L'arrestation des Templiers

C'est l'initiative du roi de France qui crée l'affaire des Templiers.

Philippe le Bel alerte par lettre dès le 16 octobre 1307, trois jours après avoir fait prendre les Templiers de son royaume, les autres rois, en particulier ses parents d'Aragon et de Majorque. Il leur demande d'arrêter, comme il l'a fait, tous les frères du Temple en raison des graves accusations qui pèsent sur eux et de mettre la main sur leurs biens. Les deux monarques hésitent d'abord, demandent des informations au Pape et ne suivent qu'après avoir pris connaissance des instructions du Souverain Pontife, données le 22 novembre 1307. En Roussillon, les frères sont arrêtés deux jours avant la Noël de 1307 et emprisonnés au Masdéu où ils attendent leur jugement. Par contre, en Catalogne, les Templiers se retranchent dans leurs châteaux-forteresses. Là, il faudra des sièges en règle, en particulier celui de Miravet, défendu par le commandeur du Masdéu, Ramon Saguardia, pour que Jaume II d'Aragon puisse enfin incarcérer tous les Templiers.

Toutefois, l'information contre les frères du Roussillon, rejoints dans leur prison du Masdéu par leur commandeur, n'est ouverte contre eux par l'évêque d'Elne, Ramon Costa, que deux ans plus tard, en décembre 1309.

Gisant de Ramon Costa
Cathédrale d'Elne
© Agnès Vinas

Les interrogatoires

Les questions qui leur sont posées, au nombre de 88, sont celles auxquelles devront répondre tous les Templiers de la chrétienté. Elles ont été rédigées à partir des premiers aveux obtenus en France sous la torture.

On retrouve dans ce questionnaire tout l'attirail des procès en hérésie simplement adapté au cas des Templiers. D'autres avant eux avaient eu droit à ce type de questions, qu'ils fussent accusés de catharisme, de sorcellerie ou d'être adeptes de sectes lucifériennes.

Les interrogatoires menés par la commission ecclésiastique désignée par l'évêque d'Elne ont lieu en janvier 1310, d'abord au château de Trouillas, puis au Masdéu.

Les frères sont interrogés un par un, en commençant par Bartomeu de Torre, chapelain du Masdéu, qui fait apporter aux membres de la commission le livre de la Règle et des statuts de l'Ordre conservé à la commanderie. Aucun des frères n'est torturé.

L'inquisition du Masdéu, par l'absence de toute torture et la consultation possible de la Règle, a donc été exemplaire. D'ailleurs le commandeur, le frère Ramon, a réuni tout le couvent et recommandé à tous de dire «la pleine et pure vérité». Sa déposition est la plus longue de toutes, c'est celle qui décrit le mieux la vie templière. C'est aussi un modèle de dignité, de clarté et d'orthodoxie catholique. Pour lui, «les crimes dénoncés sont horribles et diaboliques». Toutefois, ils n'ont, à son avis, pas été commis par ses frères. Parmi eux, vingt-cinq en tout, on ne trouve que trois chevaliers et quatre prêtres. Les autres sont des hommes simples, occupés aux travaux des champs, sans grande instruction. On doit les interroger en langue vulgaire, car aucun, même les chapelains, ne semble savoir le latin. Tous nient ce qui leur est reproché et se présentent comme de bons chrétiens, respectueux de la doctrine de l'église, de la règle et des statuts du Temple. Voici quelques unes de leurs réponses.

Au total donc, les aveux ne portent que sur des détails et sont toujours justifiés par la Règle qui est à la disposition de la commission et qui a reçu l'approbation de la Papauté.

L'enquête est close à la fin du mois d'août 1310, et le rapport final remis à l'évêque le mois suivant, prêt pour le concile de Vienne, réuni en octobre 1311, qui devait régler le sort de l'Ordre.

Sur ce, le roi Jacques II de Majorque meurt, puis l'évêque d'Elne. Tandis que l'affaire traîne encore, les frères du Temple, eux, restent en prison au Masdéu.

Le verdict

Entre temps, le pape Clément V, au concile de Vienne, déclare l'Ordre éteint (3 avril 1312) et ordonne de faire comparaître tous les Templiers des diverses provinces et de les faire juger par les conciles provinciaux. S'ils sont absous, les conciles pourront leur donner une portion congrue prise sur les biens de l'Ordre. Il veut qu'ils soient entretenus décemment et recommande la mansuétude, sauf contre les relaps. C'est ce qui sera appliqué en Roussillon.

Pour les Templiers catalans, le mot de la fin est donné par l'archevêque de Tarragone, Guillaume de Rocaberti, qui à l'issue du concile tenu en octobre et novembre 1312 prononce l'innocence de tous les Templiers catalans. Aucun d'entre eux n'est reconnu personnellement coupable. Il n'y eut donc en Roussillon ni emprisonnement à vie ni bûcher.

© Robert Vinas


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