Raymond de Sa Guardia (fin XIIIe-déb. XIVe s.)
Templier du Mas-Deu, membre de l'illustre famille de
Pinos, père de Pons de Guardia, seigneur de
Canet, il fut reçu Templier à Saragosse
en 1271 et nommé précepteur du Mas-Deu en
1292. On le retrouve en Roussillon, comme témoin
du testament du roi Jacques Ier de Majorque, fait dans
la chapelle royale du château de Perpignan, le 6
février 1306 ; il se rendit ensuite en
Catalogne, où il se trouvait encore avec son
titre de commandeur du Mas Deu, lors de l'arrestation
des Templiers, et en qualité de lieutenant du
Maître du Temple pour la province d'Aragon. |
Château de Miravet
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Le 20 janvier 1310, le Précepteur du Mas Deu parut devant
la commission chargée de juger les Templiers. Il
déclara s'appeler frère Raymond de Guardia,
chevalier, Précepteur de la maison du Mas Deu, de l'ordre
de la chevalerie du Temple, au diocèse d'Elne. Comme pour
les autres frères, on lui expliqua toutes les questions
«en langue vulgaire». La première
était ainsi conçue : «Quoique l'ordre du
Temple prétende avoir été saintement
institué et approuvé par le Siège
Apostolique, cependant chaque membre, lors de sa
réception, ou peu après et aussitôt qu'il
peut en trouver le moyen, renie le Christ, quelquefois le
crucifix, Jésus, Dieu, la Sainte Vierge ou tous les
saints et saintes de Dieu, selon les instructions ou injonctions
de ceux qui l'ont reçu. - Tous ces crimes, dit-il, sont
et me semblent horribles, extraordinairement affreux et
diaboliques. - Ne disent-ils pas que le Christ est faux
prophète ? - Je ne crois pas pouvoir être
sauvé, si ce n'est par Notre-Seigneur
Jésus-Christ, qui est le vrai salut de tous les
fidèles, qui a souffert la passion pour la
rédemption du genre humain et pour nos
péchés, et non pas pour les siens, car il n'a
jamais péché et sa bouche n'a jamais menti. - Ne
font-ils pas cracher sur la croix et ne la foulent-ils pas aux
pieds ? - Jamais. C'est pour honorer et glorifier la très
sainte croix du Christ et la passion que le Christ a
daigné souffrir en son très glorieux corps pour
moi et pour tous les fidèles chrétiens, que je
porte, ainsi que les autres frères chevaliers de mon
ordre, un manteau blanc sur lequel est cousue et attachée
la vénérable figure d'une croix rouge, en
mémoire du sang à jamais sacré que
Jésus-Christ a répandu pour ses fidèles et
pour nous sur le bois de la croix qui vivifie. J'ajoute que,
tous les ans, le jour du Vendredi-Saint, les Templiers viennent
sans armes, la tête et les pieds nus, pour adorer la
croix, à genoux devant elle. C'est ce que font aussi,
chaque année, tous les frères de l'ordre, aux deux
fêtes de la Sainte-Croix des mois de mai et de septembre,
en disant : Nous t'adorons, Christ, et te bénissons, toi
qui par ta sainte croix as racheté le monde. Seulement,
dans ces deux fêtes de la Sainte-Croix, ils ne viennent
pas l'adorer les pieds nus». Interrogé sur les
déréglements de moeurs dont l'ordre était
accusé, il les repoussa avec la plus vive énergie.
«Selon les statuts du Temple, s'écria-t-il, celui
de nos frères qui commettrait un péché
contre nature, devrait perdre l'habit de notre ordre ; les fers
aux pieds, la chaîne au cou et les menottes aux mains, il
serait jeté à perpétuité dans une
prison pour y être nourri du pain de la tristesse et
abreuvé de l'eau de la tribulation tout le reste de sa
vie». Il repoussa de même toutes les autres
accusations du questionnaire, et s'expliqua ainsi sur sa
réception. «Ce fut frère Pierre de Montcada,
alors maître ou précepteur en Aragon et Catalogne,
qui me reçut en qualité de frère de l'ordre
du Temple, dans la chapelle de la maison de Saragosse, le
dimanche après la fête de saint Martin, il y a
environ trente-cinq ans, en présence et avec l'assistance
de Guillaume de Miravet, de G. de Montesquiu, d'Arnald de Timor,
de Raymond de Montpavo, frères du Temple, et de plusieurs
autres frères du même ordre aujourd'hui
décédés».
Quant au mode de sa réception, il l'exposa dans les
termes déjà employés par Barthélemy
de la Tour, et il déclara qu'il s'y était
conformé, comme précepteur du Mas Deu, pour tous
les frères par lui reçus dans la chapelle de cette
maison. Peu de temps après, l'archevêque de
Tarragone déclara Raymond de Guardia absous et innocent
de tous les crimes qui lui étaient imputés, et il
lui assigna une pension viagère, à partir du 15
octobre 1313. Depuis cette époque on ne trouve aucune
trace de l'existence de l'ancien commandeur du Mas Deu. Pons de
Guardia, frère cadet de Raymond, fut le père de
Raymond et de Guillaume de Canet.