Les adieux d'Hector et d'Andromaque


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Hector se dirige vers le champ de bataille pour affronter Achille. Aux portes de la ville, sa femme Andromaque, consciente du fait qu'il va vers une mort certaine, tente de l'en dissuader, par amour, mais également parce que la prédiction a été faite que tant qu'Hector serait en vie, Troie résisterait. Elle est accompagnée de son fils Astyanax. Les adieux sont déchirants, mais l'honneur pousse Hector à partir, bien qu'il connaisse lui aussi son funeste destin.

 

Les adieux d'Hector et Andromaque

Les adieux d'Hector et Andromaque
Cratère à colonnes apulien, à figures rouges
370-360 av.JC
Musée national du palais Jatta
Ruvo di Puglia, Italie


La représentation de scènes mythologiques sur des vases en céramique était très courante dans l'antiquité gréco-romaine, et témoigne de l'importance des références culturelles dans de nombreuses activités de la vie quotidienne. Ainsi la scène familiale charmante qui figure sur ce cratère était-elle immanquablement identifiée comme celle des adieux d'Hector à Andromaque et Astyanax.

A gauche en effet, nous pouvons voir Andromaque assise sur une chaise. Elle tient son enfant, Astyanax, sur ses genoux. Il se tient à sa mère de la main droite, et attrape le casque d'Hector de la main gauche. Hector se tient debout à droite, torse nu, portant une lance et un bouclier dans sa main gauche et son casque dans la main droite, prêt à partir au combat. Pourtant dans cette scène, l'accent est mis sur Astyanax, qui se tient entre sa mère (qui adopte une attitude protectrice à son égard) et son père.

L'enfant tend la main vers le casque de son père : cela peut être interprété comme un geste pour le retenir, mais aussi comme le geste innocent d'un enfant qui voit son père et veut aller vers lui. Il semble intrigué par ce casque, contrairement au texte de l'Iliade qui dit que ce casque effraie l'enfant. En revanche, la douceur de cette scène correspond bien à ces vers de l'Illiade : [Hector] remet son enfant dans les bras de son épouse chérie, qui le presse contre son sein avec un sourire mêlé de larmes. Hector, après avoir rassuré son épouse, lui rend son fils après l'avoir porté dans ses bras et part vers le champ de bataille, d'où il ne reviendra pas vivant.

Cette céramique présente plusieurs aspects attrayants : tout d'abord, l'utilisation très maîtrisée de la technique de la céramique à figures rouges, qui rend merveilleusement bien, en particulier, le plissé de la robe d'Andromaque ; ensuite, la simplicité de la scène représentée, avec seulement trois personnages, Hector, sa femme et son fils. C'est ce qui produit le pathétique de cette scène : le jeune enfant, qui tend la main vers son père d'une manière innocente et affectueuse, n'a pas conscience, contrairement au spectateur de la scène, de son destin tragique, et il ignore qu'il voit son père vivant pour la dernière fois.


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Miniature en émail
     
Les adieux d'Hector et d'Andromaque    
Miniature sur émail  
H: 4,5 cm x l: 6,5 cm  
XVIIIe siècle  
Musée du Louvre  


Au premier plan, Andromaque tient un enfant très jeune dans ses bras : c'est Astyanax. La tendresse de son geste et de son regard exprime un amour maternel très fort. A côté d'elle, Hector l'aide à tenir cet enfant et pose sa main sur son épaule, comme pour la rassurer.  Il regarde vers le ciel : en effet, avant son départ, il prie Zeus à propos de son fils : Zeus, et vous tous, dieux immortels, faites que mon enfant soit, ainsi que moi, illustre parmi les Troyens !

La présence de domestiques à l'arrière-plan rappelle la noblesse d'Hector, qui est un prince troyen. Une femme à gauche est surement la nourrice d'Astyanax. Deux enfants à droite sont surement des serviteurs : l'un d'eux tient le casque d'Hector tandis que l'autre tient sa lance.

Contrairement à ce à quoi on aurait pu s'attendre, les costumes des personnages n'ont rien d'antique. Les deux femmes portent des robes à deux pièces ou des manteaux en usage au XVIIIe siècle, tandis qu'Hector porte une cuirasse pseudo-romaine telle qu'on en voyait sur les scènes de théâtre ou d'opéra. Le peintre miniaturiste n'a donc manifesté aucun souci de reconstitution archéologique.


Composition de la miniature


En revanche, la forme ovale et le support inhabituel de cette œuvre constituent une partie de son charme. La composition en triangles inversés concentre l'essentiel de la scène sur le couple d'Hector et d'Andromaque et sur les lignes de leurs bras, qui toutes expriment l'affection : Andromaque souhaite protéger son enfant, tandis qu'Hector tente de la rassurer, tout en pensant déjà à la bataille qu'il va devoir livrer.


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Peinture de Vien
     
Cette toile de grandes dimensions (plus de 3 m sur 4) fut commandée par le roi Louis XVI à Joseph-Marie Vien dit l'aîné, l'un des maîtres de Jacques-Louis David, précurseur du courant néo-classique en France. Elle fut exposée au salon des artistes francais, à Paris, en 1787, puis à nouveau en 1791.   Les adieux d'Hector et d'Andromaque
  Joseph-Marie Vien (1716-1809)
  Peinture à l'huile sur toile
  H: 303 cm x l: 402 cm
  1786
  Musée du Louvre


La scène se situe à l'extérieur des portes de la ville de Troie, les portes Scées : c'est là que dans l'Iliade Hector dit adieu à sa femme Andromaque et son fils Astyanax. Le tableau est structuré par deux lignes droites principales en diagonale : l'une, suivant la ligne de fuite de la muraille au deux-tiers de la hauteur, sépare verticalement le ciel du monde des hommes. Celui-ci se répartit à son tour en deux groupes, séparés par la lance du personnage central : à gauche celui des habitants qui vont rester à Troie, avec en particulier la famille d'Hector, et à droite celui des combattants qui se préparent à aller affronter les Grecs.


Composition du tableau de Vien


Au centre du tableau, Hector s'apprête à passer d'un espace à l'autre : sa tête est encore tournée vers sa famille, mais son corps est en train de pivoter, et sa lance indique la direction de son destin. Il porte une cape rouge, qui évoque sa noblesse car la pourpre était une couleur très chère à l'époque. Il regarde d'un air bienveillant son fils Astyanax, encore nourrisson. Mais ce dernier est effrayé par son père, comme le raconte l'Illiade : < L'illustre Hector tend ses bras vers son fils ; mais à la vue de son père, l'enfant, effrayé par le vif éclat de l'airain et par la crinière qui flottait d'une manière menacante sur le sommet du casque, se jette en criant sur le sein de sa nourrice > (Homère, Iliade, VI, 466-470)

A côté d'eux, Andromaque semble parler à son mari. Son geste théâtral insiste sur son désespoir, comme si elle s'exclamait, comme dans l'Illiade : Infortuné, ton courage finira par te perdre !. Ce geste est pathétique et souligne le tragique de la scène, à la différence, par exemple, des céramiques grecques.

A l'arrière-plan, à droite, des soldats disent de même adieu à leurs familles, rassemblées sous l'arche de la porte Scée. Le cocher d'Hector, coiffé d'un bonnet phrygien, lève la main en direction d'un homme à l'extrême gauche, qui répond à son geste. La foule a l'air inquiète, autant pour les siens que pour le destin de la ville : elle observe surement le départ du plus grand héros troyen avec autant d'appréhension qu'Andromaque, connaissant la valeur de son futur adversaire, Achille.

Même si l'armure d'Hector est aussi peu grecque que celle de la miniature en émail ci-dessus, les costumes des femmes semblent déjà beaucoup plus antiques. Cette œuvre néoclassique présente la scène avec une grande fidélité au texte homérique, mais avec une emphase qui l'apparente encore beaucoup aux tragédies qui fleurissaient sur la scène, à cette époque de réécriture dans tous les arts des modèles antiques.

 

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Peinture de Deckler
     
Les adieux d'Hector et d'Andromaque   Karl Friedrich Deckler est un peintre de l'école allemande assez peu connu, dont les sujets d'inspiration et le style sont très proches du style néo-classique. Cette peinture en particulier se signale par un académisme aux antipodes de la modernité des courants réaliste et impressionniste qui lui sont contemporains.
Karl Friedrich Deckler (1838-1918)  
Peinture à l'huile sur toile  
H: 160 x 132,5 cm  
1874  
Collection particulière  


Contrairement aux deux œuvres précédentes, celle-ci se caractérise par un cadrage vertical beaucoup plus serré, centré sur le groupe central des trois personnages et esquissant simplement le cadre de la porte Scée, dont on ne voit à droite que les jambages et la corniche.

Le couple d'Hector et d'Andromaque occupe l'essentiel de la composition. Hector tient son fils Astyanax dans ses bras. Tous deux sont cadrés en pied, en légère contre-plongée, ce qui les met d'autant plus en valeur. Andromaque regarde son mari d'un air affligé : elle le supplie du regard, tentant de le persuader de rester pour elle. Elle dit dans l'Illiade : Tu n'as donc pas pitié de ce jeune enfant, ni de moi, malheureuse femme, qui serai bientot veuve ?  Son regard affligé exprime la tristesse et transmet le pathétique de cette scène au spectateur.

Hector de son côté regarde vers le ciel : il prie les dieux de protéger son fils : Zeus, et vous tous, dieux immortels, faites que mon enfant soit, ainsi que moi, illustre parmi les Troyens ! Il a ôté son casque et déposé sa lance pour ne pas effrayer son fils, et ses armes, casque et bouclier, sont donc à ses pieds. Il porte une cape rouge, montrant sa richesse et sa noblesse. Mais malgré sa tristesse, son regard exprime aussi une forme de fierté : on comprend qu'il a fait son choix et qu'il suivra son devoir pour défendre son honneur, même au prix de sa vie.

Derrière eux, à gauche, une femme agenouillée, probablement la nourrice d'Astyanax, est en pleurs. A droite, un homme en armure se tient debout : il semble attendre Hector pour se rendre sur le champ de bataille. Ces deux figures redoublent ainsi les sentiments des deux protagonistes, Andromaque et Hector, et peuvent être considérés comme des allégories du désespoir des femmes et de la fierté des héros.

Cette œuvre est donc très simple mais rendue efficace par sa composition et sa lumière : même si les personnages sont éclairés par la gauche, l'atmosphère est crépusculaire, le ciel est sombre et chargé de nuages menacants. Le pathétique et l'héroïsme sont ici rassemblés, et on comprend qu'Hector n'a pas le choix : son destin tragique le condamne à aller chercher la gloire - et la mort.


Marie-Pierre C., 1ES1, Carla C., 1L1 et Inès P., 1S1


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