Dagobert de Fontenille (1736-1794)

Luc-Siméon-Auguste Dagobert de Fontenille, général français, né le 8 mars 1736, à la Chapelle, près Saint-Lô, est mort à Puycerda, le 28 avril 1794. Il entra au service le 9 mars 1756, comme sous-lieutenant dans le régiment du Tournaisis. Il fit toutes les campagnes de la guerre de Sept Ans, et fut blessé dans plusieurs combats, notamment à la bataille de Minden, à Ober-Vemer et à Clostercamp. Il fit aussi trois campagnes en Corse, et s'y distingua également.

Nommé successivement capitaine le 8 juin 1768, major le 27 mai 1787, colonel le 27 mai 1792, il fut promu au grade de maréchal de camp le 20 septembre 1792. Employé en cette qualité, à partir du 20 novembre suivant, à l'avant-garde de l'armée d'Italie, il battit les ennemis au col de Bronns, et s'empara de leur camp. Nommé général de division le 15 mai suivant, il continua à faire la guerre en Italie, sous les ordres du général Biron.

© Agnès Vinas

Ses débuts avaient été marqués par des succès. Dès le 14 février 1794, n'ayant avec lui que 800 hommes, il avait attaqué et battu à Sospeillo un corps autrichien de 2.000 hommes. Le combat fut opiniâtre ; mais l'ennemi, partout culbuté, perdit 300 prisonniers. Cet avantage n'était que le prélude de la victoire que Dagobert remporta dans les journées des 28 février, 1 et 2 mars suivant. Biron ayant résolu de chasser les ennemis du comté de Nice, lui donna l'ordre d'attaquer les hauteurs du col de Negro. Ces hauteurs furent emportées en un instant, et Dagobert continua sa marche avec ses troupes qui formaient la droite de l'armée, tandis que la gauche, commandée par le général Brunet, suivait le même mouvement. L'ennemi fut chassé de position en position, jusqu'à la Vesubia, et l'armée française établit son bivouac sur la rive gauche. Le 2 mars au matin, le général Dagobert culbuta les troupes légères qui occupaient encore quelques hauteurs sur les deux rives de la Vesubia, pendant que le général Brunet s'emparait du Belvédère, que les autrichiens occupaient en force. Dans ces diverses affaires, Dagobert avait déployé une grande vigueur et des talents militaires qui attirèrent sur lui l'attention du gouvernement.

La guerre venait d'être déclarée en Espagne. Ce fut lui que la Convention chargea du commandement en chef de l'armée des Pyrénées-Orientales. Mais l'année à la tête de laquelle il venait d'être placé était si peu nombreuse qu'il crut que les moyens mis à sa disposition étaient insuffisants pour entreprendre une opération de quelque importance. Il se rendit donc à Paris pour exposer l'état des choses et réclamer des renforts. Il fut arrêté à son arrivée. Sa détention ne fut pas longue, grâce aux vives instances de quelques représentants qui avaient en l'occasion de reconnaître son patriotisme et sa haute capacité.

Bientôt de retour dans son quartier il fit la campagne de l'an II en Espagne.

Il s'empara de Puycerda, marcha ensuite sur Belver, et s'avança le long des gorges du Sègre, jusqu'à trois lieues d'Urgel, sans avoir pu atteindre l'ennemi qui fuyait devant les colonnes françaises. Ainsi, en vingt-quatre heures, il fut maître de la Cerdagne et de la vallée de Carol.

Dagobert avait puisé dans son patriotisme les forces nécessaires pour supporter les fatigues : mais l'âge et le délabrement de sa santé lui firent demander à être remplacé. En attendant son successeur, il ne resta pas inactif, apprenant, pendant qu'il était en reconnaissance sur Ripoll et Cainpredon, que l'ennemi s'était emparé de son camp d'Olette, il se porta aussitôt, quoique malade et harassé de fatigues, sur Mont-Louis, commença immédiatement l'attaque, et après un combat de deux heures, les espagnols mis en déroute abandonnèrent leur artillerie et leurs bagages. L'ennemi fut poursuivi avec acharnement par les français, qui s'emparèrent de Villefranche et de toute la vallée d'Aran.

Le 13 vendémiaire an II (4 octobre 1793), Dagobert se porta sur Campredon. Mais la saison rigoureuse força l'armée française à suspendre ses opérations. Dagobert profita de ce moment d'inaction forcée pour prendre le repos qui lui était nécessaire, et recommença bientôt une nouvelle campagne. Il chassa les espagnols de plusieurs postes importants, leur fit un grand nombre de prisonniers. Les français arrivèrent bientôt sous les murs d'Urgel. Dévoré par la fièvre, exténué par la maladie, il eut encore le courage de présider lui-même à tous les préparatifs d'une attaque contre cette ville. Cet excès de zèle lui fut fatal. Sa position empira et le fit descendre dans la tombe au milieu de nouveaux triomphes.

On a de lui : Nouvelle méthode de commander l'infanterie, d'après les ordonnances grecques et romaines pour être particulièrement l'ordonnance des francais, 1793, in-8°. Cet ouvrage reproduit plusieurs idées de Folard.

Le 15 thermidor an VIII, le corps du général Dagobert fut exhumé et transféré à Perpignan. Il fut déposé, avec celui du général Dugommier, dans un caveau à voûte cintrée formée de pierre de taille, que l'on avait creusé au pied d'une colonne élevée sur la place de la République actuelle. Le 20 mai 1826, à la suite de travaux de nivellement effectués sur la place Royale, les corps des généraux Dagobert et Dugommier furent retirés de leur tombeau, portés au cimetière Saint-Martin et déposés dans des cercueils en pierre de taille. Le modeste monument en forme de pyramide que l'on voit encore de nos jours, au cimetière Saint-Martin, fut élevé quelques années plus tard.

Sur la place de Mont-Louis, en face de l'église, est érigé en mémoire de Dagobert, un monument funéraire ayant la forme d'une pyramide quadrangulaire.

A la suite des grandes manoeuvres qui furent exécutées au mois de septembre 1885 sur le plateau de la Perche, le général Bézard, commandant de la 32e division militaire à Perpignan, réunit les officiers de cette division autour du monument Dagobert. Il leur rappela, en quelques mots, que le terrain sur lequel la division venait de manoeuvrer pendant deux jours avait été arrosé par le sang français... Le général Bézard proposa alors aux officiers d'ouvrir une souscription, en tête de laquelle il inscrira sa modeste obole, pour parer aux frais de restauration et à ceux. d'installation d'une balustrade. Le monument a été, en effet, restauré en 1887 par les soins de l'autorité militaire. L'ancienne pyramide surmontée d'un boulet a été conservée intacte. Elle se trouve au centre d'un carré formé par quatre colonnes de granit. Ces colonnes supportent un gros bloc, également en granit, en forme de pyramide tronquée. Sur chaque face de ce bloc on lit :

LA PERCHE-OLETTE - 1736-1794

Un médaillon, fixé à la partie supérieure du monument, représente le général Dagobert. Dans le mur qui longe la rue, est incrustée une plaque de marbre portant cette inscription :

AU GENERAL DAGOBERT LA 32e DIVISION D'INFANTERIE
ET LA GARNISON DE MONT-LOUIS

Le monument, très disgracieux, est entouré de la balustrade élevée par souscription militaire.

Hoefer, Nouvelle biographie générale. - Emmanuel Brousse, La Cerdagne Française, Imprimerie de l'Indépendant, 1896. - Revue d'histoire et d'Archéologie du Roussillon, t.III