Autels

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Autel de Jupiter

Outre les édifices sacrés que nous venons de décrire, on rencontre souvent dans les rues de Pompéi des autels dédiés, soit aux Lares compitales ou viales (1), divinités qui présidaient aux carrefours (2) et aux rues, soit à des divinités d'un ordre supérieur. Tel est l'autel situé dans la rue des Soprastanti, derrière les prisons, et qu'un aigle sculpté dans le tympan indique avoir été consacré au maître des dieux. Cet autel, longtemps à moitié enfoui sous les décombres, est maintenant entièrement dégagé ; mais la peinture qui le surmonte est presque entièrement effacée. En 1854, nous l'avions encore vue telle que la représente notre dessin. Parmi les autres autels du même genre qui se voient encore à Pompéi, indiquons seulement celui qui existe dans le Vicolo della Regina, en face de la maison d'Adonis ; celui qui est adossé à la citerne, au carrefour formé par les rues Domitienne et de Narcisse ; enfin un quatrième, qui existe derrière la fontaine du Quadrivio della Fortuna ; celui qui se trouve près de la porte de la Marine est un véritable laraire, le seul exemple que nous en connaissions sur la voie publique.

Laraire près de la porte
de la Marine

Les anciens avaient coutume de conserver dans leurs demeures les images des Lares ou Pénates, de ces divinités qu'ils avaient choisies comme protectrices de leurs familles et de leurs foyers. Ces figures, proportionnées par leur dimension à l'exiguïté des habitations particulières, par leur matière à la richesse de leurs propriétaires, étaient des statuettes quelquefois d'or et d'argent, mais le plus souvent de pierre et surtout de bronze. Quelques personnes les déposaient dans leurs chambres à coucher ou dans des armoires placées dans l'Atrium, le Tablinum ou le Tabularium. Dans certaines maisons plus opulentes, une sorte de chapelle, Sacrarium ou Sacellum, était consacrée aux Pénates, comme nous le verrons dans la maison d'Ariane ; mais le plus souvent le Laraire n'était qu'une petite niche plus ou moins ornée située ordinairement au fond du Péristyle ou du Xyste et que nous trouverons dans presque toutes les habitations de Pompéi. On voit enfin dans beaucoup de cuisines un autel consacré à Fornax et surmonté de peintures représentant ordinairement un sacrifice à la divinité tutélaire des fourneaux.

Souvent aussi les murailles extérieures offrent des peintures religieuses et symboliques ; ces peintures sont parfois de quelque importance, et nous en verrons une qui retrace les douze principaux dieux de l'Olympe ; mais le plus ordinairement elles ne représentent qu'un ou deux serpents à côté d'un autel ; ces animaux étaient les emblèmes des Lares compitales ou viales. Au coin de la rue des Tombeaux et de la rue voisine du mausolée de Mamia, on voyait une de ces peintures au-dessous de laquelle était une brique en saillie qui ne pouvait avoir eu d'autre destination que celle de recevoir une lampe ou des offrandes. Cette peinture, découverte le 12 août 1769 et aujourd'hui détruite, a été décrite et publiée par Mazois.

Une très belle peinture de ce genre, de grande proportion et d'une parfaite conservation, a été découverte vers 1850 à l'angle de la ruelle de la Fontaine-du-Boeuf ouvrant sur la rue de Stabia. Au-dessous se trouve un autel légèrement en saillie et qui dut avoir le même emploi que la brique dont nous venons de parler. Cet autel, construit en maçonnerie recouverte de stuc, avait sa tablette brisée, mais celle-ci a été restaurée sur notre indication.

Un serpent dévorant une pomme de pin fut trouvé sur la façade d'une boutique, mais nous verrons que celui-là faisait exception et n'était autre chose que l'enseigne d'un pharmacien.

La destination ordinaire de cette peinture symbolique n'est nulle part mieux indiquée que sur l'arc de triomphe, car elle se trouve à l'extrémité du monument, dans un renfoncement qui semblait prédestiné à l'insulte qu'on voulait prévenir. C'est qu'en effet chez les Romains cette représentation, placée sur le mur d'un édifice, avait la même signification que la croix peinte aujourd'hui dans les rues d'Italie ; c'était une prohibition de souiller cet endroit. Cet usage est attesté par ce vers de Perse :

Pinge duos angues ; pueri, sacer est locus ; extra
Mejite.

PERSE, Sat. 1.
«Peignez deux serpents ; enfants, ce lieu est sacré ; allez p... plus loin».


(1)  On célébrait dans les carrefours, compita, des fêtes nommées Compitalia en l'honneur de ces divinités.
«On nomme Compitalia, dit Varron, le jour consacré aux Lares compitales ; aussi ce jour-là on offre des sacrifices dans les carrefours où aboutissent plusieurs rues».
Compitalia, dies attributus Laribus compitalibus ; ideo ubi viae competunt, tum in competis sacrificatur.
De lingua latina. L. VI, 25.

Pour l'origine des dieux Lares issus de Mercure et de la nymphe Lara, de ces divinités
«... qui protégent les carrefours et veillent sans cesse dans nos demeures»
qui compita servant,
Et vigilant nostra semper in deae Lares,

lisez l'ingénieuse fable d'Ovide. Fastes, II, 583 et suiv.

(2)  Properce nous peint Cinthie courant porter la flamme aux autels de la déesse des carrefours, Diane Trivia : Triviae lumina ferre deae, (II, 32).
Il y avait en effet également à Rome, dans les places et dans les carrefours, des autels sans temples ; tels étaient celui d'Hercule, l'Ara Maxima, situé à l'entrée du grand cirque et celui de Mars dont parle Juvénal :
«Je rencontrai mon ami Brutidius tout pâle près de l'autel de Mars».
pallidulus mi
Brutidius meus ad Martis fit obvius aram
. (Sat. 10).

Ces autels, aussi bien que les temples, servaient d'asile à ceux qui étaient poursuivis. Dans la Mostellaria de Plaute (V, 1), Tranion, craignant de recevoir de Theuropide les coups qu'il n'a que trop mérités, s'assied sur l'autel devant la maison.