Antoine Puiggari (1815-1890)

Antoine-Jean-Baptiste-François-Xavier, neveu de Pierre Puiggari.

Il est né à Perpignan le 17 janvier 1815. Admis, en 1833, à l'Ecole Polytechnique, il passa par l'Ecole d'application de Metz et entra dans le corps du Génie. Puiggari servit quelque temps en Afrique, fut ensuite chargé des chefferies de Prats-de-Mollo et de Fort-les-Bains, de mars 1841 à juillet 1818, et fit la campagne de Rome, comme commandant d'une compagnie de sapeurs. Il remplit les fonctions de chef du Génie, à Perpignan, par intérim, pendant l'été de 1850, et à Narbonne. Il fut nommé chef de bataillon à Montpellier et termina sa carrière militaire à Perpignan, où il fut directeur des fortifications, de 1867 à 1875. Chevalier de la Légion d'honneur en 1849, il fut promu officier le 12 août 1862 et commandeur le 21 avril 1874.

En 1842, Puiggari rédigea pour Amélie-les-Bains un projet d'hôpital thermal. Le talent dont il fit preuve en cette circonstance, l'habileté qu'il montra dans la direction des travaux, le zèle avec lequel il s'employa à défendre les intérêts de l'Etat dans diverses affaires d'expropriation, lui valurent de nombreuses félicitations de ses chefs. Plus tard, Puiggari établit les projets du fort des Bazergues, dans la vallée de l'Ariège, de la caserne de Mende, d'une caserne à Montpellier, etc. Il fut commandant de place à Perpignan, pendant la difficile période du 2 novembre 1870 au 30 mars 1871. Ses services de guerre étaient non moins remarquables. Sans parler de ses campagnes d'Afrique, à Rome, où il rencontra le général Niel, qui avait appris à l'apprécier en Algérie, le capitaine Puiggari prit part à diverses affaires, notamment au combat du 30 avril 1849, où il se trouva en tête d'une colonne ; le rare courage dont il fit preuve ce jour-là, lui valut la croix de la Légion d'honneur.

Avec de pareils états de service, Antoine Puiggari aurait pu prétendre aux plus hauts grades. L'attachement de Puiggari à son pays natal, l'affection sans borne qu'il avait voué à sa famille, contrarièrent son avancement. Puiggari appartenait à une famille où la science historique était en honneur : son oncle Pierre Puiggari était sans conteste le plus érudit des esprits roussillonnais de sa génération. Sans doute, cet exemple ne fut pas sans exercer quelque influence sur le neveu, qui témoigna lui-même, dès les premiers temps de sa carrière, d'un esprit curieux des choses de l'érudition. En Afrique, Antoine Puiggari avait appris l'arabe et s'était adonné à l'étude de l'archéologie orientale. Pendant l'expédition de Rome, il joignit l'italien à l'espagnol, qu'il connaissait déjà, et il présida une commission chargée de travaux historiques. Doué d'une mémoire heureuse, d'un esprit précis et perspicace, chercheur infatigable, il possédait de plus une qualité infiniment précieuse pou un archéologue : une habileté surprenante au dessin. L'Ecole d'application de Metz gardait, en 1870, des épures de lui, et il a laissé dans ses cartons nombre de plans où on ne sait ce qu'il faut le plus admirer de la sûreté de la main ou de la patience du dessinateur. Le colonel Puiggari avait aussi un réel talent d'exposition. La description des plombs trouvés par lui à Amélie-les-Bains est véritablement un modèle de clarté. Jusqu'à la fin, d'ailleurs, il exerça sa plume : pour se distraire, ce vieillard ne dédaignait pas de tourner des vers latins, catalans ou français. Archéologue d'autant plus sûr qu'il était habile constructeur, Antoine Puiggari était surtout un catalaniste accompli. Au dire d'un bon juge, la vieille langue de la province coulait de ses lèvres, pure et nette comme une source coule des glaciers du Canigou. Malgré ces dispositions exceptionnelles, il ne publia cependant pour ainsi dire rien. Tout le long du jour, il travaillait pour apprendre, non pour imprimer, se contentant d'accumuler les notes et les ouvrages, les plans et les admirables reproductions de manuscrits ou d'estampes, dans sa belle bibliothèque de la rue Saint-Christophe. A qui l'engageait à faire connaître le résultat de ses études, il répondait en plaisantant qu'il avait bien assez de mal à s'instruire sans chercher à instruire le public. Le colonel Puiggari a laissé néanmoins un certain nombre d'études manuscrites. En voici l'énumération : Les Goigs ; Le pluriel féminin catalan ; L'interjection catalane : Carail ; Les dates métriques : Une inscription du VIe siècle à Prats-de-Mollo ; Une inscription catalane du XIIIe siècle ; Un bassin de cuivre jaune de Saint-Michel de Cuxa ; Un ivoire de Narbonne ; Les dynars trouvés à Monastir-del-Camp ; Les monnaies seigneuriales de Besalu et de Roussillon trouvées près de la Junquera ; Le premier livre imprimé à Perpignan, en 1502 ; Le prieuré de Saint-Estève-del-Monastir ; Notes sur saint Enves ; La légende de saint Lin ; L'apparition de l'Ange ; Le bras de saint Jean-Baptiste conservé à Saint-Jean ; Le vieux Saint-Jean, et d'autres petits travaux qu'il serait trop long d'énumérer. Ce savant communiquait avec une libéralité bien rare les notes qui lui avaient coûté tant de labeur. Par ses indications et ses conseils, il exerça sur les études historiques en Roussillon une influence considérable. Il fut, de plus, en correspondance avec Anatole de Barthélemy, Reinaud, de Saulcy, Allmer, Sacaze, Révoil, Douais, etc., et avec les plus distingués parmi les écrivains de la Catalogne. A Perpignan, il était inconnu ou plutôt méconnu : c'est que, malgré le long commerce des hommes, il était resté un de ces délicats qui fuient volontiers le contact du vulgaire et le bruit des foules. Dès son arrivée à Perpignan, en 1867, Antoine Puiggari s'était fait recevoir de la Société scientifique. A Narbonne déjà et à Montpellier, il avait pris part aux travaux d'érudition, et la Commission archéologique de Narbonne le nomma plus tard membre honoraire, comme étant «l'un des hommes dont elle avait eu le plus de droit de s'enorgueillir.» La Société des Pyrénées-Orientales fut amenée à lui offrir, en juillet 1871, la vice-présidence. Le colonel Puiggari refusa, persuadé qu'au lendemain de nos désastres, un officier n'avait pas le droit de dérober à ses occupations professionnelles une part quelconque de son temps et de ses forces. En 1874, la Société Agricole, Scientifique et Littéraire des Pyrénées-Orientales fit de nouvelles démarches, auxquelles Antoine Puiggari répondit encore par un refus. Le 3 décembre 1890, au matin, il fut trouvé mort au pied de son lit. Ses obsèques eurent lieu sans pompe. Simple et droit jusqu'au bout, le colonel Puiggari avait voulu qu'il n'y eût à son enterrement ni discours ni honneurs militaires. Il voulut aussi être enseveli dans la fosse commune.

Brutails, Notice sur le colonel Puiggari, dans le XXXIIe Bulletin de la Société Agricole, Scientifique et Littéraire des Pyrénées-Orientales.