Apollon et Cyparissus


   

L'histoire de Cyparissus est ce qu'on appelle un mythe étiologique : elle explique l'origine du cyprès. Le bel enfant Cyparissus s'occupait d'un cerf sacré qu'il adorait et menait paître dans une nature idyllique. Un jour que le cerf s'était étendu pour se reposer, le jeune Cyparissus le transperça par mégarde d'un javelot et Cyparissus, inconsolable, souhaita mourir lui-même. Quand les dieux lui refusèrent son vou, l'enfant demanda, comme une faveur suprême, de verser des larmes éternelles. Depuis lors, le cyprès est assigné à pleurer sur les tombes dans les cimetières. Mais cette métamorphose végétale est aussi une manière pour lui d'obtenir l'éternité : c'est le gage d'une survie toujours renaissante.


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Ovide - Les Métamorphoses, X, 109-142

Le début du livre X des Métamorphoses est consacré au poète Orphée. Après avoir échoué à ramener des Enfers son épouse Eurydice, il se console par les chants qu'il fait résonner en pleine nature, entouré d'arbres de toutes sortes, et il en vient à mentionner le cyprès. C'est alors l'occasion pour Ovide de raconter l'histoire de Cyparissus.


Adfuit huic turbae metas imitata cupressus,
nunc arbor, puer ante deo dilectus ab illo,
qui citharam neruis et neruis temperat arcum.
Namque sacer nymphis Carthaea tenentibus arva
ingens cervus erat, lateque patentibus altas
ipse suo capiti praebebat cornibus umbras.
Cornua fulgebant auro, demissaque in armos
pendebant tereti gemmata monilia collo.
Bulla super frontem parvis argentea loris
vincta movebatur ; parilesque ex aere nitebant
auribus e geminis circum cava tempora bacae ;
isque metu vacuus naturalique pavore
deposito celebrare domos mulcendaque colla
quamlibet ignotis manibus praebere solebat.
Sed tamen ante alios, Ceae pulcherrime gentis,
gratus erat, Cyparisse, tibi : tu pabula cervum
ad nova, tu liquidi ducebas fontis ad undam,
tu modo texebas varios per cornua flores,
nunc eques in tergo residens huc laetus et illuc
mollia purpureis frenabas ora capistris.
Aestus erat mediusque dies, solisque vapore
concava litorei fervebant bracchia Cancri :
fessus in herbosa posuit sua corpora terra
cervus et arborea frigus ducebat ab umbra.
Hunc puer inprudens jaculo Cyparissus acuto
fixit et, ut saevo morientem vulnere vidit,
velle mori statuit. Quae non solacia Phoebus
dixit et, ut leviter pro materiaque doleret,
admonuit ! gemit ille tamen munusque supremum
hoc petit a superis, ut tempore lugeat omni.
Jamque per inmensos egesto sanguine fletus
in viridem verti coeperunt membra colorem,
et, modo qui nivea pendebant fronte capilli,
horrida caesaries fieri sumptoque rigore
sidereum gracili spectare cacumine caelum.
Ingemuit tristisque deus : « Lugebere nobis
lugebisque alios aderisque dolentibus » inquit.

 

Au milieu de cette forêt qu'on vit obéissant au charme des vers, parut aussi le cyprès, verdoyante pyramide, jadis jeune mortel cher au dieu dont la main sait également manier l'arc et la lyre. Dans les champs de Carthée errait un cerf fameux consacré aux Nymphes de ces contrées. Un bois spacieux et doré orne sa tête ; un collier d'or pare son cou, flotte sur ses épaules ; attachée par de légers tissus, une étoile d'argent s'agite et brille sur son front. à ses oreilles pendent deux perles éclatantes, égales en grosseur. Libre de toute crainte, affranchi de cette timidité aux cerfs si naturelle, il fréquente les toits qu'habitent les humains. Il présente volontiers son cou aux caresses d'une main inconnue. Mais qui l'aima plus que toi, jeune Cyparissus, le plus beau des mortels que l'île de Cos ait vu naître ? Tu le menais dans de frais et nouveaux pâturages ; tu le désaltérais dans l'eau limpide des fontaines : tantôt tu parais son bois de guirlandes de fleurs ; tantôt, sur son dos assis, avec un frein de pourpre, tu dirigeais ses élans, tu réglais sa course vagabonde. C'était vers le milieu du jour, lorsque le Cancer aux bras recourbés haletait sous la vapeur brûlante des airs. Couché sur le gazon, dans un bocage épais, le cerf goûtait le frais, le repos, et l'ombre. Cyparissus imprudemment le perce de son dard ; et le voyant mourir de cette blessure fatale, il veut aussi mourir. Que ne lui dit pas le dieu du jour pour calmer ses regrets ! en vain il lui représente que son deuil est trop grand pour un malheur léger. Cyparissus gémit, et ne demande aux dieux, pour faveur dernière, que de ne jamais survivre à sa douleur. Cependant il s'épuise par l'excès de ses pleurs. De son sang les canaux se tarissent. Les couleurs de son teint flétri commencent à verdir. Ses cheveux, qui naguère ombrageaient l'albâtre de son front, se hérissent, s'allongent en pyramide, et s'élèvent dans les airs. Apollon soupire : « Tu seras toujours, dit-il, l'objet de mes regrets. Tu seras chez les mortels le symbole du deuil et l'arbre des tombeaux. »

 


Cyparissus et le cerf
Enluminure de l'Ovide moralisé
Ms Français 137, fol.134
BnF

 

Mythographe du Vatican, I, 6 - 875-1075

Ce compilateur anonyme médiéval a produit un recueil de mythes qui n'existe plus que dans un seul manuscrit, le Reg. lat. 401, conservé au Vatican. Il présente l'intérêt de proposer, entre autres, une variante de l'histoire de Cyparissus.


Légende de Silvain et de Cyparissos

Silvain est un dieu des forêts. Il s'éprit d'un jeune homme nommé Cyparissos qui possédait une biche très douce. Silvain ignorait cela et la tua ; le jeune homme en mourut de chagrin. Alors le dieu amoureux le changea en l'arbre portant son nom, le cyprès ; en guise de consolation, dit-on.

 

Galerie d'images

Alors que la récolte de textes évoquant Cyparissus est plutôt maigre, signe qu'il n'y avait plus rien d'original à dire après Ovide, on trouve en revanche de nombreuses œuvres évoquant cet épisode, depuis les enluminures médiévales de l'Ovide moralisé jusqu'aux tableaux néoclassiques et académiques du XIXe siècle.

 


La métamorphose de Cyparissus
Plat en majolique de Giorgio Andreoli
1525-1530
Collection particulière

 

Cyparissus / Les dieux ruraux
Gravure de Cornelis Cort
1565
Metropolitan Museum of Art

 

 


Cyparissus
Jacopo Vignali - Huile sur toile
1624-1625
Musée des Beaux-Arts de Strasbourg

 

Cyparisse caressant son cerf
Sculpture d'Anselme Flamen
1687
Parc de Versailles

 

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Apollon et Cyparisse
Huile sur toile de Claude-Marie Dubufe
1821
Musée Calvet d'Avignon


Manon B., 205