Jaume el Conqueridor - La conquesta de Mallorca : fragments del « LLibre dels Fets »
Illustrations de Josep Antoni Tàssies Penella
Abadia de Montserrat, Collection « El Tinter dels Clàssics » (1987)

Ce petit livre d'une vingtaine de pages présente des extraits, traduits en catalan moderne, de l'épisode de la conquête de Majorque dans le Livre des Faits (§ 84-87) ; des dessins de Tàssies, un artiste de la province de Girona, rendent l'histoire d'autant plus accessible et vivante.

Bien que cet ouvrage soit destiné à de jeunes lecteurs, Tàssies a eu le grand mérite de se documenter de manière très sérieuse pour proposer des illustrations pleines de fraîcheur, d'humour et de poésie, mais inspirées d'authentiques oeuvres médiévales.

Ainsi dans son interprétation héroï-comique de l'assaut de la ville, si les mêlées et les crêpages de crinières entre chevaux rappellent les images rabelaisiennes de Dubout au lecteur français, les modèles iconographiques sont aisément repérables : Tàssies a soigneusement étudié le style du gothique linéaire et l'héraldique présents en particulier sur les fresques de la conquête conservées au MNAC de Barcelone. C'est ainsi qu'on peut reconnaître le chevalier aragonais don Pedro Maza grâce aux petites masses noires présentes sur ses armes.

© Agnès Vinas

De même, la roue de la Fortune de Tàssies est directement inspirée de celle qui figurait sur une fresque du XIVe siècle, au premier étage du château d'Alcañiz, et qui a été déposée lors de l'ouverture d'une fenêtre dans ce mur sud pour être placée dans le Salón de Plenos de l'Ayuntamiento de la ville.

Au milieu de la composition, la déesse de la Fortune trône en majesté au centre d'une roue dont le mouvement est suggéré par les positions de quatre personnages et les inscriptions en latin qui les accompagnent. Tàssies n'a retenu de ces quatre situations que les deux extrêmes : assis au sommet de la roue, un personnage couronné, qui peut être le roi Jaume, affirme : REGNO (« Je règne »), tandis que jeté à terre, un autre personnage, que Tàssies identifie comme un roi sarrasin avec ses babouches, se lamente : SUM SINE REGNO (« Je suis sans royaume, je ne règne plus ». Le modèle d'Alcañiz complète cette méditation sur la relativité des situations humaines et le caractère transitoire du pouvoir avec deux autres personnages : celui de droite qui, plein d'espoir, tente de grimper sur la roue en affirmant : REGNABO (« Je règnerai »), mais aussi, celui de gauche, qui dégringole pendant que l'artiste commente pour lui son infortune : REGNAVIT (« Il a régné »).

Nous trouvons donc ici un exemple particulièrement intéressant d'un livre pour enfants qui ne cède pas à la facilité mais au contraire invite ce jeune public, sous une forme plaisante mais exigeante, à réfléchir au sens de ce qu'il lit et à la relation de l'art et la littérature avec la vie.


© Agnès Vinas pour le texte.

L'internaute retrouvera ces images de Tàssies dans les ouvrages suivants :