D.M.J. Henry (1778-1850)
Il naquit à Entrevaux, chef-lieu de canton du
département des Basses-Alpes, le 15 juin 1778.
Lorsqu'il fut appelé à Perpignan pour
recueillir la succession de Jean-Pierre Campagne,
fondateur et premier conservateur de la
bibliothèque de la Ville, Henry s'était
déjà fait remarquer dans le monde des
lettres par la publication de deux ouvrages avant pour
titre Mémoire sur la marine des anciens,
Paris, 1817, in-8°, et Recherches sur la
géographie ancienne et les antiquités du
département des Basses-Alpes, orné de
cinq cartes, en 1818. étranger à la
langue et à l'histoire du pays, il parvint,
à force de travail, à se familiariser
avec l'une et l'autre. Un mémoire sur la voie
romaine marqua son début dans les études
d'histoire locale auxquelles il s'était
entièrement adonné. Ce livre qui parut
à Perpignan, en 1820, chez Tastu père et
fils, est connu sous la rubrique : Recherches sur la
voie de Rome en Espagne, à travers le
Roussillon, et examen critique de l'itinéraire
d'Antonin, depuis Narbonne jusqu'aux trophées de
Pompée. Il n'avait pas à sa
disposition plus de données que Marca et
cependant il apporta au système de ce dernier
des corrections tellement heureuses, qu'il aurait
découvert presque toute la vérité,
si, au lieu de croire que les deux itinéraires
d'Antonin se rapportaient à deux routes
différentes, il avait pensé comme Marca
que ces deux itinéraires n'étaient que
deux descriptions dissemblables d'une seule et
même voie. |
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On l'avait chargé, dès sa venue en Roussillon, de procéder au dépouillement des archives provenant des églises et des maisons religieuses qui, depuis la Révolution, demeuraient amoncelées dans un galetas de l'hôtel de la Préfecture. A la vue des richesses que recélait cette mine historique, il conçut le projet, hardi pour l'époque, de composer une histoire de notre province. L'infatigable écrivain travailla durant quinze années consécutives à la réalisation de son dessein. puis édita, l'année 1835, son Histoire de Roussillon comprenant l'histoire du royaume de Majorque, en 2 vol. in-8°. L'apparition de l'ouvrage provoqua des appréciations diverses des critiques et du public ; les unes étaient favorables, les autres désavantageuses. L'auteur en prit occasion pour exposer son but dans le journal le Publicateur et caractériser son oeuvre de vulgarisation dans une lettre privée adressée à Pierre Puiggari : «J'ai autant cherché, disait-il, à être utile au pays en lui donnant une histoire qu'il n'avait point encore qu'à travailler dans l'intérêt de l'histoire générale de la France, en lui offrant sur le Roussillon un ensemble de matériaux qui ne se trouvaient qu'épars dans dans un grand nombre de livres ou dans les pièces d'archives et des écrits de circonstance qu'il n'est pas donné à tout le monde d'être à même de consulter». Et à Puiggari qui lui reprochait sa méthode de composition, Henry répliqua : «Vous avez raison ; mais considérez que je n'écris pas pour ce qu'on appelle les savants ; je dois être lu par les gens du monde. Vous n'ignorez pas que ce sont les femmes qui font aujourd'hui presque toutes les réputations». L'Histoire de Roussillon est une étude d'ensemble qui se propose principalement d'expliquer la liaison de l'histoire de France à celle de l'Aragon : «Malgré les erreurs et les omissions qu'on est en droit de lui reprocher, cette oeuvre restera, non pas uniquement parce qu'elle est, en date, le premier livre de ce genre consacré à notre pays, mais parce qu'elle révèle des qualités de premier ordre». D'ailleurs, l'imperfection de l'oeuvre n'échappait point à la sagacité de son auteur ; celui-ci cherchait à combler les lacunes qui s'y étaient glissées, en recueillant minutieusement les faits, les anecdotes, les chroniques qu'il rencontrait dans le cours de ses lectures et de ses recherches, dans le but de produire un jour une édition définitive de l'histoire générale de la province. Les circonstances ne lui ayant pas permis de mettre à exécution le projet conçu, le recueil de documents est resté dans la collection des manuscrits de la bibliothèque de Perpignan où il est catalogué sous la mention suivante : Mélanges historiques sur l'ancienne province de Roussillon, faisant suite à l'histoire de cette province. Ce sens judicieux de la critique le poussa à composer une Rectification de quelques erreurs au sujet des monuments de Perpignan (IIIe Bulletin de la Société Agricole, Scientifique et Littéraire des Pyrénées-Orientales) et le Guide en Roussillon ou Itinéraire du voyageur dans le département des Pyrénées-Orientales, volume in-12 de 354 pages avec trois lithographies et une carte qui parut, en 1842, à la librairie J.-B. Alzine. «Le désir, disait Henry, de donner aux voyageurs que la curiosité amène en Roussillon ou que le soin de leur santé attire dans les établissements thermaux de cette province, un indicateur plus fidèle que tous les «Guides» publiés jusqu'ici, nous a porté à entreprendre ce travail.» Ce livre est un précieux conducteur de l'étranger à travers les différents cantons du département ; il lui signale ce qui peut le plus l'intéresser comme archéologue, comme artiste, comme naturaliste ou simplement comme amateur. Le désir de connaître le passé de la capitale de la province obsédait Henry d'une façon particulière. Il publia deux travaux sur ce sujet qui révélèrent sous un aspect lumineux l'ancienne organisation civile et militaire de Perpignan. On trouve ces publications dans les tomes IV et V de la Société Agricole, Scientifique et Littéraire des Pyrénées-Orientales, sous la rubrique : Ancienne constitution militaire de Perpignan résultante de son droit de guerre privé ou privilège de la main armée, et : Histoire de la constitution municipale de la ville de Perpignan. L'activité intellectuelle d'Henry embrassait dans sa sphère d'action des études d'une portée moins restreinte et franchissait le domaine des sciences historiques de la province. Sous la Restauration, l'opinion s'était émue à la vue des épidémies qui sévissaient en Catalogne et particulièrement dans l'autre versant des Pyrénées. Le conservateur de la bibliothèque de Perpignan crut faire oeuvre utile en fixant pour la postérité le tableau des désastres occasionnés par les maladies contagieuses à cette époque et en composant les Relations historiques des malheurs de la Catalogne et Mémoires de ce qui s'est passé à Barcelone en l821 pendant que la fièvre jaune y a exercé ses ravages, 1822, in-8°, avec deux planches. Il était loin de demeurer indifférent aux découvertes orientales qui passionnaient alors le monde savant ; il se tenait au courant du résultat des fouilles opérées et discutait avec les maîtres de l'archéologie les théories scientifiques auxquelles donnaient lieu les récentes trouvailles. Il adressa une Lettre à M. Champollion-Figeac le jeune sur l'incertitude de l'âge des monuments de l'Egypte et sur l'histoire physique, politique et religieuse de l'Egypte avant l'invasion de Cambyse, en 2 vol. in-8°. Sa persévérance dans ce genre d'études lui permit de publier sur le déclin de la vie, le fruit de ses patientes investigations sur les peuples anciens. En 1846, il fit éditer en 2 vol. in-8°. ornés de planches, l'Egypte pharaonique, ou Histoire des institutions des Egyptiens sous leurs rois. Mais déjà, à cette date, Henry avait quitté Perpignan pour occuper à Toulon le poste d'archiviste de la ville. Il se trouvait même dans cette cité avant 1840, car cette même année, il livra à la publicité un Annuaire de la cité de Toulon. Henry était correspondant des Comités historiques du ministère de l'Instruction publique, de la Société des Antiquaires de France et de divers autres corps savants. Dès 1821, il avait pris part à la rédaction de la Revue encyclopédique et à celle du Mémorial de l'Industrie. Les notices insérées dans ce périodique sous la rubrique Lettres Roussillonnaises sont dues à sa plume aussi érudite que féconde. On cite encore de lui un Essai d'explication d'un tableau statistique du XVIe siècle, in-8°. Henry mourut à Toulon le 3 octobre 1850.