Emmanuel Arago (1812-1896)
Fils de François, avocat, né à
Paris le 6 août 1812, il débuta dans la
carrière du barreau en 1836, où il se
distingua. A peine âgé de trente-quatre
ans, il fut, élu par ses confrères membre
du conseil de l'ordre, et ce titre honorable lui fut
confirmé dans l'élection suivante. Dans
le grand nombre de causes politiques et de
procès de presse qu'il plaida, c'est à
ses convictions de démocrate, et souvent
à ses sympathies pour les accusés dont il
avait accepté la défense, qu'il dut ses
plus belles inspirations. Sans entreprendre la longue
énumération des affaires dans lesquelles
il justifia la confiance de son parti, il suffit de
rappeler qu'il fut choisi, en 1839, pour
défendre, devant la cour des pairs,
Barbès et Martin-Bernard. En février
1848, il prit une part active au mouvement
révolutionnaire. Le matin du 24, lorsqu'on
annonçait publiquement l'abdication de
Louis-Philippe, c'est lui qui, du haut du balcon de
l'hôtel de la rue Lepelletier, occupé par
les bureaux du National, et, où
s'étaient réunis les
délégués républicains de
tous les quartiers, protesta contre cette abdication en
proclamant la déchéance de la monarchie
et la nécessité d'un gouvernement
provisoire. Choisi par cette réunion pour
s'opposer à la proclamation de la régence
dans la Chambre des députés, il courut au
Palais-Bourbon avec MM. Sarrans jeune, Chaix et
Duméril, chargés de la même
mission. |
Base de données
Mémoire
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Après avoir traversé la place de la Concorde,
toute couverte de troupes, les délégués
arrivèrent à la grille de la Chambre, et
parvinrent à se la faire ouvrir au moment précis
où survenaient de leur côté la duchesse
d'Orléans, ses fils et les ducs de Nemours et de
Montpensier. Ils pénétrèrent jusque dans 1a
salle des séances en même temps que la princesse
désignée comme régente de France ; et
tandis que M. Dupin lisait à la tribune l'acte
d'abdication, Emmanuel Arago, se tenant sur les marches
mêmes de la Tribune, protestait à haute voix, en
revendiquant les droits de la nation. Des députés
de l'extrême-gauche, MM. Ledru-Rollin, Marie,
Crémieux, puis M. de Lamartine, renouvelèrent,
comme représentants, cette protestation venue du dehors.
Puis, le peuple arrivant en foule, les princes et la duchesse
disparurent, non sans périls, et le gouvernement
provisoire fut décrété séance
tenante.
Quelques jours après, le 27, Emmanuel Arago reçut
mission de se rendre à Lyon, en qualité de
commissaire général de la République. On
représentait cette grande ville, avec ses cinquante mille
ouvriers, comme un foyer certain de désordres sanglants,
et l'on dut laisser à l'initiative du commissaire
général la plus complète latitude.
Les actes principaux de son administration furent :
l'établissement d'un impôt de quatre-vingt-dix
centimes et le prélèvement sur un fonds de 500.000
francs destiné au Comptoir national de Lyon de la somme
nécessaire pour entretenir les ateliers nationaux. Un
vote de l'Assemblée constituante, dans la séance
du 15 février 1849, mit fin aux violentes accusations
dont Emmanuel Arago était l'objet à ce propos. Un
certain nombre de pétitionnaires, habitants de Lyon,
avaient dénoncé ces actes comme illégaux et
arbitraires. L'Assemblée considéra que, pris dans
des circonstances tout à fait exceptionnelles, et
régularisées d'ailleurs par un décret du
gouvernement provisoire, ils méritaient une approbation.
Elle passa à l'ordre du jour, après avoir entendu
les explications du principal intéressé, et sur le
rapport, favorable de Frichon.
Aux élections du 23 avril 1848, Emmanuel Arago fut
élu, le troisième sur cinq, représentant
des Pyrénées-Orientales par 30.330 voix sur 36.773
votants. Mais il ne prit que très peu de part aux votes
de la Constituante, ayant rempli, depuis son élection
jusqu'à l'avènement à la présidence
de Louis-Napoléon Bonaparte,les fonctions de ministre
plénipotentiaire à Berlin. Démissionnaire
au 10 décembre 1848, il revint à Paris occuper son
siège de représentant et vota avec la
gauche.
Réélu, le 13 mai 1849, à la
Législative par son département, le
deuxième sur quatre, avec 21.478 voix sur 32.466 votants,
il vota ordinairement avec la Montagne, contre la droite
monarchiste et contre la politique présidentielle. Le 2
décembre l'enleva à la vie parlementaire ; il
reprit sa profession d'avocat à Paris et plaida notamment
le procès de Berezowski, en 1867, qui avait, au Bois de
Boulogne, tiré un coup de pistolet sur l'empereur de
Russie.
Candidat de l'opposition démocratique aux
élections du 22 juin 1857 dans les
Pyrénées-Orientales, il échoua et se
présenta, le 24 mai 1869, à la fois dans son
département d'origine et dans le Var ; il réunit
un plus grand nombre de voix mais ne réussit pas encore.
Ce ne fut qu'aux élections partielles du 22 novembre
1869, dans la 8° circonscription de la Seine, qu'il fut
élu au Corps législatif, avec 19.832 voix sur
32.823 votants. Il remplaçait Jules Simon qui venait
d'opter pour la Gironde.
Il alla siéger à gauche, fit une vive opposition
au ministère 0llivier, contre lequel il prit plusieurs
fois la parole, et vota contre la déclaration de guerre
à l'Allemagne.
Après la chute de l'Empire, Emmanuel Arago fut, comme
député de Paris, un des membres du Gouvernement de
la Défense nationale, proclamé à
l'Hôtel-de-Ville le 4 septembre 1870. Lors du
départ de Crémieux, Glais-Bizoin et Fourichon,
délégués à Tours pour
représenter le Gouvernement en province, il fut
chargé, par intérim, du ministère de la
Justice pour la partie politique. Il se trouvait à
L'Hôtel-de-Ville 31 octobre, lors du mouvement
insurrectionnel ; prisonnier des envahisseurs, il fut, à
la fin de la journée, délivré par la garde
nationale. Après l'amnistie, il fit lui-même partie
de la seconde délégation envoyée à
Bordeaux auprès de Gambetta et chargée de faire
exécuter le décret du Gouvernement sur les
élections. Gambetta ayant donné sa
démission de ministre de l'Intérieur, Emmanuel
Arago fut nommé à sa place ; il conserva cette
fonction jusqu'à la nomination d'Ernest Picard par Thiers
qui venait d'être élu chef du Pouvoir
exécutif (19 février 1871).
Elu lui-même, quelques jours auparavant,
représentant des Pyrénées-Orientales avec
23.162 voix sur 29.916 votants, ii se fit inscrire au groupe de
la gauche républicaine qu'il présida, et vota la
Constitution du 25 février 1875.
Doué d'une voix retentissante, Emmanuel Arago a fait
dire de lui qu'il fut, à l'Assemblée nationale, un
des orateurs les plus écoutés et certainement le
mieux entendu de la gauche.
Porté aux élections sénatoriales du 30
janvier 1876, dans les Pyrénées-Orientales, il fut
élu avec 160 voix contre 121 données à
Justin Durand.
Réélu sénateur le 8 janvier 1882 par 157
voix contre 118 à Charles de Lazerme, il vota constamment
avec la gauche, sauf pendant les fréquentes absences
nécessitées par ses nouvelles fonctions
diplomatiques : depuis 1880, il représenta la France
à Berne comme ambassadeur près de la
République helvétique.