La statue d'Auguste dite «de Prima Porta» tire son nom de la localité où elle a été trouvée le 20 avril 1863, dans la villa de Livie, au nord de Rome. La statue en marbre actuelle devait avoir probablement pour modèle une statue en bronze, exécutée en 20 avant JC ou immédiatement après, et qui fut copiée en marbre pour Livie à la mort d'Auguste, en 14 après JC ou peu après. Elle est actuellement conservée dans l'aile du Braccio Nuovo, au musée du Vatican à Rome.

Auguste est représenté dans la position très romaine du général faisant une adlocutio à ses troupes, mais le modèle esthétique de la statue est à l'évidence grec : la position du corps est inspirée de celle du Doryphore de Polyclète (l'original date du Ve siècle avant JC), et les pieds nus donnent au modèle l'allure des dieux grecs de l'âge classique.

© Agnès Vinas

A ses pieds, un Cupidon chevauchant un dauphin rappelle d'une part l'ascendance divine qu'il revendique dans toute sa propagande, à la suite de Jules César, et d'autre part la victoire d'Actium, qui lui a assuré la suprématie et a mis fin aux guerres civiles.

© Agnès Vinas

Mais l'exploit célébré ici est plus récent que celui d'Actium : la cuirasse particulièrement ouvragée représente en son centre la restitution des aigles romaines par les Parthes en 20 avant JC. La défaite de Carrhae en 53 avant JC avait laissé des traces profondes dans l'orgueil romain : le triumvir Crassus y avait laissé la vie, mais pire que tout, les enseignes romaines avaient été capturées par l'ennemi. Cette restitution qu'Auguste venait d'obtenir par la voie diplomatique lavait trente ans d'humiliation face aux peuples d'Asie. En outre, une série d'autres succès soit militaires (sur les Garamantes en 20), soit diplomatiques (ambassades des Scythes et des Indiens en 25) donnait au peuple de Rome l'impression que l'Empire accédait sous Auguste à une dimension universelle. C'est cette pacification cosmique que la cuirasse met en scène.

© Agnès Vinas

La composition de la cuirasse est circulaire, comme pourrait l'être celle d'un bouclier, ce qui l'a fait comparer au bouclier que reçoit Enée dans l'Enéide (VIII), et qui représente en particulier la bataille d'Actium.

Au centre, Tibère, la louve romaine à ses pieds, reçoit les aigles que lui remet un Parthe à l'habit exotique. De part et d'autre de cette scène, deux figures féminines assises figurent les pays conquis. Toutes les autres figures tout autour sont des allégories cosmiques : en haut, le Ciel couvrant de son manteau déployé deux figures : le Soleil et la Lune ? Un peu plus bas que la scène des aigles, à gauche, Apollon sur un griffon et à droite Diane sur un cerf. En bas, la terre, Tellus, avec ses symboles de fertilité, les enfants et la corne d'abondance.

Tous ces motifs se retrouvent dans le Carmen Saeculare d'Horace : l'événement de la restitution des aigles apparaît donc comme intimement lié au retour de l'Age d'Or. Qu'il ne s'agisse pas d'une victoire militaire n'a guère d'importance, même au contraire : le charisme d'Auguste semble tel, à ce point de l'Histoire, que sa seule existence parvient à obtenir la paix... Mais ce résultat extraordinaire n'est obtenu que parce qu'il est d'origine divine et que l'ordre divin a prévu qu'il en serait ainsi...