Jean-Baptiste Renard de Saint-Malo (1780-1854)
Il était le quatrième enfant issu de l'union
contractée entre Philippe Renard de Saint-Malo et
Josèphe de Campredon. Il naquit à Collioure, le 16
juillet 1780. Après de brillantes études faites
à l'Ecole centrale de Perpignan, sous la direction des
Jaubert, Racine et Laborie, il rentra au sein de sa
famille.
Jean-Baptiste Renard de Saint-Malo vécut ignoré
durant le premier Empire. Au lendemain des Cent-Jours, il fut
tiré de la solitude par Louis XVIII et nommé
sous-préfet de Céret, en remplacement de M. de
Lacour. Il garda ces fonctions durant les quinze années
de la Restauration. Jean-Baptiste Renard de Saint-Malo se fit
remarquer par sa prudence et sa fermeté, lorsqu'en 1815,
la frontière fut brusquement franchie par un corps de
troupes espagnoles, et plus tard encore, quand l'armée de
la Foi s'organisa sur le territoire français. Les
décorations de la Légion d'honneur et de Charles
III furent des témoignages que les cours de France et
d'Espagne rendirent à ses mérites. A la suite des
journées de Juillet qui amenèrent la chute de
Charles X, Jean-Baptiste Renard de Saint-Malo fut relevé
de sa charge et remplacé par Joseph Pascot (15 août
1830).
Désormais l'homme politique s'efface. Une vie
d'études et de travaux intellectuels absorba les instants
de l'ancien sous-préfet. Il était entré
dans la pléiade de ces meneurs de la campagne historique
entreprise pour la gloire du Roussillon qui avaient pris pour
devise : «Faisons tous nos efforts pour qu'on puisse dire
: Il y eut à Perpignan une société d'hommes
à intentions généreuses, dont les travaux
furent utiles à leur pays». Jean-Baptiste Renard de
Saint-Malo exhuma de la poussière entassée par les
siècles une multitude de pièces intéressant
le Roussillon. Personne avant lui n'avait eu l'idée et
moins encore le courage de compulser un à un les
registres des actes des anciens notaires, déposés
aux archives du domaine et dont on ne soupçonnait
même pas l'importance. C'est après avoir
épuisé l'examen des dépôts publics,
que Jean-Baptiste Renard de Saint-Malo orienta ses recherches
vers les recueils notariaux. Il en a extrait tous les titres de
nature à faire connaître l'état des moeurs
bien plus avancé qu'il ne l'était ailleurs, les
usages, les habitudes et la vie intime des anciens
roussillonnais. Cet ensemble de documents constitue une
collection composée de vingt grands registres, tous
écrits de sa main.
On avait pu d'ailleurs apprécier l'érudition de
Jean-Baptiste Renard de Saint-Malo par des articles historiques
qu'il insérait fréquemment dans le Publicateur
des Pyrénées-Orientales, feuille scientifique
et littéraire fondée en 1832, et dont il fut l'un
des plus zélés collaborateurs. Dans les premiers
numéros du Publicateur il disserta sur les
évêques d'Elne et les anciennes abbayes de ce
diocèse. Il entreprit ensuite une série de
monographies des villes et des villages du Roussillon : Thuir,
Le Volo, Céret, Argelès, Prats-de-Mollo,
écrites quelquefois dans un style lourd et obscur, mais
très solidement documentées. Dans les
Recherches sur la topographie en Roussillon au
moyen-âge, il fixa avec une sagacité et une
intuition frappante la place qu'ont occupé certains
villages aujourd'hui disparus. En collaboration avec son
frère Jacques Renard de Saint-Malo, il traça d'une
main sûre les premiers linéaments de l'histoire du
commerce roussillonnais pendant une partie du
moyen-âge.
En 1838, le Publicateur cessa de paraître.
Jean-Baptiste Renard de Saint-Malo se découragea-t-il ou
bien s'éloigna-t-il pour besoin de repos ? Le fait est
qu'il disparut de la scène. Longtemps on n'entendit plus
parler de lui ni dans les journaux ni au sein de la bonne
société perpignanaise. Le maréchal de
Castellane, dans ses Mémoires, cite même
à son sujet l'anecdote suivante : «Le 12 janvier
1842, M. de Saunhac, évêque de Perpignan, a
inventé de donner un dîner aux autorités,
à deux heures de l'après-midi, pour ne pas se
déranger : il est vrai qu'il a soixante-quinze ans. Le
curieux, c'est qu'il ne nous en a pas fait la moindre excuse,
mais bien de ce qu'il est resté son chapeau sur la
tête... En plus des autorités, il y avait à
dîner M. de Saint-Malo, ancien sous-préfet de
Céret, légitimiste destitué, qui vit si
retiré à Perpignan que je ne le connaissais
pas».
Toutefois, en 1845, il rentra de nouveau sur la scène.
Il fit partie de la Société Agricole,
Scientifique et Littéraire des
Pyrénées-Orientales, en compagnie de
Puiggari ; il reprit, dans les bulletins de cette association
savante, la série de ses mémoires historiques. Il
devint le correspondant du Ministère de l'Instruction
publique, place qui demeura sans titulaire depuis le jour de sa
mort jusqu'à la nomination d'Alart, le 21 mai 1875.
Jean-Baptiste Renard de Saint-Malo avait collectionné,
non des notes, mais des textes, dans une foule de registres. Il
intitula sa collection : Cartulaire roussillonnais. Au
milieu des textes il inséra des notices inachevées
et une histoire ecclésiastique en cinq volumes. Tous ces
précieux manuscrits inédits appartiennent à
M. le comte de Villemarest, d'Argelès-sur-Mer.
Jean-Baptiste Renard de Saint-Malo mourut à Perpignan, le
11 février 1854.