Dans une thèse intitulée Impius Aeneas, le professeur Francesco Chiappinelli a rassemblé les témoignages de tous les auteurs antiques et médiévaux qui, mettant en doute la « piété » d'Enée, ont suggéré ou même affirmé qu'au contraire il avait trahi sa patrie. Cette lecture critique vaut pour Hélénos, le fils de Priam, qu'Enée retrouve vivant au livre III de l'Enéide. Nous présentons ici l'introduction du professeur Chiappinelli, puis les textes sur lesquels il s'appuie :


Peut-être à cause du traitement tout à fait particulier que les Grecs ont réservé à Hélénos autant qu'à Anténor et Enée, Hélénos lui aussi est présenté comme traître à sa patrie par plusieurs écrivains grecs, latins et médiévaux. Cette version du mythe remonte au Cycle qui parle deux fois d'Hélénos : au début, lorsque ce dernier cherche en vain à dissuader Pâris d'enlever Hélène ; puis quand la ville est en train de s'écrouler, et qu'Hélénos (de gré ou de force - il a été capturé par Ulysse), révèle aux Grecs que faire pour que son destin s'accomplisse. On trouve dans la même ligne les témoignages de Sophocle, Dion Chrysostome, Pausanias, Quintus de Smyrne, mais aussi indirectement de Virgile et Servius et Ovide. Les Achéens lui sauvent la vie et il obtient aussi la clémence pour Andromaque et ses petits, grâce à Néoptolème qu'il accompagne dans sa patrie et dont il héritera Andromaque et le royaume. Arrivée à ce point, son histoire se lie à Virgile et au IIIème livre de l'Enéide. Mais les auteurs tardo-latins parlent souvent de la jalousie d'Hélénos, qui après la mort de Pâris aurait voulu épouser Hélène, mais en vain, puisque Priam lui préféra son jumeau Déiphobe. Benoît de Sainte-Maure et Guido delle Colonne ne disent rien de la trahison, mais comme leur sources Darès et Dictys, ils soulignent qu'il resta au service de Néoptolème.


Proclus, Chrestomathie

[Cypria]
ἔπειτα δὲ Ἀφροδίτης ὑποθεμένης ναυπηγεῖται, καὶ Ἕλενος περὶ τῶν μελλόντων αὐτοῖς προθεσπίζει, καὶ ἡ Ἀφροδίτη Αἰνείαν συμπλεῖν αὐτῷ κελεύει. καὶ Κασσάνδρα περὶ τῶν μελλόντων προδηλοῖ.

Puis Aphrodite conseille (à Pâris) de construire des vaissaux. Hélénos prophétise ce qui arrivera. Aphrodite ordonne à Enée de faire voile avec lui. Et Cassandre prédit ce qui arrivera.

[Petite Iliade]
μετὰ ταῦτα Ὀδυσσεὺς λοχήσας Ἕλενον λαμβάνει, καὶ χρήσαντος περὶ τῆς ἁλώσεως τούτου Διομήδης ἐκ Λήμνου Φιλοκτήτην ἀνάγει.

Après quoi, Ulysse s'empare d'Hélénos dans une embuscade, et sur la foi de sa prédiction à propos de la prise de la ville, Diomède ramène Philoctète de Lemnos.

Sophocle - Philoctète, 603 sqq

ἐγώ σε τοῦτ’, ἴσως γὰρ οὐκ ἀκήκοας,
πᾶν ἐκδιδάξω. μάντις ἦν τις εὐγενής,
Πριάμου μὲν υἱός, ὄνομα δ’ ὠνομάζετο
Ἕλενος, ὃν οὗτος νυκτὸς ἐξελθὼν μόνος
ὁ πάντ’ ἀκούων αἰσχρὰ καὶ λωβήτ’ ἔπη
δόλοις Ὀδυσσεὺς εἷλε· δέσμιόν τ’ ἄγων
ἔδειξ’ Ἀχαιοῖς ἐς μέσον, θήραν καλήν·
ὃς δὴ τά τ’ ἄλλ’ αὐτοῖσι πάντ’ ἐθέσπισεν
καὶ τἀπὶ Τροίᾳ πέργαμ’ ὡς οὐ μή ποτε
πέρσοιεν, εἰ μὴ τόνδε πείσαντες λόγῳ
ἄγοιντο νήσου τῆσδ’ ἐφ’ ἧς ναίει τὰ νῦν
.

Je vais tout t'apprendre, car tu l'ignores sans doute. Il y avait à Troie un noble devin, fils de Priam, et nommé Hélénus. Ulysse, ce fourbe qui s'entend appeler de tous les noms injurieux et outrageants, sortit seul du camp pendant la nuit, s'empara de lui et l'amena enchaîné au milieu des Grecs, auxquels il montra cette riche capture. Hélénus, entre autres oracles qu'il leur rendit, annonça qu'ils ne renverseraient jamais la citadelle de Troie, s'ils ne parvenaient par la persuasion à emmener Philoctète de l'île qu'il habite en ce moment.

Sophocle - Philoctète, 1338-1344

ὡς δ’ οἶδα ταῦτα τῇδ’ ἔχοντ’ ἐγὼ φράσω.
ἀνὴρ παρ’ ἡμῖν ἐστιν ἐκ Τροίας ἁλούς,
Ἕλενος ἀριστόμαντις, ὃς λέγει σαφῶς
ὡς δεῖ γενέσθαι ταῦτα· καὶ πρὸς τοῖσδ’ ἔτι,
ὡς ἔστ’ ἀνάγκη τοῦ παρεστῶτος θέρους
Τροίαν ἁλῶναι πᾶσαν· ἢ δίδωσ’ ἑκὼν
κτείνειν ἑαυτόν, ἢν τάδε ψευσθῇ λέγων.

Voici comment je sais que tel est l'arrêt du destin. Nous avons fait prisonnier un Troyen, Hélénus, habile devin, qui annonce clairement que les choses doivent se passer ainsi ; il ajoute que Troie entière sera prise nécessairement dans l'année où nous sommes ; il consent volontiers à mourir, s'il est convaincu de mensonge.

Ovide, Métamorphoses, XIII, 102 sqq

Quodsi vera licet mihi dicere, quaeritur istis
quam mihi maior honos, coniunctaque gloria nostra est,
atque Aiax armis, non Aiaci arma petuntur.
Conferat his Ithacus Rhesum inbellemque Dolona
Priamidenque Helenum rapta cum Pallade captum :
luce nihil gestum, nihil est Diomede remoto ;
si semel ista datis meritis tam vilibus arma,
dividite, et pars sit maior Diomedis in illis.

Et s'il m'est permis de parler sans détour, je ferai plus d'honneur
A ces armes qu'elles ne m'en apporteront. Notre gloire est unie :
Les armes d'Achille ont plus besoin d'Ajax, qu'Ajax n'a besoin d'elles.
Que le roi d'Ithaque oppose à mes exploits Rhésus et le lâche Dolon
et le Palladium enlevé avec Hélénos fils de Priam :
il n'a rien entrepris au grand jour ; il n'a rien fait sans le secours de Diomède.
Si vous accordez les armes d'Achille pour prix de ces travaux obscurs,
partagez-les du moins, et que Diomède ait la meilleure part.

Virgile, Enéide, III, 295 sqq

Hic incredibilis rerum fama occupat auris,
Priamiden Helenum Graias regnare per urbis
coniugio Aeacidae Pyrrhi sceptrisque potitum,
et patrio Andromachen iterum cessisse marito.

Là, d'incroyables bruits arrivent à nos oreilles :
Hélénos fils de Priam règne sur des villes grecques,
en possession de l'épouse et du sceptre de Pyrrhus,
et Andromaque, par un second mariage,
est repassée dans les bras d'un Troyen.

Virgile, Enéide, III, 330 sqq

Nos patria incensa diuersa per aequora uectae
stirpis Achilleae fastus iuuenemque superbum
seruitio enixae tulimus ; qui deinde secutus
Ledaeam Hermionen Lacedaemoniosque hymenaeos
me famulo famulamque Heleno transmisit habendam.
Ast illum ereptae magno flammatus amore
coniugis et scelerum furiis agitatus Orestes
excipit incautum patriasque obtruncat ad aras.
Morte Neoptolemi regnorum reddita cessit
pars Heleno, qui Chaonios cognomine campos
Chaoniamque omnem Troiano a Chaone dixit,
Pergamaque Iliacamque iugis hanc addidit arcem.

Moi, traînée de mer en mer après l'embrasement de Troie,
j'ai enduré les dédains du fils d'Achille, de ce jeune orgueilleux,
et j'ai enfanté dans la servitude ; or bientôt, épris
d'Hermione, la fille de Léda, et ayant recherché un hymen lacédémonien,
il m'abandonna, moi esclave, à son esclave Hélénos.
Mais Oreste, brûlant d'amour pour l'épouse
qu'on lui avait ravie, et tourmenté par les furies vengeresses,
surpend son rival sans défense et l'égorge près des autels paternels.
Par la mort de Néoptolème, une partie de ses états
revient à Hélénos, qui, du nom de Chaon
a appelé ces contrées Chaonie,
et a bâti sur ces hauteurs une autre Pergame, cette citadelle d'Ilion.

Servius, commentaire de l'Enéide I, 99

Saevus ubi Aeacidae telo jacet Hector

Erat ab Aenea saevum Hectorem dici. aut saevus, quod adversum Antenorem et Aeneam et Helenum sentiens Helenam non permiserit reddi. [aut] ideo saevus Hector, quia Aeneas pius.

Servius, commentaire de l'Enéide I, 601

Non opis est nostrae, Dido, nec quidquid ubique est
Gentis Dardaniae

Multi enim post excidium Troiae orbis diversa tenuerunt, ut Helenus Epirum, Antenor Venetiam, alii Sardiniam secundum Sallustium, alii vicina syrtibus loca secundum Lucanum, ut « portusque quietos ostendit Libyae Phrygio placuisse magistro ».

Servius, commentaire de l'Enéide II, 166

Palladium caesis summae custodibus arcis,

Palladivm : Helenus apud Arisbam captus a Graecis est et indicavit coactus fata Troiana, in quibus etiam de Palladio. unde dicitur a Pyrrho regna meruisse : quamquam praestiterit Pyrrho, ut per terram rediret, dicens omnes Graecos, quod et contigit, naufragio esse perituros. alii dicunt Helenum non captum, sed dolore, quod post mortem Paridis Helena iudicio Priami non sibi, sed Deiphobo esset adiudicata, in Idam montem fugisse, atque exinde monente Calchante productum de Palladio pro odio prodidisse. tunc Diomedes et Ulixes, ut alii dicunt, cuniculis, ut alii, cloacis ascenderunt arcem, et occisis custodibus sustulere simulacrum. qui cum reverterentur ad naves, Ulixes, ut sui tantum operis videretur effectus, voluit sequens occidere Diomedem : cuius ille conatum cum ad umbram lunae notasset, religatum prae se usque ad castra Graecorum egit. ideo autem hoc negotium his potissimum datur, quia cultores fuerunt Minervae. hoc cum postea Diomedes haberet, ut quidam dicunt : quod et Vergilius ex parte tangit, et Varro plenissime dicit : credens sibi non esse aptum, propter sua pericula, quibus numquam cariturum responsis cognoverat, nisi Troianis Palladium reddidisset, transeunti per Calabriam Aeneae offerre conatus est. sed cum se ille velato capite sacrificans convertisset, Nautes quidam accepit simulacrum : unde Minervae sacra non Iulia gens habuit, sed Nautiorum. hinc est in quinto « [tum senior Nautes], unum Tritonia Pallas quem docuit ». quamquam alii dicant, simulacrum hoc a Troianis absconditum fuisse intra extructum parietem, postquam agnoverunt Troiam esse perituram : quod postea bello Mithridatico dicitur Fimbria quidam Romanus inventum indicasse : quod Romam constat advectum. et cum responsum fuisset, illic imperium fore, ubi et Palladium, adhibito Mamurio fabro multa similia facta sunt. verum tamen agnoscitur hastae oculorumque mobilitate : unde est vix positum castris simulacrum, arsere coruscae luminibus flammae vel hastamque trementem. sed ab una tantum sacerdote videbatur, ut Lucanus « Troianam soli cui fas vidisse Minervam ». dicunt sane alii, unum simulacrum caelo lapsum, quod nubibus advectum et in ponte depositum, apud Athenas tantum fuisse, unde et gephuristês dicta est. ex qua etiam causa pontifices nuncupatos volunt : quamvis quidam pontifices a ponte sublicio, qui primus Tybri impositus est, appellatos tradunt, sicut Saliorum carmina loquuntur. sed hoc Atheniense Palladium a veteribus Troianis Ilium translatum. alii duo volunt : hoc de quo diximus, et illud Atheniense. alii, cum ab Ilo Ilium conderetur, hoc Troianum caelo lapsum dicunt : alii a Dardano de Samothracia Troiam translatum : alii multa fuisse Palladia, sed hoc a Diomede et Ulixe furto ablatum tradunt. sacram effigiem quasi de caelo lapsam. et tres simul res dixit, quare numen irasceretur : quod antistites caesi, quod tolleretur, quod cruentis manibus.

Servius, commentaire de l'Enéide III, 4

diversa exsilia et desertas quaerere terras

Diversa exilia multi ad illud referunt magnum quae sparsa per orbem. constat namque diversas partes orbis tenuisse Troianos, ut Helenus, ut Antenor : sed melius est specialiter hoc Aeneae dare, qui conpulsus auguriis est diversas terras, hoc est e regione positas, quaerere.

Pausanias - Periegesis, II, XXIII

[5] Les Argiens ont une Diane Phéréenne aussi bien que les Sicyoniens et les Athéniens, et ils prétendent que la statue de cette déesse leur a été apportée de Phérès ville de Thessalie. Quant à l'opinion où ils sont touchant le tombeau de Déjanire fille d'Oeneus, celui d'Hélénos fils de Priam, et la statue de Minerve qu'ils disent leur être venue après la prise de Troie, j'entends le Palladium, cette statue fatale dont dépendait toute la fortune de Troie, je suis persuadé qu'ils se trompent ; car premièrement pour le Palladium, il est certain qu'Enée l'apporta en Italie ; à l'égard de Déjanire, on sait qu'elle mourut à Trachis, et que son tombeau est auprès d'Héraclée sous le mont Oeta.
[6] Quant à Hélénos fils de Priam, j'ai déjà dit qu'il était venu en Epire avec Pyrrhus fils d'Achille, qu'après la mort de Pyrrhus il avait épousé Andromaque, et pris sous sa tutèle ses enfants, dont un nommé Cestrinus régna sur une partie de l'Epire, qui de son nom fut appellée la Cestrine.

Quintus de Smyrne - Posthomerica, X, 343-354

Αἳ δ’ ὀάριζον
ὁππόσα λοίγιος Αἶσα περὶ φρεσὶν οὐλομένῃσι
μήδετο, Τυνδαρίδος στυγερὸν γάμον ἐντύνουσα
Δηιφόβῳ, καὶ μῆνιν ἀνιηρὴν Ἑλένοιο
καὶ χόλον ἀμφὶ γυναικός, ὅπως τέ μιν υἷες Ἀχαιῶν
ἤμελλον μάρψαντες ἐν ὑψηλοῖσιν ὄρεσσι
χωόμενον Τρώεσσι θοὰς ἐπὶ νῆας ἄγεσθαι,
ὥς τέ οἱ ἐννεσίῃσι κραταιοῦ Τυδέος υἱὸς
ἑσπομένου Ὀδυσῆος ὑπὲρ μέγα τεῖχος ὀρούσας
Ἀλκαθόῳ στονόεντα φέρειν ἤμελλεν ὄλεθρον
ἁρπάξας ἐθέλουσαν ἐύφρονα Τριτογένειαν
ἥ τ’ ἔρυμα πτόλιός τε καὶ αὐτῶν ἔπλετο Τρώων·

Les déesses discouraient ensemble ; elles se disaient que bientôt, le Destin, dans ses caprices funestes, livrerait à Déiphobe la personne d'Hélène, qu'Hélénos, fils de Priam, serait cruellement jaloux de son frère, que surpris par les Achéens dans les hautes montagnes, et tout frémissant de colère contre les Troyens, il se laisserait conduire à leurs vaisseaux rapides ; et qu'alors sur ses conseils le fils du vaillant Tydée, accompagné d'Odysse, gravirait les hautes murailles, égorgerait Alcathoas et enlèverait la sage Tritogénie qui, de son plein gré, abandonnerait enfin la ville si longtemps protégée par elle.

Darès le Phrygien - De excidio urbis Troiae

[42] Principio Antenor gratias Graiugenis agit, simulque commemorat Helenum et Cassandram semper patri bellum dissuasisse, Achilli sepulcrum Helenum dixisse donari, et dixit Helenum omnia scire. Agamemnon ex concilii sententia Heleno et Cassandrae libertatem dedit. Helenus pro Hecuba et Andromacha rogare coepit Agamemnonem, commemorans ab his semper eum dilectum esse. Agamemnon ad concilium refert : placuit illis libertatem reddi, suaque omnia restitui, praedam omnem aequaliter diuidi: hostias et uota soluere, et quando debeant domum reuerti diem constituere [...]

Dans ce moment, Anténor demanda à Agamemnon la permission de parler; l'ayant obtenue, il apprit aux Grecs, après leur avoir rendu grâces, qu'Hélénos et Cassandre n'avaient jamais cessé de dissuader Priam, leur père, de faire la guerre, que c'était Hélénos qui avait conseillé à ce prince d'ériger un tombeau à Achille, et qu'il était doué d'une science universelle. Agamemnon, ayant consulté le conseil sur le discours d'Anténor, donna la liberté à Hélénos et à Cassandre. A son tour, Hélénos se mit à supplier Agamemnon en faveur d'Hécube et d'Andromaque, disant qu'elles n'avaient jamais cessé de le chérir; sa prière fut écoutée, et de l'avis du conseil, les deux princesses recouvrèrent leur liberté et tout ce qui leur appartenait. On décida ensuite que le butin serait également partagé, que l'on offrirait des sacrifices aux dieux, que l'on s'acquitterait des voeux auxquels on s'était engagé envers eux, et l'on fixa le jour du départ de l'armée.

[43] Helenus cum Hecuba, Andromacha, et Cassandra Chersonesum petunt.

Et Hélénos, accompagné d'Hécube, d'Andromaque et de Cassandre, se rend dans la Chersonnèse.

Dictys de Crète - Ephemerides Belli trojani

[IV-18] At postero die per Chrysem cognoscitur Helenum Priami fugientem scelus Alexandri apud se in templo agere. Moxque ob id missis Diomede et Ulixe tradidit sese deprecatus prius, uti sibi partem aliquam regionis, in qua reliquam vitam degeret semotam ab aliis concederent. Dein ad naves ductus ubi consilio mixtus est, multa prius locutus non metu, ait, se patriam parentesque deserere, sed deorum coasctum aversione, quorum delubra violari ab Alexandro neque se neque Aeneam quisse pati. Qui metuens Graecorum iracundiam apud Antenorem agere senemque parentem. De cuius oraculo imminentia Troianis mala cum cognovisset, ultro supplicem ad eos decurrere: Tunc nostris festinantibus secreta dinoscere, Chryses nutu uti silentium ageretur significat atque Helenum secum abducit, a quo doctus cuncta Graecis uti audierat refert, addit praeterea tempus Troiani excidii idque administris Aenea atque Antenore fore. Tum recordati eorum, quae Calchas edixerat, eadem cunta congruentiaque animadvertunt.

[21] Per idem tempus filii Antimachi, de quo supra memorauimus, adiuncti Priami rebus, ad HeIenum ueniunt, eumque ut ad amicitiam cum suis redeat, deprecati. Ubi nihil proficiunt, ad suos remeantes, Diomedi atque Aiaci alteri itineris medio occurrunt : ab queis comprehensi, perductique ad naues, quinam essent, et rem ob quam uenerant, omnem expediunt. Tum recordati patris eorum et quae aduersum legatos dixerit, molitusque sit, tradi eos popularibus, atque ante conspectum Barbarorum produci iubent, dein lapidibus iniectis necari...

[V- 9] Ob quae placet universis mitti Minervae donum quam honoratissimum. Tum accitus ad eam rem Helenus cuncta, quae clam se gesta erant, ac si praesens adfuisset, ordine exponit additque finem iam advenisse Troianarum rerum, quippe quo maxime sustentaretur summa civitatis eius, Palladium fuisse; quo ablato exitium ingruere. Ceterum donum Minervae fatale Troianis esse, equum ligno fabrefactum forma ingenti, cuius magnitudine muri solvendi essent, adnitente atque administro Antenore. Dein recordatus parentem Priamum residuosque fratres fletum edit miserabilem, consternatus per dolorem atque obstupefactus ruit. Tum Pyrrhus collectum eum refectumque animi ad se deducit custodesque addit veritus, ne qua per eum hostibus, quae gesta erant, patefierent. Quod ubi Helenus persensit, Pyrrhum uti bonum animum gereret hortatur, securum sui secretorumque; namque se cum eo etiam post patriae excidium multis tempestatibus in Graecia moratutrum. Itaque ut Heleno placuerat multa materies, quae apta huiusmodi fabricae videbatur, per Epium atque Aiacem Oilei advecta.

[11] Interim apud naves, uti Heleno placuerat, equus tabulatis extruitur per Epium fabricatorem eius operis. Cui edito in immensum ima, quae sub pedibus erant, rotis interpositis suspenderat, scilicet quo adtractu motus facilius foret. Quem offerri donum Minervae maximum omnium ore agitabatur.Ceterum apud Troiam auri atque argenti praedictum pondus per Antenorem atque Aeneam summo studio in aedem Minervae portabatur. Et Graeci, postquam auxilia sociorum dimissa cognitum est, impensius pacem atque amicitiam agitavere nullo exinde barbarorum interfecto aut vulnerato, quo magis sine ulla discordiarum suspicione apud hostes fuere. Dein equum compactum adfabre confixumque ad muros movent praenuntiato Troianis, uti cum religione susciperent, Minerva scilicet sacrum dicatumque. Quare magna vis hominum portis egressa summa laetitia sacrificioque donum excipit attrahitque propius moenia. Sed postquam magnitudine operis impediri per portas ingressum animadvertere, consilium destruendorum desuper murorum capiunt, neque quisquam secus prae tali studio decernebat...

[16] Neoptolemus filios Hectoris Heleno concedit, praeterea reliqui duces auri atque argenti quantum singulis visum est.dein consilio habito decernitur, uti per triduum funus Aiacis publice susciperetur...

Benoît de Sainte Maure, Roman de Troie en prose, 26300-26397

Le seigneur Anténor et le seigneur Enée se présentèrent devant l'assemblée. Bien souvent on les montrait du doigt. Anténor prit le premier la parole.

«Seigneur Agamemnon, dit-il, écoutez-nous, s'il vous plaît, permettez-nous de prendre la parole.

- Faites, répondit le roi, vous serez écouté ».

Anténor le supplia alors d'avoir pitié d'Andromaque et d'Hélénos qui, plus que quiconque, se sont opposés à cette guerre. « S'il n'avait tenu qu'à eux, dit-il, rien de tout cela ne serait arrivé. Ils avaient prédit aux Troyens tout ce qui devait se produire, trois ans avant le début des hostilités et avant même que Pâris n'allât en Grèce. Ce sont eux qui ont fait rendre le corps d'Achille que les Troyens voulaient pendre aux fourches. Jamais le moindre mal, le moindre tort, la moindre trahison ni la moindre fourberie ne vous ont été causés de leur fait. Ils n'ont mérité ni la mort ni l'esclavage. Et vous, vous êtes si nobles, si généreux, si sages que vous devez en tenir compte et - nous vous en prions - leur accorder leur liberté ».

Les avis échangés furent partagés, mais, comme me le dit l'histoire, les soldats demandèrent qu'on accordât pleine et entière liberté à Hélénos et à Andromaque. Lorsque Hélénos fut libéré et qu'on lui eut restitué ses biens, il remercia beaucoup les Grecs et les pria de lui rendre sa belle-soeur et de lui laisser la vie sauve pour l'amour de Dieu. Les uns étaient d'accord, les autres, plus nombreux, s'y opposaient, mais Agamemnon les en pria si instamment, selon ce que nous trouvons dans notre source, qu'ils épargnèrent Andromaque. Pyrrhus les garda tous les deux pour lui et, surtout pour plaire à Andromaque, il fit libérer les deux fils d'Hector que les Grecs voulaient mettre à mort. Les nobles dames de haute renommée furent elles aussi libérées. Tous les Grecs décidèrent d'un commun accord de leur laisser le choix de partir ou de rester. Les immenses richesses qui avaient été réunies furent tirées au sort, partagées et réparties entre les Grecs. On les distribua aux plus puissants et aux plus renommés selon leur rang et en proportion des services rendus. Pour la masse des hommes, la répartition se fit en fonction de ce que chacun avait fait et de la vaillance qu'il avait montrée. Tout fut distribué et donné selon ce que chacun voulait et désirait. Tout se passa bien, sans heurt, sans manifestation de haine ou de malveillance.

Guido delle Colonne, Historia destructionis Troiae

XXX (de captivis)
Nondum tamen ipsorum regum colloquio dissoluto, Anthenor et Heneas accesserunt ad eos, exponentes eisdem qualiter Andromacha et Helenus, filius regis Priami, semper dissuaserunt Troyanis - Grecorum scandala et eorum inimicicias detestari, quorum tractatu fuit liberum corpus Achillis et funerarie traditum sepolture. Quare petierunt eos utpote dignos a custodia liberari, quod a regibus liberaliter fuit concessum. Helenus autem pro duobus filiis Hectoris et Andromacha similiter pro eisdem, utpote patruus pro nepotibus et mater pro filiis, reges ipsos humiliter dcprecantur de liberacione ipsorum. Quod et reges similiter annuerunt necnon et Pirrus, qui detinebat eosdem, qui satis primo institit eos morti tradendos. Statuerunt eciam ex tunc quod omnes nobiles mulieres que a mortis laqueis euaserant libere permittantur abire et standi uel eundi liberam pro uelle eorum habeant facultatem.



Merci au professeur Francesco Chiappinelli, auteur de l'Impius Aeneas, de nous avoir fourni ces textes.