Le mythe des Argonautes trouve sa place aussi dans la littérature tardo-latine et chez les auteurs du Moyen Age. Dictys ne parle pas des Argonautes, car son histoire commence directement avec Pâris et Hélène. Mais voici ce qu'en disent Darès et son épigone français, Benoît de Sainte-Maure. Il faut remarquer chez celui-ci la confusion entre Pélias et Pélée, qu'on retrouvera aussi chez Guido delle Colonne et ses nombreux vulgarisateurs de toute l'Europe. Aurait-on par ailleurs pu imaginer, comme le fait Benoît, que l'histoire des Argonautes commençait à Naples ? L'histoire des Argonautes doit être lue comme contemporaine de celle de Laomédon et Hésione et de la première destruction de Troie, comprise entre les mythes troyens. Il faut remarquer encore que le moine normand parle des événements de Médée en Grèce et de l'assassinat de ses enfants, empruntés probablement à Ovide, tandis que Guido paraît glisser volontairement sur ces aspects.

En Angleterre, de manière tout à fait indépendante de Benoît de Sainte-Maure, Joseph of Exeter, alias Josephus Iscanus, traduit l’œuvre de Darès en parfaits hexamètres latins, avec une forte connotation morale et un style sévère et contrôlé. Le crime d’avoir violé la mer rappelle Virgile et sa quatrième églogue. La condamnation de Médée et de son infanticide est naturellement liée au sentiment religieux de ce poète si singulier.


Darès le Phrygien - De excidio urbis Troiae, 1 et 2

[1] Pelias rex Aesonem fratrem habuit. Aesonis filius erat Iason, uirtute praestans : et qui sub eius regno erant, omnes eos hospites habebat, et ab eis ualidissime amabatur. Pelias rex ut uidit Iasonem acceptum esse omnibus, ueritus est ne sibi iniurias faceret, et se regno eiiceret. Dicit Iasoni Colchis pellem arietis inauratam esse, dignam eius uirtute, ut eam inde auferret, omnia se ei daturum pollicetur. Iason ubi audiuit, ut erat fortis animi, et qui loca omnia nosse uolebat, atque clariorem se futurum existimabat, si pellem inauratam Colchis abstulisset, dicit Peliae regi se uelle eo ire, si uires sociique non deessent.Pelias rex Argum architectum uocari iussit, et ei imperat ut nauem aedificaret quam pulcherrimam, ad uoluntatem Iasonis. Per totam Graeciam rumor cucurrit, nauem aedificari, in qua Colchos eat Iason, pellem auream petiturus. Amici et hospites ad Iasonem uenerunt, et pollicentur se una ituros.Iason gratias illis agit: et rogauit ut parati essent quum tempus superueniret. Iason quum tempus superuenit, litteras ad eos misit qui erant polliciti, sese una ituros, et ilico conuenerunt ad nauem, cuius nomen erat Argo. Pelias rex quae opus erant in nauim imponi iussit: et hortatus est Iasonem, et qui cum eo ituri erant, ut animo forti irent ad perficiendum quae conati essent. Ea res claritatem Graeciae et ipsis factura uidebatur. Demonstrare eos qui cum Iasone profecti sunt, non nostrum est: sed qui uult eos cognoscere, Argonautas legat.

Eson, frère de Pélias, roi du Péloponnèse, avait pour fils Jason, prince d'une valeur distinguée, et chéri de tous ceux qui vivaient sous l'obéissance de son oncle, à cause de l'hospitalité qu'il exerçait à leur égard. Ces avantages firent craindre à Pélias qu'il ne formât quelque entreprise pour le chasser du trône. Pour se débarrasser d'un neveu que ses craintes lui rendaient incommode, il lui dit qu'il y avait dans la Colchide une toison d'or, et qu'une telle conquête était digne de sa valeur : il ajouta que s'il enlevait cette toison, il lui donnerait tout ce qu'il lui demanderait ou ce qui dépendrait de lui. Comme Jason n'était pas moins empressé de voir les pays lointains qu'il était courageux, et comme il espérait de se rendre encore plus illustre par cet exploit, il répondit à Pélias qu'il était tout prêt à exécuter cette entreprise, s'il ne manquait ni d'hommes ni de moyens. Satisfait de cette réponse, le roi fait appeler son architecte Argus, et lui ordonne de construire le plus beau vaisseau qu'il pourra, et sur le modèle que Jason lui fournira. Bientôt il se répand dans toute la Grèce un bruit qu'il se fabrique un vaisseau sur lequel Jason doit se rendre à Colchos pour en enlever une toison d'or. De toute part les amis et les hôtes de ce prince accourent auprès de lui, et lui promettent de l'accompagner. Jason les remercie de leur bonne volonté, et les invite à se tenir prêts à partir lorsqu'il en sera temps. Ce temps venu, il envoie des lettres à tous ceux qui lui ont offert leurs services, et tous, sans différer, se rendent sur le vaisseau qui avait été nommé Argo. Le roi Pélias y fit transporter tout ce qui était nécessaire pour l'expédition, et n'oublia pas d'exhorter Jason et ses compagnons à faire tout leurs efforts pour réussir dans une entreprise dont le succès devait procurer de la gloire à la Grèce et les illustrer eux-mêmes.

[2] Iason ut ad Phrygiam uenit, nauem admouit ad portum Simoenta. Deinde omnes exierunt de naui ad terram. Laomedonti regi Troianorum nuntiatum est, mirandam nauim in portum Simoenta intrasse, et in ea iuuenes de Graecia aduectos esse. Ubi audiuit Laomedon rex commotus est, et considerauit commune periculum, si consuescerent Graeci ad sua littora nauibus aduentare. Mittit itaque ad portum qui dicant, ut Graeci de finibus eius discedant: et si non dicto obedissent, tum sese armis eiecturum de finibus. Iason et qui cum eo uenerant, grauiter tulerunt crudelitatem Laomedontis, sic se ab eo tractari, quum nulla ab illis iniuria facta esset: simul et timebant multitudinem Barbarorum, si contra imperium conarentur permanere, ne opprimerentur: quum ipsi non essent parati ad proeliandum, nauim conscenderunt, a terra recesserunt, Colchos profecti sunt, pellem abstulerunt, domum reuersi sunt.

Dès que Jason fut arrivé près des côtes de la Phrygie, il fit entrer son vaisseau dans un port à l'embouchure du Simoïs, et débarqua avec tous ses compagnons. Laomédon, roi des Troyens, apprit bientôt qu'un vaisseau d'une grandeur extraordinaire, qui portait un grand nombre de jeunes guerriers grecs, était entré dans le port du Simoïs. Vivement ému de cette nouvelle, il se représenta le danger auquel ses états seraient exposés si les Grecs s'accoutumaient jamais à débarquer sur les rivages troyens, et sans délai il leur envoya l'ordre de s'éloigner, avec menace de les y contraindre par les armes. Jason et ses compagnons furent d'autant plus indignés de cette brutalité de Laomédon, qu'ils ne s'étaient rien permis d'injurieux à son égard mais comme ils craignaient de ne pouvoir résister à la multitude des barbares, s'ils méprisaient l'ordre qu'ils avaient reçu, et que d'ailleurs ils ne s'étaient pas préparés au combat, ils remontèrent sur leur vaisseau et s'éloignèrent. Arrivés à Colchos, ils en enlevèrent la toison d'or, et retournèrent aussitôt dans leur pays.

Josephus Iscanus, Daretis Ylias, I, passim

Profectio Argonautarum ad Colcon insulam

Esonides primus undas assumpsit in usus
Frixeam rapturus ovem, cui laudis alumpnus
Alcides socias indulsit in ardua vires,
Hiis Peleus Thelamonque duces, hiis cetera pubes
75 Emathie. Casus pelagi coniurat in omnes
Pars mirata ratem, pars fame prona petende,
Pars mundum visura novum gentesque remotas.
Ergo sequi docilis, quas nondum noverat, undas
Thetios in gremium migrat prerepta Diane
80 Pinus et e ramis remos habet inque profundum
Ornatu contenta rudi plus robore, cultu
Fisa minus - paucis exul peregrinat in armis.
Nondum seva deos ponto obiectare natantes
Relligio, non fluxa sinu tumuere superbo
85 Carbasa. Delicias dat fastiditior usus
Exornatque suum novitas operosa periclum.
Prima inopem pinus cultum, quo stabat in Hemo,
Detulit in sirtes. Auctor ratis Argus et Argo
Navis erat, sed uterque rudis. Nil illa superbe,
90 Non auro superos lesit, non rupibus aurum.
Stat dubius novus hospes aque reditumque fugamque
Lidentis pelagi miratur et equora visu
Metitur patrieque pium consultat amorem
Virtuti nutu facili cessurus et undis.
95 Sed rapit aura ratem. Quonam, quo naufraga tendis,
Quo ? populos in fata trahis. Tene angue vel armis
Patrandum fastidit opus ? Scio, tedia tollis,
Delicias leti queris. Nunc utere saxo,
Terra potens, atque iniecte Simplegadis ictu
100 Nulla prius consumpta refer ! Ferat ipsa cruentum,
Quod peperit, fatum primaque superbiat ira !
Fata obstant, hominum predatrix Atropos arcet.
Plus superi quam vota queunt; trabes Thessala divos
Presentes, quos fecit, habet. Contemptus in antris
105 Ypotades, in aquis Triton, in carcere
Chorus hac rate prerepta summos senuisset in annos.
Quippe deum genitore metu mens ceca creavit
Ditem umbris, celo superos et numina ponto.
Vix pelagi sensere minas, iamque ,Eole !' clamant,
110 Eole tuque, dato mulces qui cerula sceptro,
Undarum Neptune potens, date numen ituris !
Si reduces, meritis nomen sacrabitur aris.'
Mox certant in vota dei gaudentque vocati :
Hic faciles proclinat aquas, hic evocat antro
115 Qui vela impregnet Zephirum, qui purget abacta
Nube diem.

Après la querelle avec Laomédon, le départ de Jason vers Colchos et sa passion pour la jeune princesse.

Iam fluctus emensa vagos in Phasidis undas
160 Declinat Pegasea ratis pelagoque relicto
Pauperiore sinu, sed liberiore potita
Multa prius metuenda tulit, dum litore in alto
Discordes agerent undarum prelia motus.
Improbus audaci suspendit gurgite pontum
165 Phasis et obnitens castigat in arva ruentem
Cessuram miseratus humum. Furit ille feroxque
Potandas incestat aquas bilemque refundit
In vada blanda suam dedignaturque teneri.
Ipsa etiam clausisque Nothis celoque sereno
170 Continuas hiemes portus angustia volvit,
Nec spacio laxum languet mare ; crescit harena
Consumptura rates tellusque occulta vadosas
In cumulum suspendit aquas mentita profundum.
Fluctuat ambiguus Tiphis, prope litora spectat,
175 suspectam formidat humum discitque timere,
Quo tutum sperabat iter. Timor elicit artem :
Consultura vadum medias minor alnus in undas
Pellitur et conto metitur indice pontum.
Litoris insidie postquam patuere, coacto
180 inter utrumque solum decurrens limite puppis
Arva petita premit fractasque offendit harenas.
Quid memorem Esonide duras incumbere leges
Oete imperio, quid semina iacta, quid hostes
Terrigenas Martisque boves sevique draconis
185 Excubias ? Ignis virtuti cedit et ensis
Eripiturque emptum summo discrimine vellus.
Neptunum sensisse putes, fugientibus equor
Altius intumuit fractique in litora fluctus
Insonuere simul: "Procul, o procul ite profani !
190 Non licet in sanctum cum preda tendere pontum."
Has Nothus haut passus causas instare timoris
Preripuit voces nec iter concessit in aures.
Navigat auricomo spoliatis vellere Colchis
Predo potens. Culpemne ratem, que prima per undas
195 ad facinus molita vias atque Atropon auxit,
An causa peiore probem? Sine remigis usu
Non nosset Memphis Romam, non Indus Hiberum,
Non Scita Cicropiden, non nostra Britannia Gallum.
Primus ab excubiis montes proreta Pelasgos
200 Anticipat salvere iubens, at cetera pubes
Remorum assurgit studio victrixque carina
Thessalicis reddit, quos in freta duxerat, arvis.
Quis varios memoret plausus, quis gaudia vulgi?
Si parcus meminisse velim, vel nolle fateri
205 Vel seriem non nosse putent; si prodigus, auris
Fastidita neget faciles ad. singula nutus.
Pelea miratur reducem Larissa Pilonque
Nestor habet, Thelamone suo Salamina superbit,
Leda Therapneis et fratribus Orithyia
210 Ysmariis laudatque suum Calidonia mater
Oeniden, nondum tantum soror, Orphea Traces,
Archades Admetum, Talaumque et Thesea et Ydam
Antheumque urbes varie, sua menia quemque.
At Peloponensum cum preda divite Iason
215 Occupat. Insigni lascivit regia cultu
Victorique suo gratas plebs obvia voces
Elicit et vero dispensant gaudia vultu.
Solus inexplicita Pelias sub fronte serena
Invidia egrescit, sese causatur, in omnes
220 Vota deos consumpta gemit Martemque lacessit,
Qui gratis domitos tulerit defervere tauros.
Eluctata diu rapidis ímpulsibus ira
In verbum singultat atrox questusque superbos :
"O superi, quo thura meant ? O fata, quis error
225 Imperat ? 0 hominum casus, paucosne reservat, ut multos
Fortuna premat? Iam sentio, traxi
Invito mea regna deo. Cape, maxime, tandem
Quorum fastidit usus regnare negantem,
Que longo emisti voto, tumeasque relictis,
230 Non raptis ! Tenui certe non sponte deorum
Hiisque velim regnis emptum vicisse
Tonantem. Me mage, si qua fides, votorum offensa lacessit
Quam sceptri iactura mei. Voluine sub Arcton
Proscripsisse virum ? Regnat. Fregisse ? Superbit.
235 Extinxisse ? Viget. Titulos minuisse ? Triumphat.
Ergo deos dita ingratos, da thura Tonanti :
Cum dederis, sperata neget donisque retentis
Rideat elusum. Melius Fortuna pianda est,
Que facem, que fulmen habet, que prima tirannis
240 Imperium partita tribus concessit, abegit,
Mutato lusit celo rursusque iubebit,
Quos fecit reges, mecum migrare sub umbras
Et love proscripto Saturni leniet iras'.
Sic fatur diroque animam depascitur estu.
245 Has tamen, has cordis rugas, hec prelia mentis
Frontis oliva domat faciesque dolosa sophistam
Mendicat vultum et blandos mitescit in usus.
Gaudia prima ducum sollempni mensa tumultu
Excipit. At celi predo terreque marisque,
250 Ambitus, acceptas venatur regibus escas :
Iuno liram volucrum languescere sentit ; alumpnos
Equoris emungi Thetis dolet ; aspera Phebe
Indignata sui numerum rarescere civis
Excubat ultoremque humeris accommodat arcum,
255 Venantes venata viros predamque petentes
In predam petit et lucos vigilantius ambit.
Ergo thoros conviva premit donumque dearum
Interpres blandus hilarat deus humida siccis
Mire concilians. Comptos discreta clientes
260 Cura agit, hii Cererem cumulant, hii fercula mutant,
Illi hilares iterant calices. At rege superbo
Emeritum libante merum mensalibus herent
Submissique haustum Bachi regalis adorant.
Has mense genialis opes, hec ocia cure
265 Dapsilis, hoc grati certamen dulce laboris
Incolumi virtus delibat sobria gustu.

A cette histoire est liée l'aventure de la première destruction de Troie par Jason, Hercule, Télamon et les autres Argonautes. Laomédon est tué par Hercule, et sa fille Hésione, sauvée par ce dernier du monstre envoyé par Poséidon, est donnée à Télamon et fournira à Paris un prétexte pour enlever Hélène.

Benoît de Sainte Maure, Roman de Troie en prose, passim.

5. [Que hons fu Peleüs li roi et coment il aï son neveu.]

En un de ces païs de Grèce dont je vos ai parlé desus, ce est en la terre de Labour, avoit une cité que Pénélope fu apelee, qui hui est apelee Naple, en laquelle un roi avoit que l'en apeloit Pelleüs, qui moût tenoit grant partie de cel païs que vous avés oï nomer. Cil Pelleüs estoit viaux homs et avoit a moillier une dame que Thitis avoit a non, dont il n'avoit c'un seul enfant moût petit, dont le Livre paiera (peut-être faut-il lire parlera) assés encores, qui Achillès fu només. Meis il ot un frère qui fu apelés Enson, e cist ot un fil qui Jason fu només. Cestui Jason fu de moût grant beauté et de grant force et gracïeus sus toutes créatures, par quoi sa renomee corroit par tous les païs de Grèce et par mains autres.

Quant Pelleüs vit que la bonté Jason montoit chascun pur, si ot grant paour que il son règne ne li tollist ; quar bien veoit que se il se vosist pener, que il ne le poroit pas contre lui défendre. Moût ot le cuer gros le roy et félon encontre son neveu, et moût se porpensoit en quel manière il le poroit mètre a maie fin, ja soit chose que il ne faisoit nul samblant, ançois faisoit tous jors son corage bel envers lui. Or est il voirs qu'en celi tens, ce trovons nos, avoit une grant merveille en une ille de mer qui Colcos estoit apelee, si estoit un mouton qui toute la toison avoit de fin or. Mes il estoit gardés par si fiere manière que nus hons vivans ne le poïst geter ; si avint il bien que maint vaillans homes s'i esproverent, qui trestous i furent mors sans riens esploiter. Mais qui ceste garde i avoit mise ne peut nus savoir.

6. Pelleus qui pensoit de deserriter son nevou.

Pelleus, qui tous jors pensoit a mal, ne vit autre voie comment il se peûst de son neveu délivrer, quar moût le doutoit ne samblant n'en osoit faire ; meis toutes voies se porpensa que il troveroit engien por quoi il le poroit la tramettre, quar a seur se tenoit que il ne reperroit jameis.

7. Coment Pelleüs parla a son neveu.

Ne demora gaires que li rois tint une grant court ou il avoit assemblez tous ses barons. Jason meïsmes i fu et Hercules, qui son çompaignon estoit. Et dit l'en que cesti Hercules fu celui qui ficha les bones, ce sunt les columpnes de pierres, la ou rei Alixandre les trova, et autres granz merveilles fist il assés. Quant la court estoit si grant com je vos di, le roi apela son neveu et li dist : « Biau neveu, je n'ain rienz plus que je fai toi ; quar tu es preuz et sages, et maintes choses as tu achevées dont tu es renomés sus tous les damoisiaus dou monde de ton aage. Meis encores n'as tu riens fait, quar se tu fusses si osé que le toison qui est en Colcos, dont l'en tient si grant parolle, peùsses conquerre, tu avras ton los acompli. Et saches vraiement que après cen que tu avras ce conquis, je te créant come rei que tu seras hoirs de toute ma terre après moi et a mon vivant ».

Ms Français 60, fol. 44v - BNF

8. Coment Jason s'en ala en Colcos.

Jason entant la large promesse que son oncle li fait, si en ot grant joie, et d'autre part il conu en soi tant de proesce que, puis que il s'en vodra entremetre il en vendra au dessus. Et il avoit grant volenté d'aler en * estrange pais, quar c'est manière de jeune home ; ne vers son oncle ne repensoit il nul mal engin, ançois quidoit certeinement que tout ce li deïst pour son honour acroistre, si l'en mercie moût humblement : « Sire, fait il, je voi bien que mon henour amés sur toutes choses et que grant chose m'avés promise. Veez moi tout prest de l'aler a vostre servise, quar endroit de moi je n'ai cure de grant demorance faire, et, se Dieu plaist, je achèverai la besoigne a la vostre volenté et a l'onor de moi ».

Moût se tient Pelleûs a bieneùré de ceste chose et de ceste responce, et por ce manda maintenant por Argus, qui estoit le souvrain engignour de Grèce, et li commanda que une nef soit faite hastivement et apareillie de toutes choses qui i besoignent. Ensi comme il ot commandé fu fait, et veullent dire acune gens que ce fu la première nef qui portast voille. La novêle fu tantost espandue par tout de la nef que Pelleûs faisoit faire, ou Jason devoit aler querre le Toison. Dont il avint que tuit les plus prisiez bachelierz dou pais s'en vindrent offrir a Jason, et il les mercia moût et leur devisa le terme que il fussent prest et apareilliez.

12. Et tant alerent qu'il ariverent a Colcos. Illeuques descendi Jason et Hercullès et toute lor compaignie si noblement vestus et acesmés que chascun sambloit un rei. Or avoit une cité près d'ileuques qui Jaconidès estoit apelee, qui moût estoit bien assize et bien habitée, dont le rei avoit non Oëstès.

13. Coment Jason ariva a Colcos.

Le jor que il ariverent faisoit moût biau tens, si s'en vindrent a la cité o toute lor compaignie et alerent aval les rues tant que il vindrent a maistre palais ou le rei tenoit sa court. Et quant il entrèrent eu palais, le rei leur ala a l'encontre et les recuit moût honorablement, quant il sot dont il estoient et l'achoison de leur venue. Après les fist aseoir au mangier, Jason et Hercullès encoste lui, et moût les henora de tout son pooir. Et quant il orent mangié, le rei envoia querre sa fille, qui Medea estoit apelee, et il n'avoit plus hoir. Et elle estoit de merveillouse biauté, mais aveuc tout ce si estoit ele très sage durement en l'art de nigromance, comme celé qui tout son tens i avoit mis. Que vos dirons de ces merveilles ? Assés vos seroient merveillouses a entendre et a moi grevouses de raconter, a ce que assés avons a dire encore autre chose.

Ms Français 60, fol. 47 - BNF

Medea vint en la sale moût noblement acesmee tout le petit pas, la chiere auques enclinee vers terre, et estoit de si grant beauté que nule plus; et surquetout se sembloit elle si sage et de si noble manière que tout en furent esbaïs li Grizois. Son père le fist seoir dejoste lui, et elle li demande de quel païs ces gens sunt ; et quant elle soit que ce estoit Jason, si en ot moût grant joie, quar elle avoit oï soventes foiz parler de lui, et por ce ne pooit elle ses iauz oster de sus li, quar sa forme et sa semblance li sambloit trop bêle. Que vos diroie je ? Tant le regarda Medea et tant i mist s'entente que elle fu si souprise d'Amors qu'ele ne savoit que dire ; si pensa que moût priseroit son sens, s'elle pooit avoir de li sa volenté. Mais sor toutes choses ameroit ele le mariage.

14. Si come la damoiselle l'ama. (v 1216-386)

Ensi soufri Medea toute une samaine cette paine d'amorz, et moût pensoit curieusement en quel manière elle poïst avoir loisir de paroler aveuc lui. Si avint un jor après disner que li rois la fist venir devant lui et li fist moût grant joie, et après li commanda qu'ele alast a conjoïr Jason et Hercullès, quar il le voloit bien. Et celé, qui d'Amors ardoit, s'en vient vers lor toute hontouse et moût afeitee de bien parler, et leur fait moût grant joie. Et quant elle fu assise delés eaux, si dit a Jason tout basset : « Sire, ne tenés mie a vilainie se je parolle a vos, ne ne quidiés que ce soit par folie, quar il ne vos doit grever se je me veul acointer de vos ; que droit et raison me semble que quant l'en voit home d'estrange pais, que l'en parolle a lui et li done l'en loial conseil ».

15. Come Jason mercja la damoiselle.

« Dame, dist Jason, de ceste grant cortesie vos mercie je moût, quant il vos pleist que vos parlastes avant a moi, quar vos en avés fait moût que debonaire, si vos en serai feel tous les jors de ma vie ; et moût poés avoir grant joie que Dieuz vos a enluminée de merveillouse beauté, et sur tout ce vos a, dame, doné si grant savoir ».

16. Come Medea parla.

Adonc parla Medea a Jason et dit : « Bien sai que vos estes ci venus por le Toyson d'or, mes vos ne ferés mie que sages; quar, se tous ceaus qui sont nés de mère fussent ensamble, ne poroient il engin trover coment il le peùssent avoir ; et por ce vos getés hors de ceste foie enprise, quar maint home s'i sont ja traveillié, ne je n'antendi onques que nus en eschapast. Quar les dieus i ont leur gardes mises, si comme je vos dirai, quar grans mestiers vos est dou savoir. Mars, li dieus des batailles, i a mis dous buefz que, quant il sont corrociés, flambe lor ist de feue ardant par mi la bouche, si que nus hom vivant n'i porroit aprochier que demanois ne fust tout ars ; si i sont mis par art et par conjurement, et qui voudra avoir le Toison, si convendra qu'il les puisse si donter que il les face arroies traire. Encores plus i a grant péril : ce est un serpent voilant qui giete feue distrempé avec venin, moût hidous et espoëntable. Et celui ne puet estre conquis par nul engin. Que vos feroie je lonc conte ? La chose est si grief que nul n'en poroit a chief venir, et por ce vos loeroie je que laissiés ester ceste folie, se tu ne desirres ta mort ».

17. Que Jason respondi a la damoiselle.

Jason respondi et dist : « Dame, por Dieu merci, je vos pri que vos ne m'esmaiés pas, quar je ne sui mie por ce ça venus. Miaus ain je morir que je mon pooir n'en face, quar je seroie honis a tous jors. Mais por ce, soit mal ou soit bien, mon pooir ferai de l'ensaier ».

18. Que Medea respondi a Jason.

« Jason, dist Medea, je voi bien que nus ne te poroit de ta folie retraire, si me prent moût grant pitié que je te voi si desirrer ta mort. Mes se je fusse seùre que je poisse avoir t'amor, et que jamais ne me deùsses guerpir et me preïsses a feme, je prendroie engin coment tu vendroiez a chief de ceste emprise, quar nus n'en te puet aidier fors moi. Car je sai de nigromance tant que tout m'est legier quant que est grief. Or esgarde que tu feras et me di ton cuer sans riens celer. - Dame, fait il, je vos jurerai sus tous les dieus de votre loi que je vos espouserai a feme et vos garderai loiauté, et vos henourerai comme celé qui de moi avra tous jors mais la seignourie, et vos enmenrai aveuc moi en mon pais, ou vos serés henouree de tous les plus haus homes de la terre, et de ce vos aseùrai je a vostre devis ».

19. Que Medea respondi a Jason.

Medea respondi : « Puis que oï ai vostre volenté, vos remaindrois jusques au soir, que li reis sera couchiés, et lors vendrois a ma chambre tout seul et m'aseûrois a ma volenté, et je vos mostrerai la voie de vos chevir sor la besoigne por quoi vos estes venus. - Dame, fait il, oeinsi soit ; mes envoies a moi quant vos plaira, quar je ne savrai ou je iroie ne a quel houre ». Et atant s'em parti li uns de l'autre. Jason s'en ala a ses compaignons, et la pucele s'en ala a sa chambre, ou elle demoura moût entreprise, quar le soleil li tardoit moût que il fust couchiés.Et quant la nuit fu venue, si li torna a grant ennui que cil par la sale aloient. Et por ce aloit sovent veoir a l'uis de la sale se il parloient de dormir, et atendoit que la gent fust couchie, et se reprenoit moût entre soi meïsme et disoit : « Lasse, corne fu ge folle et de quoi me sui je entreprise ! Ne poroie je estre blasmee plus que nule autre feme fust onques, quant en un home estrange ai mis mon cuer dou tout ? » Et ensi se departoit de l'uis de la chambre et se rasiet sur son lit. Mes moût tost se leva, corne celé qui ne pooit ester en un leuc ne demourer, et ala ovrir une fenestre, et voit que la lune fu levée, si quida bien que il fust près dou jour, si fu moût couroucee ; et retorna vers l'uis de la sale et voit que les gens se couchoient, si en ot grant joie. Après, quant elle oï la noise abassee, si qu'ele quida bien que tous fussent endormis, si apela une sue maistresse en qui elle moût se fioit et l'amonesta d'aler au lit Jason bêlement sens noise faire et l'amenast aveuc lui en sa chambre. La vieille dist que volentiers feroit son commandement, mes couchast soi avant, si seroit plus covenable chose, « quar il est moût tart, si ne seroit mie avenant que il vos trovast veillant a tel heure ». A ce s'acorda la pucelle et se coucha en un moût riche lit. Et la vieille s'en est droit alee vers le lit Jason et le sache a soi par la main ; et cil se leva maintenant et afubla un mantel a son col et s'en entra maintenant en la chambre après la vieille . Laiens ardoient dous grans tortis, si que l'en veoit moût cler. Et il s'en vint jusques au lit ou la pucelle gisoit.Et quant elle le senti, si fist grant samblant de dormir ;et cil comme cortois prit le covretour et le leva un poi tout bêlement ; et celle tressaut et se tome envers lui comme toute esfreee de paour : « Vassal, fait elle, qui vos conduit a tel heure ? Quar trop m'a fait veillier la noise que vos avés démenée, si que hores a primes estoie je endormie. - Dame, fait il, je ne requier autre conduit que de vostre maistresse, et ne m'en soit de pis se je sui mis en vostre prison ».

20. Coment Jason jura a Medea et la conuit.

A ces parolles les laissa la vieille et s'en ala en une autre chambre. Si parla Jason et dist : « Dame, celui qui est tout vostre vos prie que vos le recivés si liement que il ne face jamais chose fors que tout vostre plaisir ». Et Medea li dist : « Biauz amis, moût me prometés grant chose, se loiaument le volés tenir, ne je ne demande plus. - Dame, fait il, a vostre plaisir soit d'asseurer vous de moi et je le vos fiancerai en tel manière que a tort vos douterois de moi ». Adonc se leva Medea de son lit et aporta un ymage dou deu Jupiter : « Veez ci l'ymage as deuz, fait elle, si me jurés a tenir et porter foi, et je vos tendrai des ore mais a leial ami et a seignour ». Tout ensi li jura Jason, ja soit chose que il s'en esparjurera après villeinement. Mes en nostre matière n'apartient pas, por quoi nos nous en soufrerons, mes que toute la nuit furent ensamble et li tolli Jason le non de pucellage. Et quant vint au jor, si dist Jason : « Dame, il m'est avis que je poroie ci trop demourer: pensés de ma besoigne, quar en vos est toute m'esperance. - Ce sachiés, fait elle, que je en ai pris bon conseil ».

Adonc se levèrent ambedui. Après deferma Medea un petit escrignet, si en trait hors un ymage ovré par art soutilment et lî bailla et dist : « Tu porteras ce aveuc toi,- quar, tant corn tu l'avras, riens que soit ne te covient douter ». Après li bailla un sien ongement et dist que il en deùst son cors oindre, quar ce la defenderoit dou feue et dou venim. Et puis li dona un anel dont la pierre estoit de tel vertu, quar qui l'avoit sus lui ne poroit douter ne feu ne eve ne d'estre vencus en bataille ; et si avoit autre vertu, « quar, se vos tornés la pierre dedens vostre main, ja ne pores estre veùs, et quant vos la tornerés dehors, si reserés veùs corne devant. Mais sur toutes choses te pri que tu le gardes bien, quar c'est la chose que je plus aime ». Puis li baille un escrit et li dit : « Maintenant que tu verras le monton, garde que tu ne voies avant jusques a tant que tu Tavras dit trois fois contre Orient, quar par aventure les dieus se coureceroient de ce que tu veus faire, et par ce les repaieras. Or te baillerai ceste glus qui est par tel maniere faite et destrempee que ja ne toucheras a rien qui ja mais soit defermee : et por ce t'en vai moût tost vers les bues, et si lor sourmet a la bouche et au nés, et maintenant l'avront estoupé ; et puis les feras arer quatre aroies. Puis va t'en tost au serpent, qui grant bataille rendra, mes de ce ne te convient a douter, quar tost en seras délivrés. Et maintenant que tu l'avras conquis, oste li trestous ses dens et les semme en la terre que tu avras arree, quar einsi le convient a estre. Et de ce verras tu maintenant naistre dous chevaliers armez de toutes armes, et devant toi se combatront tant que andui i seront mort. Adonques avéras tu toute achevée ta besoigne. Mais bien garde que por la victoire que tu avras que tu ne soies oublious de rendre grâce as dieus. Et puis t'en vai vers le monton bellement, si en prinras la toison et lui laisseras, et t'en vien tout maintenant. Si t'ai ore dit tout, si que je ne te puis plus mostrer. Garde que de rienz ne soies oblious, et désormais te met a la voie, quar il est grant jour, ce m'est avis ».

21. [Que li rois Oestès amonesta Jeson.]

Jason la prist adonc entre ses bras et la mercie mil fois et s'en torne a son lit atout ce qu'ele li a doné ; si estoit moût liés'de grant manière, et por le veillier que il avoit fait si s'endormi ; si s'enveilla et apareilla maintenant, quar tens li sambloit d'aler. Mes ses compaignons ont de lui moût grant doute. Et quant li rois Oëstès voit ce que Jason voloit faire, si li prist a dire moult bonement : «
Jason, fait il, de ta mort ne veul je estre blasmés, et por ce te di que se tu mon conseil vosisses croire, que tu n'iroies en nule manière ; quar je n'oï onques paler que nus i alast qui jamais revenist arriéres, car les dieus i ont mises leur gardes : por quoi je croi bien que tu vais a ta fin. Mes ce saches tu que a force ne te retedroie pas, quar vileinie me sembleroit. Fai ainçois ce que tu voudras, mes ce est contre ma volenté ».

22. [Que Jeson ne vost entendre l'amonestement le roi.]

De chose que li rois die n'a cure Jason de rien, ains se part maintenant de la cité, et Hercullès et ses compaignons le convoient jusques au rivage, et illuec li covenoit passer un bras de mer petit por aler en l'ille. Puis entra ou batel sans demoure, puis si s'arma de toutes armes-, puis arriva en l'ille ou le monton estoit. Medea estoit montée sus une tor, et quant elle le voit en mer, si ne se pout tenir de plorer et dist basset : « Beaus douz amis Jason, en grant errour avés mis mon cuer, quar je vos ain de si fine amour et de si vraie que je ne puis estre seùre jusques a tant que vos soiez revenus ; car je ne dout autre chose mes que vos n'oblïés riens de ce que je vous ai dit et enseignié, car jamais n'avroie joie en mon cuer : por coi je pri les dieus qu'il vos soient amiables ».

23. [Coment Jason conquist la toison et se retorna en son païs].

Endementiers Jason a tant aie qu'il arriva a l'isle, et maintenant prent son escu et son gleive et s'en ist hors dou batel, et choisi les bues et le serpent et le monton qui de fin or resplendissoit, et maintenant prist l'oignement, si en oint son cors et sacrefia la figure que Medea li bailla, puis l'atacha sor son heaume ; après lui l'escrit trois fois, si come la pucelle li enseigna, et maintenant se treit vers les bues que tel feue et flamble getoient que maintenant fu son escu tous ars, se ne fust qu'il prist la glus et la lor espandi en la bouche, ne onques puis feue ne flambe n'en issi ; puis lour fist faire quatre arees. Et quant il ot ce fait, maintenant ala a serpent requerre, que si hidous estoit dou feu que il getoit par mi la boche et les narilles, et de l'esbatre et dou sibler que il faisoit, que nus hons vivans ne le poroit esgarder que toute paour n'en eùst ; et se Jason ne fust esté si bien garni, mors fust sans faille maintenant ; mes les argumens que il avoit sur lui le guarantirent. Toutefois ferit il sus li et dépêcha la lance, mais nul mal ne li fist. Après mist la main a l'espee et li done tels cols que l'ille en retentist. Et cil diable avoit la pel si dure que fer n'i pooit entrer, si avenoit mainte fois que il abatoit soz lui Jason si angouseusement que li sans li sailloit par mi la bouche. Si s'en failli moût près que il ne morut, mes toutes voies s'esforça il tant que par engin aveuc l'aide de s'amie, que en la fin li coupa il la teste ; et maintenant li traist les dens et en a semé la terre que il ja avoit arree aveuc les beufz.

 

Ms Français 60, fol.49v, BNF

Et tantost en issirent deus chevaliers tous armés qui demenois s'entrecoururent sus et s'entrocistrent. Lors ot Jason tout fine, si rendi grâce as dieus et s'en vint vers le monton et li osta la toison et se revint maintenant arierez, si comme Medea li ot dit. Et quant elle le vit revenir, ne demandés s'elle en ôt grant joie, quar des hores a elle tous ses bons. Mes le rei n'en fu pas lié. Toute fois vint a la rive, et Hercullès et ses compaignons l'en menèrent a grant joie et a grant compaignie dedens la ville. Tout li haut home dou païs et le menu pueple estoit venus por la merveille regarder, qui leur sambloit moût grant et moût estrange. Et quant il entra au palais, Medea vint encontre lui et li fist grant joie et en l'abrassant li dist qu'il venist le soir parler a lui. Et cil respondi que moût volentiers, et maintenant que il fu baigniés por le venin et il fu revestus, si s'assistrent au mangier, et briefment tout le mois après sejornerent les Grizois en la ville, si que grant loisir orent li dui amans de faire lor désir.Et en la parfin l'en mena Jason aveuc lui en son païs, dont elle fist grant follie, et moût s'en repenti après, si comme li auctor dit, quar celi lassa sur une ille de mer, et si estoit grosse de dous enfans. Et puis fist elle tant que elle se parti de l'isle et se délivra des enfans, et tant quist Jason qu'ele le trova, et lors tua ses deus enfans, si en prist les cuers et les entrailles et les dona a mangier a Jason qui engendrés les avoit de sa char, et puis après geta devant lui les pies et les mains des enfans et li dist que ce estoient les membres de ses filz que il avoit engendrés, dont il avoit les entrailles mangiees, et qu'ele avoit cen fait en venjance de ce qu'ele l'avoit délivré de mort et il l'en avoit rendu aspre gueredon comme d'elle laissier en une ille sauvage. Por quoi les sages jugent que ceste fu la plus cruel mère qui onques fust.

Le Roman de Troie en prose, ed. L. Constans et E. Faral, Champion (1922)

Comme Darès, l'auteur anonyme de l'Istorietta troiana, qui traduit et abrège Benoît de Sainte-Maure, relie la destruction de Troie par les Argonautes à celle que chante Homère : Jason part pour la conquête de la Toison d'or et y réussit avec l'aide de Médée.

Anonyme - Istorietta troiana

Perciò che sovente ne siamo in materia diremo la cagione per che Troia fue distrutta. In Grecia fue uno ricco uomo re, che era chiamato Pelleus, essappiate che elli fue il padre d'Accilles. Avenne, anzi che Accilles fosse nato, che questo Pelleus avea uno nepote maravilgliosamente prode e ardito e di grande sengnioria, del quale Pelleus avea invidia e paura, avengnia che elgli fosse suo nepote, temendo chesse elli vivesse chennol gli tolgliesse il reame. E in quel tempo vivea Ercule il forte. Il nepote di Pelleus, del quale noi parliamo, avea nome Giason, che molto era bello e pieno di vertù e avea più tempo che Ercule.

Gianson fue filgliuolo de[r]re Ieson, fratello derre Pelleus, onde Pelleus tenea li due reami, perciò che Enson era morto e perciò temea di Gianson. Ercules fue figliuolo di Giuppiter, uno grande giogante che per sua forza era chiamato loddio del Cielo. Giason ed Ercule si dilettavano molto insieme ed erano molto amici e compangni. E in quel tempo era innuna isola di Colcos uno ricco re, il quale avea una bella filgliuola, la quale avea nome Medea e non avea più erede. Il quale pensava di maritarla al più alto uomo e al più forte e al più prode che trovar si potesse. Sì fecie chella filgliuola studiò nell'arte di nigromantia e apresene tanto che più non se ne potea sapere. A quelli medesimi maestri che insegnato l'aveano fece fare di tutto suo oro ed avere e pietre preziose uno montone d'oro, il quale in latino è appellato velus aureum. Quello tosone d'oro fece mettere in una bella isoletta di mare, la quale era molto presso all' isola di Colcos.

E fece per arte di nigromantia che quello montone era guardato da tori, i quali gittavano per la bocca fuoco efflamma ; e serpenti e altri incantamenti erano alla guardia, sicché nullo si potea di quello montone apressare, che incontanente non fosse morto. E quando gl'incantamenti furono tutti fatti e formati, irre di Colcos fece assapere che qualunque potesse quello montone per forza conquistare, elli gli darebbe la figliuola sua e mezzo il suo reame. Molti nobili cavalieri di diverse contrade vi periro ; e certo nullo passava in quella isola che vivo ne tornasse. Quella maravilglia fue detta e saputa per tutta Grecia. A queste novelle si pensò irre Pelleus che s'elli potesse tanto fare che Giason suo nepote volesse andare in quella isola per lo tosone conquistare, che mai non tornerebbe, e in tal maniera si disferebbe di lui, e propuose di conducerlo acciò. Allora ordinò di tenere nella sua milgliore cittade una grande corte e fece lungamente festa con tutti li suoi baroni e larghi doni vi fece e grande spese e al dipartire della corte sì parlò innudienzia di tutti a Giason e disse : « Io tengno la terra cheffue di Eson tuo padre, la quale dee essere tua per ereditaggio, la quale presto sono di rèndellati, però che omai se' in etade. E perciò chennullo sia il quale dica chettu non sia dengno di terra tenere, settu volessi andare acconquistare lo montone dell'oro nell' isola di Colcos, io ti donerò assai avere, arme e compangnia e alla tua tornata t' accrescierei il tuo ereditaggio. Conciò sia cosa che io sono sicuro chettu il conquisterai e di ciò ti crescerà grande pregio e lode. E non ti spaventare di ciò che molti vi sieno periti e di ciò chefforte cosa è affare, peroe che se questa fosse cosa la quale catuno oppiue potessero fare, già damme non avresti consilglio d'andarvi e di ciò pregio non si aquisterebbe. Ma perciò che grande onore e pregio ne verrà atte e attutti quelli del tuo lignaggio, perciò ti priego chettu vi vadi ». Acciò rispuose Giason e disse : « Segnor mio, di ciò che voi mi dite io vi rendo grazie e merciè, sì della promessa essì del consilglio. Essappiate chennel vostro rengno io non giacerò più di dodici die anzi ch'io muova per conquistare lo tosone o io vi morrò. Esse in questa corte à alcuno valoroso giovane cheffare mi voglia compangnia, io il ne richeggio e prego ». Acciò si proferse Ercules e Meleagier e più altri giovani cavalieri e donzelli. Incontanente i[r]re Pelleus fecie loro apparecchiare tutto lo suo tesoro ed armi. E dipartita la corte, Giason fece apparecchiare una bella nave e fornilla di ciò che attale compangnia si comvenia. Molti sono che dicono che Giason fue il primo uomo che entrò innalto mare...

Tanto navicaro li Greci che elli arrivano all'isola di Colcos. E quando irre di quella isola seppe la venuta de' Greci, sì andò loro allo incontro con bella compangnia e con grande onore e seco menò Medea sua fllgliuola e menolli nel suo albergo. Irre domandò quale era quelli chello tosone era venuto a conquistare, elgli Greci gli mostrano Giason. E[r]re guardando e imaginando sua forma e sua bieltà, silli disse : « Giason, mio caro amico, grande dammaggio e peccato sarebbe sella tua giovanezza perisse di quella morte cheppiù altri anno sostenuta ; però vi priego in lealtade e fede chesse tue vuoli del mio avere, chettu ne tolghi di ciò che mestiere ti sia e quando sarai soggiornato erriposato al tuo piacere, sì potrete tornare agli aIberghi vostri ». Queste parole gli disse i[r]re più volte nella presenzia di tutti li Greci. Acciò rispuose Giason ch'elli nol pregasse di suo disinore, che poi che elli avea l'opera intrapresa, egli la menerebbe affine, quale chella fine fosse. A queste parole era presente la figl[i]uola derre, cheffisamente rimirava la bellezza di Giason.

E riguardandogli, siggli entrò si maravigliosamente nel cuore, che al postutto s'innamorò di lui. E pensavasi che grande danno sarebbe se elli perisse per si fatta disaventura. Sì disse che ella vi metterebbe consiglio, che che le ne potesse avenire. Quello die fue tutto innallegrezza e sollazzo, e quando fue tenpo d'andare addormire, furono messi in ricche camere e onorevolmente addormire in bellissimi letti. E intanto Medea si prese guardia in quale camera e letto dovea Giason dormire. Eppoi che tutti furono alletto, allora chella donzella pensò chettutti dormissero, si usci celatamente della camera e venne al letto di Grason e poi li disse il suo nome, ecchi ella era, ecche grande pietà le prendea di lui. Esse elli le volesse promettere e tenere lealtà, ella gli aiuterebbe a diliverarlo del pericolo ove egli era entrato e tanto farebbe chelgli aquisterebbe lo tosone. Giason le rispuose e promisse tanto che Medea gli diede unguenti, erbe, pietre preziose, incantamenti, sorti e brievi e diverse gienerazione di cose, per li quali li tori e gl'incantamenti, che a guardia del tosone erano, si potessero distruggiere e confondere, e insengnogli come egli ne lavorerebbe. Ed egli le promise di menàllane in sua terra e sposerebela e quella notte fece della detta Medea tutto suo piacere e guardò bene e ritenne ciò che detto e dato gli avea. La donzella si dipartì la mattina quetamente dallato a Giason, ed Ercules e gli altri Greci si levarono. Giason domandò l'arme e armato entrò tutto solo innuna navicella per andare nell'isoletta ove era lo tosone per far suo podere di conquistarlo. Assai il pregarono quelli dell'isola di Colcos e tutti li baroni del rimanere. Acciò Giason non intese, massolo nell'isoletta passò. Tanto fece Giason con sue erbe essorti e con l'armi, chelli tori domò e ongni incantamento vinse e con lo tosone tornò all'isola di Colcos. Di ciò si maravilgliò molto il re ella gente tutta, e ben si pensò il re che avea dato alcuno aiuto la filgliuola. Ma di ciò non fece alcuno senbiante e pensossi d'assalire li Greci di nocte e di torre loro lo tosone. Ma quando irre credette chelli Greci andassero addormire, ed egli si partirono e portarne lo tosone e menarne Medea figliuola del re, ecco molta allegrezza ritornaro illoro terra. Molto fecie il re Pelleus grande festa al nepote e rendelgli tutta la terra che allui s'aparteneva.

Guido delle Colonne, Historia destructionis Troiae, I , passim

[Incipit liber primus de Peleo rege Thesalie inducente Iasonem vt se conferat ad aureum uellus habendum.]

In regno Thesalie, de predicte scilicet prouinciis Romanie cuius incole Mirmidones dicti sunt, quod nos hodie uulgari denominatione Salonicium appellamus, regnabat tunc temporis rex quidam iustus et nobilis nomine Pelleus cum eius consorte Thetide nuncupata... Hunc autem regem Pelleum describit ystoria habuisse quendam fratrem Hesonem nomine, sibi ex utroque parente coniunctum et eius in etate maiorem. Qui dura longeue etatis senio grauaretur, seipsum vix regere poterat. Et ideo regni Thesalie gubernaculis multo minus longa sibi sene(c)tute confracto renunciauit et cessit moderamina regni Pelleo fratri suo. Post cuius Pellei regimen Heson legitur per tempora longa uixisse, ita ut, eo multa sene(c)tute defecto, eius occuli caligarent et eius corporeus uigor pre nimia tabesceret senectute. Quem dixit idem Ouidius in eodem libro Methamorphoseos postmodum in iuuentutis flores et iuueniles potentias renouatum, ita quod de senili umbra factus est anniculus medicabili cura et artifiosa uirtute Medee, de qua Medea infra proxime habendus est sermo. Ex hoc igitur Hesone supererat quidam natus, Iason nomine, vir fortis et strenuus et iuuenis, nimium speciosus, modestus, largus, affabilis, tractabilis, pius, et omni morum uenustate corruscus. Hunc Thesalie primates et nobiles, hunc plebei tenere dilectionis affectu pro suarum uirtutum excellentia sunt amplexi, non minus quam regem Pelleum uenerantes eundem. Erat et idem Iason non minus obediens regi patruo quam esset patri si regeret, nec erat molestus illi sed omni subiectione deuotus, licet Pelleus sceptro Thesalie potiretur. Eadem igitur relatione non sibi rex Pelleus respondebat, quod licet signis extrinsecis eum sibi carum esse monstraret, ardebat tamen et fluctuabat intrinsecus ne in uirtute sua et in tanta affectione suorum quam sui erga ipsum habebant Iason eum Thesalie regni dominio spoliaret. Longe igitur in mente secum seruauit ardorem, quem sagaci studio tegere ne actu aliquo publicatus euagari posset extrinsecus diu per fatigabilem tollerantiam est conatus. Quare disquisiuit in corde suo uiarum ymaginata proposita quibus posset Iasonem perdere absque sui sugillatione pudoris fama auribus plurimorum intonuit quod in quadam insula dicta Colcos ultra regni Troyani confinia uersus orientalem plagam quidam aries habebatur, cuius vellus erat aureum, ut fame preconium perhibebat. In hac igitur insula regnare dicebatur rex quidam Oetes nomine, vir potens et diues sed etate prouectus. Hunc aurei ueleris arietem describit ystoria custoditum fuisse mirabili cura et studio dei Martis, cum in eius custodia deputati fuissent quidam boues urentes flammas ex ore uomentes. Si quis igitur hunc aurei uelleris arietem optaret habere, cum hiis bobus necesse habebat finire certamen et si eorum uictoria potiretur, opportebat eum boues ipsos deuictos iugo subicere et eos compellere aratro terram uertere in qua erant. Item, deuictis bobus ipsis et arare coactis, iterum necesse habebat in quen-dam draconem squamis orridum et flammas igneas exalantem irruere, ipsumque, bello cum ipso commisso, perimere et, eo perempto, dentes a faucibus eius euellere et euulsos serere in predictam terram a bobus aratam. Ex huius agri semine seges mirabilis pullulabat. Nam ex satis dentibus statim quidam armati milites nascebantur, fraternum bellum inter se illico committentes, qui se per mutua vulnera perimebant. Per hec ergo periculosa discrimina et non per alios tramites poterat predictum aureum velus haberi ac omnibus uolentibus predicta subire certamina rex Oetes faciebat liberum aditum exhiberi. Quamquam enim sic de aurei uelleris ariete dictaret ystoria, asserentes tamen uera de eo aliter sunt testati. Dixerunt enim regem Oetem cumulum thesauri magni possedisse et possessum custodie traditum memorate per incantationum tamen figmenta et artes mathematicas constitutas. Huius enim thesauri cumulum per mundanam ingluuiem et auaricie cupiditatem, que omnium malorum est mater, multi strenui sibi querere uoluerunt, sed, impugnantibus incantationum noxiis, non thesauri compendia sed finalis sibi necis dispendia quesierunt.

Vt igitur de aureo uellere fama peruenit ad regem Pelleum tanto discrimine quesituro, statim curiosum ad illud erexit animum, diligenter attendens quod tutiori uia et sine pudoris labe sui non posset tradere Iasonem facilius ad perdendum. Assumpsit ergo propositum qualiter Iasonem ortaretur ut in sue uirtutis strenuitate iuueniliter confidentem ad aurei uelleris questum uoluntarie se conferret. Decreuit ergo in celebriori ciuitate Thesalie solempnem curiam celebrare, in qua, multitudine baronum et militum non modica confluente, curia ipsa triduo perdurauit. Tertia die rex Pelleus uocatum ad se Iasonem in presencia dictorum nobilium sic alloquutus est dicens : « Satis quidem glorior, care nepos, de dominio regni Thesalie tam excelsi sed multo potius reputo me gloriosum de tanti strenuitate et habilitate nepotis, cum tue uirtutis excellentiam uicine prouincie ipsius facti testificatione cognoscant et ea fama ueriloqua relacione continua predicet in remotis. Es enim Thesalonicensis regni et mei potius honor et gloria, cum te saluo regnum Thesalie timeatur ab omnibus et te uigente nullus audeat inimicus. Porro uirtutis tue gloria in sublimi me poneret, si aureum uellus quod Oetis regis potentia tenet inclusum te potente in regni mei claustra posset adduci, quod per te non ambigo satis de facili fieri posse, si laboris animum animosus assumeres et orationis mee precepta nono obduceres exequenda. Que si perficienda decreueris, tibi singula ad predicta peragenda necessaria ipsius viatici parabuntur in apparatu maximo et comitiua multorum quos de regni melioribus duxeris eligendos. Acquiesce ergo uerbis meis et horum mandatorum meorum operarium te exhibeas gloriosum, ut in conspectu meo de cetero maioris dilectionis appareas et de tue strenuitatis fama leteris in maiores apices sublimari. Nec erit expers a magne tue utilitatis compendio efficax labor tuus. Nam ueris pollicitationibus et non fictis te certum efficio quod me defici-ente te futurum heredem in regno Thesalie statuam et me uiuente non minus me ipsius regni dominio potieris ».

Intellectis igitur a Iasone singulis que in tantorum presencia circumstantium rex Pelleus protulit, gaudio exillaratus est multo, non attendens insidiosas regis austutias et eius dolositatis latebras non aduertens, ratus que dixerat de pure regis consciencie cellulla processisse potius in sui honoris incrementa sublimia quam in sue detrimenta persone. Confisus ergo de sue strenui-tatis audacia nec reputans impossibile sibi esse quod regis fallax auiditas exposcebat, regis mandatis se pronum gratanter exhibuit et se infallibiliter inpleturum exposita cum omni deuocione promisit. Letificatus igitur Pelleus ad grata sui responsa nepotis indicte curie finem imposuit, appetens exequi uota sua post promissa predicta, quibus fortunam alludere iam presensit. Considerans ergo quod Colcos insula mari circumdata adiri non poterat nisi cum nauigalibus aptis ad maris discrimina substinenda, iussit ad se uocari de regno Thesalie quendam fabrum, Argum nomine, lignorum artificii multa discretione uigentem. Qui ad regis iussum mire magnitudinis quandam nauim in multa congerie lignorum extruxit, que de sui actoris nomine proprio uocata est Argon. Hanc quidam asserere uoluerunt primam fuisse nauim que primo uelis institutis adire loca remota presumpsit, et ideo quamlibet nauim magnam que transmeare maria uelis dicitur eleuatis Argon gramatici vocauerunt.

Parata igitur naui predicta et immissis in eam singulis habundanter que causa nauigationis exposcit, multi nobiles de Thesalia, multa strenuitate conspicui, cum eodem Iasone ingrediuntur in ipsam... Obtenta ergo a rege Pelleo Iason nauigandi licentia noua sulcat maria cum Hercule et suis complicibus. Nauis noua, cuius uela dum secundus uentus inbuit et eius inflat afflatus, loca Thesalie cognita deserit ualde cito et ad incognita maris loca citius dissilit uelocissimo curso suo. Multis itaque diebus ac noctibus nauigantibus illis sub ductu Thesalici Philotetis, ...aura secunda perflante, tandiu recto remige nauigauit donec ad horas Frigias, regni Troyani uidelicet pertinencias, noua nauis applicuit, in portum scilicet qui tunc dicebatur ab incolis Simeonta.

II, passim.

Et sulcantes maria, uentis afflantibus prosperis, non post multos dies in Colcos insulam salui perueniunt et desideratum feliciter portum intrant.

In insula igitur Colcos erat tunc temporis quedam ciuitas, Iaconites nomine, caput regni pro sua magnitudine constituta, vrbs ualde pulcra, muris et turribus circumdata, fabricatis multis insignita palatiis, plena populo copioso, et insignis multorum nobilium incolatu. In hac igitur urbe degebat regaliter rex Oetes in multorum comitiua suorum, cum non longe a ciuitate ipsa nemora multa uirescerent apta quidem uenationibus ob multarum ferarum copiam iugis uescentium nemorosis. In cuius urbis ambitu longa patebat distensa planities frigidariis et uiridariis illustrata, dum aquarum fontes in ea innumerabiles scaturirent et quam plures fluuii continuis fluctibus prolabentes riuulis eandem planitiem irrigarent. Quare multarum uenatricium auium copia uigebat in illa, multarum uolucrum cantilene incessanter ibidem dulci modulamine personabant.

Ad hanc igitur ciuitatem Iason et Hercules cum eorum comitibus regaliter et decenter induti tramite recto se conferunt. Qui dum per plateas ciuitatis ipsius dyametro longo patentes moderatos gressus laudabili compositione maturant, miratur vulgus in eis illucescere tot regios apparatus, tam speciosam inflorescere iuuentutem, sic modestos in eorum incessibus et in apparentia tot moribus prepollere. Sitienti ergo animo disquirit uulgus qui sint, unde sint, et que causa sit aduentus ipsorum. Sciscitantibus ergo illis nullus est qui causam eorum aduentus aperiat donec portas palatii regii attingunt. Rex autem Oetes, innate sibi nobilitatis gratie non oblitus, statim sibi ex quo Grecorum aduentus innotuit, solio consurgens a regio, Grecis o(b)uiam in multorum comitiua suorum exiuit. Quos fronte illari et facie leta recipiens fouet am-plexibus, signis salutationis exillarat, et in dulcium uerborum primitiis placidas amicitias illis spondet. Qui postmodum per gradus marmoreos loca sublimia conscenderunt, palatii intrant cameras, picturis variis illustratas et appositi auri mirifico fulgore micantes. Postquam uero eis est sedendi concessa facultas, Iason, multa animositate repletus, in modesta pronuntiatione uerborum aduentus sui causam Oeti regi exprimit, et aurei uelleris ordinata discrimina secundum statuta legis imposite humiliter temptare deposcit. Eius autem rex benigne petitis obtemperans se impleturum uota Iasonis non negauit.

Paratis igitur in multa rerum ubertate cibariis, sternuntur mense, superappositis ciphys aureis multis in illis. Et imminente commoditate uescendi, rex, cupiens omnem sui nobilitatis gratiam Grecis ostendere, pro quadam filia sua mittit ut ueniat iocunda celebratura conuiuium cum nouis hospitibus, quos ipse rex cum multa iocunditate recepit. Erat enim Oetis regis filia, Medea nomine, virgo nimium speciosa, patri vnica et sola futura heres in regno. Que quamquam jam ad annos nubiles peruenisset et facta iam thori matura, a puerilibus tamen annis se totam exhibuit liberalium artium studiose doctrinis, sic totum cordis auiditate scientie inbibens Elycona ut nullus uel nulla ea doctior posset illis temporibus reperiri. Set eius margarite scientia ex qua potius prepollebat erat illa ars mathematica, que per uires et modos exorcizationum nigromanticos lucem uertebat in tenebras, subito uentos inducebat et pluuias, corruscationes et grandines, et timidos terremotus. Fluuiorum autem decursus per decliuia loca labentes ad superiores partes influere et redundare cogebat. (H)yemali etiam impugnatione frondibus arbores spoliatas compellebat in ipsa turbinis tempestate florescere, iuuenes faciendo senescere et senes ad iuuentutis gloriam prouocando. Hanc credere uoluit antiqua gentilitas luminaria magna, scilicet solem et lunam, sepius coegisse contra naturalium ordinem eclipsari...

Medea autem, audito patris precepto, quamquam esset virgo nimium speciosa, conata est, ut mulierum est moris, speciem addere speciei per speciosa uidelicet ornamenta. Quare compta pretiosis ornatibus et regio apparatu, decora cuncto gradu, non obmissa familiaritate, ad discumbentium mensas accessit. Quam sedere Iason. iuxta Iasonem illico iussit pater... Existente igitur Medea inter patrem et Iasonem, licet multo esset rubore perfusa, tamen temperare non potuit suorum acies oculorum quin, cum poterat, eorum intuitum uersus Iasonem dulcibus aspectibus retorqueret, sic eius faciem et circumstantias faciei, flauos crines, corpus, et membra corporis intentis ymaginationibus contemplando quod repente in concupiscentia eius exarsit et feruentis amoris in animo cecum concepit ardorem. Non illi est cura ciborum uesci dulcedine nec gustare pocula melliflue potionis. Est enim sibi tunc cibus et potus Iasonis dulcis aspectus, quem totum clausum gestat in corde et in cuius amore libidinis repletus est stomachus saturatus. Cum igitur inspiciebatur ab aliis qui intuebantur eam ciborum gustibus sic cessasse, attribuebant eidem non amoris causa hoc in ipsa procedere sed sola forte ratione ruboris. Medea ergo tanti feruoris exasperata cupidine conceptum crimen satis conatur obtegere ut non solum ab hiis a quibus inspicitur percipi forte posset, sed etiam a seipsa probabilis excusationis argumenta producit quibus illud quod esse posset nefas in virgine excusabile conuertat in fas. Inde est quod tenui sono suos eburneos infra dentes collidit hec uerba : « O utinam iste barbarus tam speciosus tam nobilis michi maritali copula iungeretur », ut sibi ipsa daret intelligi inculpabili affectione illud appetere quod culpa et crimine non carebat. Omnium enim mulierum semper est moris vt cum inho-nesto desiderio virum aliquem appetunt, sub alicuius honestatis uelamine suas excusationes intendant.

Conuiuii igitur fine facto, Medea de sui patris licentia camerarum suarum intrat archana, et Iason et Hercules quadam eius palatii recipiuntur in camera iussu regis. Medea autem in sui secreto cubiculo sola persistens, ex concepti amoris flama uexata, anxietate multa torquetur et multis fatigata suspiriis satis solicite cogitat in seipsa qualiter sui ardoris flammis posset occurrere per satisfactionem proprie voluptatis. Set virginei pudoris pusillanimitate deuicta cedit audacie, cum in ea pugnet amor et pudor. Instat amor ut audeat sed per ignominiam pudor uetat. Et sic duplici uexata conflictu sui laboris dispendia per totam (h)ebdomadam sub taciturnitate defleuit.

Factumque est autem quod a fortuna, miseriis que finem accelerat, ex seipsa processit pro Medee uotis illud acceptum quod Medea quadam die, circa eius diei medium, dum rex Oetes in secretariorum comitiua suorum cum Iasone et Hercule de multis multa. sua conferret in aula, pro Medea filia sua misit ut ueniret ad illum. Qua in apparatu regio veniente in sui ueneratione ruboris iuxta patrem ipso iubente consedit. Cui pater blando sermone licentiam explicauit ut cum Iasone et Hercule more uirgineo uerba solatiosa conferret. Que pudibunda quodammodo patris surgens a latere iuxta lasonem sibi sedere elegit. Iason ut uidit Medeam iuxta se consedisse, factus est illaris et, modico relicto spatio sessionis, secedens parum ab Hercule, magis Medee lateri fit pro-pinquus. Rex autem Oetes et astantes ceteri multe confabulationis amenitate diem eludunt, et Hercules cum astantibus coram eo multa sermocinatione de pluribus conferrebat. Sicque inter Iasonem et Medeam nullum medium erat cuius posset obice, si uicissim adloquendum erat, aliquid impediri. Medea igitur, quasi in solitudinis habilitate alloquendi Iasonem apta commoditate captata, uidens ceteros inter se circa alia colloquia diuersa uacare, timorosi pudoris sarcina honeste deposita, in primis uerborum congressibus sic est Iasonem alloquta : « Amice Iason, non reputet tua nobilitas inhonestum nec uicio feminee dissolu-cionis ascribat si forte tecum uelut ignota conferre presumo et me inhonesta intentione uerborum affecto ad tui notitiam prouocare. Dignum est equidem ut extraneo nobili et negotioso salutis consilium tribuatur a nobili. Nam prodesse nobilis nobili ex quadam mutua urbanitate tenetur. Scio enim te nobilem et ductum audacia iuue-nili : regnum istud pro obtinendo aureo uellere petiisti, pro cuius questu scias te discrimini manifesto submittere et infallibilis mortis periculo subicere uitam tuam. Ergo tue nobilitati et iuuenili calori compatior et tibi desidero salutis consilium et auxilium utile ministrare propter quod illesus a tantis periculis eruaris et ad optatos tue patrie lares incolumis ualeas grata sospitate redire. Et hec tibi de leui profutura cognoscas si perceptibili corde meos monitus amplecteris et efficaci studio duxeris exequendos ». In prono sibi uultu et plicatis brachiis Iason ad offerentis uerba sic humili voce respondi t: « Ha nobilissima domina, vobis deuotissimo corde meo humiles grates fundo que laboribus meis compati nobili exposi-tione mo(n)stratis. Cuius rei causa beneplacitis uestris me totum expono, cum multo magis sint munera gratiosa que nec petita nec precedentibus beneficiorum meritis tribuuntur ». Cui Medea : « Amice Iason, nosti quanta sunt in aureo uellere querendo constituta discrimina an forte fama, ueritatis ignara, tibi causam ipsorum ueram non prodidit in aperto? Sane eius facultas obtentus uix aut nullo modo mortali cadit in homine, cum diuina sit eius custodia et non sit in homine plus posse quam potest uirtus inexpugnanda deorum. Quis enim illesus euasit a bobus flamas eruct[u]antibus igneas quem fortune casus aduersus ipsos irruere stimulo presumptionis induxit, cum aduersus illos insultans subito conuertatur in cinerem et exustus fumosa pereat in fauilla? Quod si tam leui animo attemptare iuueniliter presumpsisti, magna fatuitate dedu-ceris, cum pretium tante rei mors sola consistat. Abstrahe ergo, Iason, si petis agere sapienter, a tam infausto limine pedem tuum et ne accedas ad letifera limina, que tue sunt uite lumina finaliter ablatura ». Iason autem uelut impatiens ad Medee uerba, com-motus ne plura hiis similia uerba diffundat, eius sermonem intersecat et, eius serie interrupta, sic intulit: « Ha nobilissima domina, numquid uestrorum terrore sermonum exanimare me creditis ut duris incussionibus stupefactus ab incepto desistam? Numquid, si fieret, uti posset aliqua gloria uita mea? Sane uiuus uiuaci uituperio tabescerem inter gentes et omnis exutus honoris laude perpetui dedecoris uilescerem ubertate. Est ergo propositi mei certum morti me tradere, si mors est pretium tante rei. Nam prudentis viri proprium esse debet, ex quo alicuius cepti propositum publicauit in actu, preponere necem vite priusquam a cepto ignominiose desistat ». Cui Medea : « Est ergo, Iason, illa tui propositi certitudo ut mortem affectes preponere uite tue in tam vicini discriminis interitu manifesto. Reuera tue fatuitati compatior et erga te presumentem nimium indiscrete commoueor uisceribus pietatis. Quare propono, tibi compatiendo benigne, tue salutis antidotum reuerentie preponere patris mei et meo pudori non parcere nec saluti. Sed huius ita demum a me beneficii gratiam consequeris, si monitis meis pure spondes et in exequendis que dixero fallaciis non utaris ». Ad hec Iason : « Nobilissima domina, quecumque decreueritis me facturum infallibiliter adimplere uobis spondeo deosque contestor ». Cui Medea : « Si me tibi copulaueris in uxorem, si me ab hoc paterno regno, Iason, abduxeris in tuam patriam delaturus, si me fidelis non deseres quoad uiuam, pro certo faciam et tractabo quod aurei uelleris obtentu finaliter tuum uotum implebis, totis imminentibus malis periculis anullatis. Sum enim inter mortales alias sola que possum uirtutes Martis eludere et eius potentialiter institutis per contrariam artis potentiam obuiare ». Ad que Iason : « O quam magna et inextimabilia reuera sunt illa que michi, nobilis uirgo, promittis daturam michi te, uidelicet que inter alias preciosas sponsas electe pulcritudinis prerogatiua refulges uelut rosa punicea, que ueris temporibus flores ceteros quos in aruis campestribus sponte natura produxit suorum titulorum insigniis antecellit ! Et me liberare preterea a tantorum malorum noxiis, aureo ariete quesito ! Scio tamen me iustum esse non posse pretium tante rei. Et qui dona tam cara grata offerente fortuna renueret merito dici posset summa fatuitatis insania penitus agitari. Quare, nobilissima mulierum, et me in uirum vobis humiliter et deuotum sponsum expono et me facturum singula que uestra discernet electio pura et intemerata fide promitto ». Medea uero talis oblationis exilarata sermonibus, sic ad offerentis uerba respondit iterato : « Amice Iason, de tuis pollicitationibus certam effici et omnino securam non uano corde desidero et ut in hiis mentem meam tutioris assecurationis facias firmiorem, peto per te quecumque dixisti tuo sacramento firmari. Sed cum ad presens se nobis locus habilis non presentet, differendum hoc puto dum operiatur terra noctis caligine, que ad committendum oculta se prebet desiderantibus habilem et a scientia hominum multos excusat. Et ea igitur nobis commoda se prebente, per mei secretarii nuntium requisitus ad meam cameram tutus accedes, in qua securam me facies de premissis per sacramenta deorum. Nam et me assecuratam hoc modo habere deinceps poteris sicut tuam et ibi de tuorum factorum processibus et ipsorum executione finali per me plenius instrueris ». Cui Iason statim huius compendia breuiloquio sic conclusit : « Nobilissima domina, sicut dicitis fiat uobis et michi ». Ambobus ergo cedentibus pluralitati sermonum, Medea, ab Hercule petita licentia, rege patre etiam salutato, multis asociata comitibus in propriam cameram se reduxit.

III, passim.

Iam diei medium sol post terga reliquerat et suorum flexis habenis equorum ad partes iam uergebat occasus cum Medea sola persistens que dixerat Iasoni et que responsa fuerunt per eum multa intra se cogitatione reuoluit. Et dum condicta inter se diligenter examinat, dilatato gaudio sed mixto desiderio inualente gaudium eius obducitur, dum inuidenda noctis hora per multam cupiditatem suescit. Quare utpote feruoris impatiens dum desiderio fluctuat anheloso, intentis metitur aspectibus cursum solis. Tanta enim auiditate torquetur in solis occasum quod illud diei residuum quod erat medium inter lucem et tenebras sibi pro certissimo uisum fuit tractum duorum habuisse dierum. Sed demum uergente ad uesperas, sub emisperio factus occiduus certas noctis induxit tenebras, dum inter aspectus humanos et ipsum solem se interposuit umbra terre. Insurgente ergo illius noctis crepusculo, multa uarietate subuertitur fluctuans animus in Medea, qui, iam erectus ad notandum singulos gradus solis donec occideret solicitudine grauiori notat et appetit lapsus noctis et sic per consequens ortum lune, cum nocte illa circa primi so(m)pni horam eleuatura esset ab ortu, et sic, eius noctis ab existentibus in palatio consumata uigilia, dormitionis singuli quietem appeterent, per quam complendi sui uoti desiderata libertas plena pateret eidem. Set O quam desideranti animo nichil satis festinatur! Quantis enim torquetur cruciatibus anxiis tunc Medea cum sentit patris famulos in palatio longa uigilia noctem eludere et inuigilantibus signa cadentia sompnos nullatenus suadere ! Longe igitur expectationis uelut impatiens nunc huc nunc illuc fertur per cameram inquieta ; nunc ad eius se dirigit [h]ostium exploratura si forte uigilantes ineant de dormitione tractatum, nunc conuersas ualuas aperit fenestrarum inspectura per illas quantus effluxerit de nocte ea decursus. Sed tamdiu talibus uexatur angustiis donec gallorum cantus, dormitionis preco, undique inualescit, ad quorum monitus vigilantes instantem quietem appetunt dormiendi. Recubante igitur uniuersa familia regis et sub noctis tacito circumquaque diffuso silentio, Medea, exillarata non modicum, quandam anum sibi domesticam et nimis astutam ad Iasonem caute mittit. Quam ut presentit Iason, subito surgit a thalamo et, anu comite, lentis incessibus per obscura palatii gradiens Medee peruenit ad aulam. In cuius introitu astante Medea, Iason affectuosis uerbis salutis pandit oraculum in ingressu. At illi simili responso reddito per Medeam, gratabundus ualuas intrauit.

Confestim igitur secessit anus, Iasone et Medea solis in camera derelictis et firmatis aule ianuis per Medeam, iuxta stratum mirabili apparatu triclinium Iason, Medea dictante, consedit. Apertis igitur thesauris suis, quandam ymaginem auream consecratam in nomine summi Iouis, ut gentilium erat moris, Medea eduxit ab illis et ea ostensa Iasoni in multo lumine ardentium cereorum, quibus tota camera fulgore maximo perlucebat, hiis uerbis illum allocuta est dicens : « Peto a te, Iason, super hanc ymaginem summi Iouis sacramentum a te michi fidele prestari ut, cum me totam tue volu(n )tatis exponam arbitrio et impletura sum omnia que tibi promisi, intemerate fidei puritate te michi perpetuo seruaturum puro corde iurabis, diuini et humani iuris ab hac hora me in tuam consortem accipies, et nullo tempore uite tue me deserere aliqua machinacione presumes ». Ad quod Iason, deuoto uultu se offerens et ymagine corporaliter manu tacta, Medee seruare singula et adimplere predicta iurauit.. Quid ultra ? Recepto Medea a Iasone periurabili iuramento, ambo ingrediuntur in thalamum, incredibili uenustate decorum, reiectisque uestibus et existentibus ambobus nudis, virginitatis. claustra Iason aperuit in Medea. Sicque tota nocte illa consumpta in iocundis solatiis uoluptatis, Medea licet sui uoti satisfactionem impleuerit per uiriles amplexus et optatos actus uenereos a Iasone, propterea non euanuit scintilla cupidinis in eadem ; immo per expertos actos postea grauiora concepit incendia quam per facinus ante commissum. Hic est ille gustus tanta seducens amenitate miseros amatores, qui cum ab eis plus recipitur magis appetitur, quem adire non potest stomachus saturatus, cum cordis auiditas et cupiditas uoluptatis continuum in eo, dum eius feruet dulcis anxietas, nutriat appetitum. Iam illius noctis aurore uicine sidus illuxerat matutinum cum Medeam hiis uerbis alloqutus est Iason : « Hora est, dulcis domina, nos a lecto debere consurgere ne forte repente nos intercipiat lux diei. Sed ignoro, karissima, si de meo negotio disposuisti aliquid me facturum. Si per te igitur est aliquid ordinatum, rogo deuote ut tui secreti consilii michi seras aperias ut per te instructus hoc exequar. Nam in educenda te ab hac insula in qua es et deducenda te in meam patriam in qua possum omnis est celeritas michi mora ». Cui Medea sic dixit : « Amice, carior michi me, super tuo negotio, quod meum proprium factum est, plenum iam sumpsi consilium electionis fornace recoctum et agnitum in meipsa. Hoc ergo surgamus a thalamo ut michi et tibi copia sit habilior exercendi super hec omnia que tibi uisa sunt expedire ». Surgentibus ipsis a thoro et uestibus in multa celeritate resumptis, Medea, suorum apertis scriniis thesaurorum, multa ab illis excepit, que Iasoni hoc ordine tradidit obseruanda. Inprimis tradidit ei ymaginem argenteam quandam, quam dixit esse per incantationum nodos multique artificii uirtute constructam, que aduersus incantationes iam factas est ualde potissima, cassans uidelicet que facta iam sunt et eorum nociua expulsione finali repellens. De hac igitur Iasonem sic instruxit ut eam caute supra se deferat. Nam aduersus incantationes quaslibet preualere se sciet, nociuarum incantationum uiribus annullatis. Secundo sibi tradidit cuiusdam unguenti odoriferi medicamen, quo ipsum linire suasit, asserens in eo uirtutem inesse ut aduersus flamas ualde preualeat, extinguat incendia, et omne quod habet potentiam comburrendi in cassa fumositate resoluat. Deinde quendam annullum sibi dedit, in quo talis uirtutis lapis erat inclusus ut, quecumque uenena corriperet, eorum nocumenta repelleret et, quem ueneni rabies infusa forsan inficeret, uelut ab aquis infusum innocuum sua uirtute saluaret. Erat et in eodem lapide alia uirtus intensa ut, siquis hunc lapidem clausum gereret in pugillo ita quod lapis ipse gerentis carni inhereret, inuisibilis statim fieret ita quod, dum ipse gestaret in pugno eius, nemini pateret copia uisionis. Hunc lapidem sa-pientes achatem appellant, in insula Sicilie primo repertum. Et hunc Heneam scripsit Virgilius gestauisse cum primumt inuisibiliter Cartaginis peruenit ad [h]oras, de quo sic dixit: Graditur fido comitatus Achate.

Subsequenter sibi quoddam scriptum exhibuit litterature legibilis et notissimi etiam intellectus, de quo Medea Iasonem satis diligenter amonuit vt quam primum ad uellus aureum perueniret, impedimentis preambulis annullatis, non repente in ipsum irrueret sed supplex diis in oratione perfusus saltem ter legeret scriptum illud ut, ea lettura instar sacrificii uelut habente, placatos deos per eam mereretur habere. Postremo et ultimo quandam fialam liquore mirabili tradidit sibi plenam, de qua illum instruxit vt quam primum perueniret ad boues, liquore illo eorum [h]ora perfunderet et crebris aspersionibus irroraret. In liquore enim illo hanc inesse uirtutem asseruit vt quam primum ora boum infunderentur ex illo, uelut quodam uiscoso glutino sic compacta constringerentur in unum quod eorum apertura non tam difficilis quam impossibilis esset in illis. Et sic de singulis successiue Medea lasonem diligenter instruxit quibus processibus sine modis possit ad optate uictorie gloriam peruenire. Medea igitur suis instructionibus et doctrinis sic demum finem imposuit et, data Iasoni licentia recedendi, ante diei cominantis lucis aduentum Iason in decretam sibi cameram furtiuis passibus se recepit.

Insurgente igitur roseis aurora splendoribus et sole aureo luce modica cacumina montium illustrante, Iason fictituo surgit a thalamo, et in comitiua uidelicet Herculis et suorum Oetis regis adiuit solium, in quo ipse rex iam se receperat, multorum adstantium circumdante corona. Quem ut uidit rex, illari uultu suscepit et ab eo causam aduentus sui est gestis honorificis sciscitatus. Cui lason sic intulit : « Queso, domine, ut, cum mora sit michi amodo nimium tediosa, uellem, si placet, de uestre uoluntatis licentia ad aurei uelleris bellicosa discrimina me conferre ». Cui rex : « Amice Iason, timeo ne tue iuuentutis animositas inconsulta appetere te inducat ea que tibi mortem accelerent et michi generent loquacem infamiam de discrimine casus tui. Moneo igitur te deuote vt sospes repatriare uelis antequam tot malis te subicias periturum ». Cui Iason : « Nobilissime rex, non est michi animositas sine dispensatione consilii. Et uos sine dubio in conspectu omnium eritis innocens si de me - quod absit ! -a liquid sinistrum accidat cui uoluntarie me suppono ». Cui rex : « Amice Iason, inuitus uolo tua uota perficere. Dii faueant ut a tanto discrimine incolumis eruaris ». Et sic Iason, a rege uotiua obtenta licentia, premissum se accinxit ad iter.

Erat autem iuxta insulam Colcos quedam modica insula, modico freto distans ab ipsa, in qua predictum aureum uellus erat in custodia discriminis iam narrati et ad quam parua cimba et breui remige consueuerat transmeari. Ad uicinum igitur litus Iason adueniens cimbam intrat, armis munitoriis intromissis, et solus, pro spe uictorie feruens, insertorum remorum ductu ab ipso in iam dictam modicam insulam transfretauit. In qua simul cum terram attingit, confestim a cimba prosiliens et, ab ipsa dispositis armis et rebus a Medea sibi prestitis ad salutem, confestim arma induit et securis passibus uersus aurei uelleris se dirigit arietem. Medea uero trepidantis animi excussa suspiriis sui conscendit alta palatii et ad eminentiora loca se dirigens summa speculatur a turri, a qua dilecti sui diligenter metitur transitum sed diligentius eius descen-sum in terram. Quem ut uidit arma sumpsisse et meticulosum, ut putat, accin(c)tum ad iter, fluuiales prorupit in lacrimas, quibus signa produntur amoris. Nec ualens obtemperare singultibus atque uerbis, in has uoces tenues ora sua, lacrimis irrigata circumfluis, languida sonoritate resoluit : « O amice Iason, quantis pro te uexor angustiis, quantis doloribus crucior intus et extra, dum timeo ne tu terroribus stupefactus monitus meos obliuioni6 tradideris et tue salutis obmiseris datas a me tibi necessarias disciplinas ! Quod si feceris, non immerito uereor ne quid tibi et michi, potius illud suppremum sinistrum possit accidere quare a tuis amplexibus fiam perpetim aliena. Diis tamen humiliter supplico ut te redeuntem incolumem occuli mei reuera prospiciant et de tuis processibus me totam exhilarent secundi processus ».

Inter hec autem Iason circumspectis incessibus uersus arietis custodias iter arripuit. Qui postquam uenit ad locum Martis, primo boues inspexit tam urentes flamas et in aere diffusas emittere quod celum adiacens totum ignis flagrancia rutilabat. Estus etiam et caloris feruor sic totum occupauerat locum ipsum quod Iasoni nulla poterat patere facultas ut ad boues ipsos posset accedere pre nimio caloris terrore. Sed dilecte sue factus non immemor salubrium monitorum, faciem suam, collum, et manus, et eas partes quas potuit corporis dato sibi a Medea unguento liniuit. Ymaginem etiam sibi prestitam ab eadem, collo pendentem, flammis opposuit et, perlecto scripto tot uicibus quot iam prediximus esse relegendum, ausus est ad boues ipsos accedere et cum eis prestitit finire certamen. Sicque ipsis aduersus Iasonem flamas euomentibus in-cessanter, exustum est scutum eius a flammis et eius lancea, crepitantes digesta per ignes, nebulosum exalauit in fumum. Et uere Iason uitam mediis finiuisset in ignibus nisi datum liquorem in ora boum crebris aspersionibus infudisset, quo perfuso uaporancium ora boum quasi ferreis catenantur ex seris et uelut uiscosi glutinis compagine indiuidue sunt astricta. Tunc cessauit illico flammarum emissio et boum letifer igneus uomitus illico fuit digestus. Reducto igitur aere, euanescentibus flammis, ad sue humiditatis nature descensum, inualescit Iason et multa animositate repletus ualidas ad stupefactorum boum cornua manus extendit. Sicque areptis cornibus huc illuc temptat transducere boues ipsos ut sentiat si calcitrosi repugnents uel si, eius imperio facti flexibiles, humiliter obsecundent. Qui uelud exanimes, eius parentes arbitrio ad recalcitrationis ceruicosa rebellia insurgere non attemptant. Quare Iason iugum et aratrum iugo iugaliter so(c)iatum eorum humeris secura diligentia imponit et nectit et urgentibus stimulis boues ipsos arare coegit, non contendentes ad imperium aratoris. Sicque, uersata gleba, latus campus crebris concauatur in cellulis, crebris sulcis sursum uersum describentibus cellas ipsas. Et bobus ipsis versato derelictis in campo, Iason festinus et audax se dirigit ad draconem. Quem postquam draco ad se venientem inspexit, multiplicatis sibilis in sonoritate vocis horribilis, repercussum aerem similes echonizare coegit in uoces et crebris ictibus fumosas flamas emittens uicinum aerem calida et estuanti rubricatione colorat et dum linguam leuibus reuolutionibus trahit et retrahit, pluuialibus aspersionibus letifera uenena diffundit. Iason autem intrepidus ad ordinatas Medee se uertens protinus disciplinas, viridis lapidis anulum quem susceperat a Medea in lumina draconis obiecit. Cuius fulgore stupefactus draco cessauit flamas emittere et circumgirando caput et collum huc illuc, uellut factus exanimis, fulgorem lapidis pre multa stupefactione uitare contendit. Hic lapis reperitur in Yndia, ut scripsit Ysidorus, quem nos smaragdum uulgariter appellamus. Huius uirtus lapidis sine dubio talis est ut obiectus in lumina cuiuslibet ueneniferi animalis, serpentis uel eius similis uel eius qui bufo in Sicilia uulgariter nuncupatur, si eius aspectui cum aliquo fuste uel calamo incommutabiliter opponatur, non per longam horam poterit venenosum animal tollerare quod in eius aspectu non deficiat iam extinctum. Sed lapis ipse non eximitur impunis a dampno, cum, extincto uenenoso cui opponitur animali, totus minimas confringatur in rimas. Huius radio uiridanti drachonem ipsum letifere stupefactum animosus Iason confestim appetit ense nudo, crebris ictibus ictus accumulat, quos ueluti innocuos dure draconis squame colidunt. Infatigabilis igitur Iason propterea non cessat ab ictibus, uelut durus malleus in incude, et tamdiu renouatis ictibus ipsum impugnat quod draco, tollerare non ualens crebras et duras impugnationes ipsorum, longe distensus in campo letiferum emittit spiritum, qui super adiacentem aerem letiferis aconitis infecit.

Quem postquam Iason uidit extinctum, Medee magisteria ad propriam iam reducens memoriam, impiger appetit et caput eius a collo trucidanti mucrone diuisit. A cuius faucibus euulsis dentibus, ipsos continuo per sulcos factos inseruit in arato campo dudum a bobus. Ex quorum semine nascuntur statim milites inauditi, dum ex tali segete milites prodeunt, confestim ad arma sequentes, qui irruentes protinus in seipsos letiferis uulneribus se impugnant.

Durum ergo committitur prelium inter fratres terrigenas et obscurum, cum distinctis ad bellum non irruant acciebus nec se petant utpote diuisi per partes, sed turbulentis aspectibus alter alterum trucidare contendat, cum nec demum eorum fuerit aliquis qui uictor extiterit, cum multis et mutuis uulneribus inter se deciderint interempti. Mathematice igitur artis incantationibus contrariis artificiorum ministeriis omnino detersis, dracone predicto morti tradito, necnon ex eius dentium semine natis fratribus morte sublatis, bobus ipsis factis ueluti semiuiuis, Iason, a discrimine periculorum eorum auulsus, curiosa solicitudine sua scru(t)atur in mente que facta sunt et siqua facienda sibi supersint in consumatione ipsius negocii studiosius contemplatur. Et cum omnia percipit iam esse consumpta, animosus et ilaris lentis passibus ad aurei uelleris se dirigit arietem. In quo dum nullam inuenisset rebellionis auda(c)iam, arreptum cornibus iugulo morti tradidit et suo aureo spoliat uestimento, grates exinde diis reddens, per quos cum uictorie gloria et absque sue detrimento persone est predictum uellus aureum consequtus.

Ditatus igitur Iason aureis spoliis, ad insule litus letus accelerat, cymbam intrat, et remorum ductu se contulit ad maiorem insulam.

In cuius litore ipsum Hercules predictus et eius sociie desiderabiliter expectabant. Hunc igitur postquam descendit in terram cum multa ilaritate suscipiunt et de eius incolumitate diis humiles grates reddunt, cum eum sospitem numquam habere putassent. Iason. autem cum eisdem ad regis Oetis regiam se contulit. Et ut peruenit ad eum, rex Oetes eum fictitia iocunditate recepit. Nam inuidit sibi de tanta uictoria et doluit de seipso tantis diuitiis spoliato. Quem iuxta se sedere iussit Oetes quod velit uulgus mo(n)strum aurei uelleris inspecturum. Miratur in ipsius uelleris aspectu uulgus sed potius admiratur de tanta uictoria Iasonis quomodo potuisset statuta deuincere dei Martis.

Medea uero gratis exillarata successibus uisura Iasonem demum accedit. Cui, si licuisset, in aspectu multorum multa per oscula blandimenta dedisset, et rege mandante iuxta Iasonem quasi pudibunda consedit. Quem Medea tenui sono uocis furtiuis uerbis alloquitur ut veniente noctis umbraculo securus ad eam accedat. Quod Iason se desiderabiliter impleturum humili et submissa uoce respondit. Noctis igitur tenebris toto orbe diffusis, Iason Medee peruenit ad cameram, ea mediante thalamum intrat, et ambobus in thalamo uoluntarie constitutis, post multa uoluptatis solatia tandem de recessu comuni et preparatione ad recessum multa inter se unanimiter contulerunt. Sicque ad Medee suasum Iason in Colcos per unius mensis spatium moram traxit. Demum uero temporis opportunitate captata, Iason et socii cum Medea ab eadem insula furtiue recedunt, a rege Oete licentia non petita...

Quid ultra ? Applicuit Iason cum Hercule et aliis eorum comitibus cum Medea in portu Thesalie sanus et ilaris. Quos omnes rex Pelleus, de Iasonis incolumitate turbatus intrinsecus, sui tamen cordis celans angustias, ylari uultu suscepit, et preponere Iasonem regno suo iuxta promissa sibi dudum ab eo, licet inuitus, prodigaliter non negauit. Iason uero suscepti uituperii a Laumedonte rege memoriter non oblitus, habitam de aureo uellere tam gloriosam uictoriam parum curans, postponens etiam tamquam ingratus quicquid promissione agere debuit in Medea, nec regni Thesalie prepositione contentus, in uindictam et ultionem Laumedontis regis animum curiosum erexit...


Merci au professeur Francesco Chiappinelli, auteur de l'Impius Aeneas, de nous avoir fourni ces textes.