Acte I

 Acte II

Personnages

  • Philippe le Bel, roi de France
  • Jeanne de Navarre, reine de Navarre et de France
  • Gaucher de Châtillon, connétable
  • Enguerrand de Marigni, premier ministre
  • Marigni, son fils
  • Guillaume de Nogaret, chancelier
  • Jacques de Molay, grand-maître des Templiers

  • Pierre de Laigneville, Templier
  • Guillaume de Montmorency, Templier
  • Jean de Beaufremont, Templier, personnage muet
  • Jean de Villeneuve, Templier, personnage muet
  • Pierre de Villars, Templier, personnage muet
  • Gillon de Chevreuse, Templier, personnage muet
  • Foulques de Trécy, Templier, personnage muet
  • Un officier du roi
  • Suite et gardes du roi

Le théâtre représente une grande salle du palais du Temple. On y voit des trophées d'armes, les tableaux des batailles des chevaliers, et les statues de huit grands-maîtres :

  • Ve grand-maître : Bertrand de Blanquefort
  • VIe grand-maître : Philippe de Naplouse
  • VIIe grand-maître : Odon de Saint-Amant
  • XIe grand-maître : Robert de Sablé
  • XIIe grand-maître : Guillaume de Chartres
  • XVe grand-maître : Pierre de Montaigu
  • XVIe grand-maître : Armand de Périgord
  • XXe grand-maître : Guillaume de Beaujeu

Scène 1.
Le ministre, le chancelier

 

LE MINISTRE
Illustre chancelier, le roi que je devance
Veut que dans ce palais j'annonce sa présence.
Vous savez son dessein : avant la fin du jour
Un grand événement étonnera la cour.

LE CHANCELIER
Ministres l'un et l'autre, il faut que notre zèle
De Philippe outragé défende la querelle.
Ces fameux chevaliers qui, s'égalant aux rois,
Remplissaient l'Orient du bruit de leurs exploits,
Qui dans toute l'Europe, et surtout dans la France,
étalaient leur orgueil, leur faste, leur puissance,
Les templiers, enfin, ne peuvent échapper
Aux coups dont le monarque est prêt à les frapper.
S'il faut les accuser, je l'oserai moi-même :
L'intérêt de l'état sera ma loi suprême.

LE MINISTRE
Leur pouvoir, de grands noms, de perfides bienfaits,
Attachent à leur sort la plupart des Français ;
De nombreux courtisans, même le connétable,
Forment aux templiers un parti redoutable.
Plus d'une fois la reine a prodigué pour eux
Un crédit tout puissant, des soins trop généreux ;
Sans doute elle voudra protéger le grand-maître :
Oui, les plus grands dangers nous attendent peut-être ;
Mais vous me connaissez, comptez toujours sur moi
Contre ces ennemis de l'état et du roi.
Quoi ! leur coupable audace est encore impunie !
Ils vivent étrangers dans leur propre patrie.
Ils se sont affranchis des tributs solennels
Que partout les chrétiens acquittent aux autels.
Riches de nos bienfaits, mais possesseurs avides,
Ils repoussent loin d'eux le fardeau des subsides.
Dangereux ennemis et perfides sujets,
Sans cesse ces guerriers formaient d'affreux projets ;
Et s'ils ont quelquefois combattu pour la France,
Ils voulaient par leur gloire affermir leur puissance.

LE CHANCELIER
Le roi depuis longtemps est irrité contr'eux ;
Ses soupçons surveillaient leurs complots ténébreux.
Nous avons découvert qu'un pacte affreux, impie,
A remplacé les lois de la chevalerie ;
Dans leurs rites secrets blasphémant l'éternel,
Pour renverser le trône ils attaquaient l'autel *.
La vengeance du roi serait terrible et prompte ;
Mais ce sont des Français, il veut cacher leur honte,
Il se borne à détruire un ordre dangereux :
Qu'ils se montrent soumis, il sera généreux.

LE MINISTRE

Non, plus de templiers ! tous ont cessé de l'être
Alors que sous le joug d'un vainqueur et d'un maître,
Leurs revers éclatants ont pour jamais livré
Et Solyme, et le temple, et le tombeau sacré.

LE CHANCELIER
Le roi veut une entière et prompte obéissance ;
II exerce les droits de sa toute-puissance :
Malheur à ces guerriers s'ils osent résister !

LE MINISTRE

Ils lui résisteront ; pouvez-vous en douter ?
Nous aurons à venger l'honneur du diadème.
Qui frappera les coups?

LE MINISTRE

                     L'inquisiteur lui-même.

 





* L'accusation contre les templiers supposait que d'après les nouveaux statuts qui avaient remplacé l'ancienne règle de l'ordre, le chevalier récipiendaire était obligé de renier Jésus-Christ, de cracher sur la croix, et de souffrir des libertés criminelles qui devaient autoriser ensuite la dépravation, de ses moeurs. (Voyez les cent vingt-sept chefs d'accusation que Clément V publia contre eux.)

LE MINISTRE
Il est notre ennemi. Quand nos hardis succès
Contre la cour de Rome animaient les Français,
Lui seul, du Vatican * défenseur téméraire,
Exhalait contre nous une injuste colère ;
A ses yeux, nos succès étaient des attentats :
Il prêche le pardon, mais ne pardonne pas.

 * Le Vatican bâti dès le 5e siècle fut beaucoup agrandi par Nicolas III, dans le 13e. siècle.

LE CHANCELIER
Apprenez nos desseins : sûr de votre prudence,
Le prince m'autorise à cette confidence.
La mort avait frappé le pontife romain ;
L'intrigue, retardant un choix trop incertain,
Alarmait à la fois Rome et l'Europe entière ;
Dans les temples, partout l'encens et la prière
Demandaient que le ciel daignât dicter un choix
Qui satisfît enfin les peuples et les rois.
Un prêtre fut élu : vous ignorez vous-même
Qu'au crédit de Philippe il dut ce rang suprême.
Philippe, loin de nous, l'appelant en secret (1),
De ses soins tout-puissants lui promet le bienfait,
L'éblouit de l'éclat de la triple couronne (2).
Le prêtre ambitieux s'attendrit et s'étonne ;
Futur pontife, il tombe aux genoux de son roi.
On apporte aussitôt le livre de la foi :
Qu'on abuse aisément des choses les plus saintes !
Politique profond, le roi montre des craintes,
Exige des serments ; l'autre jure soudain ;
Des templiers alors on règle le destin.
S'ils outragent du roi l'autorité suprême,
Rome doit les juger, les punir elle-même.
J'attendais le grand-maître ; il s'avance vers moi.

 
(1) L'entrevue et la convention entre le roi et Bertrand de Got, archevêque de Bordeaux, depuis pape sous le nom de Clément V, eurent lieu dans une abbaye, proche Saint-Jean-d'Angely, en 1305.

(2) Boniface VIII, mort deux ans auparavant, est le premier pape dont on trouve un monument qui représente le pontife paré de la triple couronne ; quoique l'on pût établir que c'est postérieurement que les papes en ont fait l'un de leurs ornements, es prétentions exagérées et orgueilleuses de Boniface VIII permettent de croire qu'il donna le premier l'exemple de porter la triple couronne.

Scène 2
Les mêmes, le Grand-Maître, Laigneville

 

LE CHANCELIER
Je viens vous annoncer les volontés du roi.
De ce vaste palais les superbes portiques
Ont cessé d'étaler vos titres magnifiques.
En tous lieux, désormais, vous et tous vos guerriers,
Vous ne paraîtrez plus qu'en simples chevaliers ;
Déjà de votre sort vous vous doutez peut-être !

LE GRAND MAITRE
                     Je l'attends sans effroi.

LE CHANCELIER
Vous n'êtes plus grand-maître.

LE GRAND MAITRE
                     Qui l'a jugé ?

LE CHANCELIER
                                         Le roi.

LE GRAND MAITRE
                                                             Mais l'ordre entier ?

LE CHANCELIER
N'est plus.

LE GRAND MAITRE
                     Croirai-je ?...

LE CHANCELIER
                                         Epargnez-vous des regrets superflus ;
Obéissez au prince ; il l'espère, il l'ordonne.

LE GRAND MAITRE
Mais en a-t-il le droit ? Quel titre le lui donne ?
Mes chevaliers et moi, quand nous avons juré
D'assurer la victoire à l'étendard sacré,
De vouer notre vie et notre saint exemple
A conquérir, défendre et protéger le temple,
Avons-nous à des rois soumis notre serment ?
Non, Dieu préside seul à cet engagement.
Le roi l'ignore-t-il ? C'est à vous de l'instruire :
Le seul pouvoir qui crée a le droit de détruire.
Le prince m'entendra, je vais auprès de lui ;
Il faut...

LE MINISTRE
                     Dans ce palais il arrive aujourd'hui ;
Cest ici seulement qu'il voudra vous entendre.

LE GRAND MAITRE
Non, je cours le chercher.

LE MINISTRE
                     J'ose vous le défendre.

LE GRAND MAITRE
Comment !

LE MINISTRE
                     Nul chevalier ne sort de ce palais.

LE GRAND MAITRE
C'est vous qui l'annoncez !

LE MINISTRE
                     Par des ordres exprès.

LE GRAND MAITRE
Le roi peut contre nous s'armer de sa puissance ;
Nous joindrons à nos droits ceux de notre innocence.
Quels que soient les projets qu'on forme contre nous,
Il importe au monarque, et, le dirai-je ? à vous,
A tous qui disposez de son pouvoir auguste,
Qu'on cesse à notre égard un traitement injuste.
Ce n'est pas que le roi nous puisse humilier ;
Mais que ses serviteurs se gardent d'oublier
Qu'en ce palais encore ils parlent au grand-maître ;
Oui, je le suis toujours, je saurai toujours l'être.

LE CHANCELIER.
De résister au roi prévoyez le danger.

LE GRAND MAITRE
Portez-lui ma réponse au lieu de la juger.
(Il se retire avec Laigneville)

Scène 3
Le chancelier, le ministre

 

LE CHANCELIER
Sa haine et sa fureur cessent de se contraindre ;
S'ils ne périssent pas, nous avons tout à craindre.

LE MINISTRE
Sans doute ces guerriers sont à craindre pour nous :
Moi-même n'ai-je pas éprouvé leur courroux ?
Des Français dévoués au prince, à la patrie,
Ils menaçaient sans cesse et l'honneur et la vie ;
Vous vous en souvenez. Ce palais autrefois
Gardait tous les trésors de l'état et des rois ;
Il fallut s'affranchir de cette dépendance
Honteuse pour le prince et funeste à la France :
Ces guerriers résistaient : leurs complots furent vains ;
Et le trésor public échappa de leurs mains *.
Mais ils dirent au roi que ma coupable audace,
De mes propres abus voulait cacher la trace ;
Mille voix s'élevaient pour me calomnier :
Enfin, je fus réduit à me justifier.
Mon succès irrita leur vengeance perfide.
Quand mon fils demanda la main d'Adélaïde,
Quand la reine daignait protéger leur bonheur,
La cour de cet hymen m'eût envié l'honneur.
Jeune, aimable, vaillant, mon fils avait su plaire,
Et le bonheur du fils eût fait l'orgueil du père.
Cet hymen, que le roi permet, en ce moment,
Ne pouvait obtenir son auguste agrément ;
Mon fils désespéré s'éloigna de la France ;
A peine il reparaît après sa longue absence.
Je découvre aujourd'hui, j'apprends que contre moi
Les templiers alors animèrent le roi.
Je ne mêlerai point les droits de ma vengeance
Aux intérêts publics du prince et de la France ;
Mais de ces intérêts si nous sommes chargés,
Le monarque et l'état seront bientôt vengés.

 









* En France et en Angleterre, les palais du Temple gardaient les trésors des Rois.

LE CHANCELIER
De tous les chevaliers la haine redoutable
Chaque jour contre nous devient plus implacable.

LE MINISTRE
Jaloux de mon pouvoir, rivaux de mon crédit,
Si le roi m'encourage, ou la cour m'applaudit,
De leur haine soudain éclate le murmure :
Chacun de mes succès leur paraît une injure.
Et moi, des templiers ennemi sans retour,
J'osai les accuser, les poursuivre à mon tour.
De leurs vils attentats votre active prudence
Enfin a préparé la preuve et la vengeance.

LE CHANCELIER
L'inquisiteur partout a des agents secrets ;
S'il devait seulement venger nos intérêts,
On pourrait suspecter sa promesse et son zèle ;
Maïs lorsqu'il doit punir, croyez qu'il est fidèle.
On vient... c'est le monarque.

Scène 4
Les mêmes, le roi, Marigni fils, suite du roi

 

LE ROI, au ministre
                    Annoncez à Annoncez à ma cour
Que ce palais sera désormais mon séjour *.

LE MINISTRE
Chacun auprès de vous s'honore d'y paraître ;
La cour s'empressera.

 

* Le même jour que les templiers furent arrêtés, le roi se saisit du Temple, y alla loger, y mit son trésor et les Chartres de France. (Dupui, p. 10)

LE ROI, au chancelier
                     Parlez-moi du grand-maître.
Souscrit-il à son sort ?

LE CHANCELIER
                     Sire, je suis confus
D'avoir subi pour vous l'orgueil de ses refus...

LE MINISTRE
Si les armes pouvaient appuyer sa querelle,
Sans doute nous aurions à combattre un rebelle ;
Mais votre garde entoure et remplit ce palais,
Et d'une vaine audace arrête les projets.

LE ROI
Je l'avoûrai, longtemps j'ai refusé de croire
Que tant de chevaliers, émules de ma gloire,
Se fussent avilis par l'horrible attentat
D'insulter à l'église et de trahir l'état ;
Je n'osais démentir leur noble renommée.
Marigni, votre fils revient de l'Idumée ;
J'ai su qu'à côté d'eux il avait combattu ;
Qu'il parle, que peut-il attester ?

MARIGNI fils
Sire, pardonnez-moi ce langage sincère,
Je dis la vérité, je ne puis vous déplaire.

LE MINISTRE
Quoi ! mon fils, lorsqu'ils sont accusés par le roi !

LE ROI
Qu'il parle, je le veux.

MARIGNI fils
                     Vous l'exigez de moi ;
Je remplis un devoir, lorsque je rends hommage
Au dévoûment pieux, aux vertus, au courage.
J'admirai dans les camps ces braves chevaliers ;
Chrétiens toujours soumis, intrépides guerriers,
De tous les malheureux protecteurs charitables,
C'est aux seuls musulmans qu'ils étaient redoutables.
Sire, dans les périls les a-t-on vus jamais
Payer de leur honneur ou la vie, ou la paix ?
S'ils ne peuvent toujours obtenir la victoire,
Ils obtiennent du moins la véritable gloire
Que leur zèle poursuit en tout temps, en tout lieu ;
Ils meurent pour leur roi, leur patrie et leur Dieu.
Dans les murs de Saphad * une troupe enfermée,
Ne pouvant plus combattre une nombreuse armée,
Se rend ; et le vainqueur, lâchement irrité,
Malgré le droit des gens, jusqu'alors respecté,
Veut que les chevaliers renoncent à leur culte ;
Mais il prodigue en vain la menace et l'insulte ;
En vain par ses bourreaux il les fait outrager ;
Intrépides encor dans ce nouveau danger,
Tous marchent à la mort d'un pas ferme et tranquille ;
On les égorgea tous : sire, ils étaient trois mille;
Et lorsque, combattant sur les bords du Jourdain,
Un grand-maître resta captif de Saladin,
Frappé de ses vertus, les égalant peut-être,
Le sultan proposait d'échanger le grand-maître ;
Déjà les chevaliers souscrivaient un traité :
«J'ai condamné ma vie a la captivité *,
Leur dit ce digne chef, en répandant des larmes;
Le jour où la victoire abandonna nos armes,
On me chargea de fers, quand je voulais périr :
De mon malheur du moins je saurai me punir ;
Je garderai mes fers ; ils pourront vous apprendre
Que vous devez mourir plutôt que de vous rendre ;
Instruits par mes revers, vous n'hésiterez pas
De périr avec gloire au milieu des combats.»
Voilà de quels exploits leur courage s'honore ;
Voilà ce qu'ils ont fait, ce qu'ils feraient encore.

LE ROI
Vous vantez leur valeur ! tous les jours un soldat
S'immole obscurément au salut de l'état ;
Et souvent un guerrier qui se couvrit de gloire,
Rapporte dans nos cours l'orgueil de la victoire :
Ainsi les templiers, trop fiers de leur valeur,
Même en servant l'état méditaient son malheur.
Bientôt vous connaîtrez leurs complots redoutables.

 













* Le fait est historique

LE MINISTRE
Il aidera lui-même à punir les coupables.

LE ROI, au ministre et au chancelier
C'est le trône et l'autel qu'il s'agit de venger...
Mais quand notre prudence écarte le danger,
Prenez soin qu'on ne puisse accuser ma mémoire.

LE CHANCELIER
Nous voulons vous venger et servir votre gloire.

LE ROI
Que la France, l'Europe et la postérité
Disent : Ils ont péri, mais ils l'ont mérité.
Quelques faits éclatants ont illustré mon règne :
Il faut que l'étranger me respecte ou me craigne.
Le Français me chérit, depuis qu'en nos états,
Où délibéraient seuls les grands et les prélats,
Le premier, j'ai du peuple introduit le suffrage (1);
Le peuple dans nos lois honore son ouvrage.

 







(1) Philippe-le-Bel admit le tiers-état dans l'assemblée des Etats-Généraux, ainsi nommés depuis la réunion des trois ordres, en 1002.

Le pontife romain, hardi dans ses projets,
Ne voyait dans les rois que des premiers sujets :
Un prêtre de nos lois se prétendait l'arbitre.
J'ai bravé son audace, en respectant son titre ;
Et tandis que le bruit de ses foudres sacrés
épouvantait encor les peuples égarés,
Moi, discutant les droits de l'autel et du trône,
J'ai contre la thiare élevé la couronne,
Et d'un pontife altier réprimant les vains droits,
J'aurai de sa tutelle affranchi tous les rois (2).

 (2) Voyez le recueil : Acta inter Bonifacium VIII et Philippum pulchrum regem christi. - L'histoire des différends de Philippe-le-Bel avec Boniface VII.
Boniface VIII et Clément V ont été jugés sévèrement par le Dante qui, dans les 19e. et 27e. chants de sa Divina comedia les place tous les deux dans l'enfer.
Diverses éditions de la Divina comedia ont été dédiées aux papes. Celle de 1544, in-4°., à Paul III ; celle de 1564, in-fol, à Pie IV ; celle de 1782 à Clement XII.

Les exploits d'Edouard menacent-ils la France ?
Il expie aussitôt sa superbe imprudence.
L'Anglais fuit, et laissant nos rivages déserts,
Met entre nous et lui la barrière des mers.
Aux flots de l'océan il demande un asile ;
La terreur de mon nom le poursuit dans son île ;
Justement effrayé de mes hardis projets,
En vassal de ma gloire, il accepte la paix (3).

 (3) Philippe chassa les Anglais du continent ; il entreprit une grande expédition contre l'Angleterre ; la flotte française débarqua au port de Douvres, sous le commandement de Matthieu de Montmorency et de Jean d'Harcourt.

Si les Flamands d'abord vainquirent mon armée,
J'ai fait de leurs succès taire la renommée ;
Moi-même, combattant dans les plaines de Mons,
J'ai du jour de Courtrai réparé les affronts ;
Jusqu'au pied des autels consacrant ma victoire,
Un monument pieux en garde la mémoire (4) ;
Et mes exploits peut-être ont déjà mérité
D'obtenir un regard de la postérité.
Ainsi, quand nous vengeons les droits du diadème,
Honteux de mes succès j'en gémirais moi même,
Si jamais on pouvait accuser mon courroux
D'avoir aux templiers porté d'injustes coups.
Ah ! je préférerais, noblement téméraire,
Provoquer aux combats leur audace guerrière,
D'une lente victoire affronter le danger,
Les attaquer en roi, combattre et me venger.
Qu'une dernière fois le conseil se rassemble ;
Quelque puissant qu'il soit, que tout coupable tremble.
Mais, d'après vos avis, si nous reconnaissons
Que nous n'avions contr'eux que d'injustes soupçons,
Je veux avec honneur moi-même les absoudre :
Il est encore temps de retenir la foudre.

 

 (4) Après la bataille de Mons en Puelle, le roi vainqueur, disent quelques historiens, entra à cheval dans l'église de Notre-Dame de Paris : il avait les mêmes armes et le même cheval dont il s'était servi dans le combat. En mémoire de cet acte de piété, on érigea dans l'église la statue équestre de ce roi. Elle a été détruite depuis peu d'années.

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