Une collection estimée
Trois listes échelonnées dans le temps (1703, 1743 et 1761) nous sont parvenues de la collection de tableaux, de dessins, d'estampes et de bronzes rassemblée par Rigaud. Il dut en exister une quatrième, intermédiaire, dressée en 1710 lors du contrat de mariage avec Elisabeth de Gouy, mais malheureusement disparue des liasses de l'étude. Si dans celle de 1703, Rigaud a pris soin de distinguer les « tableaux que j'ay des grands maistres », des « tableaux de mes ouvrages » et des « coppies de ma main des tableaux de grands maistres », il n'en va pas de même pour celle de 1743 rédigée après sa mort par Jean-Baptiste Oudry et François Louis Colins. La distinction entre oeuvres appartenant au fonds d'atelier et oeuvres revenant à d'autres mains est rendue d'autant plus délicate que certains lots ne sont pas attribués ou mélangent les deux catégories. Par ailleurs, Rigaud avait l'habitude de faire exécuter à ses collaborateurs, par anticipation de commandes futures, des répliques de ses portraits représentant les plus hauts personnages. A la mort de ceux-ci, il arrivait que ces tableaux ne trouvassent plus preneur. Ils restaient alors dans l'atelier et finissaient par se confondre avec la collection personnelle du peintre. Furent sans doute dans ce cas les portraits de Louis XIV, de la Palatine, du cardinal de Fleury et de Basan de Flamenville légués aux Jacobins de la rue Saint-Honoré, ainsi que ceux des ducs de Vendôme et de Bouillon, des comtes de Toulouse et d'Evreux, des maréchaux de Villars et de Montrevel et de l'évêque d'Orléans légués aux Jacobins de la rue Saint-Dominique. Autre difficulté : comment faire la part entre le cabinet du collectionneur et le stock du marchand, puisque Rigaud ne dédaigna pas faire commerce de tableaux « en chambre haute » ? Entre 1703 et 1743, seuls quatre Rembrandt, deux Rubens, un Van Dyck et un Jordaens demeurent encore la propriété de l'artiste. Si ces variations peuvent être le reflet de flux commerciaux, elles peuvent également traduire la quête de tout collectionneur qui achète, revend, troque sans fin et poursuit inlassablement la pièce d'exception. Ce qui importe plus en revanche pour connaître les goûts de Rigaud, c'est qu'entre 1703 et 1743, la composition de la collection changea, mais pas les choix esthétiques dont elle était le reflet, même imparfait.
De ses ancêtres, maîtres peintres de Perpignan ou de son père, artisan aisé, l'artiste n'avait rien hérité en matière d'oeuvres d'art. Créée ex nihilo, sa collection n'en a pour l'historien que plus de prix. Exceptés les legs faits au roi, à l'Académie, aux parents et à quelques amis, l'ensemble fut dispersé à la mort de Rigaud lors d'une vente aux enchères, le 29 avril 1744, avec les meubles et les autres effets de la succession. Hyacinthe Collin de Vermont conserva les estampes, les dessins, deux copies de maître, ainsi que le fonds d'atelier : le catalogue de sa vente après décès, le 14 novembre 1761, les mentionne explicitement aux côtés de ses propres oeuvres. Du vivant de l'artiste, le cabinet de la rue Louis-le-Grand ne fit l'objet que de brèves descriptions : Germain Brice mentionne « les tableaux choisis et [les] autres curiositez de goût, dont il [Rigaud] s'est fait un beau cabinet » et dans lequel figurent « bon nombre d'excellens tableaux des maîtres les plus estimez, comme Titien, Rubens, Vandeik, Reimbrans, des bronzes, et des porcelaines de la première perfection » ; Dezallier d'Argenville cite « plusieurs bons tableaux, tels que du Giorgion, de Rubens, de Vandyck, de Rembrant, de Salvator Rosa, du Guaspre, du Bourdon, et des bons maîtres françois ». Tous ces noms à l'exception de celui de Giorgione se retrouvent dans l'inventaire de 1743, mais outre que nombre d'identifications sont quasiment impossibles à vérifier, les prisées, comprises entre trois et quinze mille livres, n'ont pas grande signification. Certaines toiles pourvues d'une signature flatteuse et surévaluées par Rigaud au moment - comme par hasard - de son mariage avec Mademoiselle de Chastillon, ne valaient plus qu'une dizaine de livres de l'avis d'Oudry et de Colins, alors que d'autres, passées en des mains étrangères après 1743, atteignirent en vente publique des niveaux inconnus lors de l'inventaire. Ajouté à cela le problème de la crue qui selon Boucher d'Argis s'étendait aux oeuvres d'art et induisait une sous-estimation chronique, et l'on aura compris que la valeur chiffrée d'un tableau n'est d'aucun secours pour établir ou non son authenticité. Fantasmée ou réelle, qu'importe : l'attribution à un maître nous éclaire sur l'essentiel, c'est-à-dire sur les affinités artistiques, sinon sur les influences reçues. Car au plaisir de la délectation se mêlent souvent des considérations pédagogiques ou documentaires plus immédiates : posséder un tableau n'est plus alors seulement affaire de goût, mais de pratique, de connaissance théorique, d'inspiration ou d'expertise.
- Les tableaux
Une part importante de la collection était conservée dans une pièce réservée à cet effet, que le procès-verbal d'apposition des scellés désigne sous le vocable de « salle aux tableaux ». Trois cabinets en enfilade de plus petites dimensions (aile gauche de l'appartement), ainsi que la chambre à coucher du défunt et son antichambre (aile droite) accueillaient d'autres oeuvres. Rigaud dénombra en 1703 cinquante et une toiles (15 500 livres) dont trente-sept étaient selon lui des originaux ; quarante ans plus tard, Oudry et Colins listèrent deux cent soixante tableaux (27 053 livres) et cent quatorze originaux.
- L'Ecole française était représentée en 1743 par quatre-vingt et une oeuvres, alors que dans son contrat de mariage, Rigaud ne cita que cinq paysages, trois de Jean-Baptiste Forest et deux de Sébastien Bourdon, sans compter douze portraits de sa main. Les genres considérés comme mineurs l'emportaient sur la peinture d'histoire : paysages, bouquets, batailles ou marines servaient à la composition des fonds et des mises en scène dont Rigaud aimait à agrémenter ses tableaux. Deux de ses collaborateurs, Joseph Parrocel et Jean-Baptiste Blain de Fontenay comptent parmi les artistes mentionnés en 1743 ; plus que les choix d'un amateur, le cabinet de la rue Louis-le-Grand révèle les exigences du travail en atelier : portraitiste avant tout, Hyacinthe Rigaud n'acquit que très peu d'oeuvres qui ne fussent en rapport avec le genre qu'il pratiquait lui-même. Cependant, les nécessités du métier n'expliquent pas tout et la préférence accordée aux paysages semble d'abord traduire un goût personnel : à côté de Francisque Millet, de Gaspard Dughet et de Jean-Baptiste Forest, Sébastien Bourdon occupe une place de choix avec ses vues pittoresques et enlevées à la manière de Castiglione. Rigaud possédait de lui onze toiles, tant paysages que scènes de genre (Corps de garde), sujets d'histoire religieuse (esquisses pour la Présentation au Temple, le Baptême, la Visitation et le Mariage de saint Joseph) que portrait (une Tête). Nous savons également qu'un Autoportrait de Sébastien Bourdon faisait partie de la collection de Rigaud avant 1734, date à laquelle il en fit don à l'Académie : si le visage est de Bourdon, le manteau en corolle qui enveloppe le buste est caractéristique de Rigaud. Dans la catégorie du grand genre, le cabinet de 1743 mêlait « défenseurs du dessin » et « adeptes de la couleur » : les premiers étaient représentés par cinq figures d'Apôtres en grisaille de Le Brun et par une Descente de croix de Poussin, d'ailleurs très « vénitienne » par ses tons chauds :
Nicolas Poussin, La Déposition de croix Saint-Pétersbourg, musée de l'Ermitage |
les seconds, par un Renaud et Armide d'Antoine Coypel et par six oeuvres de Charles de La Fosse dont deux belles esquisses : l'une était une étude pour la coupole des Invalides, représentant saint Louis offrant au Christ son épée victorieuse des Infidèles (n° 382), l'autre était un projet de plafond sur le thème du Temps découvrant la vérité. Blain de Fontenay, Parrocel, Forest, Coypel, La Fosse et Louis de Boullongne étaient les contemporains de Rigaud qui entretint avec la plupart des relations d'amitié (Coypel, Forest, La Fosse, Parrocel), sinon de travail, soit qu'ils lui eussent prêté leurs services (Blain de Fontenay, Parrocel), soit qu'ils eussent posé devant son chevalet (La Fosse, Boullongne, Parrocel). Soulignons enfin l'absence, à l'exception d'un petit portrait de femme par François de Troy et de la Tête copiée d'après Sébastien Bourdon, de tout exemple français dans l'art où Rigaud s'illustra.
- Le fonds d'atelier (1602 livres) consistait en soixante-seize portraits autographes, tableaux achevés, études ou esquisses à l'huile, ainsi qu'en soixante-deux répliques, en partie inachevées. Dix-sept toiles (21 250 livres) représentant des proches ou des amis avaient été pieusement conservées et désolidarisées de ce fonds. En premier lieu venaient les Rigau : Maria Serra, Clara, son mari Joan Lafita et leur fille Maria, Gaspard et deux autoportraits de Hyacinthe.
Hyacinthe Rigaud, Autoportrait dit au turban (1698) Perpignan, musée Hyacinthe Rigaud
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Si l'inventaire après décès n'y fait pas référence, d'autres documents portant règlement de l'exécution testamentaire nous apprennent que deux portraits d'Elisabeth de Gouy, l'un sur une toile de vingt-cinq sols, l'autre « en grand » sur une toile de quatre francs, ainsi que les deux bustes de ses parents figuraient en 1743 dans la galerie familiale de Rigaud. Aucune trace en revanche du portrait de Jean Le Juge, d'Elisabeth de Gouy et de leur fille Marguerite Charlotte peint en 1699 et de sa réplique inachevée de 1703. Le cabinet renfermait également le souvenir de quelques vieilles connaissances : Everhard Jabach, Martin Desjardins, le maréchal de Noailles, son épouse et son secrétaire Laurent Ozon, Joseph Parrocel, Jean Jouvenet, le sculpteur Jean Cornu ainsi que les oncles de Collin de Vermont, Collin de Blamont et Collin des Tournelles. Seul tableau d'histoire de sa main que Rigaud ait gardé jusqu'à sa mort, la petite Présentation au Temple ou « Purification de la sainte Vierge » peinte sur bois fut léguée au roi en même temps que les portraits de Maria Serra et de la famille Lafita. Revenaient en revanche à l'Académie la vue de face de Maria Serra et l'un des autoportraits de l'artiste.
- L'Ecole italienne occupait une place marginale dans le cabinet de Rigaud : en 1703, l'« Estat des tableaux que j'ay des grands maîtres » ne cite guère qu'une esquisse de La Circoncision attribuée à Véronèse et une tête de vieillard de Titien ; en 1743, Oudry et Colins ne recensent que seize toiles dont dix sont expertisées comme étant des originaux. Le choix de Rigaud semble s'être porté là encore sur les genres mineurs : l'unique exemple de peinture d'histoire dont nous soyons sûr est une Madeleine copiée de Guido Reni par le défunt ; les deux esquisses « en hauteur » peintes par Valerio Castello pourraient représenter des scènes de l'histoire sainte que ce maître traita par prédilection, mais l'inventaire après décès néglige d'en préciser le sujet. La même incertitude pèse sur deux petits formats en pendants d'après Carlo Maratta, une esquisse d'après Tintoret et une copie d'après Annibal Carrache ; si ces trois maîtres s'illustrèrent avant tout dans de vastes compositions, ils se prêtèrent aussi à des genres réputés moins ambitieux comme le portrait ou le paysage. Or les Bolonais doivent essentiellement leur présence dans le cabinet de Rigaud à une tête de vieillard de Guido Reni et à une vue d'après Carrache. Les autres représentants de l'Ecole italienne confirment cette orientation précédemment observée pour l'Ecole française : Bartolommeo Torregiani, Salvator Rosa, dont la marine estimée à quatre cents livres est l'une des pièces les plus cotées de l'inventaire, Pannini avec « deux tableaux d'architecture [...] en hauteur », Michelangelo Cerquozzi et une de ses natures mortes. Curieusement, le nom de Rosalba Carriera n'apparaît à aucun moment au cours de la prisée, alors que durant son séjour à Paris, la pastelliste vénitienne entretint les meilleures relations avec Rigaud : celui-ci lui offrit le recueil de ses portraits gravés « jusqu'au n° 39 », ce dont elle le remercia en lui faisant parvenir plusieurs de ses pastels. Mariette écrit à ce sujet à Rosalba Carriera le 26 novembre 1722 : « Il faudrait être insensible à toutes les grâces pour n'être pas touché de celles que vous avez répandues sur ces nouveaux ouvrages. M. Rigaud, comme le souverain maître du goût, a compris mieux que personne toute leur valeur. Mais il ne s'attendoit pas à un aussi riche cadeau [...]. Vos deux tableaux sont admirables. M. Rigaud a une préférence pour celui qui représente la belle blonde. Vous recevrez bientôt de lui une lettre de remerciemen ». Il est alors tentant de voir dans la tête de femme exécutée au pastel et « coeffée en fleurs », une oeuvre de Rosalba Carriera. Quant à la présence supposée de Giorgione dans le cabinet de Rigaud, elle n'est attestée ni par l'état de 1703, ni par celui de 1743.
- Entre ces deux dates, les Ecoles du Nord ont conservé leur position dominante, même si en 1743 l'Ecole française, pratiquement inexistante quarante ans plus tôt, accède au premier rang. En 1703, Rigaud possédait vingt-sept tableaux flamands et hollandais ; à sa mort, il en laissa trente-sept dont vingt-six originaux. Plus que la raréfaction et la cherté des oeuvres des grands maîtres italiens à partir de la fin du XVIIe siècle, auxquels se seraient substitués sur le marché de l'art les peintres nordiques, il faut voir dans cette préférence accordée aux seconds le choix personnel et conscient de Rigaud. Si l'on excepte deux natures mortes sur bois de Willem Kalf, une tête de saint due à Pieter Van Mol et un paysage de Bartholomeus Breenbergh, les trente-trois autres tableaux se partagent entre trois artistes : Rubens, Van Dyck et Rembrandt.
Le maître d'Anvers est représenté par sept esquisses de ses grandes compositions historiques et allégoriques : quatre originales - une Adoration des rois et le Martyre de saint Liévin, légués à Van Hulst, d'une valeur de quatre cents livres, un fragment du Triptyque de l'Erection de la croix estimé à trois cents livres, le Mariage de Marie de Medicis appartenant au cycle de la galerie du Luxembourg - et trois copies : Mucius Scevola, La Madeleine chez Simon le Pharisien et la Naissance de Louis XIII à Fontainebleau. L'état de 1703 mentionnait également un saint Georges et un saint Jean dans lesquels Oudry et Colins virent en 1743 deux Van Dyck et attribuait à Jordaens le Mucius Scevola.
Van Dyck s'impose comme le maître préféré et incontesté du défunt avec dix-huit oeuvres, tant portraits que sujets d'histoire, originaux que copies, dont beaucoup exécutées par Rigaud : le portrait en pied de George Digby, comte de Bristol cité parmi les « Coppies de ma main des tableaux des grands maistres » de 1703, Les princes palatins Charles Louis et Rupert dont l'original fut acquis en 1671 d'Everhard Jabach par Louis XIV, « Monsieur le duc et madame la duchesse de Mantoue, de grandeur humaine ». Rigaud prit soin de confier par testament ces deux dernières toiles ainsi que l'ensemble de ses propres copies d'après Van Dyck à son filleul Hyacinthe Collin de Vermont, preuve supplémentaire de son attachement à l'oeuvre du maître.
Rembrandt, Autoportrait Karlsruhe, Staatliche Kunsthalle |
Celle de Rembrandt est l'objet d'un intérêt tout aussi fervent. En 1703, Rigaud possédait sept tableaux originaux du hollandais - l'inventaire après décès n'en mentionne que six : deux Autoportraits, un Homme en armure, une Femme tenant une fleur à la main, deux Têtes et « un chef de saint Jean », sans compter deux copies exécutées par le peintre lui-même : un portrait de « Rimbran et de sa fille, en ovalle » et une Tête de paysanne. Selon Anthony Blunt, Rigaud aurait été après Claude Vignon l'un des premiers artistes à étudier l'oeuvre de Rembrandt et à « s'inspirer de son naturalisme et de sa subtilité psychologique ». Son admiration rejoint à cet égard le goût de toute une génération : le XVIIIe siècle voit la publication des premiers catalogues de l'oeuvre gravé de Rembrandt et dès 1699, Florent Le Comte, Roger de Piles et Bernard Picart clament leur admiration pour le génie, quoique « hérétique » vis-à-vis des règles académiques, du hollandais. Celui-ci fait son entrée dans les collections des amateurs les plus prestigieux : en premier lieu le roi Louis XIV, mais surtout le prince Eugène, le marquis de Beringhen, la marquise de Verrue, le duc de Tallard, le comte de Vence, Mariette, Gersaint, Jullienne et tant d'autres. Si Rigaud emprunte à Van Dyck les grands « principes » de son art, c'est à Rembrandt et à ses émules qu'il se réfère lorsqu'il scrute inlassablement son propre visage, peint sa mère ou plonge sa Présentation au Temple dans un nocturne où scintillent les ors.
Au groupe flamand de 1743, il convient d'ajouter quatre toiles, réputées provenir lors de diverses ventes, peut-être pour en relever la valeur, du « cabinet de M. Rigaud ». Il s'agit d'un portrait ovale par Van Dyck de Thomas Parck (23 pouces de haut sur 19 pouces et demi de large) que Rigaud aurait racheté aux héritiers Jabach ; d'un « fleuve entouré de roseaux, qui se repose sur son urne » de Rubens (56 pouces de haut sur 46 pouces de large) ; d'un autoportrait de Van Dyck (25 pouces de haut sur 21 pouces de large) dont « l'habillement fut peint par M. Rigaud, d'où il a été acheté après son décès » et d'un portrait du duc de Buckingham (2 pieds de haut sur 22 pouces de large), toujours par Van Dyck, qui serait passé de la collection du comte de Hoym, ambassadeur de Pologne, à celle de la rue Louis-le-Grand.
- Estampes et dessins
Estampes et dessins étaient rangés dans une armoire « à quatre volets de bois de hestre », installée à l'entresol, dans une pièce qui servait de garde-meuble. Selon l'inventaire après décès, l'ensemble se composait de treize paquets et de huit cartons d'estampes en feuilles, ainsi que de vingt-trois recueils de gravures, auxquels s'ajoutaient trois portefeuilles et un volume de dessins.
Page de titre du recueil de l'oeuvre gravé de Hyacinthe Rigaud offert par l'artiste à l'Académie royale de peinture et de sculpture Paris, ENSBA
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Outre la totalité de son oeuvre gravé, Rigaud possédait les planches de son Autoportrait et du buste de Maria Serra gravés par Pierre Drevet. L'inventaire se tait sur le contenu de nombre de pièces qu'il rassemble sous le titre générique d'oeuvres de « différens maîtres » ou de « toutes sortes de sujets ». La présence des eaux-fortes de Rembrandt et de l'Iconographie de Van Dyck n'a rien pour nous surprendre : elle confirme l'importance, précédemment observée lors de l'analyse des tableaux, de ces deux maîtres, dans la culture et le métier de Rigaud.
Plusieurs volumes d'architecture, notamment les reproductions de la colonne Trajane et de la colonne Antonine par Pietro Santi Bartoli, des vues de Venise et de thermes antiques devaient présenter un intérêt documentaire, quoique Rigaud ait usé d'un vocabulaire architectural relativement limité dans la mise en scène de ses portraits. Les autres recueils ou cartons identifiés par l'inventaire comptent parmi les plus célèbres et les plus répandus de l'époque : l'Histoire de Don Quichotte d'après les tapisseries d'Antoine et de Charles Coypel commandées pour les Gobelins et gravée à partir de 1723 par Louis Surugue et Cochin père ; la Galerie de l'hôtel Lambert d'après Le Brun et Le Sueur, reproduite par Bernard Picard ; le Cabinet de Girardon, gravé par Nicolas Charpentier et François Ertinger vers 1710 ; la Galerie d'Apollon du château de Saint-Cloud, d'après Mignard, par J.-B. de Poilly ; la Vie de saint Bruno de Le Sueur, gravée à l'eau-forte par François Chauveau ainsi que les oeuvres de Le Brun, de Véronèse, de Raymond de La Fage, du comte de Caylus et les paysages de Rubens.
L'essentiel des dessins conservés par Rigaud, à l'exception d'un volume de batailles, de chevaux et d'académies dues à différents maîtres, était constitué par ses propres études et portraits qu'il légua avec sa collection d'estampes à son filleul Collin de Vermont.
- Sculptures
Giovanni Battista Foggini, Apollon et Marsyas Londres, Victoria and Albert Museum | Les sculptures ne représentaient qu'une infime partie du cabinet de la rue Louis-le-Grand, un marbre et onze bronzes, parmi lesquels se distinguent trois pièces maîtresses. Il s'agit en premier lieu du buste représentant Maria Serra, exécuté par Coysevox en 1706 à la demande de Rigaud et dont une version en plâtre figura dans le catalogue de la vente Collin de Vermont en 1761. Après l'avoir destiné au Grand Dauphin par son testament de 1707, Rigaud le légua dès 1711 à l'Académie. Autres pièces de grande valeur, les groupes en bronze de Prométhée et Mercure et d'Apollon et Marsyas. Oeuvres du sculpteur florentin Giovanni Battista Foggini (1652-1725), ils avaient été offerts à l'artiste par le grand-duc de Toscane, Côme III, en remerciement de l'envoi de son Autoportrait et de l'abrégé de sa vie. Louis Antoine Crozat, baron de Thiers s'en porta acquéreur lors de la vente du 29 avril 1744. Le catalogue de la collection Collin de Vermont mentionne également un buste en plâtre représentant Hyacinthe Rigaud par Coysevox ; le sculpteur étant mort en 1720, il n'a pu réaliser ce portrait que du vivant de son modèle. Or le marbre original, qui aurait dû figurer dans le cabinet de la rue Louis-le-Grand, n'a laissé aucune trace dans les documents de l'époque et Rigaud lui-même n'y fait jamais allusion dans ses différents testaments.
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- Médailles et objets de prix
La collection de Rigaud ne serait pas complète si l'on n'évoquait les cadeaux prestigieux dont certains de ses clients le gratifièrent. C'est ainsi qu'Auguste II de Pologne lui offrit une médaille en or sur le revers de laquelle étaient représentés un sceptre, deux épées en sautoir et une couronne, avec pour devise : Pro regni custodia. Auguste III renouvela le geste de son père et fit parvenir à l'artiste deux autres médailles en or, la première portant au revers le sacre du roi et la devise : Concordibus liberæ gentis suffragiis, la seconde figurant un cheval au galop et la devise : Transitem sequitur rectum. Rigaud reçut enfin du prince de Rohan et du prince de Liechtenstein deux tabatières en or richement décorées : la première, « à ornemens bizarres », revint à Collin de Vermont ; la seconde, rehaussée de quatre-vingt-dix-neuf diamants, fut estimée à trois mille livres.
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