CHIRONOMIA (χειρονομία)


Art de gesticuler ou de parler avec ses mains et par gestes, avec ou sans le secours de la voix (Quintil. I, 11, 17). Cet art remonte à une haute antiquité et était d'un grand usage chez les Grecs et chez les Romains, au théâtre et à la tribune : c'était une nécessité résultant de leur habitude de s'adresser à de nombreuses assemblées en plein air, assemblées dont la majorité n'eût pu comprendre ce qu'on disait sans le secours de quelques signes de convention qui permettaient à l'orateur de parler à l'oeil aussi bien qu'à l'oreille de son auditoire. Ces signes consistaient dans certaines positions des mains et des doigts, dont le sens était universellement reconnu et familier à toutes les classes. La pratique en était réduite en un système régulier, dont on retrouve quelques traces parmi la populace de Naples ; on y soutient de longues conversations seulement en gestes et sans qu'un seul mot soit prononcé. Il est difficile de traiter une telle question avec détails dans un ouvrage comme le nôtre. Toutefois l'action elle-même est souvent représentée sur les vases gres et sur d'autres monuments de l'art antique par des signes si clairement exprimés et tellement semblables pour le caractère à ceux qu'on emploie encore à Naples, qu'un lazzarone ordinaire, si on lui montre une de ces compositions, en expliquera du premier coup le sens, qu'un savant avec toute son instruction ne pourrait deviner (Jorio, Mimica degli Antichi, p. 369).

Dans la gravure ci-jointe, par exemple, qui est prise d'un vase d'argile grec, il est évident que les deux femmes sont engagées dans une querelle ; que la première à gauche, qui se porte en avant et qui dirige vers l'autre son index pour la désigner, la charge d'une accusation que dicte le dépit ; tandis que le mouvement en arrière de la figure à main droite, le jeu de son instrument tout à coup interrompu, ses bras ouverts et levés, offrent une expression fort naturelle de surprise, soit réelle, soit feinte. Quant à cela, tout le monde l'eût deviné. Mais le sujet de la querelle ? Il est indiqué par la position des mains et des doigts. C'est une querelle d'amour qui vient de la jalousie ; car le geste employé par un Napolitain d'aujourd'hui pour signifier l'amour, et qui consiste à joindre le bout de l'index et celui du pouce la main gauche, est un de ceux que fait la première figure ; tandis que l'autre femme n'exprime pas seulement la surprise par son attitude, mais encore, en levant sa main droite vers son épaule, en tenant tous ses doigts ouverts et droits, elle nie l'accusation et s'en déclare indignée ; car tel est le geste employé par un Napolitain pour signifier une dénégation, surtout quand l'inculpation excite son étonnement et son déplaisir. Ainsi ce petit nombre de gestes représente un long dialogue. La cause de la querelle est sans doute le Faune assis, qui, pendant qu'il affectait de jouer si résolument entre les deux demoiselles irritées, a été découvert faisant des signes imprudents à la nymphe au tambourin. Son ancienne passion, qui est derrière lui, les a aperçus.


Illustration complémentaire

Scène de comédie : le mari, l'amant et la femme ?
Détail du pulpitum du théâtre de Sabratha (175-200 apr.JC)
Lybie, 2005

© Agnès Vinas