On connaît bien le personnage de Calchas chez Homère, mais il faut dire qu'il n'y a aucune trace de lui chez Proclus ni dans les fragments du Cycle. Pourtant, suivant peut-être des sources que nous ne connaissons pas, les écrivains tardo-latins et médiévaux nous le présentent de manière bien différente de celle d'Homère. Sur les traces de Darès, voyons d'abord comment il rejoint les Grecs et quel lien particulier existe entre Achille et lui ; ensuite, il sera utile d'examiner son rôle dans l'histoire d'Iphigénie en Aulide.


Daretis De excidio Troiae, 15

Postquam Athenas conuenerunt, Agamemnon duces in concilium conuocat, hortatur, ut quamprimum iniurias suas defendant. Rogat, si illis placeat, suadetque ut, antequam proficiscantur, Delphos ad Apollinem consulendum de tota re mitterent: cui omnes assentiunt. Achilles huic rei praeficitur, et cum Patroclo proficiscitur. Priamus interea, ut audiuit quia hostes parati sunt, mittit per totam Phrygiam qui finitimos exercitus adducant, domique milites magno animo comparat. Cum Achilles Delphos uenisset, ad oraculum pergit: et ex adytis respondetur, Graecos uictores, decimoque anno Troiam capturos. Achilles res diuinas, sicut imperatum est, facit. Et eo tempore uenerat Calchas, Thestore natus, diuinus ; et, pro Phrygibus a suo populo missus, dona Apollini portabat. Huic ex adytis respondetur, ut cum Argiuorum classe militum contra Troianos proficiscatur, eosque sua intelligentia moueat, ne inde discedant prius, quam Troia capta sit. Postquam in fanum uentum est, inter se Achilles et Calchas responsa contulerunt : gaudentes hospitio, amicitiam confirmant, una Athenas proficiscuntur et perueniunt. Achilles eadem in concilio refert. Argiui gaudent, Calchantem secum recipiunt, classem soluunt. Cum eos tempestates ibi retinerent, Calchas ex augurio respondit ut primum reuertantur in Aulidem, ut Dianae sacrificent. Profecti perueniunt. Agamemnon Dianam placat, dicitque sociis classem soluant, ad Troiam iter faciant.

Lorsqu'ils se furent tous rendus à Athènes, Agamemnon les assembla pour les exhorter à tirer vengeance de la commune injure qu'ils avaient reçue des Troyens ; ensuite il leur conseilla d'envoyer avant leur départ, consulter l'oracle d'Apollon de Delphes sur le succès de leur expédition. Tous y consentent ; Achille est chargé de cette commission et part avec Patrocle. Cependant Priam, informé des préparatifs des Grecs pour lui déclarer la guerre, mande auprès de lui toutes les troupes qui gardaient les frontières de la Phrygie les plus éloignées de la mer, et en lève avec beaucoup d'ardeur d'autres dans I'intérieur de ses états. Achille, arrivé à Delphes, se rendit aussitôt vers l'oracle. Le dieu lui répondit du fond de son sanctuaire que les Grecs vaincraient les Troyens, et qu'ils prendraient leur ville après un siège de dix ans. Après cette réponse, Achille offrit un sacrifice, selon l'ordre qu'il en avait reçu. Sur ces entrefaites, Calchas, fils de Thestor, homme doué d'une science divine, envoyé par les Phrygiens chez lesquels il avait pris naissance, était arrivé à Delphes pour offrir des présents à Apollon. L'oracle qu'il consulta lui répondit qu'il devait partir avec la flotte que les Grecs conduisaient contre les Troyens, que par la science de l'avenir dont il était doué, il devait les engager à ne pas abandonner le siège de Troie que cette ville ne fût prise. Ce fut dans le temple qu'Achille et lui se rencontrèrent. Alors ils comparèrent l'une à l'autre la réponse que chacun d'eux avait reçue de l'oracle. Réunis par l'hospitalité, ils se lient bientôt d'une étroite amitié, et partent ensemble pour Athènes. Achille rend compte de son voyage dans le conseil des généraux de l'armée ; tous se réjouissent des réponses de l'oracle, reçoivent Calchas au milieu d'eux, et mettent à la voile. Malheureusement des vents contraires retiennent les vaisseaux en mer : Calchas consulte le cri des oiseaux, et répond que les Grecs doivent retourner en Aulide pour y sacrifier à Diane. Ceux-ci obéissent à cet oracle. Agamemnon apaise la déesse par un sacrifice, et ordonne à ses compagnons de lever l'ancre et de se diriger vers les rivages troyens.


On comprend bien alors pourquoi « nos » auteurs parleront de lui comme d'un traître : mais, à part Homère, voilà ce que dit de son origine Pausanias, qui en parle tranquillement comme d'un Grec.

Pausanias, I, 43

Ces peuples ont encore un temple de Diane bâti, comme ils croient, par Agamemnon, lorsqu'il vint à Mégare pour voir Calchas, et pour l'engager à le suivre au siège de Troie.


Comme d'habitude, Dictys suit une trace différente et parle des sacrifices que Calchas ordonne aux Achéens : tandis que Joseph of Exeter, Benoît de Sainte-Maure et Guido delle Colonne sont plus liés à Darès et en amplifient le récit, en faisant de Calchas l'évêque de Troie. Calchas et Philoctète, le seul avec Nestor qui avait déjà pris part à la première destruction, emmèneront les Grecs à Troie.

Dictys, Ephemerides belli Troiani, I 15

Igitur ubi omnes Argos conuenere, Diomedes hospitio cunctos recipit, necessariaque praebet. Dein Agamemnon grande auri pondus Mycenis adportatum per singulos dispertiens, promptiores animos omnium ad bellum, quod parabatur, facit. Tum communi consilio super conditione proelii, iusiurandum interponi hoc modo placuit : Calchas Thestoris filius, praescius futurorum, porcum marem in forum medium adferri iubet; quem in duas partes exsectum, orienti occidentique diuidit, atque singulos nudatis gladiis per medium transire iubet. Dein mucronibus sanguine eius oblitis, adhibitis etiam aliis ad eam rem necessariis, inimicitias sibi cum Priamo per religionem confirmant: neque prius se bellum deserturos, quam Ilium atque omne regnum eruissent. Quibus perfectis, pure lauti, Martem atque Concordiam multis immolationibus sibi adhospitauere.

A mesure qu'ils arrivaient, Diomède les traitait honorablement, et leur fournissait abondamment tout ce dont ils pouvaient avoir besoin. Agamemnon, de son côté, leur distribua une somme considérable qu'il avait apportée de Mycènes, afin de les intéresser davantage à la guerre que l'on méditait. Pour ajouter encore à la force de l'engagement, on résolut, d'un commun accord, de se lier par un serment solennel; ce qui s'exécuta de cette manière. Calchas, fils de Thestor, savant dans l'art de prédire l'avenir, fait amener un porc mâle au milieu de l'assemblée, et le coupe en deux ; une des parts est tournée vers l'orient, l'autre vers l'occident. Alors, par son ordre, chacun des assistants passe entre deux, l'épée nue à la main, en trempe la pointe dans le sang de l'animal, et, après les cérémonies prescrites en pareil cas, voue à Priam une haine immortelle, et jure qu'il ne posera les armes qu'après avoir détruit son empire et renversé les murs d'Ilion. Les chefs se purifient ensuite, et immolent nombre de victimes sur les autels de Mars et de la Concorde, pour se rendre ces divinités favorables.


Iosephus Iscanus, Daretis Ylias, IV 208-315 (passim)

lam Pandionios collato robore portus
Argive tenuere rates spaciumque negabat
210 Terra viris, velis aer et puppibus equor,
Cum tandem licitos poscebant bella meatus
Et iussas libare vias. At Delphica missus
Fata exoratum refugasque evolvere Parcas
Actoride socio Phebum prelibat Achilles.

245 ... Prior Eacides lictoribus aras
Ambit et has donis tandem sollempnibus emptas
Inachidis voces pandit venalis Apollo :
Oraculum Phebi de victoria habenda,
Vincitis, ultores Danai, grave Marte bilustri
Heret opus, decimum sequitur victoria bellum`.
250 Talibus Eacides fatis excitus in omnes
Secretum tripodum socios partitur. Et ecce
Testorides Calcas mediis congressus in antris
Concordesque deos et consona fata revolvit.
Hic patrie et propriis scitatum oracula regnis
255 Venerat, hosque aditis monitus effudit ab isdem
Numen idem :,Non, o superis gratissime vates,
Vana petis. Dabitur patriis clementior aer
Sulcis, ieiuni populator Sirius anni
Occidet et plenis pinguescent messibus agri.
260 Tolle moras, te bella vocant, pete Cicropis urbem,
Ultrices dispone acies ! Tibi bellica cedet
Turba manu, Mopsus oculis et pectore Nestor.
Sera quidem sevisque virum mercanda ruinis
Inachidas lustro ditabit palma secundo'.
265 Ergo hilares socias iungunt in federa dextras
Eacides Calcasque pares. Quippe altus utrique
Gentis honos, regni equus apex; at maior Achilli
Spirat amor belli, Calcas tranquillior extis
Evolvisse deos et celi nosse meatus.
270 Tres unit iurata fides, consortia prima
Tercius auget amor nec, iam partitus amicum,
Invidet Actorides, sed pontum letior haurit
Et reducem torquet socio Calcante carinam.
Ut tripodum vulgata fides per castra, per urbem,
275 Per puppes certo iam claruit indice, cunctos
Bella iuvant, cunctis iam pulchrum vincere, tardum
Marte fruí. Munit eques armis, nauta cherucis,
Civis messe rates. Pauci, quos debile pectus,
Mens plebea, iacens animus nescire triumphos
280 Iussit et abiecti mersit caligine fati,
Aut acies metuunt aut lente vincere dampnant
Longa decennalis mensi dispendia belli,
Cum casus varii cedant, cum prelia nulli,
Sanguine cum multo paucorum gloria vincat.
285 Hos tamen, hos etiam regum reverentia flectit
Et passura pares consors vicinia motus.
Ergo animos hebetes rnendax audacia frontis
Dissirnulat clamorque minax despumat in ausus.
Haut mora, corripiunt classes hiis pendula pandit
290 Dextra sinus, cervix alios defixa fatigat
In fluctus latura rates, hii robore textas
Edificant in transtra vias, mordacis habene
Nexibus indulgent alii laxantque carinas,
Cum subito egressos inopino turbine turbat
295 Nimborum pincerna Nothus noxque imbribus haustis
Ebria tela, viros, puppes humentibus urnbris
Involvit cogitque ipsos dubitare magistros.
Errat ceca freti classis solitosque procella
Egressus obiecta negat, fluitantia pinum
300 Percellunt mediam repetito verbere vela.
Prirnus ut a prora surgentes conspicit imbres
Testorides frustraque duces contendere, divos
Presago iubet ore sequi, nolentibus Austris
Cedere et armatos ordiri ex Aulide cursus.
305 Parent Eolios nutus vatemque secuti
Graiugene et flexis repetentes Aulida proris
Montivage Phebes pacem implorantibus aris
Conciliant largoque exorant thure meatum.

315 Ergo deum nutu libratis flatibus usa
Euboicas numerosa ratis descendit in undas
Consumptura fretum; totum sub puppibus equor
Ire stupet. Certat perplexis navita remis,
Quis prior, et iunctis confligunt ictibus era.

Benoît, Roman de Troie en prose

79. Si come Calcas et Achillès s'entrecontrërent et l'un descovrir son corage a l'autre. Calchas passe du coté des Grecs. (= v. 5703-6072)

Celui jôr meïsme i avoient li Troïen tramis Calcas. Calcas estoit uns viauz hons et grant prince de la ville, si come evesque. Et vint par l'achoison meïsme que Achillès estoit venus et ot respons des dieus en ceste manière : « Vait'en a la compaignie des Grizois et garde que tu ne torne jamais a Troie, quar il covient qu'ele soit destruite et la gent morte, et tu aideras as Grizois de tout ton pooir ». Endementiers que il avoit eu ceste response, il et Achillès s'entrecontrërent et descovri l'un au l'autre son secré, et se firent moût grant joie. Achillès l'en mena as Grizois aveuc soi et le herbega moût honorablement. Puis retraist as Grizois la responce as dieuz dont il orent moût grant joie. Calcas meïsmes lor dist quoment li Troïen l'avoient envoie et la responce as dieuz et coment il li commandèrent que il ne repairast a Troie, ains venist a Athènes et se tenist o les Grizois, quar as dieus plaisoit que la ville fust destruite. « Por quoi je vos lo et vos conseil que vos vos hastés du plus tost que vos pores d'aler a Troies, quar obeïr vos covient a la volenté et as grés des dieus. Et je meïsme sai que moût me blasmeront ceauz de Troie, mais je ains plus faire la volenté as dieus que as Troïens. Quar qui ne les voldra obeïr, il covient que il en vigne a male fin ».

81. Si come il orent grant joie de la venue Calcas.

Or retornerons sus nostre matière et dirons quel grant joie orent li Grezois dou respons que Achillès lor aporta, et plus assés de ce que Calcas lor dist. Et por ce li firent il grant honour et distrent que par son conseil ovreroient. Et il lor dona et loia assés que il se deùssent haster d'entrer en mer, et il si firent ; et tant nagirent o toute lor navie que il arrivèrent a Thenedon.


Guido delle Colonne, Historia destructionis Troiae, passim

X Ad quam(insulam Delon, ndr) postquam Achilles et Patroclus, Grecorum nuncii, peruenerunt, de intrando in templum Appollinis congrua hora captata cum consilio sacerdotum in ipso templo seruiencium ipsi deo qui colebatur in ipso, templum ipsum deuoto corde humiliter intrauerunt. Et factis eorum oblacionibus in multorum donorum prodiga quantitate, petentibus ab eo de Grecorum negociis habere responsum, sic eis predictus Appollo submissa voce respondit : « Achilles, Achilles, reuertere ad Grecos tuos a quibus missus es, et dic eis quod pro certo futurum se salubriter ad Troyam ituros ibique prelia multa committere, sed infallibiliter erunt decimo anno uictores. Troyanam urbem dabunt funditus in ruinam, regem Priamum, eius consortem, eiusque filios morti tradent et omnes maiores eorum, illos tantum viuere permittendo quos elegerit ipsorum Grecorum sola uoluntas ». Quo ab Achille percepto et facto exinde valde leto, adhuc eo in ipso templo morante, mirabilis casus emersit. Nam quidam Troianus antistes nomine Calcas, Testoris filius, multa peritus scientia, de mandato Priami regis, utpote nuncius eius, templum ipsum intrauit ut a deo Appolline similiter responsum eliceret quid de bello Grecorum Troyanis esset reuera futurum. Cui, post oblaciones ab eo factas multimode ipsi deo, deus ille respondit : « Calcas, Calcas, caueas ne ad tuos redire presumas sed statim ad Grecorum classem, que nunc est in hac insula cum Achille, securus accedas, cum qua Grecorum exercitum festinus adeas, nunquam discessurus a Grecis. Futurum est enim Grecos obtinere uictoriam contra Troyanos voluntate deorum. Eris enim et tu valde necessarius Grecis ipsis in tuis consiliis et doctrina donec ipsi predicta uictoria potiantur ». Calcas uero dum sciscitando cognosceret quod ille erat Achilles qui erat in templo, confestim ad ipsum accelerat, et conuenientibus ipsis in unum, sese in amicicie fedus accipiunt, patefacta inter se de predictis omnibus ueritate. Quare idem Achilles predictum Calcas antist(it)em multis commoditatibus le[n]ta fronte honorare curauit. Sicque anchoris extractis a mari et eis cum eorum nauibus in pelagus se immissis, incolumes salubriter peruenerunt Athenas. Descendentibus eis igitur a nauibus ipsis, Achilles predictum Calcas antist(it)em Agamenoni regi et aliis regibus Grecorum, ducibus, et principibus presentauit. Et ab Achille narrato responso deorum de futura eorum uictoria contra Troianos, et qualiter idem Calcas, nuncius regis Priami, in contrarium responsum obtinuit, et de mandato sibi ut ad Troyanos non rediret et cum Grecis durante preliorum turbine moraretur, uniuersi Greci facti sunt hylares et pre multo gaudio celebrant diem festum, predictum Calcas antist(it)em in eorum fidelem accipiunt et recipiunt in sinceritatis amore, promittentes ei in omnibus placide prosequi vota sua. Et sic illi diei festo finis feliciter factus est.

XI [Incipit liber xius de exercitu Grecorum recedente ab Athenis.]

Greci, responsis acceptis a diis propositis, iam exsoluerunt dies festos. Sequenti die, post predicta festa deposita, Calcas, ille Troyanus antistes, in comitiua Achillis et Patrocli ad tentorium Agamenonis regis se contulit mane facto, ubi iam multi reges Grecorum, duces et principes ante conuenerant, qui coram rege Agamenone residebant. Quibus per Achillem, Patroclum et Calcas salutis oraculo resoluto ac eis ab eis debite relacionis obtento responso, se inter alios comodis sessionibus collocarunt. Et statim ab eodem Calcas impetrato silencio, in communi audiencia predictorum dixit hec uerba : « O nobilissimi reges, duces et principes qui in presentis congregacionis ordine iuncti estis, nonne vestra fuit principalis intencio contra Troyanos, publicos hostes vestros, arma capescere, qui sub tanto facinore ab eis commisso contra se uestrarum uirtutum potencias excitarunt ? Cur ergo ceptis moras annectitis, cum semper nocuerit differre paratis? Nonne creditis aut putatis regem Priamum inter vos exploratores suos habere furtiue, qui per eorum uicarios singula de uestra desidia illi mittunt ? Nichil enim aliud est ita peragere quam ei competencia indulgere spacia libertatis ut per eum quesita presidia cumulet et sibi cotidie multa subsidia coaceruet, cum tanti temporis sint iam exacta curricula quod in potenti manu debueritis iam inuadere regnum eius. Nonne presentis estatis plures iam euoluti sunt menses in quibus nauigacionis tempus se uobis dedit acceptum, cum omnino placata sint maria, que nauigare uolentibus blandiuntur et dulci sibilo zephiri aspirantes per equoreas planicies nauigare uolentes in dulcedine temporis et serenitatis inuitant ? Cur iam in estatis estu uester non estuat animus per maria dissilire ut dulci nauigacionis aura potiti felici remige uestrorum hostium perueniatis ad oras, ut eorum aures fama perterreat, de uestra sollicitudine curiosa, non ut de uestra morosa desidia gaudeant, per quam in tantum uestra desideria procelantur ? Nunquid in vobis frustratoria creditis promissa deorum, qui forte propter uicium ingratitudinis possunt in contrarium commutare ? Rumpite igitur moras uestras, soluite naues, et uela earum eleuetis in altum, ut festinanter contra hostes uestros iter vestrum diis fauentibus maturetis, ut ad promissa deorum velociter et feliciter pertingatis ». Et sic uerbis suis idem Calcas tacitus finem fecit. Verbis igitur Calcas ab omnibus intellectis, dum omnes communi-ter probant illa, Agamenon statim mandauit ut uniuersi de ex-ercitu per tubete sonitum moueantur, illico naues ascendant, ab Athenarum portu feliciter discessuri. Nec mora, ad tubete sonitum universi naues ascendunt, nodatos funes exsoluunt quibus erant naues ipse firmiter colligate, et a mari subductis anchoris et receptis in naues, uela erigunt, que dum uentorum spiramina imbuunt et extendunt, alto pelago se committunt.


Les auteurs médiévaux ne parlent pas de la prophétie de Calchas à propos des années de guerre : il la tira d'un augurium, comme nous le content entre autres Cicéron et Denys d'Halicarnasse.

Cicéron, De divinat., I, 72

Quorum alia sunt posita in monumentis et disciplina, quod Etruscorum declarant et haruspicini et fulgurales et rituales libri, vestri etiam augurales, alia autem subito ex tempore coniectura explicantur, ut apud Homerum Calchas, qui ex passerum numero belli Troiani annos auguratus est.

Tantôt l'art dont il s'agit est contenu dans des écrits qui en énoncent les règles, tels les livres étrusques sur l'haruspicine ou les éclats de la foudre et ceux qu'on nomme rituels, tels aussi vos livres de science augurale, tantôt il s'agit d'une interprétation improvisée comme ce fut le cas pour Calchas à qui le dénombrement d'un vol de passereaux fit connaître la durée du siège de Troie.

et II 63 (une tentative de traduction d'Homère, mais Cicéron parle en réalité des Kypria) :

Nam illud mirarer, si crederem, quod apud Homerum Calchantem dixisti ex passerum numero belli Troiani annos auguratum ; de cuius coniectura sic apud Homerum, ut nos otiosi convertimus, loquitur Agamemnon :

Ce qui serait surprenant, ce serait, si j'y ajoutais foi, cette prédiction que fait Calchas dans Homère et que tu as rappelée : le nombre des années que doit durer la guerre de Troie indiqué par celui des passereaux qu'il avait vus. Au sujet de cette prédiction, voici ce que le poète fait dire à Agamemnon, j'ai traduit le morceau dans une heure de loisir :

Ferte, viri, et duros animo tolerate labores,
Auguris ut nostri Calchantis fata queamus
Scire ratosne habeant an vanos pectoris orsus.
Namque omnes memori portentum mente retentant,
Qui non funestis liquerunt lumina fatis.
Argolicis primum ut vestita est classibus Aulis,
Quae Priamo cladem et Troiae pestemque ferebant,
Nos circum latices gelidos fumantibus aris
Aurigeris divom placantes numina tauris
Sub platano umbrifera, fons unde emanat aquai,
Vidimus inmani specie tortuque draconem
Terribilem, Iovis ut pulsu penetraret ab ara ;
Qui platani in ramo foliorum tegmine saeptos
Corripuit pullos ; quos cum consumeret octo,
Nona super tremulo genetrix clangore volabat ;
Cui ferus inmani laniavit viscera morsu.
Hunc, ubi tam teneros volucris matremque peremit,
Qui luci ediderat, genitor Saturnius idem
Abdidit et duro formavit tegmine saxi.
Nos autem timidi stantes mirabile monstrum
Vidimus in mediis divom versarier aris.
Tum Calchas haec est fidenti voce locutus :
« Quidnam torpentes subito obstipuistis, Achivi ?
Nobis haec portenta deum dedit ipse creator
Tarda et sera nimis, sed fama ac laude perenni.
Nam quot avis taetro mactatas dente videtis,
Tot nos ad Troiam belli exanclabimus annos ;
Quae decumo cadet et poena satiabit Achivos ».
Edidit haec Calchas ; quae iam matura videtis.
Prenez patience, mes compagnons d'armes, endurez avec courage ces durs labeurs,
à nous de voir si la prédiction de Calchas, notre augure,
part d'une âme méritant créance ou n'est que parole vaine.
Tous ceux qu'un destin funeste n'a pas privés de la lumière du jour
ont certes gardé présent à l'esprit ce prodige.
Quand le port d'Aulis se couvrit des flottes argiennes
chargées de menaces pour Priam, annonciatrices de ruine pour Troie,
nous, auprès d'un frais ruisseau et des autels fumants,
offrions aux puissances divines des taureaux aux cornes dorées.
Alors, sous un platane prodiguant son ombrage, dans le voisinage d'une source jaillissante,
nous vîmes avec effroi un dragon dont le corps monstrueux déroulait ses anneaux
et qu'il semblait qu'un ordre de Jupiter eût fait sortir de l'autel.
De jeunes oiseaux posés sur une branche et que protégeaient les feuilles du platane
furent sa proie ; tandis qu'il en dévorait huit,
un neuvième, la mère, voltigeait en poussant des cris plaintifs ;
l'affreuse bête eut tôt fait de déchirer de ses dents acérées le volatile pantelant.
Quand le sacrifice des tendres victimes et de la mère fut consommé,
le dieu qu'engendra Saturne pour qu'à son tour il engendrât d'autres dieux
fit disparaitre le monstre qu'il avait suscité et qui prit l'aspect et la dureté de la pierre.
Nous étions là, debout, contemplant craintivement le surprenant prodige
qui avait eu pour cadre l'autel du dieu.
Calchas, alors, d'une voix ferme nous exhorte à la confiance :
« Grecs, nous dit-il, pourquoi cet accablement et cette stupeur subite ?
Ce prodige, c'est le père du dieu qui l'a fait paraître à nos yeux pour nous signifier
que longue sera la lutte et tardive la victoire mais d'un éclat impérissable :
autant vous voyez que la dent cruelle a fait périr d'oiseaux,
autant d'années la guerre nous retiendra devant Troie.
La dixième année verra sa chute et les Grecs repus de vengeance ! »
Ainsi parla Calchas, devant vous les temps s'accomplissent.

Merci au professeur Francesco Chiappinelli, auteur de l'Impius Aeneas, de nous avoir fourni ces textes.