Thésée et le Minotaure


   

Dédale, ici représenté avec ses outils d'architecte à la ceinture, était dans la mythologie grecque un habile artisan qui avait construit, pour le compte de Minos, roi de Crète, un labyrinthe destiné à enfermer le Minotaure, être mi-homme mi-taureau, fruit des amours monstrueuses de Pasiphaé avec un taureau.

Vaincue par Minos, Athènes dut livrer pendant de nombreuses années des jeunes gens en pâture à ce monstre jusqu'à ce que l'un d'entre eux, le héros Thésée, finisse par le tuer.

 

   Dédale et le Minotaure
   Esquisse préparatoire de Pierre Paul Rubens - Huile sur bois
   1636
   Musée des Beaux-Arts de la Corogne

 

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Comparaison de textes

1. Texte antique


Plutarque, Vies des hommes illustres, Vie de Thésée, 15-19 (IIe s. apr. JC)

Ce premier texte est une œuvre biographique écrite par Plutarque entre 100 et 200 après J-C. Cette œuvre intitulée Vies des hommes illustres ou Vies parallèles s'inspire de nombreux textes antiques, notamment l'œuvre d'un auteur connu de l'antiquité, Phérécyde (Ve siècle avant J-C).


Peu de temps après, les députés de Minos vinrent de Crète à Athènes demander, pour la troisième fois, le tribut qu'on lui payait. Androgée son fils ayant été tué en trahison dans l'Attique, Minos avait déclaré la guerre aux Athéniens, était entré dans leurs terres et avait mit tout à feu et à sang. Les dieux eux-mêmes avaient frappé l'Attique de peste, de stérilité et de sécheresse, au point que les rivières s'étaient taries. Les Athéniens consultèrent alors l'oracle d'Apollon, qui leur répondit que la colère des dieux ne s'apaiserait et qu'ils ne feraient cesser tous ces fléaux qu'après qu'on aurait satisfait Minos. Ils lui envoyèrent donc des ambassadeurs pour le supplier de leur accorder la paix. Il y consentit, à condition que pendant neuf ans les Athéniens lui paieraient un tribut de sept jeunes garçons et d'autant de jeunes filles. Voilà sur quoi la plupart des historiens sont d'accord. Quant au sort des enfants déportés en Crète, la version la plus tragique ajoute qu'ils étaient ou dévorés par le Minotaure dans le labyrinthe, ou condamnés à errer jusqu'à leur mort dans ce lieu, d'où ils ne pouvaient sortir; elle prétend aussi que le Minotaure, comme le dit Euripide, "était un être hybride, une bête nuisible", laquelle "De l'homme et du taureau présentait la figure".

Or donc, lorsque le temps de payer le troisième tribut arriva, et que les pères qui avaient des enfants encore jeunes furent obligés de les faire tirer au sort, égée se vit de nouveau en butte aux murmures et aux plaintes des Athéniens. Il était seul, disaient-ils, la cause de tout le mal, et seul il n'avait aucune part à la punition; il faisait passer sa couronne à un étranger, à un bâtard, et les voyait avec indifférence privés de leurs enfants légitimes. Thésée, touché de ces plaintes, et trouvant juste de partager la fortune des autres citoyens, s'offrit volontairement pour aller en Crète, sans tirer au sort. Les Athéniens admirèrent sa grandeur d'âme, et cette popularité leur inspira la plus vive affection pour lui. égée, au contraire, employa les prières et les instances les plus fortes pour l'en détourner; mais le voyant inébranlable et inflexible à tout, il désigna les autres enfants par la voie du sort. Cependant, s'il faut en croire Hellanicos, ces enfants n'étaient pas pris ainsi : Minos lui-même venait les choisir ; et cette fois il prit Thésée le premier de tous, aux conditions que les Athéniens fourniraient le vaisseau de transport, que les enfants qui s'embarqueraient avec lui n'auraient aucune arme offensive, et qu'à la mort du Minotaure le tribut cesserait.

Plusieurs historiens, d'accord en cela avec les poètes, disent que, lorsqu'il fut arrivé en Crète, Ariane, qui avait conçu pour lui de l'amour, lui donna un peloton de fil, et lui enseigna le moyen de se tirer des détours du labyrinthe ; qu'avec ce secours, il tua le Minotaure, et se rembarqua sur-le-champ, emmenant avec lui Ariane et les jeunes enfants qu'il avait conduits en Crète. Phérécyde écrit que Thésée, avant de partir, perça les cales des vaisseaux crétois, et les mit hors d'état de le poursuivre.

 

2. Textes contemporains


Racine, Phèdre, II, 5 - 1677

L'héroïne de cette tragédie est la jeune sœur d'Ariane, Phèdre, épousée par Thésée mais secrètement amoureuse de son beau-fils Hippolyte. Dans cette scène, Phèdre progressivement glisse vers l'aveu de son amour, en superposant l'image d'Hippolyte et celle de son père Thésée lorsqu'il était jeune et que Phèdre le vit pour la première fois.


Pourquoi, trop jeune encor, ne pûtes-vous alors
Entrer dans le vaisseau qui le mit sur nos bords ?
Par vous aurait péri le monstre de la Crète,
Malgré tous les détours de sa vaste retraite.
Pour en développer l'embarras incertain,
Ma sœur du fil fatal eût armé votre main.
Mais non, dans ce dessein je l'aurais devancée.
L'amour m'en eût d'abord inspiré la pensée.
C'est moi, prince, c'est moi, dont l'utile secours
Vous eût du labyrinthe enseigné les détours
Que de soins m'eût coûtés cette tête charmante !
Un fil n'eût point d'abord rassuré votre amante :
Compagne du péril qu'il vous fallait chercher,
Moi-même devant vous j'aurais voulu marcher,
Et Phèdre au Labyrinthe avec vous descendue
Se serait avec vous retrouvée ou perdue.

 

Edith Hamilton, La Mythologie, ses dieux, ses héros, ses légendes - 1942

Il s'approcha bientôt de la chambre du Minotaure, qu'il trouva endormi. Sans attendre, Thésée leva son épée, transperça le monstre de tous côtés et le cloua au sol. Une fois le combat terminé, le jeune homme reprit la pelote à l'endroit même où il l'avait laissée. Il n'avait qu'à suivre le fil pour revenir sur ses pas et s'échapper du labyrinthe. Suivi des treize autres Athéniens, il alla rejoindre la princesse qui l'avait tant aidé, et tous se précipitèrent à bord du bateau qui s'éloigna aussitôt de la Crète.

Thésée et ses compagnons firent escale sur l'île de Naxos. Ariane, épuisée par ses aventures et le voyage en mer, songeait à sa famille, à ses amis, à sa patrie, à tout ce qu'elle avait abandonné pour sauver et suivre Thésée. Elle ne tarda pas à s'endormir. Thésée profita de son sommeil pour délaisser la princesse, et, sans elle, il quitta Naxos et fit route vers Athènes. 

 

Ces trois textes racontent la même hstoire : la légende de Thésée et du Minotaure.

Dans le premier texte, les préliminaires de l'histoire sont bien plus détaillés que dans les deux autres. En effet Thésée se rend en Crète afin de tuer le Minotaure qui dévorait sept jeunes hommes et sept jeunes femmes athéniens chaque année ; cette fois Thésée en fait partie. Il est aidé par Ariane, la fille du roi de Crète qui, amoureuse de lui, lui donne un fil afin de l'aider à sortir du labyrinthe une fois le Minotaure tué.

Cependant les auteurs ne qualifient pas le Minotaure de la même façon. Selon Plutarque, il s'agit d'une créature hybride, mi-homme mi-taureau, tandis que Racine le qualifie seulement de monstre sans préciser la nature de sa monstruosité : il sait que les spectateurs ou lecteurs de sa pièce ont suffisamment de culture pour qu'on n'ait pas besoin de le leur préciser.

D'autres différences sont encore perceptibles, surtout entre le texte antique et le texte d'Edith Hamilton qui ont tous deux une fin différente. Pour Plutarque, qui s'inspire ici de Phérécyde, Thésée s'enfuit avec les jeunes Athéniens et Ariane, en détruisant les bateaux crétois pour les empêcher de le poursuivre. Dans la seconde version plus moderne, Thésée part avec Ariane et les jeunes gens, mais cette fois son départ de Crête est beaucoup moins mouvementé. En tout cas, Thésée abandonne Ariane endormie sur une île et rentre seul à Athènes.


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Galerie d'images



Thésée et le Minotaure
Hydrie attique à figures noires
v.540 av.JC
Musée du Louvre



Thésée et le Minotaure
Amphore attique à figures noires
v. 540 av. JC
Musée du Louvre



Thésée et le Minotaure
Groupe d'Ernest-Jules Ramey
1826
Jardin des Tuileries - Paris


Clara D. et Amalia C., 206