SALTATIO (ὄρχησις / χόρευσις)


Danse. Sous ce même titre, les anciens comprenaient, en Grèce et en Italie, quatre sortes d'exercices différents, qui n'avaient guère entre eux qu'un rapport, c'est que tous les mouvements de ceux qui les exécutaient étaient accompagnés et réglés par les sons des instruments ou des choeurs de voix ; par exemple :

I. DANSES RELIGIEUSES. Elles se composaient presque tout entières de mouvements lents et graves autour de l'autel, sans aucune attitude violente, sans aucune prétention à la souplesse, et elles ressemblaient plus à une marche en cadence accompagnée de musique, qu'à ce que nous appelons proprement une danse. Aussi, chez les Grecs et chez les Romains, des hommes et des femmes libres de tout rang, et même du plus élevé, jouaient leur rôle dans ces pompes, sans que cela nuisît à leur réputation et fût regardé comme au-dessous de leur dignité (Quint. I, 11, 18 ; Macrob. Sat. II, 10 ; Serv. ad Virg. Ecl. V, 73).

II. DANSES GYMNASTIQUES ET GUERRIERES. Elles servaient de préparation au combat et d'excitation à la valeur militaire, comme celles des insulaires de la mer du Sud et des Indiens de l'Amérique du Nord. Parmi ces danses, on énumère :

  1. Saltatio corybantum. La danse des Corybantes, propre plus particulièrement aux Phrygiens et aux Crétois ; elle tenait le milieu entre les danses religieuses, militaires et mimiques. Ceux qui l'exécutaient étaient armés et bondissaient de côté et d'autre avec des gestes étranges et violents, tout en frappant leurs boucliers et leurs glaives l'un contre l'autre pour imiter le bruit que faisaient les Corybantes quand, en Crète, ils s'efforçaient de couvrir le bruit des cris de Jupiter enfant (Lucian. Salt. 8 ; Strabo, X, 3, 21). On suppose que c'est cette danse que représente le groupe suivant, pris d'un bas-relief au Vatican. L'ensemble de ce qui reste de cete composition est formé de six figures, toutes dans la même attitude que le couple ici représenté ; mais comme les deux figures extrêmes n'ont pas de vis-à-vis, il est évident que ce marbre n'est qu'un fragment, et ce fragment, dans l'origine, faisait partie d'une frise qui comprenait un plus grand nombre d'exécutants.
  1. Saltatio pyrrhica. La danse pyrrhique ; elle est décrite et figurée au mot pyrrhica.
  1. Saltatio Saliorum. Danse qu'exécutaient les Saliens ou prêtres de Mars (Quint. I, 11, 18), dans la cérémonie où les boucliers sacrés (ancilia) étaient portés en pompe à Rome. Nous n'en avons pas de représentation, mais on peut inférer d'un passage de Sénèque (Ep. 15), que les mouvements de ces prêtres ressemblaient plutôt à des sauts et des bonds qu'à des pas gracieux ou mesurés : car il les compare au frappement de pieds et aux sauts des foulons (saltus fullonii) sur les étoffes qu'ils sont employés à nettoyer. On déployait dans cette danse une grande force musculaire et beaucoup d'agilité.
  1. Saltatio bellicrepa. Danse guerrière romaine, instituée, dit-on, par Romulus, en commémoration du rapt des Sabines, comme cérémonie expiatoire destinée à détourner de son peuple un semblable malheur (Festus, s.v.).

III. DANSES MIMIQUES. Ceux qui les exécutaient, comme les acteurs d'un ballet moderne, représentaient, rien que par les gestes et les mouvements du corps, certains événements, certaines actions ; la musique soutenait et réglait leurs attitudes et leurs mouvements : c'était ce que de nos jours on appellerait pantomime, la danse, au sens où nous entendons ce mot, n'y ayant aucune part ; en effet, le talent de ces acteurs était bien plutôt dans les attitudes expressives qu'ils savaient donner à leurs physionomies, à leurs corps, à leurs bras et à leurs mains, que dans les mouvements de leurs pieds (Macrob. Sat. II, 7 ; Suet. Cal. 57 ; Nero, 54 ; Tit. 7 ; Ov. A.Am. I, 595).

IV. DANSES. Pas de danse, dans le sens où nous entendons ordinairement ces mots ; exercices où il s'agissait de déployer de la grâce, de l'agilité et de la force, et dont les mouvements des pieds et du corps étaient la partie essentielle, sans aucun essai de représentation mimique, comme le montre le groupe ci-joint, emprunté à un vase peint.

Ces danses étaient exécutées surtout pour amuser les convives dans les grands festins, et l'on a trouvé dans les peintures d'Herculanum et de Pompéi un grand nombre de figures représentant les artistes qui donnaient ces divertissements ; toutes ces figures témoignent du haut point de perfection où les anciens avaient porté l'art de la danse proprement dite.


Illustration complémentaire

Bas-relief représentant la danse guerrière mentionnée par Rich
Musée Pio Clementino du Vatican, Rome, 2001

© Agnès Vinas