Athéna et Erichthonios
C’est Héphaïstos, le dieu forgeron, qui a permis à Athéna de sortir du crâne de son père. Quelque temps plus tard, Héphaïstos tombe amoureux de la déesse et demande à Zeus la permission de l'épouser ; mais Athéna ayant fait vœu de chasteté, elle refuse ses avances. Héphaïstos tente alors de la violer, elle le repousse et essuie sa semence avec un paquet de laine qu’elle jette sur le sol. Gaia, la terre, s'en trouve fécondée et engendre Erichthonios. Bien qu’elle refuse d’être mère, Athéna accepte d’élever l’enfant. Plus tard, après le règne et la mort d'Erichthonios, devenu roi d’Athènes, on bâtit sur l’Acropole le temple de l’Erechtheion, qui abrite l’olivier qu’Athéna avait fait jaillir du sol lors de sa dispute avec Poséidon.
Un jour Athéna se rendit chez Héphaïstos pour se faire forger des armes ; le dieu, qui avait été abandonné par Aphrodite, se prit à désirer Athéna, et, comme elle s'enfuit, il se mit à la poursuivre. Quand, après bien des efforts (car il était boiteux), il réussit à la rejoindre, il essaya de la posséder ; mais Athéna, qui était chaste et vierge, se libéra de son étreinte, et Héphaïstos éjacula sur la cuisse de la déesse. Dégoûtée, Athéna essuya le sperme avec un morceau de laine, qu'elle jeta par terre. Puis elle s'enfuit. Mais de la semence tombée à terre naquit érichthonios. Athéna l'éleva alors en cachette des autres dieux, avec l'intention de le rendre immortel. (Apollodore, Bibliothèque, III, 14, 6) |
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De 470 à 416 av.JC, les plaques de terre cuite en très bas-relief étaient une spécialité de l'île cycladique de Mélos (aujourd'hui Milo), mais il y avait d'autres lieux de production, en particulier en Attique. Il s'agissait d'objets de petite taille, utilisés comme offrandes aux dieux, mais aussi comme décorations sur du mobilier, des coffrets, etc. Elles étaient peintes et pouvaient remplacer des pièces décoratives en ivoire, beaucoup plus coûteuses.
Celle-ci représente le moment où la déesse-mère, Gaia, tend à Athéna l'enfant nouveau-né, Erichthonios, sous les yeux du roi-serpent Cécrops, dans une composition triangulaire en V. En tant que déesse primordiale, mère des Géants, Gaia émerge à peine du sol et a une taille bien plus imposante que celle d'Athéna et Cécrops. Athéna est reconnaissable à son casque et à son peplos traditionnel. En face d'elle, Cécrops est une créature hybride, mi-homme mi-serpent, parce qu'il est « autochthone », né spontanément de la terre. Il tient dans sa main gauche une branche de laurier, et porte sa main droite à son visage, en signe de silence ou d'étonnement.
Ce petit groupe de 11 cm de côté est très travaillé : les cheveux, les anneaux de la barbe et les plis des vêtements sont bien marqués, mais avec une raideur encore un peu archaïque. En tout cas, ils devaient avoir encore plus de relief lorsque la plaque de terre cuite était peinte, certainement de couleurs vives.
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Cette scène est peinte sur le bord externe d'une kylix (vase à boire peu profond) et constitue un détail d'une composition plus large en frise, avec d'autres personnages de part et d'autre. La scène centrale représente Gaia (la Terre) au moment où elle confie à Athéna son enfant Erichthonios. Nous pouvons remarquer la croix formée par la lance d'Athéna et le sceptre de Gaia, présentée comme une reine avec un diadème. En concentrant l'attention du spectateur sur le contenu du triangle supérieur, cette croix lie les deux déesses dans la composition, ce qui matérialise le lien qu’elles auront à tout jamais en partageant cet enfant, qui a pour mère biologique Gaia et pour mère adoptive Athéna, et met en valeur les lignes des bras et des regards qui se dessinent entre les trois personnages..
Cette scène est très réussie car elle est vraiment humaine. Malgré le fait qu’Athéna soit connue comme une déesse guerrière prête à tout pour son peuple, on peut ressentir l'instinct de maternité qui s’empare d’elle au moment où Gaia lui confie l’enfant : cela vient du fait qu'Athéna est habillée et coiffée comme une jeune femme, seule l'égide permettant de la reconnaître. Mais les serpents sont dans son dos, pour ne pas effrayer l'enfant. Elle se penche vers Erichthonios, qui de son côté tend spontanément les bras vers elle. Le jeu des regards des trois personnages manifeste lui aussi beaucoup de tendresse.
Cet effet est permis par la technique de la céramique à figures rouges. Vers la fin du VIe siècle av.JC, en effet, on a inversé la technique décorative à figures noires. Jusqu'alors, les figures étaient représentées en silhouette noire sur fond rouge. Pour ajouter des détails, les artistes n’avaient d’autre option que la gravure. Dans le cas de la poterie à figures rouges au contraire, les figures sont représentées dans la couleur naturelle de la pâte, c’est à dire rouge. Les artistes avaient donc différentes options de décoration : la peinture, le dessin au trait et la gravure.C'est ce qui permet sur cette kylix un jeu de plis très élaborés dans les vêtements des deux déesses, et une finesse extrême dans le rendu des expressions des visages en particulier.
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Un cratère était dans l'antiquité un grand vase servant à mélanger l’eau et le vin. Les Grecs en effet ne buvaient pas du vin pur, mais coupé avec de l’eau (son degré d'alcool était bien supérieur à celui des vins de nos jours). Les cratères étaient utilisés pendant de grands banquets. Pour les peintres, ils présentaient l'avantage d'offrir une large surface, presque carrée, permettant des compositions plus élaborées que sur d'autres supports. Sur celui-ci, le peintre Nicias a représenté exactement le même motif que sur la kylix précédente, c’est-à-dire le moment où Gaia confie Erichthonios à Athéna.
Mais la composition et les personnages sont différents. Contrairement aux bords de la kylix où les personnages sont disposés en frise de part et d'autre des deux déesses parce que le peintre était limité en hauteur, ici les autres personnages présents occupent tout l’espace sur différents niveaux. Surplombant la scène, on reconnaît Hermès à son pétase et son caducée, la chouette d'Athéna voletant au dessus de la déesse, et la déesse de la Victoire, Niké, avec ses ailes et ses armes. Héphaïstos à gauche, et Aphrodite et Zeus à droite, finissent d'encadrer la scène.
Athéna sur cette céramique a gardé son casque, de sorte qu'elle apparaît comme moins maternelle que sur la kylix. Le bébé Erichthonios est nettement mis en valeur par sa couleur blanche, qui tranche sur le reste des couleurs, ocre, noir et rouge : cette céramique à figures rouges date de l'extrême fin du Ve siècle, et présente une polychromie très décorative mais plus artificielle et baroque que celle des figures rouges classiques du milieu du Ve siècle.
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Le temple de l'Erechtheion
Roi légendaire d'Athènes, Erichthonios a fait l’objet après sa mort d’un culte héroïque, et un sanctuaire a été construit en son honneur, dès l'époque archaïque, du côté nord de l'acropole. Il a été reconstruit entre 421 et 406 av.JC, par Mnésiclès et Phidias, en même temps que le Parthénon. Juste à gauche de l’entrée, se trouvait un olivier dédié à Athéna, en souvenir de sa dispute avec Poséidon, qui en avait fait la déesse protectrice d'Athènes.
L'Erechtheion était un ensemble complexe et encore énigmatique, constitué de temples juxtaposés et reliés entre eux. Du côté est, un portique à colonnes ioniennes ouvrait sur la cella principale, et de l'autre côté se trouvait le célèbre portique des caryatides, qui est parvenu jusqu'à nous.
Amélie A.V., 217