Comme l'avaient déjà fait les poètes du Cycle, Darès et Dictys comblent les événements troyens qu'Homère avait omis. Troie a été détruite par Hercule et Jason ; Laomédon est mort, sa fille Hésione est la concubine de Télamon et son frère Priam, roi de la nouvelle Troie, désire qu'elle ait une condition de reine ou qu'elle rentre à Troie. Anténor est envoyé en Grèce, mais son ambassade n'aboutit à rien. Il faut remarquer Andromaque, insérée entre les fils de Priam par Darès, tandis que ses imitateurs paraissent le corriger de leur silence ; d'autres sources placent ici Créüse, la femme d'Enée.


Dares, Excidium Troiae, 4-5

[4] Hoc ubi Priamo nunciatum est, patrem occisum, ciues direptos, praedam auectam, Hesionam sororem dono datam, grauiter tulit tam contumeliose Phrygiam tranctatam esse a Graiis. Ilium petit cum Hecuba uxore, et liberis Hectore, Alexandro, Deiphobo, Heleno, Troilo, Andromacha (sic, ndr), Cassandra, Polyxena. Nam erant et alii filii ex concubinis nati; sed nemo ex regio genere dixit esse, nisi eos qui erant ex legitimis uxoribus. Priamus ut Ilium uenit, minime moram fecit, ampliora moenia exstruxit, et ciuitatem munitissimam reddidit; et militum multitudinem ibi esse fecit, ne per ignorantiam opprimeretur, ita ut Laomedon pater eius oppressus est. Regiam quoque aedificauit, et ibi Ioui Statori aram consecrauit. Hectorem in Paeoniam misit. Ilio portas fecit, quarum nomina haec sunt; Antenoria, Dardania, Ilia, Scaea, Thymbraea, Troiana. Deinde postquam Ilium stabilitum uidit, tempus expectauit. Ut uisum est ei patris iniurias ulcisci, Antenorem uocari iubet, dicit ei uelle se, eum legatum in Graeciam mittere : quum graues sibi iniurias ab his qui cum exercitu uenerant, factas in Laomedontis patris nece, et in abductione Hesionae pertulisset, omnia tamen aequo animo passurum, si Hesiona ei redderetur.

Lorsque Priam eut appris que son père avait été tué, ses concitoyens dépouillés; que les Grecs avaient transporté leur butin sur leurs vaisseaux, et que sa soeur avait été donnée à un de leurs chefs, il ne put supporter l'indigne traitement qu'avait éprouvé son pays. Sans délai, il se rend à Ilion avec sa femme Hécube et ses enfants Hector, Alexandre, Déiphobe, Hélénus, Troïle, Andromaque, Cassandre et Polyxène. Il avait eu bien d'autres enfants de ses concubines ; mais il ne reconnaissait pour membres de la famille royale que ceux qui lui étaient nés en légitime mariage. Aussitôt qu'il fut de retour à Ilion, pour n'être pas surpris à l'avenir, comme son père l'avait été, il fit construire des remparts beaucoup plus vastes et plus élevés que les anciens, et d'autres fortifications qu'il fit garder par un grand nombre de soldats. Il se fit aussi bâtir un palais dans lequel il consacra un autel à Jupiter Stator. Cependant il envoya Hector en Péonie pour y lever des troupes; ensuite il fit placer six portes autour de sa capitale, et leur donna les noms d'Anténor, de Dardanus, d'Ilion, de Scée, de Thymbrée et de Troie. Après avoir fait d'Ilion une forte place, il laissa écouler un certain espace de temps. Dès qu'il eut pris la résolution de tirer vengeance des attentats commis par les Grecs. contre son père, il fit venir Anténor, et lui dit que son dessein était de l'envoyer en Grèce en qualité d'ambassadeur, pour dire aux Grecs qu'il leur pardonnerait d'être entrés dans ses états avec une armée, d'avoir tué son père Laomédon, et d'avoir enlevé sa soeur Hésione, s'ils lui rendaient cette princesse.

[5] Antenor, ut Priamus imperauit, nauim conscendit, et profectus uenit Magnesiam ad Peleum. Quem Peleus hospitio triduo recepit, die quarto rogat eum quid uenerit. Antenor dicit ea quae a Priamo mandata erant, Graios postulare, ut Hesiona redderetur. Haec ubi Peleus audiuit, grauiter tulit, eo quod hoc pertinere ad se uidebat: iubet eum de finibus suis discedere. Antenor nihil moratus, nauim ascendit, iter fecit Salaminam ad Telamonem: rogare eum coepit, ut Priamo sororem Hesionam redderet; non enim esse aequum tam diu in seruitute habere regii generis puellam. Telamon Antenori respondit, nihil a se Priamo factum : sed quod uirtutis causa donatum sit, se nemini daturum: ob hoc Antenorem insula discedere iubet. Antenor nauim conscendit, in Achaiam uenit. Inde ad Castorem et Pollucem delatus, coepit ab his postulare, ut Priamo satisfacerent, et ei Hesionam sororem redderent. Castor et Pollux negauerunt iniuriam Priamo factam esse, sed Laomedontem eos priorem laesisse: Antenorem discedere iubent. Inde Pylum ad Nestorem uenit, dixit Nestori qua de causa uenisset. Qui ut audiuit, coepit obiurgare, cur ausus sit in Graeciam uenire, quum a Phrygibus Graeci prius laesi fuissent. Ubi audiuit Antenor nil impetrasse, et contumeliose tractari Priamum, nauim conscendit, domum reuersus est. Priamo regi demonstrat, quomodo unusquisque responderit: et quomodo ab illis tractatus sit : simulque hortatus est Priamum, ut eos bello persequatur.

Après avoir reçu les ordres de Priam, Anténor s'embarqua et se rendit à Magnésie, auprès de Pélée. Pendant les trois premiers jours, son hôte ne s'occupa à son égard que de remplir les devoirs de l'hospitalité; mais le quatrième il lui demanda le motif de son voyage. Anténor lui expose l'ordre qu'il a reçu de Priam d'exiger des Grecs qu'ils lui rendissent Hésione. Pélée, frère de Télamon, voyant bien que cette affaire le regardait, ne peut supporter cette déclaration du prince troyen, et lui ordonne de sortir aussitôt de ses états. Anténor part dans l'instant, remonte sur son vaisseau, et fait voile vers l'île de Salamine où régnait Télamon. Arrivé au palais de ce prince, il le conjura de rendre à Priam sa soeur Hésione, qu'il avait en sa possession, lui faisant observer qu'il était contraire â l'équité de retenir si longtemps captive une jeune princesse du sang royal. « Je n'ai à me reprocher aucune injure envers Priam lui répond Télamon; mais je ne céderai à personne un présent que j'ai reçu comme la récompense de ma valeur. Sortez au plus tôt de Salamine ». Anténor obéit, et partit pour l'Achaïe, d'où s'étant rendu auprès de Castor et de Pollux, il les pria de donner satisfaction au roi, en lui faisant rendre sa soeur. Ces princes lui répondirent qu'ils n'avaient fait aucune injure à Priam, et que Laomédon les avait insultés le premier. Après cette réponse, ils lui ordonnèrent de se retirer. Nestor, qu'il alla voir à Pylos, et à qui il exposa l'objet de son ambassade, lui reprocha d'avoir osé mettre le pied dans la Grèce, lorsque c'étaient les Troyens qui les premiers avaient outragé les Grecs. Anténor ne pouvant obtenir aucune satisfaction, et touché vivement des affronts que Priam recevait en sa personne, se rembarqua pour retourner dans sa patrie. A son arrivée, il rapporta au roi les réponses que les Grecs lui avaient faites, les mauvais traitements qu'il avait éprouvés de leur part, et l'exhorta à leur déclarer la guerre.


En revanche Dictys, qui se présente comme un soldat grec ayant participé à la guerre, ne parle logiquement ni des Argonautes, ni de la nouvelle Toie ni de ces ambassades d'Anténor, mais il passe tout de suite à l'enlèvement d'Hélène par Paris, comme le fera Homère.

Joseph d’Exeter teinte de fatalisme et d’angoisse ses vers sur la nouvelle Troie, née contre la volonté des dieux : elle ne connaîtra jamais le bonheur escompté, mais en paiera aussi le prix aux déesses infernales à qui elle est promise par son destin. Priam aurait pu rester raisonnable, mais sa nouvelle puissance l’amène à réclamer Hésione enlevée par Télamon : il envoie en Grèce Anténor, sans autre résultat qu'une dérision honteuse de la part de ses ennemis ; son désir de vengeance causera une autre guerre et la destruction définitive de Troie..

Iosephus Iscanus, Daretis Ylias, II 1-75

Iam floret Priamus populoso pignore felix,
Felix coniugio, felix natalibus arvis,
Si superi, si fata sinant, si stare beatis
Permissum. Videt Allecto, quas fregerat, arces
Fortuna meliore frui; videt, ardet et ydris
Irascens circumque genas et tempora crebris
Mene', inquit, reginam Herebi mundique potentem
Atque - utinam ! -- celi, regnum mortale lacesset
Aeternum ? Pudet heu, lascivit Troia superstes
Post Danaos, quibus usa fui. Nostrisne triumphis
Contendit vincique negat? Ruat ocius ergo
A cunis concessa mihi ! Sic questa quietem
Invidet exiguam Priamo raptumque sororis
Servilemque colum et lacrimas obiectat multas.
0 hominum superumque pater ! Si nomina curas,
Cur hominem plectis ? Miserene quod incola terre,
Despicitur ? Certe lacrimis noctique dedisti
Proscriptas a luce animas. Pater optime, tandem
Flectere, redde polo reduces vel funera saltem
Exilii tutare tui! Cur impia sevit
Allecto in miseros ? Cur Pergama dia fatigat
Tot superis confisa suis ? Tolle, inclita, tolle,
Virgo, moras nec passa premi, quas incolis, arces
Gorgone pretenta Stigias perstringe Medusas
En aras, en thura sibi communia poscunt
Nutrices scelerum Furie noctisque tirannos
Exorare iubent. Celum intra menia clausum,
Concives habuisse deos haut linquet inultum
Thesiphone regique suo cultore negato,
Quam dedit, invidiarn Frigius luet. Ecce profundis
Curarum Furiis vigilique impulsa dolore
Mens Priamum in diversa trahit, nunc Marte reposcit
Hesionen, nunc bella timet. Sentencia tandem
Fortior inniti precibus, temptare Pelasgos
Blandiciis. Voce hac legatum Anthenora demum
Instruit et parvo claudit mandata libello :
Hactenus, invicti gens imperiosa Pelasgi,
Libertas Asie nullis concussa vigebat Casibus.
Invidit solitum Fortuna favorem
Et rerum decrevit apex. Verum Hercule vinci
Turpe minus tantoque leves auctore ruine.
Nunc, quia conciliat humiles favor, exuo regem,
In miseras descendo preces. Sic India Bachum,
Sic Cyrum Cresus, Thamirim sic, Cyre, rogabas.
At si Parca, prior qua ceperat ire, mearet,
Ipse orandus eram geminumque impensus in usum
Aut pacem regerem iudex aut prelia princeps.
Proh superi, que dira orbem deludit Herinis !
Exieram miles, tractabam prelia ductor,
Victor eram. Sed quid Eoo blanda triumpho,
Si mestos leto reditus, Fortuna, parabas ?
Heccine post tantos michi debita pompa labores?
Sic merui tibi, Troia, dari ?que leta parabas
Cum redii ! Seva illa dies semperque gemenda,
Qua reduci primum patrie mestissima clades
Visa, audita simul ! Melius, quem fecimus, hostis,
Aut cui factus eram, vitam hanc tot tristia passam
Rupisset gladio. Sceptrone et culmine regni
Dulce frui sic, sic fratrum patrisque perempti,
Sic rapte mernor Hesiones ? Miserescite, magni
Mirmidonum proceres ! Cesurn lugere parentem,
Exhaustarn vidisse domum lapsosque penates
Sit satis, Hesionen lacrimis solacia tantis
Reddite ! Parva quidem posco, sed muneris instar
Maioris : vite pariter pariterque saluti
Exanimem dabitis`. Sic postquam questus, et ipsi
Et, cui carta datur, tepidus fluit imber in ora.
Anthenor Zephiris blandum spondentibus equor
Haurit iter rapiensque ducis mandata per undas
Magnesii fines, Sparten pretervolat altam
Fatidicamque Pilon. Paucis ubi tracta diebus
Ocia dequestus cedit; non Pelea magnum,
Tindaridas geminos, Piliam flexere senectam
Verba ducis. Leti tandem Thelamonis ad urbem
Flectit iter Lachesisque fugam vestigat in omnes.

Joseph d'Exeter, à différence de son modèle Darès et des autres imitateurs médiévaux, fait arriver Anténor à Salamine pendant les noces du roi et d'Hésione ; et donc il exonère Télamon de l’accusation de traiter sa récalcitrante prisonnière comme une concubine.

Nuptie Hesiones et Thelamonis

Regia celsa nitet complutaque murice multo
Purpura Sidonios dispergit in atria luxus
Sollempnem confessa diem, qua iungit herilem
Iuno thorum. Leto cuncti convivia plausu
Concelebrant, populoque suo certamina prima
Ventripotens ponit genius, cenare decorum
Et mensas variare iuvat. Nec pocula desunt
Fecundam factura sitim, repetisse voluptas,
Et vites conferre libet. Civiliter ipsi
Indulgent proceres ciathis; bibulique clientes,
Heus, Hymenee ! sonant et in aurea pocula fusi
Invitant sese; pateris plebs mixta - Britanni
Certatura siti longique potentior haustus -
Plebeos gaudet calices et sobria vina
Regali mutasse mero, redimitque voluptas
Rara moras nec cessat hians, dum pectore victo
Lingua fluat, crescant lichni, vestigia nutent.
Cetera multiplici lascivit curia plausu;
Pars sistris, pars grata liris, pars ore canoro
Nativas ostentat opes contentaque nervis
Arterie non artis opem, non carmina nervi
Ad vocis mendicat opus. Se quelibet ornat
Musa libens, qua voce placet, qua dote superbit.
Non tamen indulgent studiis communibus omnes,
Etatum parium similis concordia, narrat
Cum sene canicies, ludit cum pube iuventus.
At moduli alternat libamina prima coraules
Previus et dociles hoc explicat ore coreas :
Plaudite, concives, Salamine ditis alumpni,
Plaudite ! Victori nubit Priameia nostro
Hesione. Clamant una Feliciter` ! omnes
Congeminantque iterum ,Feliciter` ! Ille canoros
Concilians in plectra modos hiis exit in aures :
Quid gentis Danae proavos, quid prisca stupemus
Prelia ? Miremur pocius, quem protulit etas,
Qua fruimur, rerum patrem mundique patronum
Amphitrioniadem, axis quem laudat uterque;
Cuius opem sevos debellatura Gigantes
Astra petunt geminoque armari fulmine poscunt.
Hunc non Iuno ferox, non accusator iniquus,
Non labor exhausit; Redolent cunabula primum
Vix orte virtutis opus; Nemeus adultos
Expavit terror humeros; Erimanthus abacto
Respiravit apro; victricis victima clave
Absolvit Creten taurus; dux flebat Hiberus,
Dampnatis quas Cacus opes absconderat antris ;
Non angues Lerne reduces, non Cerberus ingens,
Non Laphite domuere virum; vigilata draconi
Poma tulit; pestem Libicam libravit in auras
Edocuitque hostem nocituris artibus astra,
Qui quondam geometer erat; Achelous in armis,
Nessus in effugio nimis exarsisse queruntur;
Otrisios mactavit equos, revocavit ab armis
Ypoliten domuitque fero Stimphalidas arcu.
Nec solum tibi se tellus, sed sidera debent;
Vector eras et vector eris. Da, maxime, felix
Auspicium, letum tribuas nubentibus omen
Et prosit cecinisse tibi ! Si iusseris, ibunt
Monstra procul, ridebit Hymen Iunoque favebit
Iam tua. sic Hebe pariat Saturnia celo
Et nostro nova nupta duci` ! Plaudentia rursus
Tecta sonant festoque favet plebs leta tumultu.
Sola tamen duro turbat convivia vultu
Hesione. Spernit plausus oditque faventes
Nil titulis permota suis, non dote superba,
Non cultus mirata novos. Sibi rapta videri,
Mesta queri et, quociens sibi plaudit regia, nomen
Regine captiva pavet nec libera fidit,
Sed iussa in thalamos timide ventura coactos.
Cumque aliis modulentur aves, que coniuga fata
Exhilarant rneliore lira, sibi credula fingit
Noctivagas ululasse striges, bubone sinistro
Tecta premi Stigioque satas Acheronte sorores
Funestas gessisse faces, heu, ceca futuri,
Quam sevurn patriis paritura nepotibus hostem.
Quin eciam oblatos calices, oblata recusat
Cimbia, nunc tacito perfundit pocula luctu
Et lacrimas bibit ipsa suas segnique morantes
Crescentesque cibos gustu ieiuna fatigat.
Tristior interea Frigius delabitur hospes
In portus, Salamina, tuos ramoque verendus
Palladio celsas subit arces. Cetera nosse
Curia cunctatur, concivem sola Frigemque
Agnoscit nova nupta virum pudibundaque vultum
Flectit et orantem miratur talibus illum :
Inclita sceptrigeri proles Iovìs et minus uno
In natum perducte gradu, reverende Pelasgis
Iusticia belloque potens, tibi supplicat omnis
Cum duce Troia suo, Thelamon. Miserescite, cives
Tuque prior, non tot terraque marique labores
Incassum fluxisse sinas ! Post aspera multa
Huc tandem, huc veni. Cerno, quam querere iussus,
Hesionen cerno. Non hec commercia certe
Iuno probat ; victore suo captiva fruetur,
Flens hilari, famulans domino vel barbara Greco ?
Redde magis! Tot vestra nurus Europa superbas,
Tot celebres habet illa faces, melioribus ortam.
Quere aliam fatis ! Hec edita sidere diro
In raptus dampnata fuit facilisque vel omni
Preda venit semperque suis rapienda minatur.
Noverat Argolicas Alcides, noverat alter
Cum Polluce error, novit cum Nestore Peleus.
Cum levis assensu facili tibi preda daretur
Hesione meque haut fines trusisset in istos
Infelix Priamus, si quid de gente superstes
Cognata patrie pensaret dampna ruine.
Hanc tibi, non superis animam debere fatetur,
Quam sibi servatam gaudet. Sibi ?Sed Thelamoni
Dic pocius !` subicit Thelamon invitaque flentis
Oscula predatur et In hos` ait ire lacertos
Emerui gladio'. Sic interfatur et illud
Dirceum memorat :,Teneo longumque tenebo`.
Pulsus abit Frigius relegensque, quod hauserat, equor
In patrios delatus agros lter explicat omne
Civibus, Hesiones thalamos et nulla
Pelasgos iura sequi, bellumque hortatur.

Benoît de Sainte-Maure, comme Guido delle Colonne, suit le récit de Darès. Voilà leurs narrations, dans lesquelles le portrait et les paroles du sage Nestor sont tout à fait remarquables :

Benoît de Sainte-Maure, Roman de Troie en prose.

37. Si come Priant oï novelle de Troie. Deuil de Priam (vv. 2825-962)

Li rois Laomedon, ce dit li contes, avoit un fil qui moût fu prous et sages, Prians avoit non. Si avoit de sa feme uit enfans, et estoit hors du païs au siège d'un chastel ou son père l'avoit envoie. Et quant il oï les novelles, quoment son père et tout son lignage estoit ocis et toute la ville destruite, se il ot grant duel, ce ne fait pas a demander. Quar tout soit il chose que home de grant cuer ne se doit esmaier por perte de terrïenes choses, la vue estoit si horrible et si honteuse que humaine nature ne la pot eslongier de soi. Et por ce se plaint et gaimente et regrete son père et sa prouesse et sa beauté et son pris, et ses ancestres, parens et amis, et la noble cité de Troie, et les nobles citains et les nobles dames, et l'onour et la beauté de la ville, coment il sont mort a honte et mené en servage. Mais sus toute chose li grieve de sa serour que li Grizois en ont menée: de ce ne se puet il en nule manière consirrer. Et quant il ot son duel démené grant pièce, si apela ses amis qui estoient entor lui et lor dit : « Beaus seignors, vos avés oï la grant dolour qui est avenue de nos amis qui sont ensi mort et nostre païs destruit. Or nos covient il penser d'aler en nostre païs et restorer ce que nos poons amender ». A ce s'acorderent tout li baron et s'en alerent en lor païs. Or est il voirs que Prians avoit Ecuba a feme, qui moût estoit sage et de grant lignée, qui fille estoit d'un rei de Perse; et de lui avoit il, si comme je vos ai dit, uit enfans, les cinc vallés et les trois meschines. Des fis ot non le premier Hector, qui fu le nonper dou monde, si comme nos vous dirons avant en ses euvres. Li autres ot non Paris, Deïphebus, Elenus et Troiolus. Les filles furent nomees Eleta(sic, ndr.), Cassandra; l'autre fu nomee Polixena, qui de beauté passa toutes mortes femes. Et encores dit l'Escrit tant que il ot autres fis qui trestous furent bons chevaliers, mes trestous estoient de bas, toutefois furent il engendré de nobles damoiselles.

38. Si come il rapareillerent le païs.

Quant il revindrent en leur païs a tant de gent comme il avoient, il virent la ville et le païs destruit. Adonc lor doubla le courous, si firent enterrer les mors que il troverent selonc lor droitures. Et après ne tarda gaires que li rois Prians prist conseil a ses gens de restorer la ville et dist que il le feroit plus fors et plus bêle et plus defensable qu'ele n'avoit esté. Et maintenant fist querre par tout ouvriers, et comencierent a trover le marbre et a refaire la ville en tel manière que avant ne après ne fu nule de celle beauté ne si grans ne si fors. Et tesmoignent encores cil qui ont esté en la place ou elle fu que li murs estoient haut tant comme arc pooit traire, tout fait de marbre de divers colours. Les tors estoient espesses et grant sozterrees. Levée estoit en plusors leus sus une motte et avironee de grans fossés, et vint liues duroit environ, si estoit faite a manière d'un escu, les deus parties en mer et l'une devers terre, selonc ce qu'il apert encores. Les rues estoient toutes pavées de marbre; puis et fonteines i avoit a grant planté, qui s'espandoient par les rues et par les places, dont la ville estoit a merveilles delitable et plaisante.Une petite rivière coroit par mi la ville, qui moût faisoit gens aaisés. Maisons i avoit si bêles que en la plus povre maison pooit un rei demourer por sa beauté et por délit. De l'une partie de la ville fist le rei faire sa maistre forteresse, que il appella Ylion, sus une roche naïe que toute la ville surmontoit et veoit tout le païs environ, si que parroit chose par trop grant orguel assise. Après fist le rei faire une sale jointe a un sien manoir, que ce fu la plus bêle et la plus riche chose dont nus hons mortex oïst onques parler.

Reconstruction de Troie (vv. 2963-3244)

Car la moindre chose qui i fu estoit d'argent, et assés figures et autres choses i avoit toutes de fin or et de pierres preciouses. Et a l'un des chiés avoit un autier a l'onor de Jupiter ou il aoiroient. Et ce estoit bien la merveille dou monde, quar fonteines i avoit qui sordoient par tuias d'or que nus hons, tant fust soutils, ne pooit veoir par quoi ne par quel engin ce conduit avoit esté fait. Autres merveilles de chambres et de vergiers i avoit tregete par art de nigromance, que trop i auvroit a conter. Après fu la ville puplee de la gent dou pais environ si richement que nule ville ne le resambla ne ne fu onques de son pooir. Et jeu de tables et de eschas i furent premièrement trovés, et mains autres delis dont li Troïen de la ville se desduisoient.

39. Come le roi fu conseillié.

Après ce que le rei Priant vit sa ville de tel samblant et de tel noblesse et si fort, avis li fu que tens estoit de requerre ses ennemis et de vengier son domage. Et por ce manda querre tous ses princes et ses chevaliers et ses fis fors un seul: ce fu Hector, qui en Babiloine estoit ales a porchacier de grant besoignes. Quant il furent trestous assamblés, Priant parla et dist : « Beauz seignors, je crois que tuit m'amés leaument et devons estre toute une chose, por ce que tous somes estrait d'un sanc. Bien savés le grant et le leit domage que les Grizois nos ont fait de nostre gent ocirre et de nostre ville que il destruistrent et roberent. Meis de tout ce ne m'est tant que de ma serour que un d'eauz en mena et la tient en servage. Or est ensi que nos avons fait fort ville et bien garnie de gent et d'avoir, si seroit bien tens de nostre honte vengier. Et je feïsse maintenant mon pooir, se por ma serour ne fust que je lor veul demander et savoir se il le ma rendront. Lors prendrai je conseil a vos et a mes fis dou guerroier, ou de l'atendre, ou de laissier la chose en pais ».

40. Si comme le roi commanda a Antenor [d'aler en Grèce].

Moût fu cest conseil tenu por bon, et por ce fist maintenant le rei venir par devant lui un sien baron qui moût estoit de grant savoir et bien parlant, Antenor avoit non, et li dist que en Grèce aler le covenoit sa seror querre, quar il ne conissoit plus soufisant de lui por ceste besoigne faire, et li charga que il deùst dire a celui qui la tenoit et aus autres que se il li rendoient Exiona sa serour, que de tout l'autre domage que il avoient fait ne tendroient il jamais parolle, quar tout seroit pardoné. Antenor li respondi que por message ne perdroit il nient: feïst la nef apareillier, quar de plus demourer n'avoit il cure.

Ambassade d'Anténor en Grèce.

La nef fu apareillie et se mist dedens a moût honorable compaignie, et tant fist que il ariva a Manesse, ou Pelleûs estoit. Et quant il fu devant le rei, si dist son message en tel manière.

41. Come Antenor dist a Peleus.

« Sire, fait il, le roi Priant de Troies nos a envoiez a vous et as autres princes de Grèce, quar vous li feïstes grant domage de son père et de ses autres amis que vos oceïstes et de sa terre que vous meïstes a destruction. Et sur tout ce en menastes sa seur, et la tient celi qui l'en mena en servage. Donc il vos prie par moi que vos li rendes tant seulement sa serour, et tout l'autre mesfait vos soit pardonés et quite de par lui et de par ses amis, que ja des or meis en avant n'en sera parolle ne n'avra talant que il plus en face ».

42. Com Pelleûs li respondi.

Quant Pelleûs entendi ce, si fu moût dolent et iriez, et por ce que auques li toichoit la besoigne, si respondi que de ce n'avoit il que faire, ne rien n'en feroit por son mandement, et qu'il avoit fait que fol quant il tel chose vint noncier. Et li commanda que il voidast sa terre maintenant, se il ne voloit que l'en le feïst maintenant destruire.

43. Com il ariva a Salemine.

Atant s'en parti Antenor et revint a la nef et ne se tient mie a seùr jusques a tant que il ot esloingié le port. Et s'en vint droit a Salamine et la trova Thalamon. Et quant il fu devant lui venus, Antenor li dist : « Sire, je sui chevaliers, par qui le roi Priant de Troie vos mande et prie que vos li rendes sa seror, que maint jour avés tenue, quar elle est si gentil feme comme fille de rei et de reine, si n'est pas avenant que elle soit en tel manière. Rendez la, si ferés grant cortoisie, quar encores sera elle henoureement mariée et a grant henour ».

44. Coment Thalamon li respondi.

Quant Thalamon oï ce, si fu alumés de mautalent, quar il comença a sospirer de fin courous et dist : « Vasal, a vostre rei n'oi je onques a faire rien de quan que il demande. Voirs est que nos fumes a Troie por vengier un mesfait, et por ce que je entrai en la ville premier, en oi je la pucele en gueredon, la quele j'ai tenue et tendrai tous les jors de ma vie, quar moût me pleist son sens et la manière de lui. Et por ce se gart il moût bien que il jamais m'envoie par tel folie. Et a vos meïsme di je bien que moût ferés que foux se de hui en avant vos vos laissiés trover en cest païs ».

45. Come Castor li respondi.

Antenor ne fist plus longue demouree, mais maintenant s'en vint en la nef et tant esploita que il ariva a Isse, ou il trova Castor et Polus et leur dist son message sanz rienz celer. Cil respondirent qu'il n'avoient onques forfait a Priant, « mes voirs est que son père nos fist jadis un outrage dont nos preïmes la venjance, por quoi vos parolles ne vostre rei ne prisons nos rien, et mieux amons guerre de li que pais, quar jamais bons amis ne poons estre: donc tieigne chascun ce que il a gaignié. Et a vos meïsme disons nous que celui ne vos ama gueire qui ça vos envoia. Aies vos en avant que pis ne vos aveigne, quar poi amés vostre vie, quant vos ci arivastes ».

46. Coment Nestor li respondi.

Quant Antenor et ses compaignons oïrent la response, sachiez bien que ne se tindrent mie a seùr, si s'en retornerent sans congié prenre droit a lor nef, et tant firent que il ariverent a Pire, dont Nestor estoit rei et sires, qui moût estoit cruel et fellon et as armes merveillous chevalier. Antenor ne laissa pas por paour que il son message ne li deïst, ensi comme il avoit dit as autres. Maintenant quant Nestor l'entendi, si le reguarde de travers, soupris d'ire et de maltalent : « Fis a putain, fait il, por poi que je ne vos faiz tous destruire. Par quel ocongié entrastes vous en ma terre ? Cuide nos vostre sire faire a croire que jamais puisse avoir pais entre nos oet les vostres, que ja nos firent tant d'outrage que a la fin en furent mort et destruit ? Deheit ait que en s'amour se fiera. Face envers nos dou pis que il poura. Et a vos di qui ci estes que vos ne vos laissiés jamès trover en cest pais, se vos amés vostre vie ». Quant Antenor et ses compaignons virent ce, ne demandés pas se il furent espoëntez, quar bien s'aparchoivent qu'il vont querant folie, et par poi qu'il ne l'ont trovee ; si se mistrent en lor nef et retornerent en lor pais.

47. Coment il tornerent a Troie et noncierent le respons (vv. 3245-3650)

Et quant il furent par devant le rei venus, Antenor retraist son message en la présence de tous les haus homes dou païs, si comme il fu premièrement au rei Pelleùs et après a tous les autres, et les orguillous respons et menaces que il avoient faites au rei et a lui meïsme, dont le rei ot moût grant raison d'estre coureuciés, et si fu il moût. Et por ce le prist a retraire a ses fis et a ses amis et dist :

« Beauz seignors, veoir poés quoment les Grizois se maintienent enver nous ; quar après le grant domage que il nos ont fait, veés coment il nos prisent poi. Or ne sai que vos die fors tant que miaux ain morir que souffrir tel honte. Et ne soions de rien esmaiés de ce que il orent contre nos victoire, quar mainte fois avient que celui qui est vencus gaaigne sus son henemi. Et nos avons fort ville et grant chevalerie, si devons estre désirant de nostre honte vengier. Toute fois met je l'afaire sus vos, que vos en faciez vostre volenté, non por tant quar la moie seroit, coment il en deùst avenir, que nos esleùssons de nostre gent des plus hardis chevaliers et que nos allessions celeement en lor païs, que, ançois que il s'aperceûssent, fust lor terre toute confondue et les homes mors et prises les proies. Et qui par tel guise lor orgueil peùst abatre, a grant los et honour nos torneroit. Et ce me samble legiere chose, qui bien s'en voudroit pener ». A ce respondirent tout qu'il lor sambloit buen et pleisoit. Et de nul fu contredit.


Le récit de Guido, plus ample que celui de Benoît, évoque en particulier la reconstruction de la ville, les ambassades d'Anténor, et présente une liste tout à fait extraordinaire des fils que Priam avait eus d'autres femmes qu'Hécube (cette liste semble sortir d'un répertoire médiéval). Beaucoup de ces Priamides joueront un rôle dans les différentes batailles.

Guido delle Colonne, Historia destructionis Troiae, liber V.

[Incipit liber quintus de fundatione magne Troie per regem Priamum instaurate.]

Destructa igitur et euersa funditus vrbe Troie, Laumedonte rege suo nequiter interfecto, tot militibus et nobilibus ciuibus neci traditis, tot mulieribus et puellis iugo seruitutis adductis, nobili Exiona, ipsius regis filia, meretricio more sub Thelamonis libidine constituta, viri prouidi diligenter aduertant quales sunt in hoc mundo ceci rerum euentus. Quare necessario deceat homines a friuolis etiam et leuibus iniuriis abstinere. Habent enim in se sepius leues iniurie ad instar ignis, cuius modica scintilla, cecis alimentis nutrita, sub cinere subito in maximas et adurentes flamas exalat. Discant etiam reges et principes alienigenis non obesse qui ad eorum regna se conferunt non ex maliuoli propositi fomite ut eorum regnorum scrutentur archana. Nam inuida fatorum series, felicium inimica, summa in summitate manere diutius semper negat, et vt status hominum deducat habilius in ruinam, per insensibiles et cecas insidias potentiores immittit et inducit ad casum, a friuola et inopinabili materia causam trahens ne prouisione prehabita per cautele subsidium ualeant se tueri. Sub hoc igitur inuolucro fatis ingerentibus, prima Troya destructa, talis nobilissimi regis Laumedontis infelicissimus finis fuit. Sed O utinam finis eius fuisset finis et extremus introitus tante cladis ut ob tam facilis occasionis causam qualis fuit Laumedontem regem in nudo litore terre sue Grecis alio nauigantibus repentinum hospitium denegasse in tanti facinoris tallionem (si facinus dici potest) mortis dispendium incurrisset, morti etiam traditis sui regni primatibus, eius transducta filia in extraneas regiones sub labe meretricie uilitatis ! Sed illa mundanorum fatorum inuida dispensatrix a leuissimo radicis fomite zizanie causam trahit. Que dum incipit latenter obrepere, fit postea maxima mali congeries succedentis, dum fine succedente nequissimo, per intemporalia dampna eius extremus exitus concludatur. Hinc est quod ex premissis malis quanta fuerit postmodum malorum congeries subsequta nostra tempora non effugiunt memoriter recensenda, dum durante captione uiuentis Exione uiuaci memoria illa nobilissima et mirabilis magna Troya, que post euersionem predicte Troye prime postea fuit fundata, funditus postmodum fuisset euersa, tot regibus, tot principibus, tot milibus hominum bellicosa morte consumptis. Ad cuius et quorum narrandos euentus suo ordine sigillatim dirigitur stilus noster.

Laumedon itaque rex quendam habebat filium, nomine Priamum, ex regina vxore sua sibi susceptum, multe strenuitatis uirum et multe sapientie consilio prepollentem. Hic tempore casus patris presens non extitit apud Troyam, cum longis dierum curriculis iam. exactis uersus quosdam paternos hostes et proprios in bellicoso exercitu in remotis partibus prelia confoueret. Hic eo tempore quo Greci irruerunt in Troyam quoddam castrum sibi rebelle diuturna obsidione concluserat, et in ea obsidione, sub spe uictorie moram trahens, cum vxore sua et filiis circa eius castri captionem solicita intentione uacabat. Hic habebat in vxorem quandam nobilissimam mulierem, nomine Heccubam, ex qua sibi susceperat procreatos quinque filios et tres filias. De quibus filiis eius primogenitus uocabatur Hector, inaudite strenuitatis miles, uirtute maxima bellicosus, cuius gesta uirtutum multa uigent in longa memoria, longum non sine causa recensura per euum. Secundus autem filius uocabatur Paris, qui et ipse dictus erat alio nomine Alexander, omnium iuuenum speciossimus, doctus pre ceteris in arcus magisterio et sagittis.Tertius uocabatur Deyfebus, vir strenuus et multa consiliorum discretione conspicuus. Quartus uocabatur Helenus, vir scientie multe, nam omnium erat doctrinis scientiarum liberalium eruditus. Quintus et ultimus vocabatur Troylus, iuuenis quam plurimum virtuosus in bello, de cuius strenuitate multa sunt gesta, que deinceps presens ystoria non obmittit. Filiarum autem prima vocabatur Creusa. Hec asseritur Henee fuisse coniugem. Quem Heneam in Venere concepit Anchises, de quo multa presens narrabit ystoria et de quo Virgilius post magne Troye casum in suorum opere Heneydorum multa describit. Secunda uero vocabatur Cassandra, que, licet uirginea honestate polleret, in liberalibus artibus plus pollebat, habens notitiam earundem et scientiam futurorum. Tercia autem et vltima vocabatur Pollixena, puella mire pulcritudinis et speciositatis immense. Preterea idem rex Priamus xxx filios naturales habebat ex diuersis mulieribus sibi quesitos, equestri dignitate conspicuos et fortissimos bellatores. Qui sunt hii : Odinal, Anthonius, Exdron, Deluris, Sinsilenus, Quintilienus, Modenius, Cassibilans, Dinadaron, Dorascarus, Pytagoras, Cicinalor, Eliastras, Menelaus, Ysidorus, Carras, Celidomas, Emargoras, Madian, Sardus, Margariton, Achilles, Fanuel, Brunus, Mathan, Almadian, Dulces, Godelaus, Douglas, Cador de Insulis.

Vacante igitur rege Priamo cum consorte sua et eius omnibus filiis circa bella et castri obsidionem ipsius, ad eum orribilis illa fama peruenit quod eius pater Laumedon a Grecis extiterat interfectus, intercepta Troya et funditus diruta, occisis nobilibus et eius sorore Exiona in exilio et seruitute deducta. Obstupuit Priamus in talium relatione rumorum et dolore pro nimio factus est anxius, et in continuis lacrimis flebilem uitam trahens querulis vocibus anxiosa lamenta prodit et cumulat mestuosus; et illico omnem dissoluit exercitum, belli finem imposuit, obsessi castri castra deseruit, et gressus festinos accelerat uersus Troyam. Quam ut vidit funditus sic euersam et in aream conculcatam, sua et suorum irreparabilia dampna prospiciens multas produxit lacrimas, continuando per triduum suos luctus. Sed demum lacrimarum imbribus fluuialibus excollatis, amaro corde satisfactionis quasi recepta quiete, post depositos gemitus et lamenta, longo examinato consilio, placuit Troyam euersam iterum instaurare. Quam in ea magnitudine et fortitudine fabricare decreuit quod nullos hostiles timere posset insultus et in suorum offensionem hostium uere posset erigi ceruicosa. Hinc est quod quesitis undique fabris et peritis in hedificandis artibus et armoreis celaturis, lapidariis, et doctissimis architectis omnis generis, marmora natiuis diuersimode insignita coloribus mirabiliter coegit instruere. Et sic amotis ruderibus et ruinosis locis purgatis in quibus consedit prima Troya, mirabilis longitudinis et latitudinis sub dei Neptuni nomine ciuitatem erexit quam eodem nomine Troyam uidelicet censuit appellari.

Fuit autem huius secunde Troye ambitus longitudinis trium dierum et latitudinis coequalis.Nec ante fundationem eius aut postea nunquam legitur condita ciuitas tante magnitudinis, tante pulcritudinis, aut similis speciei. Fuerunt etenim fundamenta eius in terre gremio constituta, multum profunda facta scissura et latitudine spatiosa. A terre igitur superficie usque ad summum eius superhedificata sunt menia in mirabili compositione murorum circumquaque cubitorum altitudine ducentorum, quorum superficies erat marmoreis incrustata lapidibus in uariorum diuersitate colorum ut intuentium aspectibus blandirentur. In murorum itaque ipsorum circumgiratione corone non multum vna turris distabat ab alia que supra muros eosdem excrescenti altitudine imminebant. Introitus autem et exitus ciuitatis ipsius fuit in sex ianuis institutus, quarum una Dardanides, secunda Tymbrea, tercia Helias, quarta Scea, quinta Troyana, et sexta Anthenorides vocabantur. Quelibet portarum ipsarum bellicosis fuerat firmata turribus per latera et in celaturis marmorearum imaginum circumquaque decora. Quarum quelibet amicis intrare uolentibus placidos permittebat ingressus et superbe resistentie quibuslibet inimicis duros et fortes minabatur accessus. Erant etiam ipsi muri ex exteriori parte per ambitus circumquaque obscuris hyatibus profundo uallo firmati, cuius ualli distantia inter se et muros eosdem longa planicies extendebat.

Infra uero ciuitatem eandem instructa fuerunt infinita palatia et in ea infinite domus ciuium formosis hedificiis fabricate, que ciuitatem eandem ornabant in multarum latitudine platearum. Pro certo enim asserunt nullam domum, nullum hospicium in ciuitate Troye fuisse constructum cuius illud quod minoris depressionis extiterat supra terram saltem erectum in ix cubitorum altitudine non fuisset, totum etiam marmoreis firmatum lapidibus in mirificis ymaginum ferarum et hominum celaturis. Erant et eius platee longo et recto distense dyametro, in quarum medio disco(o)pertus aer uegetabilis aurore dulces et uarios refundebat afllatus. In ipsarum uero lateribus platearum innumerabilibus super columpnis marmoreis arcubus circumuolutis erectis, sub ipsorum hedificiis eleuatis, liber et cotidianus gradientibus patebat incessus ut nec a uentorum rabie nec ab ymbrium rore celesti uexarentur inuitis aspersionibus gradientes. Per plateas enim ipsas mechanicarum artium locate fuerunt stationes, in quibus earum operarii, per certa loca distincti, cotidianis operibus et uenalibus artificiis insudabant. Hic enim architecti manebant, hic pictores, hic statuarii, hic marmorarii, hicle(c)ticarii manebant ; hic canicularii, hic quadrigarii, hic lig(n)arii, hic mularii, hic deauratores albini, qui statuas et ymagines in auro pingebant, hic argentarii, hic dyatretarii, qui calicesconficiebant ex uitro, hic er[r]arii, hic fusores, qui campanas ex metallo fundebant, hic signarii, qui sigilla formabant, hic fabricarii, qui camiscias suebant et bracas, hic fusarii, qui ferreo inferro fusos extenuant muliebres, hic perticarii, hic libratores, hic figuli,hic aurifices, hic plumbarii, hic specularii, hic pelliparii, hic fulones, hic carpentarii, hic tignarii, qui uehicula scilicet rotis uolubilibus sociabant, hic dealbatores armorum, hic balthearii, seupantalarge qui opus deaurati eris in frenis apponunt, hic classicularii, hic fabricenses, hic gineciarii, qui textores appellantur, hic geometre, qui iugera rusticarum terrarum numero diuidebant, hic baphi, qui pannos lineos et laneos in multo colore tingebant, hic pistores, hic tabernarii, hic cerarii, hic arilatores, quos mercatores uulgariter appellamus, hic argiroprate, id est distractores argenti, hic et alii plures qui venales artes mechanicas exercebant.

Per medium autem ciuitatis ipsius quidam fluuius, Xantus nomine, decurrebat, qui, diuidendo ciuitatem ipsam in geminas partes equales, perhenni cursu habitantibus in ciuitate ipsa multa commoda conferrebat. Nam constructis iuxta ripam ipsius innumerabilibus molendinis, molendina ipsa ad vitam habitantium frumenta concussa in farine puluerem cotidianis usibus conuertebant. Hic etiam fluuius per meatus artificiose compositos et subterraneas catharactas per latentes ductus aquarum necessaria fecunditate decurrens ciuitatem ipsam ordinatis incursionibus mundabat, per quarum lauacrum congeste immunditie purgabantur. Ad huius itaque fluminis instar ordinatus extitit Tyber Rome, qui, per medium Rome erumpens, per Troyanum Heneam ad similitudinem Troye factam vrbem Rome geminas distincxit in partes.

In hanc igitur vrbem Troye totius adiacentis regni gentes per vrbes alias et loca dispersas colligi Priamus et inhabitare decreuit. Quarum multitudine facta est nimium populosa, multis decorata nobilibus et undique tota plena in multorum incolatu uariorum. Huius autem ciuitatis diuersorum ludorum diuersa genera, diuersis in ea adinuentionibus statuerunt. In ipsa primo adinuenta fuerunt scac(c)orum solatia curiosa, ibi ludi subito irascibiles alearum, hic repentina dampna et lucra momentanea taxillorum. Ibi tragedie et comedie dicuntur primitus institute, quamuis quidam asserant in insula Sicilie inuentam fuisse primitus comediam. Ibi inuenti leguntur ludi circenses et maiuma, que primo uidelicet ueris tempore, arboribus in multa fronde uirentibus et fioribus in prima pubescentibus iuuentute, fieri primo mensis Maii consueuit. Ibi multorum aliorum ludorum genera adinuenta fuerunt, que consueuerant hominum animos demulcere et humanis aspectibus solatia delectationis inger[r]ere ad exillarandas intuentium uoluntates.

Sed et rex Priamus pro sue habitationis hospitio et proprie receptaculo mansionis in eminentiori loco urbis ipsius cuiusdam natiue rupis excelse magnum et famosum Ylion formare constituit, quod magnum eius palatium appellatur. Et magne magistra firmitatis hac in rupe natiua uiolenter abscissa firmatum extitit inclitum Ylion, ab ymo usque ad summum sperica forma conclusum, cuius altitudo summitatem quingentorum passuum attingebat preter cacumina turrium in circuitu suo non multa distantia uicinarum, que in multo magis eandem altitudinem excedebant. Quarum turrium summitates pre altitudine nimia nubium continuis infusionibus tegebantur, et ex quarum summitate tam ardua vniuersa totius prouincie adiacentia loca et remotos etiam situs commode poterant intueri.

Huius Ylion murorum superficies que se intuentium presentabat aspectibus non ex lactee calcis nitida forte dealbatura uiuebat, cum tota esset lapidibus incrustata marmoreis, in multorum uarietate distincta colorum et in diuersarum ymaginum celaturis, que intuentium aspectibus alludebant. Sic et eius fenestras non insignierat opus forte marmoreum, cum maior pars earum extructa fuisset ex quadris fulgentium cristallorum. Sic fenestrarum ipsarum columpne, sic capitella et bases earum. Ex interiori uero parte predicti palatii, inter alia hedificia concamerata mirifice, rex Priamus quandam salam instituit prolixe longitudinis et latitudinis consonantis, cuius extrinseca superficies erat tabulis uestita marmoreis, et ex lignis cedrinis et ebani eius tabulata testudo, cuius pauimentum musaici operis diversificata materia diuersos distin[c]xerat in colores. In huius sale capite regium erat solium institutum, vbi mensa regia longa proceritate distensa locata extiterat, tota composita eboris et ebani subtilibus ex iuncturis. Sic et ab utroque latere mensarum ordo distensus comodas dabat discumbentibus sessiones. In alio uero capite sale ipsius mirabilis operis gemmis auroque contexti erat quoddam hedificatum altare in nomine summi Iouis, ad quod per xx gradus musaici operis institutione coruscos infatigabilis dabatur ascensus. In huius altaris igitur sumitate radiabat apposita ymago quedam aurea dei Iouis in longitudine xv cubitorum, tota ex auro electo composita, in maximi extimatione ualoris, quam uariarum gemmarum uenustabat impressio, et eius nobilitabant aurei substantiam hinc inde appositi in diuersis operibus vniones. Huius dei Iouis erat Priami regis summa et inconcussa fiducia, dum putaret per hanc longa felicitate uigere regni sui solium et potentiam sui sceptri per infinitam per-petuitatem temporis perdurare.

Postquam uero rex Priamus secundum sui animi destinationem Troyanam vrbem proposito fine perfecit, perceptibili corde metitus est vniuersa, et animo diligenti considerans ciuitatem a se conditam tanta uigere fortitudine in potentia firmitatis, tanto se potenti populo circumfultum, tanta pollere multitudine strenuorum, tantis habundare diuitiis, fluctuantem animum ad graues iniurias sibi dudum illatas a Grecis dura cogitatione retorsit, et factus quietis impatiens in eadem ciuitate suam solempnem curiam curiosus celebrari mandauit. Quare conuenientibus in curia ipsa suis ciuibus vniuersis et eius filiis omnibus preter Hectorem, qui tunc in Panonie partibus, Troyano sceptro subiecte, de mandato patris agebat, necnon et aliis sibi coniunctis, idem rex, regio decorus sedens in solio, vniuersam plebem ab eius ore pendentem, facto silentio, taliter alloquutus est dicens : « O viri fideles et dilecti michi, iniuriarum mearum ex ipsius mali participatione consortes, reuera nostis et facto qualiter tam friuola tam inepta precedente rationis causa instigati Greci superbia ceruicosa in patriam nostram irruerint et michi meos et vobis uestros in tanta crudelitatis seuicia interemerint genitores, sororem meam Exionam, ex tam nobili stirpe progenitam, sub tante ignominie nube traductam et more meretricio deturpatam sub uili iugo detinent seruitutis, sorores vestras, filias, et vxores laribus paternis abstractas, uilibus ministeriis sibi seruire sub seruitute compellunt, quondam vrbem nostram Troye, pacifice possessam a progenitoribus dudum meis, ab eis nequiter interceptam, dederunt exterminiis et ruinis, domos uestras et maiorum uestrorum hospitia funditus euertentes maiorum meorum thesaurizatas diuitias exposuerunt prede, et facultates uestras et bona in spolia diuiserunt. Esset igitur iuris ratio ut, fauentibus diis (qui superbis consueuerunt resistere), de communi assensu omnium uestrum communis exigeretur ultio de tot malis. Scitis enim habere nos ciuitatem magnam et tutam et in multa defensione firmatam. Scitis nos multa virorum pugnantium animositate suffultos. Scitis nos multum potentes in milicie, multis armis uberes bellicosis, multis nos habundare diuitiis et multarum rerum uescibilium opulentos, multa nobis competere potentum auxilia, et multa nobis iminere suffragia coniunctorum. Tempus itaque sic nobis esse uidetur acceptum ut contra hostes et offensores nostros manus et arma uertamus in ultionem nostram, et eorum excidium uiriliter anhelemus. Sed quia bellorum euentus est semper ambiguus et dubia sunt fata pugnantium, a preliorum temperare conflictibus esse tutius uideretur, nisi tam grauis iniuria, tam ignominiosa iactura dedecoris meum animum perurgeret. An abstinere ualeo rationabiliter a dolore cordis eximio, sciens sororem meam Exionam, deiectam exilio, ab extraneo detineri non in federis unione iugalis sed in turpis adulterii continua pollutione uexari ? Placeat igitur saltem, in istis aggressionum nostrarum initiis, monitis et suasionibus requirere Grecos ipsos ut, si mihi restituere uelint sororem meam Exionam, nulla eis a nobis querela dirigetur in posterum set sub silentio de cetero compellemur inuiti dissimulare factas nobis iniurias vt a quietis nostre securitate perpetua fatorum inuida series repellatur ». Et contentus uerbis hiis rex Priamus suo colloquio finem fecit.

Astantes igitur vniuersi discretum regis consilium uniuersaliter simul probant. Quare Priamus, suorum fidelium approbatione percepta, pro ipsius exequtione negocii Anthenorem, hominem multe discretionis, industrium, et legalibus institutionibus eruditum suum elegit in nuntium et legatum. Quem ipse rex precibus solicitat et mandatis ut ad sumendum huius legationis onus et exercicium tante rei se uoluntarium offerat et in eius executione deuotum. Anthenor igitur deuotum se mandatis regis exhibuit et ad exequen-dum predicta deuotius nullas moras obiecit. Parata igitur classe et singulis ad causas facientibus nauigandi, Anthenor classem solicitus statim intrat et, sibilante malo pro uelis extensis in uentorum afla[c]tibus secundorum, tamdiu per spacia dierum et noctium nauigat quod apud Menusium, quandam videlicet ciuitatem de partibus Thesalie, sospes applicuit, vbi rex Pelleus moram casualiter protrahebat. Quo a rege Peleo in honoris uultu primo recepto, causam sui aduentus rex Pelleus sciscitatur ab illo. Cui Anthenor per hec uerba respondit : « A rege Priamo sum missus ad uos. Hec enim rex Priamus per me nuncium mandat vobis. Graues quidem et inmerenter sibi a uobis illatas iniurias non putat a uestre memorie recordiis excidisse, cum absque grauis offensionis causa sui genitoris irruissetis in regnum, quem neci nequiter tradidistis, euertendo funditus terram suam, et peremptis eius ciuibus, miseros quos fata uiuere uoluerunt in seruitutem et exilium deduxistis. Amplius sororem eius Exionam, puellam regiam (utinam matrimonio collocatam!), turpiter asportastis. Nam meretricio more pollutam turpiter contractat eandem detentor ipsius. Cum igitur sitis multe discretionis rex, vos idem rex Priamus rogat et monet, ut exinde cesset belli rabies et futura scandala non resultent, que detestabilia esse debent apud bonos et graues, operam, si placet, uellitis impendere ut saltem sibi soror sua restitui mandaretur, omnibus aliis dampnis et iniuriis quietatis ab ipso ». Que omnia postquam audiuit rex Pelleus, subito excanduit in furorem, et impetui non obtemperans ire sue ampullosis uerbis insultauit in Priamum, facilitatemi ei exprobrans sensus sui, et minacibus iniuriis Anthenori recessum indixit, asserens quod si etiam per momentum moram in sua terra protraheret, hunc faceret nequiter neci tradi.

Quod Anthenor audiens a rege Pelleo, licentia non petita, festinus classem intrauit et recedens a portu alto pel[1]ago se committit. Qui nauigans ignota per maria competentibus diebus et noctibus peruenit incolumis Saleminam. In ciuitate igitur Salemine tunc rex Thelamon presens erat, ad quem, a classe descendens, Anthenor se contulit loquturum. Quem ut uidit rex Thelamon uultu quodammodo non recepit amico, cum obtentu Exione aduersus omnes Troyanos continuum odium enutriret. Tandem aduentus sui ab Anthenore causam querit. Cui Anthenor, regis Priami asserens se legatum, legationis sue seriem sibi explicat in hec uerba : « Rex Priamus, Troyani regni dominus, nobilitatem vestram requirit affectuose vt sororem suam Exionam, quam in aula uestra indecenti tractatis obsequio, restituatis eidem, cum non multum uestram cedat ad gloriam regis filiam et sororem inhonesto contractare consortio, que fuit a pari nobili uel etiam a maiori relatione debita ueneranda. Nec tamen de hiis que a uobis erga eum detestabili modo sunt gesta multo dolore uexabitur, si restituendam eam sibi benignitas vestra prouiderit, quam adhuc rex Priamus poterit decenti forte matrimonio collocare ». Finitis igitur ab Anthenore uerbis ipsis et a Thelamone grauiter intellectis, grauem et subitam Thelamon exhalauit in iram et risibili uulto uerba profundens sic intulit per responsionis obiectum : « Amice, quicumque sis, de tui leuitate regis admiratione multa commoueor, cum nec ipse michi nec ego sibi alicuius amicicie noticia sim coniunctus, et ideo eius exaudire precamina non michi cedit ad uotum. Nouit enim ipse rex tuus me in ultionem cuiusdam facinoris cum quibusdam aliis Grecie nobilibus aduersus Laumedontem regem, eiusdem criminis patratorem, cum exercitu contulisse, et in mei cruoris effusione non modica bellicis armis Troyanam vrbem primum intrasse, propter quod, ex militie tocius assensu, in mee uictorie premium michi tradita fuit Exiona ad faciendum de ea mee arbitrium voluntatis. Quod non leue munus michi datum arbitror extitisse, cum et nimia speciositate sit ipsa decora, multis insignita doctrinis, et laudabilium morum compositione uenusta. Non est ergo michi tam leue rem tam reddere preciosam et in tanto mee vite discrimine quesitam. Dic ergo regi tuo Exionam obtinere non posse nisi per acumen gladii trucidantis et teipsum reputo fatuum ualde factum quando de tali legatione pondus assumere uoluisti, cum scire deberes manifesto discrimini te proinde subicere et in eorum potentia qui te et tui similes prosequuntur stimulis hodiosis. Recede igitur ab hac terra festinus. Quod nisi instanter feceris, scias te sine dubio mortis periculum incursurum ».

Quod Anthenor audiens illico festinauit ad nauim et intrans in ipsam statim uentorum ductibus se commisit et ipso nauigante feliciter peruenit Achayam, ubi reges Castor et Pollux, de quibus supra dictum est, moram insimul protrahebant. Ad hos Anthenor, de naui descendens, accessit, et, eis exposita sue legationis forma sibi date per Priamum de sue restititione sororis et illatis ab ipsis iniuriis sine causa, de suorum morte parentum, sue vrbis excidio, et de rerum depopulatione suarum, ad predicta exposita per Anthenorem sic Castor irato sermone respondit: « Amice, quisquis es, nec credimus nec putamus Priamum offendisse indebite, cum Laumedon rex, eius genitor, causam prestiterit mali sui, qui tamquam incautus inconsulte prorumpens offensam primus intulerit in quosdam terre nostre maiores. Eius igitur odium magis appetimus quam querere pacem ipsius, cum tam per premissa quam sequentia premissorum aduersus ipsum et suos hostilitatis spiritum assumpserimus. Nec te multum, credo, dilexit qui te fuit ad huius legationis tractatum ortatus, cum et tu vitam tuam tibi parum caram esse monstraueris qui ob talem rem fines nostros presumpseris attigisse. Nulla igitur mora te teneat in hac terra, quia nisi discesseris festinanter, tue uite discrimen te senties subiturum ».

Anthenor autem hiis uerbis auditis illicentiatus recessit ab ipsis, ad nauim accellerat, et anchoris subductis a mari statim cum Anthenore uelificat ipsa nauis et recte nauigans uersus Pilon, ibi sanus applicuit, vbi dux Nestor in multorum suorum comitiua nobilium morabatur. Ad quem Anthenor, de naui descendens, se contulit et ei, legatum se asserens regis Priami, legationis sue formam, prout ante Castori et Polluci, per omnia explicuit. Nestor autem, ut uerba percepit Anthenoris, in iram totus exardens, factus ob furoris rabiem discolor, Anthenorem rigido uultu respicit ab obliquo et ei talia uerba dictans impetuose respondit : « Serue nequam, unde te tanta deducere presumpsit audacia ut talium prolatione sermonum inficere presumpseris aures meas ? Nisi me mea profecto frenaret nobilitas, mandarem a tuis faucibus linguam euelli, que tales prodiit in sermones et in dedecus regis tui, te tracto per terram ab equis membratim disiungi facerem membra tua. Discedas igitur a meo conspectu celeriter, quod si statim non feceris, que dixi tibi reuera tibi succedent ».

At Anthenor talium stupefactus horrore sermonum, dubitans tiranidem Nestoris et immanitatem ipsius, illico recedens ab ipso, suam peruenit ad nauim et incontinenti uelis extensis litora deserit piratarum. Et eo alta maria scindente pro reditu, odiosa cuiusdam rabies tempestatis obduxit aerem tenebrosa caligine, et contrariis ventis aflantibus funduntur ymbres in tonitruorum rugitu mirabili et corruscationum fulgoribus odiosis. Concitati fluctus a ventis excelsos tolluntur in montes. Nunc pup(p)is abstracta maris hyatibus periculosa petit yma profundi, nunc vndarum inflationibus eleuata per fluctus montuosa petit cacumina procellarum. Instat ergo euidens nauigantibus in ipsa uite discrimen et pro liberatione periculi effunduntur uaria diis uota. Sic ergo nauis illa per triduum patentibus subiecta periculis, quarto die cessauit tempestatis angustia et uentorum furor destitit mitigatus. Placantur maria, quiescunt fluctus, et nauigantes ipsi a mortis laqueis iam erepti spiritum confortationis assumunt, sic quod nauigantibus ipsis recto dyametro subsequenter ad oras Troyani portus adueniunt. Et eis descendentibus in terram optatam passu celeri ante omnia se conferunt ad tempia deorum, ubi eorum uota supplices diis soluunt, sic quod Anthenor, post uictimas diis oblatas et post sacrificia de more libata, ad magnam Priami regis regiam in comitiua multorum de suo redditu ualde letantium incolumis et sospes accessit.

Consedente igitur rege Priamo cum suorum comitiua maiorum, Priamus astantibus etiam quam pluribus aliis et eius filiis antedictis, Anthenor refert et recitat quicquid sibi in Grecia successerat seriatim. Narrat enim graue sibi responsum factum a Pelleo, minaces iniurias a Thelamone sibi datas, Castoris et Polucis obprobriosa responsa, duros et asperos a Nestore sibi timores incussos. Que omnia postquam audiuit rex Priamus, turbatus est ualde et dolore torquetur inmodice, senciens legatum suum in Grecia sic obprobriose receptum, et de recuperatione sororis sue factus est quodammodo desperatus.


Merci au professeur Francesco Chiappinelli, auteur de l'Impius Aeneas, de nous avoir fourni ces textes.