, et qu'y étant mort de
vieillesse il y fut inhumé ; mais depuis on a
élevé un tombeau à un illustre Syrien dans
le même lieu. Démétrius s'empara donc de ce
poste, et jugea à propos de le fortifier.
XXVI. [1] Au bout de quelques années tout ce qu'il y eut
de braves Athéniens, excités par le souvenir de
leurs ancêtres, se réveillèrent.
Considérant donc combien ils étaient déchus
de leur ancienne gloire, ils eurent honte d'eux-mêmes, et
sur le champ donnèrent le commandement de leurs troupes
à Olympiodore. Aussitôt ce général
enrôle sans distinction d'âge tout ce qu'il y avait
de gens capables de porter les armes, et comptant plus sur la
bonne volonté de ses soldats que sur leurs forces, il
marche à l'ennemi. En même temps les
Macédoniens sortent de leurs retranchements ; Olympiodore
les attaque et les met en déroute ; ils regagnent le
Musée, le général Athénien les y
poursuit, les chasse de ce poste, et s'en rend le
maître.
[2] Voilà comment Athènes secoua enfin le joug
des Macédoniens. En cette occasion il n'y eut pas un
Athénien qui ne fît parfaitement bien son devoir,
mais Léocrite fils de Protarque se distingua entre tous
les autres ; car il fut le premier qui escalada le mur, et le
premier qui l'épée à la main se jeta dans
le Musée où il périt en combattant ; ses
citoyens lui rendirent de grands honneurs, surtout en consacrant
son bouclier à Jupiter le libérateur, après
avoir fait graver dessus et son nom et le récit de ce bel
exploit.
[3] Pour Olympiodore, il donna bien d'autres marques de son
courage ; car non seulement il reprit Munychie et le
Pirée, mais voyant que les Macédoniens faisaient
des courses jusqu'aux portes d'Eleusis, il se mit à la
tête des habitants, alla chercher les ennemis, et les
défit. Longtemps auparavant lorsque Cassander
commençait à exercer des hostilités dans
l'Attique, Olympiodore s'était embarqué pour aller
demander du secours aux Etoliens, et il en avait obtenu, ce qui
fut le salut d'Athènes à la veille d'une guerre
comme celle dont on était menacé. C'est donc avec
justice que les Athéniens ont érigé des
monuments à la gloire de ce grand homme soit dans la
citadelle, soit au prytanée, et que les Eleusiniens
conservent le souvenir de ses grandes actions par des tableaux
qui les représentent. Parmi les Phocéens, ceux
d'Elatée qu'il vint secourir si à propos,
lorsqu'ils eurent quitté le parti de Cassander, l'ont
aussi honoré par des marques publiques de leur
reconnaissance, en lui consacrant une statue de bronze dans le
temple de Delphes.
[4] Auprès de la statue d'Olympiodore, je dis celle qui
a donné lieu à ma digression, est une Diane en
bronze sous le nom de Diane Leucophryné ; ce sont les
enfants de Thémistocle qui en ont fait la
consécration, parce que leur père, par un effet de
la libéralité du roi de Perse, avait
régné sur les Magnésiens, qui honorent
Diane sous le nom de Leucophryné. Je ne dois pas
m'arrêter plus longtemps sur cette particularité,
non plus que sur beaucoup d'autres, avec un dessein aussi vaste
que celui de décrire toute la Grèce. Il y a eu un
disciple de Dédale qui se nommait Endoeus ; il
était Athénien, et il suivit Dédale en
Crète, lorsqu'il fut obligé de fuir pour avoir
tué Calus ; la Minerve assise que l'on voit dans la
citadelle d'Athènes est de cet Endoeus ; l'inscription
porte que c'est Critias qui l'a consacrée et Endoeus qui
l'a faite.
Carrez, 1886
[5] Le temple d'Erechthée est encore à voir ;
dans le parvis il y a un autel dédié à
Jupiter surnommé le Grand ; cet autel a cela de
particulier qu'on n'y sacrifie rien d'animé, on se
contente d'y faire des offrandes, et l'on ne se sert pas
même de vin dans les libations. En entrant vous trouvez
trois autels ; le premier est consacré à Neptune,
et suivant un ancien oracle on y sacrifie aussi à
Erechthée ; le second à Butès qui est un de
leurs héros, et le troisième à Vulcain ;
sur les murs on a peint à fresque l'histoire du
héros et toutes les aventures qui ont quelque rapport
à lui ou à sa famille. Ce temple est double, on y
voit un puits dont l'eau est salée, ce qui n'est pas bien
merveilleux ; car je connais d'autres endroits situés au
milieu des terres, où il y a des puits semblables ; les
Aphrodisiens dans la Carie en ont un ; mais ce que je trouve de
plus remarquable en celui dont je parle, c'est que par le vent
du midi ses eaux deviennent bruyantes, et que sur la pierre qui
le couvre est encore empreinte la figure d'un trident, ce que
les Athéniens regardent comme une marque de l'ancienne
prétention de Neptune sur l'Attique.
[6] Au reste ce n'est pas seulement la ville qui est sous la
protection de Minerve, c'est tout le pays ; car encore que
chaque peuple de l'état ait ses dieux particuliers, tous
néanmoins honorent la déesse d'un culte commun. La
plus vénérable de toutes ses statues est
même celle qui longtemps avant que les Athéniens
eussent quitté leurs bourgades pour se rassembler et ne
faire plus qu'un seul peuple, fut d'un consentement unanime
consacrée dans le quartier où est aujourd'hui la
citadelle, et qui alors composait toute la ville
d'Athènes. La renommée a publié que cette
statue était tombée du ciel ; c'est ce que je ne
veux ni nier ni affirmer.
[7] La lampe d'or qui brûle devant la déesse est
un ouvrage de Callimaque ; on l'emplit d'huile au commencement
de chaque année, sans qu'il soit besoin d'y toucher
davantage, quoiqu'elle soit allumée jour et nuit ; cela
vient de ce que la mèche de cette lampe est faite de lin
de Carpasie, le seul que le feu ne consume point. Au-dessus est
une grande palme de bronze qui, s'élevant jusqu'à
la voûte, dissipe aisément la fumée.
Callimaque qui a fait cet ouvrage n'était pas de la force
des grands ouvriers, mais il les passait tous en une certaine
finesse d'art ; il est le premier qui ait trouvé le
secret de percer le marbre, et il était d'un goût
si difficile pour ses propres ouvrages qu'on l'appellait
communément l'ennemi juré de l'art, soit que ce
nom lui fût donné par les autres, ou qu'il
l'eût pris lui-même.
XXVII. [1] Dans le temple de Minerve Poliade, voici les
antiquités que l'on peut voir : premièrement une
statue de Mercure qui n'est que de bois, et que l'on dit avoir
été donnée par Cécrops. Elle est
faite de plusieurs branches de myrthe jointes ensemble avec une
adresse merveilleuse ; secondement une espèce de
siège pliant fait par Dédale ; enfin plusieurs
dépouilles remportées sur les Perses, entre autres
la cuirasse de Macistius qui commandait la cavalerie des ennemis
au combat de Platée, et un sabre que l'on assure
être celui de Mardonios. A l'égard de Macistius,
nous savons qu'il périt en combattant contre les
Athéniens ; mais pour Mardonius, il combattont contre les
Lacédémoniens, et fut tué par un soldat de
cette nation ; les Lacédémoniens n'auraient pas
souffert que son sabre fût enlevé par des
Athéniens.
[2] On vous montrera un olivier que l'on regarde encore comme
un monument du débat que Minerve eut avec Neptune ; on
prétend que les Perses ayant mis le feu à la ville
d'Athènes, cet olivier fut brûlé, et que le
même jour il repoussa jusqu'à la hauteur de deux
coudées. Le temple de Pandrose touche à celui de
Minerve : j'ai déjà dit que Minerve lui confia un
jour à elle et à ses soeurs un dépôt,
que Pandrose fut la seule qui demeura fidèle à la
déesse.
[3] Je vais maintenant raconter quelques particularités
qui ne sont pas sues de tout le monde. Auprès du temple
de Minerve Poliade, est une maison habitée par deux
vierges que les Athéniens appellent du nom de
Canéphores, comme qui diroit, porteuses de
corbeilles. Ces vierges passent un certain temps au service de
la déesse, et le jour de sa fête arrivant elles
vont la nuit au temple, où elles reçoivent de la
prêtresse de Minerve des corbeilles qu'elles mettent sur
leur tête, sans que ni elles, ni la prêtresse
même sachent ce qui est dedans. Il y a dans la ville assez
près de la Vénus aux Jardins, une enceinte
d'où l'on descend dans une caverne qui paraît
s'être creusée naturellement ; c'est là que
ces deux vierges déposent leurs corbeilles, ensuite elles
en reprennent d'autres qu'elles portent au temple sur leur
tête aussi avec le même mystère ; de ce jour
elles ont leur congé, et l'on en prend deux autres pour
remplir leur place dans la citadelle.
[4] Près du même temple est une statue haute
seulement d'une coudée, et fort légère, qui
représente une vieille : l'inscription porte que
c'était la servante d'une certaine Lysimaque. Vous verrez
aussi deux grandes statues de bronze dans l'attitude de deux
hommes qui se battent ; on croit que l'un est Erechthée,
l'autre Eumolpe ; mais ceux qui ont quelque connaissance de
l'antiquité savent bien que le dernier est plutôt
Immaradus fils d'Eumolpe, qui fut tué par
Erechthée.
[5] Sur le piédestal est représenté [...],
ou quiconque fut l'Augur que Tolmidès consulta sur son
entreprise, et Tolmidès y est lui-même.
C'était un général de l'armée navale
des Athéniens, qui après avoir porté la
terreur en beaucoup d'endroits, mais particulièrement sur
les côtes du Péloponnèse, alla brûler
l'arsenal et les vaisseaux des Lacédémoniens
à Gythée, puis tombant sur leurs voisins conquit
l'Eubée et l'île de Cythère, fit une
descente dans le pays des Sicyoniens, battit l'armée qui
s'opposait à ses courses, et la poussa jusques dans les
murs de Sicyone ; ensuite étant rentré dans les
ports d'Athènes il y embarqua des colonies qu'il mena en
Eubée et à Naxe. Pour dernier exploit il fit une
irruption dans la Béotie, ravagea la campagne, prit
Chéronée, et s'étant avancé jusques
dans le pays des Haliartiens leur livra bataille ; mais son
armée fut taillée en pièces et
lui-même périt dans le combat : voilà tout
ce que j'ai pu savoir touchant Tolmidès.
[6] Je ne vous parle point de quelques autres statues fort
anciennes de Minerve, qui véritablement sont encore
entières, mais fort noires et si endommagées
qu'elles ne soutiendraient pas le marteau ; c'est la flamme qui
les a mises en cet état, lorsque Xerxès prit
Athènes qu'il trouva presque abandonnée, parce que
la meilleure partie des habitants avait monté sur les
vaisseaux. Mais vous verrez une belle chasse de sanglier, dont
pourtant je n'ai pu rien apprendre de certain ; car on ne sait
si c'est le sanglier de Calydon que l'on a voulu
représenter : je ne dois pas oublier Cycnus et Hercule
qui combattent l'un contre l'autre ; on dit que ce Cycnus
proposait un prix à quiconque pourrait le vaincre dans un
combat singulier, et qu'il avait tué ainsi nombre
d'hommes, entre autres Lycus de Thrace ; mais il fut tué
lui-même par Hercule auprès du fleuve
Pénée.
[7] Les Trézéniens qui se plaisent à
conter les aventures de Thésée, disent qu'Hercule
étant venu voir Pithée quitta sa peau de lion pour
se mettre à table ; que plusieurs enfants de la ville,
entre autres Thésée qui pour lors n'avait que sept
ans, attiré par la curiosité étaient
accourus chez Pithée, mais que tous avaient eu grand-peur
de la peau de lion, à la réserve du petit
Thésée qui arrachant une hache d'entre les mains
d'un esclave et croyant voir un lion, vint pour l'attaquer ;
telle est la première aventure qu'ils racontent de
Thésée.
[8] Ils ajoutent qu'Egée avant que de quitter
Trézène, mit sa chaussure et son
épée sous une grosse roche, afin qu'à ces
marques on pût reconnaître un jour son fils ;
qu'ensuite il partit pour Athènes ; qu'à peine
Thésée avait-il atteint l'âge de seize ans
qu'il remua cette grosse roche et prit l'espèce de
dépôt qui était dessous ; ce second trait de
la vie de Thésée est gravé sur du bronze
dans la citadelle d'Athènes.
[9] On y conserve aussi un monument historique d'une autre
aventure de ce héros, laquelle mérite d'être
rapportée. Un taureau d'une grandeur énorme
infestait toute la Crète, et particulièrement ce
canton que le fleuve Téthris arrose ; car on
prétend que dans ces premiers temps il y avait des
bêtes beaucoup plus féroces et plus terribles qu'il
n'y en a présentement, témoin le lion de la
forêt de Némée, celui du Mont Parnasse, et
ces dragons que l'on a vus en plusieurs endroits de la
Grèce; témoin encore le sanglier de Calydon, celui
d'Erymanthe et celui de Crommyon aux environs de Corinthe. La
terre produisait ces monstres, quelques-uns d'eux étaient
même en quelque façon consacrés aux dieux,
qui en suscitaient de temps en temps pour punir le genre humain.
En effet les Crétois eux-mêmes étaient
persuadés que c'était Neptune qui dans sa
colère leur avait envoyé ce prodigieux animal,
parce que Minos qui tenait l'empire de toute cette mer dont la
Grèce est environnée, n'honorait pas le dieu des
mers d'une manière plus particulière que les
autres dieux.
[10] L'histoire dit que ce taureau passa de la Crète
dans le Péloponnèse, et qu'il donna lieu à
l'un des douze travaux d'Hercule. D'autres disent
qu'après avoir désolé le pays d'Argos, il
pénétra par l'isthme de Corinthe en Attique, et
jusqu'à Marathon où il fit des maux infinis, tua
tout ce que le hasard lui fit rencontrer, et nommément
Androgée fils de Minos ; que Minos attribuant la mort de
son fils à la méchanceté des
Athéniens, avait aussitôt équipé une
flotte pour venir assiéger Athènes, et n'avait
cessé de faire la guerre aux Athéniens, qu'ils
n'eussent consenti à lui envoyer tous les ans sept jeunes
garçons et sept jeunes filles pour être
livrés au Minotaure qu'il avait enfermé dans le
labyrinthe de Gnosse. La tradition ajoute qu'enfin
Thésée poussa l'énorme taureau jusques dans
la citadelle d'Athènes, et que là il l'immola
à la déesse. Il est certain que le peuple de
Marathon a consacré dans ce lieu un beau tableau qui
représente cet exploit.
XXVIII. [1] Mais par quelle raison l'on a érigé
une statue de bronze à Cylon, et sur quel fondement il en
a été trouvé digne, c'est ce que je n'ai pu
savoir. Car c'est un fait constant que Cylon voulut se faire le
tyran de sa patrie : je crois pour moi que c'est parce qu'il
était l'homme le mieux fait de son temps, et qu'il avait
acquis aux jeux olympiques beaucoup de gloire en remportant le
prix du stade double ; outre qu'il avait épousé la
fille de Théagène tyran de Mégare.
[2] Avant que de quitter la citadelle, je parlerai encore de
deux anciens monuments qui sont le fruit de la dixième
partie du butin que les Athéniens ont fait sur leurs
ennemis. Le premier est une Minerve en bronze qui a
été payée du prix des dépouilles
remportées sur les Perses à la journée de
Marathon ; c'est un ouvrage de Phidias. Mys excellent graveur, a
représenté sur le bouclier de la déesse le
combat des Centaures et des Lapithes, et plusieurs autres
histoires d'après les dessins de Parrhasius fils
d'Evénor. Cette statue est si haute que l'aigrette du
casque et la pointe de la pique peuvent être
aperçues de Sunium. Le second monument est un char
d'airain à quoi l'on a employé le dixième
des dépouilles enlevées sur les Béotiens et
sur les habitants de Chalcis en Eubée. Je finis par deux
statues qui attireront encore plus vos regards, je veux dire
celle de Périclès fils de Xantippe, et celle de
Minerve Lemnienne qui est constamment le chef-d'oeuvre de
Phidias, et qui porte le nom de Lemnienne parce que ce sont les
habitants de Lemnos qui l'ont consacrée.
[3] Quant à la citadelle, Cimon fils de Miltiade en a
bâti une partie, et l'on dit que deux Pélasgiens
qui demeuraient au bas l'ont entourée de murs ; on les
nomme Agrolas et Hyperbius : je n'en ai pu découvrir aute
chose, sinon que tous deux originaires de Sicile
s'étaient transplantés en Acarnanie, d'où
ils avaient passé à Athènes.
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Traduction par l'abbé Gédoyn (1731, édition
de 1794)
NB : Orthographe modernisée et chapitrage
complété.