Aristote - Météorologie (II, 6)

Position générale des vents ; leur nombre, leurs dénominations. Réduction de tous les vents à deux espèces principales. - Influence des vents sur les variations du temps ; leurs actions diverses.


§ 1 Il nous faut expliquer maintenant quelle est la position des vents divers, quels sont les vents qui sont contraires entr'eux, quels sont ceux qui peuvent souffler à la fois, et ceux qui ne le peuvent pas, quelle est la nature des vents et quel en est le nombre ; et nous traiterons en outre de tous les détails qui n'ont pu être exposés dans les Questions particulières.   Dans les Questions particulières - Alexandre d'Aphrodisée ne dit pas ce que peuvent être ces Questions particulières ; il est possible que ce soit les Problèmes, où en effet il a été traité des vents (sectiou XXVI, ch. 36, p. 940, b, 16, édit. de Berlin), sans que cette étude ait été poussée très loin. Le mot grec pourrait recevoir aussi ce sens.
§ 2 Pour bien comprendre ce que nous dirons de leur position, il faut nous suivre sur le dessin ci-joint. Afin de rendre ceci plus clair, nous avons tracé le cercle de l'horizon ; et voilà pourquoi nous le faisons rond. Mais il faut se figurer en outre qu'il ne s'agit ici que d'une seule de ses sections, celle qui est habitée par nous ; car on pourra la diviser de la même façon.   Il faut nous suivre sur le dessin ci-joint - Voir plus haut, livre I, ch. 43, § 14, et dans ce second livre, oh. 5, § 13. L'usage des dessins explicatifs est dû sans doute à Aristote ; ou du moins il l'a beaucoup propagé, s'il ne l'a point inventé. -
Nous avons traoé le cercle de l'horizon - Alexandre d'Aphrodisée a soin de faire remarquer qu'il n'est point question ici de l'horizon de la terre entière, qui serait l'équateur, mais seulement de l'horizon de cette partie de la terre où nous habitons.
Une de ses sections - L'expression même du texte, qui aurait pu être plus clair, est : son autre section. Aristote veut dire sans doute que dans cette partie de la terre, il ne considère que celle où nous sommes ; l'autre étant inaccessible à notre vue par la rondeur même du globe.
De la même façon, qu'on diviserait l'horizon terrestre tout entier.
§ 3 Rappelons-nous d'abord que les choses contraires par le lieu sont celles qui, par le lieu qu'elles occupent, sont les plus éloignées l'une de l'autre, de même que les choses contraires en espèce sont les plus éloignées en espèce aussi. Or les choses les plus éloignées suivant le lieu sont celles qui sont entr'elles opposées diamétralement.   Contraires par le lieu - Voir la théorie des Contraires dans les Catégories, ch. XI, § 1, p. 121 de ma traduction.
Opposées diamétralement - La chose est évidente sur un cercle coupé par un diamètre. Les points contraires sont les deux extrémités du diamètre.
§ 4 Soit donc A pour l'occident équinoxial ; et le lieu contraire, B, l'orient équinoxial. Sur un autre diamètre coupant celui-ci à angle droit, soit G le nord ; et le point contraire en sens contraire, H, le midi. F sera l'orient d'été, comme E sera l'occident d'été, D l'orient d'hiver, et C l'occident d'hiver. De F, menez un diamètre en C, et de D en E.   Soit donc A pour l'occident équinoxial - Il faut tracer un cercle coupé d'abord par deux diamètres à angles droits, qui donneront le nord G et le sud H de haut en bas, et l'ouest A et l'est B de gauche à droite. Deux autres diamètres placés à 23° des premiers donneront le lever d'été F et le lever d'hiver D d'un côté, et le coucher d'hiver C et le coucher d'été E de l'autre côté. On joindra par des diamètres le lever d'été et le coucher d'hiver d'une part, et d'autre part le lever d'hiver et le coucher d'été.
B l'orient équinoxial - j'ai conservé les lettres mêmes du texte autant que je l'ai pu ; mais il m'a fallu quelquefois les changer à cause de la série de notre alphabet. D'ailleurs, l'explication du texte lui-même est fort claire.
§ 5 Puisque les points les plus éloignés suivant le lieu sont ce qu'on appelle les contraires suivant le lieu, et que les points les plus éloignés le sont suivant le diamètre, il en résulte nécessairement que les vents sont contraires les uns aux autres, quand c'est suivant le diamètre qu'ils sont opposés entr'èux.   Contraires suivant le lieu - Voir plus haut, § 3.
§ 6 Voici les noms que l'on donne aux vents selon la position des lieux : vent d'ouest, zéphyre, celui qui vient de A ; c'est l'occident équinoxial. Le contraire de celui-là, l'Aphéliote, souffle de B ; car B est l'orient équinoxial. Le Borée et le Vent de l'Ourse soufflent de G ; car c'est là qu'est la grande Ourse. Le vent contraire à celui-là, le vent du midi, souffle de H. C'est du midi qu'il souffle, et H est contraire à G ; car il lui est diamétralement opposé.   Vent d'ouest - J'ai ajouté ces mots pour que la pensée fût très claire ; le texte n'a que : Zéphyre.
L'Aphéliote, vent d'est, qui souffle du côté où le soleil se lève le jour de l'équinoxe.
Le Borée, ou le vent du nord.
Le vent de l'Ourse, c'est la traduction exacte du mot grec. Au lieu de Borée, on pourrait dire aussi : Aquilon.
La grande Ourse, le texte dit simplement : l'Ourse.
Le vent du midi, ou Notus.
§ 7 De F, c est le Caecias qui souffle, (le vent du nord-est) ; car c'est l'orient d'été. Le contraire du Caecias n'est pas celui qui souffle de E, mais celui qui souffle de C, le Lips, (le vent du sud-ouest) ; car il souffle de l'occident d'hiver, et il lui est contraire, puisqu'il lui est diamétralement opposé. De D vient l'Eurus (vent du sud-est) ; car il souffle de l'orient d'hiver, et il se rapproche du vent du sud ; et c'est là ce qui fait qu'on dit que les vents du sud-sud-est soufflent souvent. Le contraire de celui-là n'est pas le vent qui souffle de G, le Lips (vent du sud-ouest), mais celui qui vient de E, et que l'on appelle tantôt Argeste, tantôt Olympias, tantôt Sciron ; car ce vent souffle de l'occident d'été, et c'est le seul qui soit diamétralement opposé au vent de sud-est.   Le Caecias - J'ai conservé le mot grec ; mais c'est évidemment le vent du nord-est, ainsi que je l'ai indiqué entre parenthèses.
De E, qui est le coucher d'été et qui correspond diamétralement au lever d'hiver.
Le vent du sud-ouest - J'ai ajouté cette explication entre parenthèses, tout en gardant le mot grec de Lips.
De D vient l'Eurus, même remarque.
Il se rapproche du vent du sud - C'est là ce qui fait qu'on l'appelle sud-est, mot composé qui exprime très bien l'idée qu'il doit rendre.
De sud-sud-est - Ici j'ai cru devoir traduire et non reproduire le mot grec Euronotoi, qui indique les vents placés entre le sud-est et le sud, c'est-à-dire le sud-sud-est.
De C, c'est-à-dire le coucher d'hiver.
(Vent du sud'ouest), ou peut-être mieux, le vent de ouest-sud-ouest.
De E, c'est-à-dire le coucher d'été. C'est le vent de nord-ouest.
§ 8 Tels sont donc les vents qui sont opposés les uns aux autres diamétralement, et qui ont des contraires. Il y en a encore d'autres où les directions ne sont pas contraires aussi précisément. Ainsi de I, souffle le vent qu'on appelle Thrascias, et qui tient le milieu entre l'Argeste et le vent du nord. De K souffle celui qu'on appelle le Mésès ou Moyen, et qui l'est en effet entre le Caecias (le nord-est) et le nord. Le diamètre IK est à peu près suivant le cercle qui est toujours visible ; mais il n'y est pas tout à fait exactement.   Aussi précisément - Ceci n'est peut-être pas très juste ; et comme les vents soufflent toujours en ligne droite, il est clair qu'ils peuvent toujours être opposés les uns aux autres diamétralement. Ce qui est vrai, c'est que les nuances deviennent de plus en plus difficiles à marquer, à mesure qu'elles se multiplient.
Ainsi de I, c'est à-dire du nord-nord-ouest, à l'extrémité du cercle polaire prise sur la circonférence où sont tracées les directions des vents.
Qu'on appelle le Moyen, c'est le nord-nord-est qui est entre le Caecias (nord-est) et le nord ou Borée.
Le diamètre IK, à proprement parler, ce n'est pas un diamètre ; car cette ligne ne passe pas par le centre.
Suivant le cercle qui est toujours visible, c'est-à-dire le cercle polaire.
Tout à fait exactement, ces vents partent de points de l'horizon qui sont un peu au-dessous du cercle polaire.
§ 9 Or il n'y a pas de contraires pour ces vents, ni pour le Thrascias ni pour le Moyen ; car il faudrait pour le Moyen qu'il en soufflât un de M, qui est le point diamétralement opposé ; ni pour I, le Thrascias ; car il faudrait qu'il en soufflât un du point N, qui lui est opposé diamétralement. Toutefois, s'il n'en souffle pas un de ce point précisément, il y en a un qui souffle d'un point très voisin et que les habitants de ces contrées nomment le Phénicias.   Il n'y a pas de contraire - Il semble que la théorie s'oppose à cette assertion et que tout vent doit avoir son contraire. Mais Aristote veut dire sans doute qu'en fait on n'a pas observé de vent soufflant de points de l'horizon contraires à ceux d'où viennent le Thrascias et le Moyen.
Qu'il en soufflât un de M, c'est-à-dire à peu près de sud-sud-ouest.
Un de N, c'est-à-dire de sud-sud-est.
D'un point très voisin, qui se trouve aussi dans le sud-sud-est.
Phénicias - Il semble d'abord que ce nom doit répondre à la Phénicie, qui, relativementà la Grèce, est située à peu près dans la direction qu'Aristote indique. Mais en traçant la circonférence qu'il décrit, on voit que le Phénicias est placé beaucoup plus bas, puisqu'il doit être plus rapproché du sud que du sud-sud-est.
§ 10 Tels sont donc les principaux vents qui ont été déterminés, et telle est leur disposition générale. S'il y a plus de vents venant des lieux du nord qu'il n'y en a venant des lieux du midi, c'est que la terre habitée est située sous ces premières régions, et qu'aussi il y a beaucoup plus d'eau et de neige repoussées dans ces régions, parce qu'elles sont sous le soleil et sous son cours. L'eau et la neige venant à fondre et à s'infiltrer dans la terre, et étant échauffées par le soleil et par la terre, il faut nécessairement par cette cause que l'évaporation soit plus considérable, et se produise sur une beaucoup plus vaste étendue.   Tels sont donc les principaux vents - On voit que du temps d'Aristote on connaissait déjà la Rose des vents, et qu'on s'en rendait fort bien compte. Ce n'est peut-être pas Aristote qui a inventé cette théorie ; et d'ailleurs elle résulte de la nature même des choses avec une telle évidence qu'il était assez facile de s'en rendre compte. Mais certainement le grand nom d'Aristote aura beaucoup contribué à propager ces notions. Aujourd'hui on divise la circonférence en seize parties égales par des diamètres qui se coupent à angles droits, et c'est déjà seize vents principaux. Si cette division ne suffit pas et qu'on veuille une approximation plus grande, on ajoute les degrés à partir soit du nord, soit du sud, et en indiquant si la déclinaison est orientale ou occidentale.
Qui ont été déterminés - Aristote sentait donc qu'on pouvait encore en déterminer d'autres. Il n'y avait de son temps que douze vents ; au temps d'Alexandre d'Aphrodisée, on n'en comptait pas non plus davantage, comme son commentaire le prouve.
La terre habitée, c'est toujours la portion du globe que connaissaient les anciens.
Est située sous ces premières régions, et que par conséquent on peut y observer les phénomènes beaucoup mieux.
Repoussée ou accumulée. J'ai préféré le premier mot comme répondant plus exactement à celui du texte.
Dans ces régions, on sait au contraire qu'il y a encore plus de glace et d'eau vers le pôle sud que vers le pôle nord.
>Sous le soleil et sous son cours, pendant le solstice d'été, comme le remarque Alexandre d'Aphrodisée.
L'évaporation soit plus considérable, et que par conséquent elle produise beaucoup plus de vent, puisque, selon Aristote, c'est l'évaporation qui est la cause principale du vent.
§ 11 De tous les vents qu'on vient de nommer, le plus distinct est le Borée, qu'on appelle aussi le vent de l'Ourse. Le Thrascias participe de l'Argeste et du Moyen ; le Caecias, de l'Aphéliote et du Borée. On appelle vent du midi à la fois celui qui vient directement du midi, et celui du sud-ouest, le Lips. On appelle Aphéliote à la fois et celui qui vient de l'orient équinoxial, et l'Eurus ou vent de sud-est. Le nom de Phénicias est commun à plusieurs vents ; et l'on appelle vent d'ouest à la fois et celui qui vient réellement de l'ouest, et celui qu'on nomme Argeste.   Le plus distinct, je ne suis pas sûr d'avoir bien compris ce passage, parce que le mot grec pourrait signifier le plus violent aussi bien que le plus distinct. Alexandre d'Aphrodisée paraît trouver tout ceci fort clair, et il n'en donne aucune explication. Peut-être avait-il une autre leçon que nous. Quant aux manuscrits, ils donnent plusieurs variantes dont aucune n'est plus satisfaisante que le texte ordinaire.
Participe, le mot du texte est fort obscur ; et Alexandre d'Aphrodisée ne le commente pas plus que ce qui précède. Le Thrascias participe de l'Argeste et du Borée; mais non pas du Moyen, qui est placé au nord-nord-est. Il n'y a point de variantes dans les manuscrits.
Le Caecias, est en effet un vent du nord-est, et il est placé par conséquent entre l'est et le nord.
Et celui du sud-ouest, j'ai dû paraphraser le mot grec pour que ces rapprochements fussent plus intelligibles.
Ou vent de sud-est, même remarque.
Commun à plusieurs vents - Le texte emploie ici le même mot dont il s'est servi plus haut en parlant du Thrascias. On peut comprendre aussi que le vent appelé Phénicias participe du sud ou de l'est, et peut être indifféremment rapporté à l'un ou à l'autre.
Qu'on nomme Argeste, l'Argeste est précisément le vent du nord-ouest, venant du coucher d'hiver, selon les théories d'Aristote.
§ 12 D'une manière générale, on peut diviser les vents en vents du nord et vents du midi. On met les vents d'ouest avec ceux du nord ; car ils sont plus froids, parce qu'ils soufflent de l'occident ; et l'on met avec le vent du midi tous ceux qui viennent de l'est, parce qu'ils sont plus chauds, attendu qu'ils soufflent de l'orient.   On peut diviser - Cette division des vents en deux grandes classes du nord et du midi se trouve déjà dans Hippocrate, Traité des airs, des eaux et des lieux, ch. 3 et 4, p. 15 et suiv., de l'édit, de M. E. Littré. On la retrouve également plus tard dans Strabon, et elle est encore aujourd'hui très acceptable.
Les vents d'ouest avec ceux du nord, c'est ce qu'on fait encore très souvent dans le langage ordinaire ; et comme dans nos climats, le vent d'ouest est en général très pluvieux, il est parfois presqu'aussi froid que celui du nord.
De l'occident, ou en d'autres termes du coucher du soleil.
De l'orient, ou du lever du soleil.
§ 13 C'est donc en déterminant les vents par le froid et la chaleur et par la douceur de température, qu'on les a dénommés, comme on vient de le voir. Ceux qui soufflent de l'est sont plus chauds que ceux qui soufflent de l'ouest, parce que ceux qui viennent de l'est sont plus longtemps sous le soleil. Quant à ceux qui viennent de l'ouest, le soleil cesse plus vite ; et il ne se rapproche que plus tard du lieu d'où ils soufflent.   Et par la douceur de température, ou peut-être : sécheresse. La science moderne explique aussi toutes les variations des vents par des différences de température.
Sont plus longtemps sous le soleil - Ceci n'est pas très clair ; et les explications que donne Alexandre d'Aphrodisée ne contribuent pas à éclaircir beaucoup la difficulté.Il semble qu'Aristote pense que les contrées orientales de la terre reçoivent plus longtemps les rayons solaires que les contrées occidentales, et qu'étant plus échauffées, les vents qui en viennent doivent être aussi plus chauds. Le soleil n'arrive que fort tard à l'occident, et à peine y est-il arrivé que sa lumière disparaît ainsi que sa chaleur.
§ 14 Les vents étant donc ainsi rangés, il est évident que les vents contraires ne peuvent pas souffler en même temps ; en effet, puisqu'ils sont diamétralement opposés, il faudrait que l'un des deux cessât forcément de souffler. Mais ceux qui ne sont pas disposés de cette façon, les uns par rapport aux autres, peuvent parfaitement souffler à la fois. Ainsi F et D. C'est là ce qui fait que parfois deux vents favorables soufflent ensemble pour pousser un navire vers le même lieu, et ils ne viennent pas du même point de l'horizon et ne se confondent pas en un seul vent.   Ne peuvent pas souffler en même temps - Ceci n'est pas absolument exact ; les deux vents contraires peuvent souffler en même temps ; mais il faut que l'un l'emporte sur l'autre, et l'un des deux se trouve neutralisé, à moins qu'ils ne soient tous deux d'égale force.
Cessât forcément de souffler, parce que l'autre le dominerait ; mais il faut toujours faire cette réserve que les deux vente sont supposés de force différente.
Ainsi F et D, dans la Rose des vents décrite un peu plus haut, F est le Caecias ou vent du nord-est, et D est l'Eurus ou vent du sud-est. Ces deux vente peuvent en effet souffler simultanément, bien qu'à un certain point ils doivent nécessairement se rencontrer et se neutraliser sur ce point.
De l'ohorizon - J'ai ajouté ces mots.
§ 15 Ce sont, pour les saisons contraires, les vents contraires qui soufflent le plus. Ainsi à l'équinoxe de printemps, c'est le Caecias, et en général tous les vents posés au-delà du tropique d'été ; et à l'équinoxe d'automne, ce sont les vents du sud-ouest ; au solstice d'été, le vent d'ouest ; et celui de sud-est, au solstice d'hiver.   Ce sont, pour les saisons contraires - Il ne faut jamais perdre de vue qu'Aristote observe en Grèce ; et que c'est surtout à ce pays que ses observations se rapportent. La science moderne s'est beaucoup occupée aussi de l'influence des saisons sur les vents ; et les résultats généraux qu'elle a constatés pour l'Europe, se rapprochent souvent de ceux qu'indique ici Aristote.
C'est le Caecias, ou vent du nord-est.
Au-delà du tropique d'été, c'est-à-dire entre le nord-est et le nord.
§ 16 Ce sont le plus généralement les vents du nord, les Thracias et les Argestes, qui surviennent après les autres vents et les font cesser ; car s'ils sont si fréquents et s'ils soufflent si violemment, c'est que leur point de départ est trè proche. Aussi sont-ils les plus sereins de tous les vents. Soufflant de près, ils ont d'autant plus de force et ils suppriment les autres vents ; et dispersant les nuages condensés, ils amènent le beau temps, à moins qu'en même temps ils ne soient très froids.   Les Thrascias et les Argestes, vents du nord-nord-ouest et du nord-ouest.
Surviennent après les autres vents, le texte dit précisément : tombent sur les autres vents.
Leur point de départ est très proche, cette pensée n'est point expliquée par Alexandre d'Aphrodisée, et elle reste obscure. Il ne semble pas en effet que le point de départ de ces vents sur notre horizon soit plus rapproché de nous, que celui des vents de nord-est et de nord-nord-est, par exemple.
Les plus sereins de tous les vents, dans nos contrées, ce sont les vents d'est et de nord-est qui sont particulièrement sereins. Il est possible que sous le climat de la Grèce, il en soit autrement.
Soufflant de près, il ne semble pas, d'après la position de ces vents décrite plus haut, qu'ils soient plus près de nous que les autres.
§ 17 Alors en effet ils ne sont pas sereins ; car s'ils sont plus froids que forts, ils déterminent la condensation avant d'avoir chassé les nuages. Le Caecias n'est pas serein, parce qu'il les ramène sur lui-même, d'où vient le proverbe populaire : Il tire tout à lui, comme le Caecias attire le nuage.   La condensation, ou peut-être : la congélation. Il faut sous-entendre sans doute : des vapeurs.
Le Caecias, ou vent du nord-est.
Il les ramène sur lui-même, ou bien : Il se replie sur lui-même ; ce qui représente à peu près la même idée. Après avoir poussé les nuages, il les ramène au point d'où ils sont partis, en revenant sur sa propre course. Nous ne voyons pas dans nos climats que le vent de nord-est produise rien de pareil. Aulu-Gelle, Nuits attiques, livre II, ch. 22, cite ce passage de la Météorologie.
§ 18 Lorsque les vents viennent à cesser, les changements dans ceux qui les suivent ont lieu suivant le déplacement du soleil, parce que c'est ce qui touche le principe qui reçoit le mouvement le plus fort ; et le principe des vents est mis en mouvement juste comme le soleil lui-même.   Suivant le déplacement du soleil, il faut se rappeler qu'Aristote croyait au mouvement du soleil ; c'est donc du déplacement quotidien de l'astre qn'il veut parler ; et c'est à ce déplacement qu'il attribue la plus grande influence sur le changement des vents.
C'est ce qui touche le principe, l'expression du texte est aussi vague, et je n'ai pu la préciser davantage. - Juste comme le soleil lui-même, qui cause dans l'atmosphère toutes les modifications d'où sortent les vents.
§ 19 Les vents contraires produisent, ou le même effet que leurs opposés, ou un effet contraire. Ainsi le Lips, le vent du sud-ouest, et le Caecias, que l'on appelle aussi Hellespontin, sont humides, ainsi que le vent d'est, l'Eurus, qu'on appelle aussi Aphéliote. L'Argeste et le vent d'est sont secs ; et ce dernier est sec au début, et aqueux à la fin. Le Moyen, et surtout le vent du nord, sont neigeux ; car ils sont les plus froids de tous. Le vent du nord amène de la grêle, ainsi que le Thrascias et l'Argeste. Le vent du midi, le vent d'ouest et le vent d'est sont chauds.   Le même effet, sous le rapport de l'humidité et de la sécheresse, comme la suite le prouve.
Le Caecias, vent du nord-est opposé diamétralement au sud-ouest.
Hellespontin, l'Hellespont se trouve en effet au nord-est de la Grèce. On conçoit dès lors que le vent du nord-est qui passait au-dessus de la Mer Noire fût humide ; dans nos climats, au contraire, c'est un des plus secs, parce qu'il a passé sur tout le continent.
L'Argeste, ou vent du nord-ouest ; il n'est pas sec dans nos climats, et il est presqu'aussi humide que le vent de sud-ouest.
Le vent d'est, dans nos climats, il est sec autant qu'il pouvait l'être en Grèce.
Le Moyen, ou vent de nord-nord-est.
Le vent du nord amène de la grêle, ce phénomène ne se produit pas dans nos climats, et la grêle tombe par tous les vents à peu près.
§ 20 Le Caecias charge le ciel de nuages épais. Avec le Lips, vent du sud-ouest, les nuages sont moins condensés ; et pour le Caecias, c'est parce qu'il les fait revenir sur lui-même et qu'il participe du vent du nord et du vent d'est, de telle sorte que, par son froid, condensant l'air qui s'évapore, il le forme en nuages ; et comme par sa place il se rapproche des vents d'est, il amène beaucoup de matières et de vapeurs qu'il chasse devant lui. Le vent du nord, le Thrascias et l'Argeste sont sereins ; et nous en avons dit antérieurement la cause.   Le Caecias charge le ciel de nuages épais, dans nos climats au contraire le veut de nord-est amène en général le beau temps.
Parce qu'il les fait revenir sur lui-même, ou retient sur lui-même, Voir plus haut § 17.
Condensant ou congelant.
Il se rapproche des vents d'est - J'ai dû développer un peu le texte, pour rendre la force de l'expression grecque.
Beaucoup de matière et de vapeurs, dans nos climats le vent de nord-est est au contraire très sec ; mais comme je l'ai dit plus haut, le vent de nord-est pour arriver en Grèce passait par-dessus le Pont Euxin, où il recueillait sans doute beaucoup d'humidité.
Antérieurement - Voir un peu plus haut, § 16.
§ 21 Ce sont ces derniers et le Moyen qui amènent le plus souvent les éclairs. Ils sont froids, parce qu'ils soufflent de près ; et c'est par le froid que se forme l'éclair ; car il est expulsé des nuages, quand ils se réunissent. C'est là ce qui fait aussi que quelques-uns de ces vents amènent la grêle, parce qu'ils produisent une rapide congélation.   Le Moyen, ou vent de nord-nord-est.
Qui amènent le plus souvent les éclairs - Il est possible qu'il soit ici question des aurores boréales, plutôt que des éclairs proprement dits ; et alors on peut dire jus'quà un certain point que ces éclairs se produisent surtout par les vents du nord, puisque c'est au nord que se produit ce phénomène.
Parce qu'ils soufflent de près, Voir les vents tempétueux, même remarque.
C'est par le froid que se forme l'éclair - Il n'est pas besoin de faire remarquer cette erreur.
Amènent la grêle, Voir plus haut, § 19. Il n'y a riend 'étonnant à ce qu'Aristote se trompe sur la formation de la grêle ; c'est un des phénomènes de météorologie qui, encore aujourd'hui, sont les moins bien connus.
§ 22 Ils deviennent tempétueux surtout à l'automne, puis au printemps ; et ce sont particulièrement les vents du nord, le Thrascias et l'Argeste. Ce qui rend les vents tempétueux, c'est surtout quand des vents surviennent au milieu d'autres vents qui soufflent ; et ce sont spécialement les vents que je viens de désigner qui surviennent ainsi. Nous en avons encore dit antérieurement la cause.   Ils deviennent tempétueux - Le mot du texte a ce sens particulier qu'il exprime que les vents sortent des nuages mêmes. Je n'ai pu rendre cette nuance, qui aurait exigé une longue paraphrase.
Ce qui rend les vents tempétueux, même remarque.
Antérieurement, Voir plus haut, § 16.
§ 23 Les vents étésiens oscillent, pour ceux qui habitent vers l'occident, de vents du nord en vents Thrascias, Argestes,et Zéphyres ; car le Zéphyre (vent d'ouest) tient aussi du nord ; et les vents étésiens commencent par le nord et finissent dans les vents éloignés de ce point. Pour ceux qui habitent l'est, les vents étésiens oscillent et s'étendent jusqu'à l'Aphéliote.   Pour ceux gui habitent vers l'occident - Ce passage est obscur ; et rien ne l'explique dans les commentateurs grecs. On ne comprend pas comment il pourrait être question ici des hommes qui habitent les diverses parties de la terre. Si l'expression du texte était moins précise, on pourrait croire que c'est une métaphore, et qu'on applique aux vents qui habitent différentes régions, ce qu'on ne dit ordinairement que des peuples. Alors il faudrait traduire : « Les vents étésiens se changent, pour ceux qui sont placés vers l'occident, de vents du nord, etc ». Ce sens doit être le véritable sans doute ; mais le texte ne s'y prête guère.
Thrascias, Argestes et Zéphyres, c'est-à-dire en vents de nord-nord-est, nord-est et ouest.
Tient aussi du nord, ceci contredit un peu la fin du § 19, où le vent d'ouest est considéré comme un vent chaud.
Dans les vents éloignés de ce point, c'est-à-dire qu'ils oscillent jusqu'à l'ouest.
Pour ceux qui habitent l'est, même remarque que plus haut.
Oscillent et s'étendent, il n'y a qu'un seul mot comme plus haut.
§ 24 Voilà tout ce que nous avions à dire sur les vents, sur leur production à partir de leur origine, sur leur nature, sur leurs caractères généraux et sur le caractère particulier de chacun d'entr'eux.   Ce que nous avions à dire, résumé exact des trois chapitres précédents, 4, 5 et 6, qui sont des plus remarquables.

Références bibliographiques

Météorologie d'Aristote
traduite en français pour la première fois et accompagnée de notes perpétuelles
avec le petit traité apocryphe Du Monde
Par J. Barthélémy Saint-Hilaire, membre de l'Institut
Paris, A. Durand, Librairie philosophique de Ladrange (1863)