Portrait de Ludovic Massé en 1933 - © Editions Grasset
Un visage clair, un regard qui se pose sur les choses
comme pour les animer d'une vie placide et harmonieuse.
Le sens du merveilleux, où baignent ces montagnes du
Vallespir, ces forêts de chênes-liège, ces
villages dédaigneux et dignes.
Une connaissance nuancée et directe du
tempérament paysan, de ses goûts, de ses
superstitions. Une interprétation mystérieuse
qui ne trouve en définitive sa source que dans de
prosaïques motifs.
Certains débutent dans la littérature avec des
idées personnelles, des initiatives, des conceptions
politiques et sociales définies,
systématisées. Ils apportent «quelque
chose». Ludovic Massé, lui, s'avance
modestement, un livre à la main, oeuvre toute chaude
encore d'avoir été longuement mûrie. Il
s'appuie sur le fragile étai des conceptions
individualistes. Il affirme : «quelqu'un».
Oeuvre du terroir, c'est sa première marque
significative, encore qu'elle se défende avec bonheur
du vernis quelque peu craquelé d'un
régionalisme à lunettes et à pellicules.
On n'y retrouve qu'avec plus de sûreté la fine
et malicieuse bonhomie, le sens aigu du symétrique, la
passion fougueuse de netteté qui semblent constituer
l'essentiel du génie catalan.
Massé construit seul un monde qu'il voudrait purifier
d'un souffle humanitaire, comme un enfant superpose les cubes
de son jeu. Il s'est fait riche d'une connaissance parfaite
de l'atmosphère et du milieu, de tout ce qui touche
à la vie des champs et du village, aux travaux et
métiers de leurs habitants, aux habitudes et
sentiments qui leur sont propres, aux inquiétudes de
leur état, aux passions qui les agitent, aux plaisirs
qu'il leur arrive de prendre.
Ils sont propriétaires, métayers ou
travailleurs en journée, artisans de l'espadrille ou
du bouchon, bûcherons ou charbonniers, écorceurs
de liège, vendangeurs, marchands ambulants,
contrebandiers ou simplement vagabonds, tous fiers,
épris de liberté, aimant la chasse, le sport,
les fêtes populaires, la course de taureaux.
Ludovic Massé nous révèle tout cela, en
toute vérité et humanité et un peu comme
en un portrait de lui-même, dans Terre du
Liège, son chef-d'oeuvre.
Anarchiste de tempérament, écorché vif,
il a gardé, de ce fait même, toute la
pureté de son âme.