L'éducation d'Achille


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Achille est confié dès sa plus tendre enfance à un centaure nommé Chiron (c'est d'ailleurs ce dernier qui lui a attribué son prénom). Il l'éduque, lui apprend à chasser, à se tenir sur un cheval, lui enseigne l'art des armes (épée, javelot, bouclier, etc). Cette éducation est rude, Chiron ne supporte pas l'échec de son apprenti. Il lui enseigne également des arts plus pacifiques comme la lyre, la médecine des plantes et l'éloquence.

L'éducation d'Achille

Achille et Chiron
Amphore attique à figures rouges
Attribuée à Oltos
Vers 520 av.JC
Musée du Louvre

 


Il s'agit ici du détail de la panse d'une amphore décorée aussi sur le col et les anses. De l'autre ctté du vase, la scène de Ménélas retrouvant Hélène à la fin de la guerre conclut une période qui commence avec l'éducation du petit Achille, qui sera le héros de la guerre de Troie.

Chiron le centaure porte Achille d'une main et un branchage de l'autre. Il a été dessiné comme un humain, sur deux jambes, avec un manteau dont le drapé tombe dans son dos et moule ses reins, puis le peintre lui a ajouté l'arrière-train d'un cheval, mais c'est vraiment une pièce rapportée. De même, la branche sur laquelle pend un lièvre est censée l'identifier comme un centaure, mais ce n'est pas l'impression qui domine. Achille est assis au creux de la main de son précepteur, dont la posture nous paraît protectrice ; le regard de Chiron se pose directement sur l'enfant et nous paraît bienveillant.

Le petit Achille est dessiné comme un humain en modèle réduit : les proportions ne sont pas respectées. Mais cela signifie que Chiron est chargé de transmettre ses connaissances au jeune Achille et de lui apprendre la vie (et la guerre). Il est donc représenté beaucoup plus grand que son élève, peut-être pour montrer l'immensité de son savoir et sa puissance, et faire apparaître la fragilité d'Achille et son ignorance au début de sa vie.


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Achille et Chiron
     
Cette image correspond à la reproduction très fidèle que fit le peintre Gustave Moreau d'une fresque admirée en Italie, pendant son voyage en 1859. La fresque avait été découverte plus d'un siècle auparavant, en 1739, pendant les premières fouilles systématiques conduites pour retrouver les villes de Pompéi et Herculanum ensevelies lors de l'éruption du Vésuve en 79 apr.JC. A l'exception des couleurs, qui semblent plus froides sur la reproduction que sur l'original, la fresque antique est tout à fait respectée.   Achille et le centaure Chiron
  Fresque de la basilique d'Herculanum
  entre 41 et 79 apr.JC
  Musée national de Naples
   
  Copie par Gustave Moreau (1826-1898)
  pendant son voyage en 1859
  Peinture à l'huile sur toile
  H: 123 cm x l: 127 cm
  Musée Gustave Moreau


Elle représente le centaure Chiron enseignant la lyre à Achille. A la différence des autres centaures, créatures mi-hommes mi-cheval souvent caractérisées comme plus proches de l'animalité que de l'humanité, Chiron était réputé comme un personnage très savant dans de multiples domaines, en particulier la médecine et la musique, de sorte que plusieurs mères divines lui confièrent l'éducation de leurs rejetons, en particulier Achille, Asclépios et Jason.

Même si la partie inférieure de son corps est celle d'un cheval, elle est plutôt laissée dans l'ombre, alors que la partie supérieure humaine est plus éclairée, et caractérisée par un beau visage et une attitude patiente et attentive. Comme un père de substitution, Chiron entoure le jeune Achille de ses bras et lui montre comment jouer de la lyre. Sa grande taille suggère sa supériorité de professeur, et son élève lève la tête vers lui avec beaucoup d'admiration.

La scène se déroule dans une salle d'architecture romaine, avec des lambris à caissons et des rosettes, ce qui n'est pas conforme à la mythologie, puisque Chiron était une créature sauvage vivant dans les bois. Mais cela indique que dans la basilique où elle se trouvait, cette fresque avait aussi une fonction purement décorative.

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L'éducation d'Achille par Regnault
     
L'éducation d'Achille par le centaure Chiron   Cette toile d'assez grandes dimensions a été peinte en 1782 par Jean-Baptiste Regnault pour sa réception à l'Académie royale de peinture, une institution qui sélectionnait les meilleurs artistes selon les critères de l'art officiel. La peinture de Regnault est donc considérée comme académique, et son inspiration est néo-classique.
Jean-Baptiste Regnault (1754-1829)  
Peinture à l'huile sur toile  
H: 261 cm x l: 215 cm  
1782  
Musée du Louvre  


La scène se situe dans une nature aride, dans laquelle les rochers barrent à peu près tout l'horizon et forment un arrière-plan en dégradés de gris, qui mettent bien en valeur les deux personnages, dans une composition nette et harmonieuse. Le centaure Chiron, à gauche, est présenté comme une créature hybride mais pas monstrueuse, dont le buste humain est musclé et vigoureux. Il arrondit son bras droit au-dessus de sa tête, pendant qu'il étend le bras gauche en tenant une flèche, mimant le geste du chasseur qui bande son arc. Devant lui, Achille, représenté comme un adolescent presque entièrement nu, très blanc, imite son geste en se tournant vers son maître pour vérifier que l'imitation est convenable. On devine une grande complicité entre les deux personnages, et une totale confiance d'Achille envers son maître.

A leurs pieds, une lyre et une dépouille de lion résument la dualité de l'enseignement de Chiron, à la fois artistique et adapté à l'éducation d'un futur chasseur et guerrier. 

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L'éducation d'Achille par Daumier

L'éducation d'Achille
Honoré Daumier (1808-1871)
Lithographie
Histoire ancienne, 1842
Bibliothèque nationale de France

 


Cette gravure de Daumier correspond à la planche n0 9 de l'Histoire ancienne et a été publiée dans le Charivari du 29 mai 1842. Elle appartient à la même série parodique que le baptême d'Achille, et réinterprète cette fois l'éducation du futur héros de la guerre de Troie.

Le centaure Chiron est au centre de l'image. Ce personnage hybride de la mythologie est traité de manière burlesque : la partie du cheval est luisante et musclée, fièrement cambrée, mais sa position assise rappelle plutôt celle d'un chien, et il porte un tapis de selle à rayures de couleur, attaché par une sangle, qui pourrait tout aussi bien lui servir de robe de chambre. Mais c'est surtout sa partie humaine qui relève du comique d'aspect : il a une poitrine creuse et poilue, un ventre proéminent, et il est vêtu d'un bonnet de nuit, ce qui instaure un décalage burlesque avec le sérieux du mythe d'origine. Il est dessiné comme un maître d'école, avec des bésicles sur le nez et un fouet sous le bras, ce qui nous renseigne sur sa méthode éducative...

Il montre un cahier au petit Achille, qui se gratte désespérément la tête et n'arrive manifestement pas à déchiffrer l'alphabet dont on lui désigne une lettre avec une baguette. L'apparence de l'élève est grotesque, avec un ventre distendu qui peut évoquer une enfance quelque peu oisive, bien différente de celle des Achille classiques.

La dimension parodique est accentuée par le quatrain qui accompagne l'image :

L'inflexible Chiron faisant chaque matin
Endéver bien souvent son élève mutin. (enrager)
Las ! que de professeurs rompent nos jeunes têtes
Et sans être sans torts sont plus qu'à moitié bêtes.

(Iliade. Traduction philosophique de Mr Pantin)

Un tel traitement démythifiant sera plus tard repris par Jacques Offenbach, dans son opéra-bouffe La Belle Hélène (1864), qui donnera au + bouillant Achille ; une allure aussi peu noble et héroïque.


Emma F. et Aymeric H., 1S6


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