Le catharisme : un problème religieux ou politique ?
Bernardo Gui interprété par F. Murray Abraham
La secte de Dolcino ou secte des Apostoliques était connue pour son hérésie, sa position à contre-courant par rapport au mariage ou à l’argent, et aussi pour des actes de barbarie commis sur des opposants ou des personnes qui refusaient de se convertir à cette conception du christianisme. Au sens de Bernardo Gui, ces personnes ont toutes pactisé avec le Diable. Chez les Inquisiteurs, la condamnation des hérétiques au bûcher n’est pas considérée comme un moyen d’exercer une forme de sadisme, elle est plutôt envisagée comme le moyen de purification le plus efficace : les Inquisiteurs lui donnent une signification spirituelle plus que matérielle. L’hérésie d’une personne peut s’étendre sur le reste de la population, la contaminer telle la peste, c’est un mal qui s’avère incurable et qu’il faut totalement éliminer. Le feu permet cela, selon la vision qu’en ont les Inquisiteurs. Le personnage fictif de Bernardo Gui prend pour modèle le véritable Bernard Gui, un inquisiteur dominicain érudit qui fut à l’origine de l’une des premières bibliothèques des monastères du sud de la France. Il exerçait les fonctions de logicien, théologien et philosophe : nous avons donc affaire à un homme cultivé et réfléchi, contrairement à ce que peuvent suggérer ses agissements, qui nous apparaissent aujourd'hui extrémistes et irrationnels. Dans le cadre de son activité d’Inquisiteur, Bernard Gui a dû juger bon nombre de personnes, dont les Cathares qui, aux yeux de l’Eglise catholique, tendaient à dévier le sens de l’enseignement des Evangiles. Leur absence dans le film s’explique par un décalage chronologique : l’intrigue du film se déroule en 1327, soit au début du XIVe siècle, c’est-à-dire au siècle suivant celui qui signe l’extermination des Cathares. Il n’y en avait pratiquement plus en Languedoc, la minorité survivante étant réfugiée dans des petits villages des Pyrénées. Il était donc impossible qu’ils apparaissent publiquement dans le film.
1. Apparition et développement du catharisme (Xe-XIIe siècles)
a. Apparition du catharisme
Mais pour le christianisme, il s'agit d'une remise en cause de l’autorité du pape, évêque de Rome ; depuis son association avec le pouvoir de l’Empire romain à partir du IVe siècle, le dogme catholique est l’unique référence autorisée. Tout homme ou femme qui conteste cette lecture officielle des Ecritures est qualifié d’hérétique. L'implantationdu catharisme en Europe dans la première moitié du XIIe siècle
b. Organisation et croyances du catharisme
Leur religion est dualiste : ils opposent Dieu et ce monde, dans lequel règne le Mal. Dieu étant parfait, il n'a pas pu créer le Mal ; la différence entre le monde d'ici-bas et le monde spirituel est fondamentale à leur sens. Les apôtres pauvres du Christ opposent leur église à la mondaine Eglise romaine. La marque de leur légitimité et la conformité apostolique de leur propre vie s’appuient sur la parabole évangélique du bon arbre : « C’est à leur fruit que vous les reconnaîtrez ». Pauvres et non-violents, ils dénient tout caractère d’authenticité à l’Eglise puissante et opulente dont les Pères se sont écartés de la voie du Christ. Le modèle du catharisme consiste en l’abstinence, la chasteté et la pauvreté. L'origine sociale des cathares est celle de la petite noblesse locale, des élites urbaines et villageoises qui effectuent ce choix à la suite du contact avec des prédicateurs ou apôtres qui veulent rompre avec l’Eglise catholique, le catharisme permettant l’enrichissement par le travail personnel.
c. Le catharisme dans le midi de la France et le Languedoc-Roussillon
Quand saint Bernard se présente aux portes de Toulouse pour combattre les partisans d’Henry de Lausanne, il découvre que toute la région est infestée de dissidence. Albi était une ville du Midi où une grande partie de la population, notamment les chevaliers, les élites bourgeoises et la paysannerie, soutenaient le catharisme. On colla alors à cette commune l’image d’une zone infestée par la malice hérétique, et on forgea l'adjectif "albigeois" pour la désigner. Mais en 1160, les sources historiques révèlent l’existence dans tout le midi de communautés religieuse sédentaires, des « bons » hommes et des « bonnes » femmes. Mais ce phénomène était-il religieux ou politique ?
II/ Le catharisme : politique et religiona. Un mouvement politico-religieux
Leur critique de l’Eglise Romaine, le rejet de son autorité spirituelle et de ses relations de proximité avec les pouvoirs politiques en place débouchent sur le refus de l’autorité temporelle.On peut donc dire que bien qu’étant au départ un mouvement religieux, le catharisme devient aussi par la suite un mouvement politique. Le succès des cathares, notamment dans le midi, tient aussi au fait qu'il s'agissait d'une théologie fondamentalement égalitariste : tout le monde pouvait accéder au paradis. Ne croyant pas au péché originel, ils permettaient aux femmes d’accéder aux responsabilités ecclésiastiques. Il s’agit donc d’un combat de la société pour son autonomie et sa liberté religieuse, ainsi que pour une société plus juste. C’est cette nuance que relèvent certains historiens modernes pour souligner le caractère politique de ce mouvement. La société occitane refusait la domination des chevaliers, et les hérétiques rêvaient d’un monde meilleur, accusant l’Eglise de corruption.
b. Croisade des Albigeois, Inquisition et disparition du catharisme au XIIIe siècle
L'expulsion des habitants de la ville de Carcassonne en 1209
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Le traité de Paris signé en 1229 met fin à vingt ans de croisade. Puis l’Inquisition épiscopale prend le relais pour venir à bout de la résistance cathare. Le concile de Toulouse en 1229 organise la réaction de l'Eglise. L’inquisition pontificale de Grégoire IX crée un tribunal d’exception confié en 1233 aux frères dominicains et franciscains qui deviennent juges nommés par le pape pour lutter contre la perversion cathare.La procédure est secrète ; l’aveu constitue une preuve pour poursuivre tout inculpé. La délation est une arme redoutable qui créer des tensions dans la population et briser les liens de solidarité. Les lieux où se cachaient les réfugiés cathares sont investis par la force. Montségur tombe en 1244 après un siège de dix mois. Plus de deux cents parfaits sont brûlés dans le "Camp dels Cremats" (stèle ci-contre). Ailleurs aussi, Des bûchers sont organisés un peu partout dans le midi, surtout par le sénéchal de Carcassonne. |
La dimension politique de la croisade contre les Albigeois et de l’Inquisition souligne l’importance régionale de ces événements dramatiques. Il y avait derrière ce problème la mobilité de la maison de Toulouse, tiraillée entre la volonté d’indépendance par rapport au roi de France et le rapprochement avec la royauté anglaise. Il y avait aussi un risque de concurrence pour l’Eglise, l’insoumission à l’intérieur et les croisades à l’extérieur.
D’un point de vue strictement politique, le traité de Paris (traité de Meaux) met fin aux aspirations d’indépendance du midi et surtout de l’occitanie : le comté de Toulouse était géographiquement et économiquement aussi riche que le reste du royaume, mais les nombreuses dissensions entre les différents seigneurs du midi précipitèrent sa chute.
Vers 1300, le catharisme méridional sombre définitivement. Après Pierre Autier brûlé en 1310, c'est la tentative du dernier "parfait" cathare, Guilhem Bélibaste, qui est liquidée en 1321. En 1327, l'inquisiteur Bernard Gui continue d'officier, mais il n'a plus à traiter de cas cathares : en revanche, son manuel de l'inquisiteur évoque les cas des vaudois et des béguins.
CONCLUSION
Le catharisme n’a pu se transformer en une religion autonome, sauf en Bosnie, sous la forme bogomile, où il est devenu une religion d’Etat jusqu’à l’invasion des Turcs au XVe siècle. Contrairement au protestantisme, qui en 1598 a obtenu que l’édit de Nantes admette l’existence d’une religion réformée parce qu'elle avait un fort pouvoir politique, le catharisme a échoué à s'imposer.
Cependant le Languedoc a été profondément marqué par ce courant de pensée, ses caractéristiques ont touché toute la société occitane aux niveaux sociaux, culturels et religieux. Les nouvelles générations ne connaissent de ce phénomène que les informations donnée par ses adversaires, en l’occurrence les inquisiteurs, ou sa représentation folklorique sous forme de cassoulet cathare, vin cathare, etc. La marque « cathare » attire, car le destin tragique des « bons hommes » et « des bonnes femmes » est devenu presque ésotérique, mystérieux et est spécifique à l’occitanie. Autant de récupérations marketing ou publicitaires sans rapport réel avec le catharisme, surtout quand on sait qu’il fit l’apologie du végétarisme, de la sobriété et de la chasteté !!
Yasmine EN., 203.