19. Quelques auteurs prétendent (ce qui est assez vraisemblable) que Commode Antonin, son successeur et son fils, n'était pas né de lui, mais d'un adultère, et voici l'histoire telle qu'on la raconte communément. Faustine, fille d'Antonin le Pieux et femme de Marc-Aurèle, ayant vu, un jour, passer des gladiateurs devant elle, conçut pour l'un d'eux le plus violent amour ; et cette passion l'ayant rendue longtemps malade, elle en fit l'aveu à son époux. Des Chaldéens, que Marc-Aurèle consulta, dirent qu'il fallait, après avoir tué ce gladiateur, que Faustine se baignât dans son sang, et couchât ensuite avec son mari. Ce conseil ayant été suivi, l'amour de l'impératrice s'éteignit en effet ; mais elle mit au monde Commode, qui fut plutôt un gladiateur qu'un prince, puisqu'étant empereur, il donna au peuple, comme on le verra dans sa vie, le spectacle de près de mille combats de gladiateurs. Ce qui accrédita ce bruit, ce fut de voir le fils d'un si vertueux père réunir en lui des vices qu'on ne trouve même pas dans un maître d'escrime, dans un histrion, dans un esclave de l'arène, enfin dans ceux qui semblent faits pour en donner l'abominable exemple. Mais l'opinion générale est que ce prince fut réellement le fruit d'un adultère ; et l'on sait, en effet, que Faustine se choisissait des amants, à Caïète, parmi les matelots et les gladiateurs. Antonin, à qui l'on conseillait de la répudier, puisqu'il ne la faisait pas périr, répondit : «Si je renvoie ma femme, il faut que je rende aussi sa dot» : il entendait par là l'empire, qu'il tenait de son beau-père, lequel l'avait adopté d'après l'ordre d'Adrien.

La vie d'un prince irréprochable, sa sagesse, son égalité d'âme, sa piété, jettent sur lui un éclat que les vices mêmes de ses proches ne peuvent ternir. Des courtisans artificieux, un fils gladiateur, une épouse infâme, ne l'empêchèrent pas d'être toujours le même. Il a été regardé comme un dieu jusque dans notre siècle, et vous l'avez toujours considéré comme tel, illustre Dioclétien. Il n'est pas pour vous une divinité ordinaire ; vous lui avez voué un culte particulier, et vous formez souvent le voeu d'imiter la vie et la bonté de ce prince, sur lequel Platon lui-même, avec toute sa philosophie, ne l'emporterait pas, s'il revenait au monde. Mais abrégeons cette digression.

 

© Agnès Vinas

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Les Empereurs et Césars du IIe siècle dans l'Histoire Auguste

Hadrien (117-138), biographie d'Aelius Spartianus

Aelius Verus (adopté par Hadrien en 136, mort en 138), biographie d'Aelius Spartianus

Antonin le Pieux (138-161), biographie de Julius Capitolinus

Marc-Aurèle (161-180), biographie de Julius Capitolinus

Lucius Verus (161-169), biographie de Julius Capitolinus

Avidius Cassius (empereur autoproclamé en 175), biographie de Vulcatius Gallicanus

Commode (180-192), biographie d'Aelius Lampridius