Cneus Domitius Ahenobarbus, vainqueur des Allobroges en 121 av. J.-C., organise le pays conquis entre Alpes et Pyrénées en nouvelle province romaine, la Gallia Transalpina avec capitale Narbo Martius (Narbonne), colonie créée à cet effet en 118-117.

En aménageant la via Domitia entre la Cisalpine et l'Hispanie Citérieure (338 milles = 500 km), Cn. Domitius Ahenobarbus sut utiliser des itinéraires plus anciens reliant notamment les oppida entre eux, mais il dut aussi éviter les grandes zones d'insécurité comme celles des Alpes qui seront pacifiées beaucoup plus tard sous Auguste.

© Musée des Monnaies et médailles
J. Puig
Ville de Perpignan

© Georges Castellví

Effectivement, si nous connaissons l'existence de la via Domitia entre le Rhône et les Pyrénées - et cela grâce à Philippe Lamour, à l'origine de la création de l'Association pour le développement de la via Domitia en Languedoc-Roussillon (1985) - nous ne savons pas toujours que celle-ci démarre dans les Alpes, au col du Mont Genèvre (summae Alpes) à 1858 m d'altitude. De là elle suivait la vallée de la Durance jusqu'à Glanum, près de l'actuelle Saint-Rémy de Provence, desservant les cités de Brigantio-Briançon, Rama-La Roche de Rame, Eburodunum-Embrun, Caturigomagus-Chorges, Vapincum-Gap, Alabons-Le Monétier-Allemont, Segustero-Sisteron, Alaunium-N.-D. des Anges (Aulun), Catuiacia-Saint-Sauveur (Céreste), Apta Iulia-Apt, ad Fines-N.-D. de Lumières et Cabellio-Cavaillon. Après Glanum, elle gagnait ensuite Ernaginum-Saint-Gabriel puis Tarusco-Tarascon sur la rive gauche du Rhône avant de franchir le fleuve à hauteur d'Ugernum-Beaucaire (soit 192 milles = 284 km parcourus depuis le Mont Genèvre). Sous Auguste, la voie évitera Tarascon, desservant plus au sud Arelate-Arles et franchira le Rhône en direction de Pons Aerarius, peut-être Bellegarde.

En Languedoc-Roussillon (146 milles = 216 km), la via Domitia gagnait ensuite Nîmes, important oppidum indigène à l'origine, qui acquit ensuite le statut de colonie sous Auguste et se développa tout au long du Haut Empire. De Nîmes la voie se dirigeait vers Ambrussum-Villetelle après avoir franchi le Vidourle sur un pont de pierres de taille de 11 arches à l'origine. Cet oppidum se latinisa à son tour devenant un relais-étape obligé (vestiges d'une auberge du Haut Empire entre le pont et la colline au lieu-dit Le Sablas).

En ligne droite la voie gagnait Sextantio-Castelnau-le-Lez, traversait cette rivière et continuait directement sur Forum Domitii-Montbazin puis l'oppidum de Cessero-Saint-Thibéry après avoir franchi l'Hérault. Ensuite elle poursuivait jusqu'à Baeterrae-Béziers, oppidum hellénisé puis colonie romaine. Elle gagnait l'étang de Capestang, traversant les marécages sur un système de ponceaux (Pontserme). A cet endroit elle s'infléchissait vers le sud et poursuivait en direction de Narbo-Narbonne, capitale de la province.

Après Narbonne la voie, comme de nos jours les différents tracés routiers, passait entre les Corbières et les étangs, traversant ad Vicensimum (au sud de Caves) et Salsulae-Salses. Avant Salses, on peut encore voir des vestiges (ornières imprimées dans le rocher) au Malpas, à la limite de l'Aude et des Pyrénées-Orientales. Après Salses, la voie reprenait un tracé à nouveau rectiligne jusqu'à Ruscino-Château-Roussillon après avoir traversé la station de Combusta (au nord-ouest de Saint-Hippolyte) puis une série de ponceaux au Vegariu Alt dans les zones marécageuses au nord de Bompas (anciennement Malpas). De Ruscino, chef-lieu de cité du Roussillon, la voie poursuivait en direction d'Illiberis-Elne, passant à l'est de cet oppidum à ad Stabulum (station à localiser avant le franchissement du Tech : Palol d'Avall ou Sainte-Eugénie de Tresmals). Une fois la rivière franchie, elle se ramifiait en trois branches : une branche littorale gagnant Collioure et Portus Veneris-Port-Vendres, une autre la Pava et la vallée de La Vall, la troisième - la principale - la station d'ad Centuriones ou ad Centenarium-Saint-Martin de Fenollar (Maureillas). Par la vallée de la Roma, la via Domitia gagnait ensuite la frontière espagnole d'abord au col du Perthus (de -120 aux années -70) puis au col de Panissars où Pompée érigea son trophée sur l'Espagne vaincue en 71 av. J.-C. A cet endroit (milliaire au nom de Constantin) la via Domitia faisait sa jonction avec la via Augusta poursuivant son tracé jusqu'à Gades-Cadix.

© Georges Castellví


Article publié dans Les monnaies de la République et la via Domitia, Musée Puig, Perpignan (1998)
© Georges Castellví
© Musée Puig de Perpignan