Une maison mal famée à Pompéi, et
les héros de l'arène classique
Transportons-nous maintenant dans un de ces quartiers de
Pompéi, qui n'étaient pas habités par
les maîtres du plaisir, mais par ses élus et par
ses victimes, dans l'antre des gladiateurs et des lutteurs
à gages, des vicieux et des misérables, des
vagabonds et des débauchés, dans
l'Alsace d'une ville antique.
C'était une large salle qui s'ouvrait sur une
allée étroite et populeuse. Devant le seuil se
tenait un groupe d'hommes, dont les muscles de fer bien
formés, les cous herculéens et courts, les
physionomies audacieuses et impudentes, indiquaient les
champions de l'arène. Sur une tablette, en dehors de
la boutique, on voyait rangées des cruches de vin et
d'huile, et au-dessus, sur le mur, une grossière
peinture représentait des gladiateurs buvant : tant
est ancienne la mode des enseignes ! Des espèces de
petites loges, comme on en voit de nos jours, formées
de tables séparées, occupaient
l'intérieur de la salle. Autour de ces tables
étaient assis des groupes d'hommes dont les uns
buvaient, les autres jouaient aux dés, et d'autres
à un jeu plus savant appelé duodecim
scripta, que quelques-uns de nos savants mal
renseignés ont commis l'erreur de prendre pour le jeu
d'échecs, quoiqu'il ressemblât bien davantage au
trictrac, et qu'on s'y servît de dés
quelquefois, mais non pas toujours.
Le jeu n'était pas encore très avancé,
et rien ne faisait mieux connaître l'indolence de ces
habitués de tavernes, que cette heure matinale ; cependant, malgré la situation de la maison et le
caractère de ses habitants, elle n'était point
souillée de cette odieuse malpropreté qu'on
rencontre dans les lieux semblables de nos cités
modernes. Les dispositions joyeuses des Pompéiens, qui
cherchaient du moins à flatter les sens, lorsqu'ils
négligeaient l'esprit, se révélaient
dans les couleurs tranchées qui s'étalaient sur
les murs, et dans les formes bizarres, mais non pas sans
élégance, des lampes, des coupes et des
ustensiles de ménage les plus communs.
«Par Pollux ! s'écria un des gladiateurs en
s'appuyant contre le mur d'entrée et en frappant sur
l'épaule d'un gros personnage, le vin que tu nous
vends, vieux Silène, suffirait pour rendre clair comme
de l'eau le meilleur sang de nos veines.»
L'homme à qui s'adressait ce propos, et que ses bras
nus, son tablier blanc, ses clefs et sa serviette
négligemment placés à sa ceinture,
désignaient clairement comme l'hôtelier de la
taverne, était déjà entré dans
l'automne de la vie ; mais ses membres étaient encore
si robustes et si athlétiques qu'ils auraient pu faire
honte aux nerfs des plus vigoureux assistants, si ce n'est
qu'un peu trop de chair recouvrait ses muscles, que ses joues
étaient bouffies à l'excès, et que son
ventre puissant effaçait presque la vaste et massive
poitrine qui s'élevait au-dessus.
«Ne plaisantons pas,
dit le gigantesque aubergiste avec l'aimable rugissement d'un
tigre offensé ; mon vin est assez bon pour une
carcasse qui ramassera avant peu la poussière du
sepolarium (1). - Est-ce
ainsi que tu croasses, vieux corbeau ? reprit le gladiateur
d'un air dédaigneux ; tu vivras assez pour te pendre
de dépit quand tu me verras obtenir la couronne de
palmier ; et, dès que j'aurai gagné la bourse
à l'amphithéâtre, mon premier voeu sera
certainement de renier à jamais toi et ton
détestable vin.
- Ecoutez, écoutez donc ce modeste Pyrgopolinices ! il
a servi assurément sous Bombomachidès ; Cluninstaridysarchidès (2), s'écria
l'aubergiste. Sporus, Niger, Tetraidès, il
déclare qu'il gagnera la bourse sur vous. Par les
dieux, chacun de vos muscles est assez fort pour
l'étouffer tout entier, ou moi, je ne connais plus
rien à l'arène.
- Ah ! dit le gladiateur, dont la fureur commençait
à colorer le visage, notre laniste parlerait d'une
façon bien différente.
- Que pourrait-il dire contre moi, orgueilleux Lydon ? répliqua Tetraidès en fronçant le
sourcil.
- Ou contre moi, qui ai triomphé dans quinze combats ? s'écria le gigantesque Niger en s'approchant du
gladiateur.
- Ou contre moi ? se mit à rugir Sporus les yeux en
feu.
- Paix ! » répliqua Lydon en se croisant les bras
et en regardant ses rivaux d'un air de défi ; «l'heure de l'épreuve ne tardera pas. Gardez
votre valeur jusque-là.
- Soit, dit l'hôte avec aigreur, et, si j'abaisse le
pouce pour te sauver, je veux que le destin coupe le fil de
mes jours.
- Parlez de corde et non de fil, dit Lydon avec un ton
railleur ; tenez, voilà un sesterce pour en acheter
une.»
Le Titan marchand de vin saisit la main qu'on lui tendait et
la serra si violemment que le sang jaillit du bout des doigts
sur les vêtements des assistants.
Ils poussèrent un éclat de rire sauvage.
«Voilà pour t'apprendre, jeune
présomptueux, à faire le Macédonien avec
moi ! Je ne suis pas un Perse sans vigueur, je te le
garantis. N'ai-je pas vingt fois combattu dans l'arène
sans avoir baissé les bras une seule ? N'ai-je pas
reçu 1'Epée de bois de la propre main de
l'Editor comme un signe de victoire, et une permission
de me retirer sur mes lauriers ? Faut-il maintenant que je
subisse la leçon d'un enfant ? »
En parlant ainsi, il lui lâcha la main avec
mépris.
Sans qu'un de ses muscles bougeât, et en conservant la
physionomie souriante avec laquelle il avait raillé
l'hôte, le gladiateur supporta cette étreinte
douloureuse. Mais à peine eut-il repris la
liberté de ses mouvements, que, rampant pour un
instant comme un chat sauvage, et ses cheveux et sa barbe se
hérissant, il poussa un cri aigu et féroce et
s'élança à la gorge du géant avec
tant d'impétuosité, qu'il lui fit perdre
l'équilibre, malgré sa corpulence et sa
vigueur. L'aubergiste tomba, avec le fracas d'un rocher qui
s'écroule, et son furieux adversaire roula sur
lui.
Notre hôte n'aurait
pas eu besoin de la corde que lui offrait si
généreusement Lydon, s'il était
resté trois minutes de plus dans cette position ; mais
le bruit de sa chute fit accourir à son aide sur le
champ de bataille une femme qui s'était tenue
jusqu'alors dans une chambre de derrière. Cette
nouvelle alliée aurait pu toute seule lutter contre le
gladiateur. Elle était de haute taille, maigre, et
elle avait des bras qui pouvaient donner autre chose que de
doux embrassements. En effet, la gracieuse compagne de Burbo
le marchand de vin avait comme lui combattu dans le cirque,
et même sous les yeux de l'empereur (3). Burbo l'invicible, Burbo,
dit-on, cédait quelquefois la palme à sa douce
Stratonice.
Cette aimable créature ne vit pas plus
tôt l'imminent péril où se trouvait
son époux, que, sans autres armes que celles que
la nature lui avait accordées, elle se
précipita sur le gladiateur, et, le saisissant
par le milieu du corps de ses bras longs et pareils
à deux serpents, elle le souleva au-dessus de
l'aubergiste, ne lui laissant que les mains encore
attachées au cou de son ennemi. C'est ainsi que
nous voyons parfois un chien enlevé par les
pattes de derrière, par quelque domestique
envieux, dans une lutte où il a terrassé
son adversaire ; une moitié de l'animal demeure
suspendue dans les airs, passive et inoffensive, tandis
que l'autre moitié, tête, dents, yeux et
griffes, semble ensevelie et engloutie dans les chairs
palpitantes du vaincu. Pendant ce temps-là, les
gladiateurs élevés et nourris dans le
sang, qu'ils suçaient en quelque sorte avec
plaisir, entourèrent joyeusement les
combattants... Leurs narines s'ouvrirent, leurs
lèvres ricanèrent, leurs yeux se
fixèrent avidement sur la gorge saignante de
l'un et sur les griffes dentelées de
l'autre.
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Joseph M. Gleeson, 1891
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« Habet (il a son compte), habet,
s'écrièrent-ils avec une espèce de
hurlement, et en frottant leurs mains nerveuses les unes
contre les autres. - Non habeo, menteurs (non, je ne
l'ai pas, mon compte), cria l'hôte en se
délivrant par un puissant effort des mains terribles
de Lydon, et, en se dressant sur ses pieds, respirant
à peine, déchiré, sanglant, il
grinça des dents et jeta un regard d'abord
voilé, puis enflammé de courroux, sur son
adversaire, qui se débattait (non pas sans
mépris) entre les mains de la fière
amazone.
«Beau jeu, s'écrièrent les gladiateurs,
un contre un ! », entourant Lydon et la femme, ils
séparèrent l'hôte aimable de son gracieux
habitué.
Mais Lydon, rougissant de sa position, et essayant en vain de
se débarrasser de l'étreinte de la virago, mit
la main à sa ceinture et en tira un petit couteau. Son
regard était si menaçant, et la lame du couteau
était si brillante, que Stratonice se recula avec
effroi ; car elle n'employait pas d'autre mode de combattre
que celle que nous avons appelée pugilat.
«O dieux ! s'écria-t-elle, le misérable ! il a des armes cachées ! Est-ce de bonne guerre ? Est-ce là agir en galant homme et en gladiateur ? Non,
certes, et de tels compagnons ne sont pas faits pour
moi.»
Elle tourna le dos au gladiateur avec dédain, et
s'empressa d'examiner l'état de son mari.
Mais celui-ci, aussi accoutumé à cet exercice
naturel qu'un bouledogue anglais à se battre avec un
antagoniste inférieur, s'était
déjà remis. La pourpre ajoutée au
cramoisi de ses joues par la lutte s'éteignit un peu ; les veines de son front se dégonflèrent et
reprirent leur surface ordinaire. Il se secoua avec un
grognement de satisfaction, heureux de se sentir encore
vivant, et en regardant son adversaire de la tête aux
pieds, avec un air plus approbatif qu'il ne l'avait encore
fait :
«Par Castor, dit-il, tu es un gaillard plus vigoureux
que je ne le croyais. Je vois que tu es un homme de
mérite et de vertu ; donne-moi la main, mon
héros !
- Très bien, vieux Burbo ! s'écrièrent
les gladiateurs en applaudissant ; très bien, solide
compagnon ! Donne-lui ta main, Lydon.
- Avec plaisir, dit le gladiateur ; mais à
présent que j'ai goûté à son sang,
j'ai envie d'en boire encore.
- Par Hercule, répliqua l'hôte sans
s'émouvoir, excellente idée de gladiateur.
Pollux ! ce que c'est qu'une bonne éducation ! Une
bête sauvage n'aurait pas plus de
férocité.
- Une bête sauvage, idiot ! est-ce que nous ne les
battons pas, les bêtes sauvages ? cria
Tetraidès.
- C'est bien, c'est bien, dit Stratonice, qui était
occupée à réparer le désordre de
ses cheveux et de sa toilette ; si vous êtes bons amis
maintenant, je vous recommande de vous tenir en paix et
convenablement : car quelques jeunes patriciens, vos patrons
et parieurs, ont envoyé dire qu'ils viendraient vous
faire visite ; ils désirent vous voir plus à
leur aise qu'ils ne vous voient aux écoles, avant de
régler leur enjeu pour le grand combat de
l'amphithéâtre. Ils recherchent toujours ma
maison pour ces affaires-là. Ils savent bien que nous
ne recevons que les meilleurs gladiateurs de Pompéi,
société choisie, grâces aux dieux !
- Oui, continua Burbo en vidant une coupe ou plutôt un
seau de vin ; un homme qui a conquis autant de lauriers que
moi ne peut encourager que les braves. Lydon, bois, mon
enfant. Puisses-tu avoir une vieillesse honorable comme la
mienne !
- Viens, dit Stratonice à son mari en lui tirant
affectueusement les oreilles, caresse que Tibulle a
décrite avec tant de charmes ; viens donc.
- Pas si fort, louve ! tu es pire que le gladiateur,
murmurèrent les larges mâchoires de Burbo.
- Chut ! lui dit-elle à voix basse ; Calénus
vient de se glisser ici, déguisé, par la porte
de derrière ; il apporte les sesterces,
j'espère.
- Oh ! oh ! je vais le trouver, dit Burbo ; en attendant, ne
perds pas les coupes de vue, et fais attention au compte de
chacun. Ne te laisse pas tromper, femme ; ce sont des
héros, sans nul doute, mais ce sont aussi de vrais
fripons. Cacus n'était rien à côté
d'eux.
- Ne crains rien, sot» ; telle fut la réponse
conjugale.
Burbo, satisfait de cette tendre assurance, traversa
l'appartement, et passa dans les penetralia.
«Ainsi, ces doux patrons vont venir examiner nos
muscles ? dit Niger. Qui t'a fait avertir de cela,
hôtesse ?
- Lépidus. Il amène avec lui Claudius, le plus
sûr parieur de Pompéi, et le jeune Grec
Glaucus.
- Un pari à propos d'un pari, cria Tetraidès ; vingt sesterces que Claudius pariera sur moi ; qu'en dis-tu,
Lydon ?
- Je dis que ce sera sur moi.
- Non, sur moi, ajouta à son tour Sporus.
- Pauvres fous ! croyez-vous qu'il puisse
préférer quelqu'un à Niger ? reprit
l'athlétique Niger en se nommant ainsi modestement
lui-même.
- Allons, bien ! » poursuivit Stratonice en
perçant une grande amphore pour ses hôtes, qui
venaient de s'asseoir autour de l'une des tables ; «hommes forts et braves comme vous pensez l'être,
lequel de vous combattra le lion de Numidie, dans le cas
où aucun criminel ne se présentera pour vous
priver de cet honneur ?
- Moi qui ai
échappé à vos griffes, fière
Stratonice, dit Lydon, je pourrais, je crois, affronter le
lion.
- Mais dites-moi, demanda Tetraidès en s'adressant
à l'hôtesse, où donc est votre jeune et
jolie esclave, la pauvre aveugle dont les yeux sont si
brillants ? Il y a longtemps que je ne l'ai vue.
- Oh ! elle est trop délicate pour toi, mon fils de
Neptune (4),
répondit l'hôtesse, et même pour nous.
Nous l'envoyons vendre des fleurs en ville et chanter des
chansons aux dames. Elle nous gagne plus d'argent ainsi
qu'elle ne ferait en demeurant à vous servir. En
outre, elle a d'autres emplois qui restent sous la
rose.
- D'autres emplois ! dit Niger ; mais elle est trop jeune
pour d'autres emplois.
- Silence, brute ! dit Stratonice. Vous ne croyez pas qu'il y
ait d'autre jeu que celui de Corinthe. Quand Nydia aurait
deux fois l'âge qu'elle a à présent, elle
serait également digne de Vesta... la pauvre enfant !
- Mais écoutez, Stratonice, dit Lydon. Comment vous
est venue cette esclave si jeune et si gentille ? ... Il
conviendrait mieux qu'elle fût la suivante d'une riche
matrone de Rome que la vôtre.
- C'est vrai, répondit Stratonice, et quelque jour je
compte faire ma fortune en la vendant. Vous me demandez
comment Nydia nous est venue ?
- Oui.
- Eh bien ! tenez, mon esclave Staphyla... vous vous rappelez
Staphyla, Niger ?
- Parfaitement. Une fille aux larges mains, avec une figure
dans le genre d'un masque comique, comment l'oublierais-je ? par Pluton, dont elle est probablement la servante à
cette heure !
- Paix, butor ! Staphyla
mourut un jour, et ce fut une grande perte pour moi ; et
j'allai au marché pour acheter une autre esclave.
Mais, par les dieux ! elles étaient devenues si
chères depuis que j'avais acheté Staphyla, et
l'argent était si rare, que je me disposais à
quitter la place avec un vrai désespoir, lorsqu'un
marchand m'attira par la robe. «Maîtresse,
dit-il, veux-tu acheter une esclave à bon
marché ? J'ai une enfant à vendre ; un
marché d'or ! Elle est très petite, toute jeune
encore, c'est vrai ; mais elle est vive et douce, docile et
adroite ; elle chante bien, et elle est de bonne race, je
t'assure. - De quelle contrée est-elle ? dis-je. - De
Thessalie.» Je savais que les Thessaliennes
étaient avisées et gentilles ; je lui demandai
à voir la fille. Je la trouvai comme vous la voyez
maintenant, à peine plus petite et plus jeune en
apparence. Elle avait un air patient et
résigné, les mains croisées sur sa
poitrine, et les yeux baissés. Je m'informai du prix.
Il était raisonnable, et je l'achetai sur-le-champ. Le
marchand l'amena à la maison et disparut
aussitôt. Songez, mes amis, à mon
étonnement lorsque je m'aperçus qu'elle
était aveugle. Ah ! ah ! un rusé coquin que ce
marchand ! Je courus porter plainte aux magistrats, mais le
drôle avait déjà quitté
Pompéi. Je fus forcée de revenir chez moi, et
de fort mauvaise humeur, je vous l'avoue : la pauvre fille en
ressentit les effets, mais ce n'était pas sa faute si
elle était aveugle ; elle l'était depuis sa
naissance. Peu à peu, nous nous
réconciliâmes avec notre marché. Elle
n'avait pas, assurément, la force de Staphyla, et elle
était de peu d'utilité dans la maison. Mais
elle savait trouver son chemin dans la ville, comme si elle
possédait les yeux d'Argus ; et lorsque nous
vîmes un matin qu'elle nous rapportait une
poignée de sesterces qu'elle avait gagnés
à vendre des fleurs cueillies dans notre petit jardin,
nous pensâmes que c'étaient les dieux qui nous
l'avaient envoyée. Depuis ce temps-là, nous la
laissons aller où elle veut, remplissant sa corbeille
de fleurs, qu'elle tresse en guirlandes, selon la mode
thessalienne, ce qui plaît aux jeunes gens : le grand
monde a pris de l'affection pour elle, car on lui paye ses
fleurs bien plus cher qu'aux autres bouquetières ; et
elle rapporte tout ce qu'elle gagne à la maison, ce
qu'aucune autre esclave ne ferait. C'est pour cela que je
travaille moi-même, mais ses profits me mettront
bientôt en état d'acheter une autre Staphyla. Il
est probable que quelque voleur thessalien aura enlevé
la jeune aveugle à d'honnêtes parents (5). Outre son adresse à
composer des guirlandes, elle a le talent de jouer de la
cithare pour accompagner ses chants ; c'est encore d'un bon
rapport ; et enfin, dernièrement... mais ceci est un
secret.
- Un secret ! s'écria Lydon ; êtes-vous devenue
un sphinx ?
- Sphinx, non. Pourquoi, sphinx ?
- Cesse ton commérage, bonne maîtresse, et
apporte-nous à manger. J'ai faim, dit Sporus.
- Et moi aussi», ajouta le morose Niger en aiguisant
son couteau sur la paume de sa main.
L'amazone se rendit à la cuisine, et revint quelques
instants après avec un plateau surmonté de gros
morceaux de viande à moitié crus : car, alors
comme à présent, les héros de la lutte
croyaient cette nourriture plus propre à entretenir
leur hardiesse et leur férocité. Ils
entourèrent la table comme des loups affamés
aux yeux étincelants ; les viandes disparurent, le vin
coula. Mais laissons là ces importants et classiques
personnages pour suivre les pas de Burbo.
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(1) L'endroit
où l'on traînait ceux qui
étaient tombés morts ou
mortellement blessés dans
l'arène.
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(2) Miles
gloriosus, acte I. Pour le dire d'une
façon moderne : «Il a servi sous
Bombastès Furioso».
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(3) Des
femmes combattaient parfois dans
l'amphithéâtre. Même celles
qui étaient de noble naissance
nourrissaient cette douce ambition.
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(4) Fils
de Neptune : Expression latine pour un
compagnon féroce et bruyant.
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(5) Les
marchands d'esclaves thessaliens étaient
renommés pour l'enlèvement
d'individus de bonne famille. Ils
n'épargnaient pas toujours leurs propres
compatriotes. Aristophane se moque cruellement
des Thessaliens, considérés
traditionnellement comme perfides, pour leur
inextinguible soif du gain grâce à
ce trafic de chair humaine.
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