Apollon et Hyacinthe
Comme d'autres récits de métamorphoses végétales, l'histoire d'Hyacinthe est un mythe étiologique. Héros laconien, Hyacinthe était un jeune homme d'une très grande beauté, aimé d'Apollon. Mais alors que les deux jeunes gens jouaient, le disque du dieu dépassa le but qu'il visait et tua involontairement le beau Hyacinthe. Apollon fut saisi d'horreur et tenta en vain de ranimer son compagnon. Alors, l'herbe, tachée du sang de la blessure, se mit à reverdir et une fleur de couleur pourpre apparut : c'était la jacinthe.
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Ovide - Les Métamorphoses, X, 162-219
Au début du livre X des Métamorphoses, Orphée chante une série d'amours homosexuelles entre des dieux et des mortels d'une beauté exceptionnelle. Après Cyparissus aimé d'Apollon et Ganymède enlevé par Zeus jusque dans l'Olympe, il en vient au récit pathétique de la mort d'Hyacinthe.
Te quoque, Amyclide, posuisset in aethere Phoebus, |
Et toi, fils d'Amyclès, Phébus dans le ciel t'aurait aussi placé toi-même, si l'inflexible Destin l'eût permis. Du moins, autant qu'il est en son pouvoir, il te rend immortel. Toutes les fois que le printemps vient chasser l'hiver, et que la constellation pluvieuse des Poissons fait place à l'étoile du Bélier, Hyacinthe, tu renais, tu refleuris sur ta tige. Plus que tout autre, tu fus cher au dieu qui m'a donné le jour. Dans son temple placé au milieu du monde, Delphes en vain implore sa présence, tandis qu'avec toi il erre sur les bords de l'Eurotas et dans les champs de Sparte. Il oublie et son arc et sa lyre ; il s'oublie lui-même pour tendre tes filets, pour conduire tes chiens. Il gravit, sur tes pas, la roche escarpée. Il veut te plaire, et c'est sa plus douce habitude. Un jour où le soleil, au milieu de sa carrière, s'éloignait également du soir et du matin, Apollon et Hyacinthe quittent leurs vêtements, imprègnent leurs corps des sucs de l'olive, et au jeu du disque ils s'exercent tous deux. Apollon le premier lance le sien dans les airs; il fend la nue, semble longtemps s'y perdre, retombe enfin sur la terre, et prouve du dieu l'adresse et la vigueur. Soudain à l'ardeur du jeu te laissant emporter, imprudent Hyacinthe, tu t'élances pour saisir le disque bondissant ; la terre le repousse, il va frapper ton front. Tu pâlis ; comme toi, le dieu pâlit lui-même. Il soutient ton corps qui chancèle, il cherche à ranimer sa chaleur qui s'éteint. Il étanche le sang qui s'écoule, il exprime le suc des plantes pour retenir ton âme fugitive. Mais, hélas ! son art est impuissant. La blessure est mortelle. Comme dans un jardin la violette, le pavot, ou le lis dont la tige fut blessée, languissent encore attachés à cette tige flétrie qui ne les soutient plus, inclinent leur tête, tombent et meurent sur l'herbe : tel Hyacinthe languit ; sa tête appesantie sur son épaule tombe, et retombe couchée. |
« Laberis, Oebalide, prima fraudate juventa, |
« Tu meurs, Hyacinthe, s'écrie Apollon ! tu péris moissonné dans ta fleur. Je vois ta blessure et mon crime. Tu causes ma douleur, et j'ai causé ta perte. On écrira sur ta tombe que ma main t'y précipita. Mais cependant quel est mon crime ? en est-ce un d'avoir joué avec toi ? en est-ce un de t'avoir aimé ? Que ne puis-je donner ma vie pour la tienne, ou mourir avec toi ! Mais puisque le Destin me retient sous sa loi, tu vivras dans ma mémoire, dans mes vers, sur ma lyre. Tu seras immortel par moi. Tu deviendras une fleur nouvelle. On lira sur tes feuilles le cri de ma douleur. Un temps viendra où un héros célèbre sera changé en une fleur semblable, sur laquelle on lira les premières lettres de son nom.» Tandis que le dieu parle encore, le sang qui rougit l'herbe n'est plus du sang. C'est une fleur plus brillante que la pourpre de Tyr ; elle offre du lis et la forme et l'éclat. Mais le lis est argenté, et l'hyacinthe en diffère par la couleur. Apollon (car il fut l'auteur de cette métamorphose) trace lui-même sur l'hyacinthe le cri de ses regrets, et ces lettres AI, AI, sont gravées sur cette fleur. Sparte s'honore d'avoir vu naître Hyacinthe, et de nos jours encore elle célèbre, tous les ans, sa mémoire, par des jeux antiques et solennels qui portent son nom |
Lucien de Samosate - Dialogues des dieux - 14. Hermès et Apollon
Les Dialogues des dieux de Lucien de Samosate (120-180 apr.JC) sont de petits dialogues vifs et spirituels qui présentent les dieux de la mythologie gréco-romaine de manière souvent satirique, en démythifiant leur puissance et en mettant en scène leurs travers ou leurs soucis sentimentaux.
Hermès D'où te vient cet air triste, Apollon ? Apollon C'est, Hermès, que je suis bien malheureux en amours ! Hermès Juste sujet de tristesse, en effet. Mais quel est le motif de ton malheur ? Daphné cause-t-elle encore tes peines ? Apollon Non : je regrette le Lacédémonien fils d'Œbalus. Hermès Hyacinthe est donc mort, dis-moi ? Apollon Hélas ! oui. Hermès Et qui l'a tué, Apollon ? Qui peut avoir eu le cour assez dur pour tuer un aussi joli garçon ? Apollon C'est moi qui ai commis ce meurtre. Hermès Etais-tu donc fou ? Apollon Non ; ce malheur est involontaire. Hermès Comment cela ? Je désire entendre le récit de cette aventure. Apollon Il apprenait à lancer le disque, et je le lançais avec lui, lorsque Zéphyre, le pire des vents, qui depuis longtemps aimait Hyacinthe, mais en était méprisé, outré de ce mépris, profite du moment où, selon l'ordinaire, je jetais le disque en l'air, se met à souffler du mont Taygète et dirige le disque sur la tête du pauvre enfant : le coup fait jaillir le sang en abondance, et l'enfant expire sur-le-champ. Je me suis vengé de Zéphyre en le poursuivant à coups de flèches, tandis qu'il fuyait vers la montagne : j'ai élevé au jeune garçon un tombeau à Amyclée, au lieu même où le disque l'a frappé, et de son sang j'ai fait produire à la terre la plus agréable, Mercure, et la plus charmante des fleurs, ornée de lettres qui témoignent mes regrets de cette mort. Ma douleur maintenant te semble-t-elle déraisonnable ? Hermès Oui, Apollon ; car tu savais bien que l'objet de ta tendresse était mortel ; ne te chagrine donc pas de sa mort. |
Galerie d'images
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Hyacinthe |
Statue de marbre de François-Joseph Bosio |
1817 |
Musée du Louvre |
La mort d'Hyacinthe |
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Huile sur toile d'Alexandre Kisseliov | |
Deuxième moitié du XIXe siècle | |
Musée national de Varsovie |
Manon B., 205