© Victoria and Albert Museum, Londres

Andrés Marçal de Sax - Retable de saint Georges, partie centrale (1410-1420)
Victoria and Albert Museum, Londres

Ce retable extrêmement connu compte parmi les chefs-d'oeuvre de l'art gothique. Les vicissitudes de l'Histoire l'ont conduit sur les bords de la Tamise, mais il a été commandité par la milice gardienne de la senyera de Valence, el Centenar del Gloriós Sant Jordi, ou Centenar de la Ploma et peint par le peintre d'origine allemande, Andrés Marçal de Sax, qui a introduit le gothique international à Valence.

© Victoria and Albert Museum, Londres

La partie centrale de ce retable représente la bataille du Puig de Cebolla livrée le 15 août 1237 par Bernat Guilhem d'Entença et les troupes de Jaume Ier contre les forces de Zayyân, roi de Valence (Livre des Faits, §217-219). C'est pour les musulmans une défaite considérable, qui sonne le glas de leur domination dans le Sharq al-Andalûs, la partie orientale de la péninsule ibérique.

Pour donner plus d'ampleur épique à l'affrontement, le peintre a représenté saint Georges aux côtés d'un roi d'Aragon qui transperce de sa lance le roi musulman. Le roi, immédiatement identifiable par l'héraldique (d'or à quatre pals de gueules), est en outre coiffé d'un casque couronné et surmonté d'un cimier au dragon, le fameux drac alat de Pere IV le Cérémonieux.

Le problème historique vient de ce que Jaume n'a jamais participé à cette bataille du Puig, dont il a appris la nouvelle à Huesca en Aragon, bien loin du terrain des opérations, et que Zayyân n'a jamais été tué en combat singulier au cours d'une grande bataille : après la prise de Valence et quelques péripéties qui l'ont conduit à Murcie puis à Alicante, il est finalement parti à Tunis, où il est mort en exil.

La scène représentée est donc en grande partie fictive et relève largement de la propagande. Elle impose l'image du roi d'Aragon, quel qu'il soit, en miles Christi, un soldat du Christ défendant la chrétienté de sa lance, aux côtés du saint patron protecteur de la Catalogne, et soumettant les infidèles. On retouve ce thème, inauguré par Marçal de Sax, dans un certain nombre de peintures postérieures, retables ou enluminures, représentant d'autres souverains aragonais en d'autres circonstances : ainsi cette miniature de Lleonard Crespí reprend-elle le même motif du roi pourfendeur et de l'infidèle transpercé dans le Livre d'Heures d'Alfons le Magnanime. Dès lors, le stéréotype rend très difficile l'identification exacte du roi représenté : les seuls éléments iconographiques ne suffisent pas, et le contexte de réalisation de l'oeuvre devient déterminant.

© British Library

Livre d'Heures d'Alfons V le Magnanime
Ms Add.28962, fol.78 (vers 1442)
Enluminure de Lleonard Crespí
British Library


© Agnès Vinas pour le texte.

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