XXXVII - Probus (an de Rome 1029)

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Probus
Musée de Naples

Après un mois ou deux (1) d'une domination incertaine, Florien fut tué par ses soldats dans les environs de la ville de Tarse (2) lorsqu'ils eurent appris que l'élection de Probus avait eu lieu en Illyrie (3). Probus était un homme très habile dans la science de la guerre, et presqu'un autre Annibal dans l'art d'exercer les troupes et d'endurcir la jeunesse au travail militaire. En effet, de même qu'Annibal avait employé ses soldats à planter des oliviers dans plusieurs endroits de l'Afrique, de peur que leur oisiveté ne fût fatale à la république et à leurs chefs (4), ainsi Probus employa ses légions à planter des vignes dans la Gaule, dans les Pannonies et sur les coteaux de la Moesie ; il avait dompté les nations barbares qui avaient profité de la mort tragique de nos empereurs pour faire des irruptions sur les terres de l'empire ; et par le secours de leurs propres soldats, il s'était défait de Saturninus et de Bonosus (6), qui avaient tenté de se faire empereurs, le premier en Orient, le second à Cologne. On rapporte qu'à l'occasion de la profonde paix dont jouissait l'empire après la défaite de tant d'ennemis, il dit que bientôt on pourrait se passer de soldats. Irritées de cette parole, les troupes auxquelles il avait ordonné de dessécher, en y creusant des canaux et des fossés, les marais que formaient les pluies de l'hiver dans les environs de Sirmium, où il était né, le massacrèrent auprès de cette ville vers la sixième année de son règne. Dès ce moment la puissance militaire reprit son ascendant sur l'autorité du sénat, qui jusqu'à notre temps est resté privé du droit d'élire les empereurs. On ignore si ce fut ou par insouciance, ou par crainte, ou par aversion pour les discordes civiles, qu'il y renonça. Quelqu'ait été son motif, il est certain que, le décret de Gallien ayant été révoqué, il aurait pu rétablir la discipline militaire, d'après la conduite modérée des légions, après la mort de Tacite ; que Florien n'aurait pas été assez hardi pour s'emparer de son propre mouvement du pouvoir suprême ; enfin, que, si les membres d'un ordre si considérable et si distingué avaient passé leur vie dans les camps, les soldats n'auraient pas osé élever à l'empire, de leur autorité privée, même un homme de bien. Mais, en se livrant aux douceurs du repos et à la crainte de perdre leurs grandes richesses dont ils voulaient jouir, pour ainsi dire, jusqu'au-delà de l'éternité, ils donnèrent aux légions et presqu'aux Barbares le moyen de dominer sur eux et leurs descendants.


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(1)  Eutrope rapporte que Florien régna deux mois et vingt jours.

(2)  Comme il est certain, d'après le témoignage d'Eutrope et de Vopiscus, que les soldats ne tuèrent Florien qu'après qu'ils eurent appris l'élection de Probus, Arntzen pense qu'il faut lire dans le texte ab suis interficitur, postquam Probum, etc. C'est la leçon que nous avons suivie.

(3)  Probus ne fut pas proclamé empereur en Illyrie, mais en Orient, où il était gouverneur de la Syrie, de la Phénicie, de la Palestine et de l'Egypte. Il était né à Sirmium.

(4)  Cela ne peut avoir eu lieu qu'après la bataille de Zama, et avant qu'Annibal se fut retiré auprès d'Antiochus.

(5)  Avant le règne de Probus, ne plantait pas des vignes qui voulait. Il fallait en obtenir la permission des empereurs, depuis Domitien qui avait défendu en Italie cette plantation, de peur qu'elle n'envahît les terres destinées à la culture du blé.

(6)  Saturninus était chargé de la défense des frontières orientales de l'empire. Aurélien disait de Bonosus, qu'il était né pour boire et non pour vivre : Natum ut biberet, non ut viveret.