La catastérisation d'Ariane


     

Dans la mythologie grecque, la catastérisation est la transformation d'un être humain en constellation. Le terme catastérisme désigne la disposition des étoiles dans cette constellation.

Les anciens expliquaient en effet par des légendes la disposition des étoiles qu'ils observaient dans le ciel. Nous allons ici nous intéresser à l'une de ces constellations, située dans l'hémisphère nord, la couronne boréale (corona borealis).

 


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Textes antiques

Ovide - Les Métamorphoses - VIII, 172-182

Le début du livre VIII de ce long poème épique est consacré aux légendes crétoises, en particulier à l'enlèvement d'Ariane par Thésée, le fils du roi d'Athènes venu en Crète tuer le Minotaure.


Utque ope virginea nullis iterata priorum
janua difficilis filo est inventa relecto,
protinus Aegides rapta Minoide Diam
vela dedit comitemque suam crudelis in illo
litore destituit ; desertae et multa querenti
amplexus et opem Liber tulit, utque perenni
sidere clara foret, sumptam de fronte coronam
inmisit caelo : tenues volat illa per auras
dumque volat, gemmae nitidos vertuntur in ignes
consistuntque loco specie remanente coronae,
qui medius Nixique genu est Anguemque tenentis.

Lorsque avec l'aide d'une jeune fille le fils d'Egée
Eut trouvé, grâce à une pelote de fil, la porte difficile que personne
Avant lui n'avait repassée, il enleva aussitôt la fille de Minos,
Fit voile vers Dia et là, le cruel laissa sa compagne
Sur le rivage. Abandonnée, ne cessant de pleurer,
Elle fut secourue par Liber qui la prit dans ses bras et qui, pour lui donner
L'éclat d'une constellation éternelle, ôta de son front sa couronne
Et l'envoya au ciel. Celle-ci s'envola dns la légèreté de l'air
Et tandis qu'elle volait, ses pierreries se changèrent en étoiles étincelantes
Qui, gardant la forme d'une couronne, se fixèrent à la place
Située entre l'Homme agenouillé et celui qui tient un Serpent.

 

Gravure d'Albrecht Durer - 1515

 

Ovide - L'Art d'Aimer, I - 527-565

Cnosis in ignotis amens errabat harenis,
qua brevis aequoreis Dia feritur aquis.
Utque erat e somno tunica velata recincta,
nuda pedem, croceas inreligata comas,
Thesea crudelem surdas clamabat ad undas,
indigno teneras imbre rigante genas.
Clamabat, flebatque simul, sed utrumque decebat ;
non facta est lacrimis turpior illa suis.
Jamque iterum tundens mollissima pectora palmis
« Perfidus ille abiit ; quid mihi fiet ? ait.
Quid mihi fiet ? » ait.

 

Ariane errait éperdue sur les plages désertes de l'île de Naxos, toujours battue des flots de la mer. à peine échappée au sommeil, elle n'était vêtue que d'une tunique flottante; ses pieds étaient nus, sa blonde chevelure flottait en désordre sur ses épaules, et des torrents de larmes inondaient ses joues : elle redemandait aux flots le cruel Thésée ; les flots restaient sourds à ses cris. Elle criait et pleurait à la fois ; mais (heureux privilège de la beauté !) ses cris et ses pleurs ajoutaient encore à ses charmes. « Le perfide ! disait-elle en se frappant le sein, il me fuit ! que vais-je devenir ? hélas ! quel sera mon sort ? »


 Ariane à Naxos - Huile sur toile d'Evelyn de Morgan - 1877 - De Morgan center


Jam deus in curru, quem summum texerat uvis,
tigribus adjunctis aurea lora dabat :
et color et Theseus et vox abiere puellae :
terque fugam petiit, terque retenta metu est.
Horruit, ut graciles, agitat quas ventus, aristae,
ut levis in madida canna palude tremit.
Cui deus « en, adsum tibi cura fidelior, inquit :
pone metum : Bacchi, Cnosias, uxor eris.
Munus habe caelum ; caelo spectabere sidus ;
saepe reges dubiam Cressa Corona ratem. »
Dixit, et e curru, ne tigres illa timeret,
desilit ; inposito cessit harena pede :
implicitamque sinu (neque enim pugnare valebat)
abstulit ; in facili est omnia posse deo.
Pars Hymenae canunt, pars clamant Evhion, evhoe !
Sic coeunt sacro nupta deusque toro.

Cependant, du haut de son char couronné de pampres, le dieu guide avec des rênes d'or les tigres qu'il a domptés. Ariane, en perdant Thésée, a perdu la couleur et la voix : trois fois elle veut fuir, trois fois la crainte enchaîne ses pas ; elle frémit, elle tremble, comme la paille légère ou les roseaux flexibles qu'agite le moindre vent. Mais le dieu : « Bannis, lui dit-il, toute frayeur ; tu retrouves en moi un amant plus tendre, plus fidèle que Thésée : fille de Minos, tu seras l'épouse de Bacchus. Pour récompense je t'offre le ciel ; astre nouveau, ta couronne brillante y servira de guide au pilote incertain. » à ses mots, il s'élance de son char dont les tigres auraient pu effrayer Ariane ; la terre s'incline sous ses pas ; pressant sur son sein la princesse éperdue, il l'enlève. Et comment eût-elle résisté ? un dieu ne peut-il pas tout ce qu'il veut ? Tandis qu'une partie du cortège entonne des chants d'hyménée, et que l'autre crie : évohé ! évohé ! le dieu et sa jeune épouse consomment le sacrifice nuptial.

 

Dionysos et Ariane - Cratère en calice attique à figures rouges
vers 400-375 av. JC - Musée du Louvre

 

Hygin - Astronomie poétique - II, 5 - Corona

Ce manuel d'initiation à l'astronomie est attribué sans grande certitude à Hygin, un grammairien et mythographe qui vécut à l'époque d'Auguste. Son deuxième livre est consacré aux castastérismes.


Haec existimatur Ariadnes fuisse a Libero patre inter sidera collocata. Dicitur enim in insula Dia cum Ariadne Libero nuberet, hanc primum coronam muneri accepisse a Venere et Horis, cum omnes dei in eius nuptiis dona conferrent. Sed ut ait qui Cretica conscripsit, quo tempore Liber ad Minoa venit, cogitans Ariadnen comprimere, hanc coronam ei muneri dedit ; qua delectata, non recusavit condicionem. Dicitur etiam a Vulcano facta ex auro et indicis gemmis, per quas Theseus existimatur de tenebris labyrinthi ad lucem venisse ; quod aurum et gemmae in obscuro fulgorem luminis efficiebant.

 

Elle appartint, dit-on, à Ariane et c'est le vénérable Liber qui la plaça au ciel. Car, selon la légende, quand Ariane épousa Liber dans l'ile de Dia, elle reçut comme premier présent une couronne de Vénus et des Heures, tandis que tous les dieux lui apportaient des cadeaux de noces. Mais selon l'auteur des Cretica, à l'époque où Liber vint chez Minos, avec le dessein de séduire Ariane, il lui fit cadeau de cette couronne ; elle en fut charmée et ne refusa pas la condition. On dit aussi que Vulcain avait fait la couronne d'or et de pierres précieuses indiennes, qui avaient permis, dit-on, à Thésée de sortir des ténèbres du labyrinthe pour revenir à la lumière ; car cet or et ces pierres produisaient l'éclat du jour dans l'obscurité.

 

Corona Borealis



Inès M. et Marieta L., 207