[Mégalopolis et sa région]

XXX. [1] La rivière d'Hélisson a sa source dans un village de même nom ; après avoir arrosé les terres des Dipéens et des Lycéates, elle traverse la ville de Mégalopolis et se décharge enfin dans l'Alphée quelque trente stades au-delà. Près des murs de Mégalopolis on voit un temple de Neptune surnommé Epoptès ; il ne reste de la statue du Dieu que la tête seulement.

[2] L'Hélisson partage la ville à peu près comme ces canaux que l'on nomme Euripes partagent les villes de Cnide et de Mitylène ; La place publique est à droite du côté du nord et à l'endroit où les bords de la rivière s'élèvent le plus ; cette place est entourée d'une balustrade de pierres. Vous y voyez un temple de Jupiter Lycéus qui n'est précédé d'aucun vestibule ; tout ce qu'il contient est exposé aux yeux des regardants. J'y ai remarqué deux autels, deux tables, deux aigles de même matière que les tables, et une statue de marbre du dieu Pan surnommé le Sinoïs,

[3] du nom de la nymphe Sinoé, qui soit en particulier, soit de concert avec ses compagnes, prit soin de l'éducation de ce Dieu. Devant le frontispice du temple il y a un Apollon en bronze qui est une très belle statue ; elle est haute de douze pieds ; ce sont les Phigaliens qui l'ont fait faire à leurs dépens, et elle a été transportée là pour servir d'ornement à la ville de Mégalopolis.

[4] Le lieu où les Phigaliens l'avaient d'abord placée se nomme Basses ; de là vient le surnom qu'avait le Dieu, et qu'il a quitté pour prendre celui d'Epicurius ; j'en dirai la raison lorsque j'en serai à l'article des Phigaliens. A la droite de l'Apollon est une petite statue de la mère des Dieux ; à l'égard de son temple, il n'en est resté que les colonnes.

[5] De plusieurs statues qui étaient devant la porte, le temps n'a épargné que les piédestaux avec une inscription en vers élégiaques, qui témoigne que l'on avait érigé une statue à Diophane fils de Dioeus, qui le premier engagea tous les peuples du Péloponnèse à envoyer des députés aux états d'Achaïe.

[6] Dans la place on voit un portique qu'ils nomment le Philippée, non que Philippe de Macédoine l'ait bâti, mais parce que les Mégalopolitains pour faire leur cour à ce prince, lui donnèrent son nom. Ce portique touchait au temple de Mercure Acacesius, dont il ne s'est conservé que la voûte et quelques piliers. Suit un autre portique de moindre grandeur, où l'on rendait la justice, et où l'on voit encore six places de sénateurs en manière de niches. La première est présentement occupée par une statue de Diane Ephésienne, la seconde par une statue de bronze du dieu Pan, haute d'une coudée. Ce Dieu est surnommé Scolite,

[7] parce qu'auparavant sa statue était sur une petite hauteur ainsi nommée, laquelle est dans l'enceinte de la ville et d'où coule un ruisseau qui va se perdre dans l'Hélisson. Derrière les sièges des sénateurs il y a un temple de la Fortune où la déesse est en marbre, c'est une statue de cinq pieds de haut. Le Myropolis est encore un portique qui fait partie de la place ; il fut bâti des dépouilles des Lacédémoniens, après la victoire qu'Aristodème tyran de Mégalopolis remporta sur eux et sur Acrotate fils de Cléomène, leur général.

[8] Dans la même place derrière le temple de Jupiter Lycéüs et à l'extrémité du terrein qui lui est consacré, on voit une statue de Polybe fils de Lycortas. Cette statue est sur une colonne, et sur cette colonne on a gravé une inscription en vers élégiaques, qui porte que Polybe voyagea beaucoup par terre et par mer, qu'il servit dans l'armée des Romains, et que souvent il apaisa leur colère contre les Grecs. C'est ce même Polybe qui a écrit l'histoire des Romains, particulièrement leurs guerres contre les Carthaginois.

[9] Il recherche quelle en fut la cause, et fait voir comment les Romains après avoir eux-mêmes pensé périr, enfin par la valeur de Scipion un de leurs citoyens qui fut surnommé l'Africain, vinrent à bout de détruire Carthage. On dit à la gloire de Polybe que tout ce que le général Romain fit par son conseil lui réussit, et que dès qu'il cessa de le croire, il fut moins heureux. Toutes les villes grecques qui entrèrent dans la ligue d'Achaïe eurent toujours Polybe pour appui auprès des Romains ; non seulement il les protégeait, mais il les gouvernait en quelque façon. A la gauche de sa statue c'est le sénat.

[10] Quant au portique d'Aristandre qui est aussi une des beautés de la place, les Mégalopolitains disent qu'il est ainsi appellé du nom d'un de leurs citoyens qui l'a fait bâtir. Tout contre et au soleil levant est le temple de Jupiter Sauveur, une belle colonnade qui règne tout alentour en fait l'ornement et le soutient. On y voit Jupiter assis sur un trône, la ville de Mégalopolis à sa droite, et Diane conservatrice à sa gauche ; ces deux statues sont de marbre du mont Pentélique, et de la façon de Céphisidore et de Xénophon tous deux Athéniens.

XXXI. [1] Le portique d'Aristandre du côté du soleil couchant, renferme un espace qui est consacré aux gandes Déesses, c'est-à-dire à Cérès et à Proserpine, comme je l'ai déjà expliqué dans mes mémoires sur la Messénie. Mais les Arcadiens donnent aussi le surnom de Conservatrice à Proserpine.

[2] Devant ce saint lieu il y a des statues de Diane, d'Esculape, d'Hygéia, et des grandes Déesses. Cérès est toute de marbre, Proserpine n'a de marbre que la tête, les mains et les pieds, tout le reste n'est que de bois, mais il est caché sous ses habits ; ces deux dernières statues ont près de quinze pieds de haut. Sur le devant de leurs piédestaux on voit deux autres statues beaucoup plus petites, ce sont de jeunes filles vêtues de longues tuniques, qui portent des corbeilles de fleurs sur leurs têtes. On croit que le statuaire Damophon a voulu représenter là ses filles ; ceux qui les prennent pour des divinités disent que ce sont Minerve et Diane qui cueillent des fleurs en la compagnie de Proserpine.

[3] Aux pieds de Cérès il y a un petit Hercule de la hauteur d'une coudée. Suivant le poète Onomacrite cet Hercule est un des Dactyles du mont Ida. Vous y voyez aussi deux heures, et d'un côté le dieu Pan jouant de la flûte, de l'autre Apollon qui tient une lyre. Une inscription porte qu'ils sont l'un et l'autre au nombre des principaux Dieux.

[4] Vous verrez encore plusieurs nymphes posées sur une table ; Naïs porte le petit Jupiter entre ses bras ; Anthracia autre nymphe d'Arcadie tient un flambeau. La nymphe Hagno tient une cruche d'une main, et une bouteille de l'autre ; Archiroé et Myrtoessa ont aussi chacune une cruche dont elles versent de l'eau. Dans cette grande enceinte qui est consacrée à Cérès et à Proserpine, il y a un temple de Jupiter Philius, comme qui dirait le Dieu qui préside à l'amitié. Sa statue est un ouvrage de Polyclète d'Argos, et on la prendrait pour une statue de Bacchus ; car le Dieu est représenté avec des cothurnes pour chaussure, il tient un thyrse d'une main, et un gobelet de l'autre. Mais un aigle est perché sur son thyrse, et ce dernier symbole ne convient point à Bacchus.

[5] Derrière le temple est un bois sacré de médiocre étendue, fermé par un petit mur, et où les hommes n'entrent point. A l'entrée du bois on voit une Cérès et une Proserpine, ces statues n'ont guères que trois pieds de haut. Dans le bois même il y a un temple dédié aux grandes Déesses et à Vénus. Le vestibule est orné de quelques statues de bois d'un goût fort antique, vous y voyez une Junon, un Apollon, et les Muses. On dit que ces statues ont été apportées de Trapézunte.

[6] Je remarquai dans le temple deux statues de bois, un Mercure et une Vénus ; ce sont des ouvrages de Damophon. La Vénus a le visage, les mains, et le bout des pieds d'ivoire. Cette Vénus est surnommée la Machiniste, et avec raison ce me semble ; car qu'est-ce que les hommes n'imaginent point pour réussir en amour ?

[7] Vous verrez aussi dans une chapelle les statues de ces hommes illustres, Callignote, Mentas, Sosigène, et Polus, qui, dit-on, apportèrent les premiers aux Mégalopolitains les mystères des grandes Déesses, et leur apprirent à les célébrer comme on les célèbre à Eleusis. Plusieurs divinités sont représentées dans le parvis du temple sous des bustes de figure carrée, entre autres, Mercure surnommé Agétor ou le conducteur, Apollon, Minerve, Neptune, et le Soleil à qui ils donnent deux surnoms, celui de conservateur, et celui d'Hercule. Quant au temple, il est fort grand, et c'est dans ce temple qu'ils célèbrent les mystères des grandes Déesses.

[8] A la droite du temple Proserpine a sa chapelle particulière avec une statue de marbre, haute de huit pieds, dont le piédestal est tout couvert de rubans. Les femmes ont la liberté d'entrer dans cette chapelle en tout temps, mais les hommes n'y sont admis qu'une fois dans l'année. Le lieu d'exercice est au couchant et tient à la place publique.

[9] Derrière le Philippée il y a deux petites collines ; sur l'une était autrefois le temple de Minerve Polias, sur l'autre celui de Junon ; ces deux temples sont en ruines. De cette dernière colline coule une fontaine qu'ils nomment Bathylle et qui va grossir l'Hélisson. Voilà ce que j'ai vu de plus remarquable dans cette partie de la ville.

XXXII. [1] De l'autre côté de la rivière et au midi vous voyez un magnifique théâtre, le plus grand qu'il y ait dans toute la Grèce ; il est orné d'une fontaine qui coule sans cesse. Non loin du théâtre on trouve les fondemens d'un Sénat où s'assemblaient les dix mille qui présidaient aux affaires ; on nommait ce lieu le Thersilion, du nom de celui qui l'avait consacré à cet usage. La maison la plus proche, qui est aujourd'hui à un particulier, fut autrefois bâtie pour Alexandre fils de Philippe. On voit encore devant la porte une statue d'Ammon, de figure carrée comme ces Hermès, et avec des cornes de bélier.

[2] Près de là est un temple qui est commun aux Muses, à Apollon et à Mercure. Il y est resté quelques piédestaux qui marquent que chacune de ces divinités avait sa statue ; mais il n'y a plus qu'une Muse, et un Apollon de figure semblable à celle des Hermès. Le temps a encore moins épargné un temple de Vénus ; il ne s'en est conservé que la partie antérieure avec trois statues de la Déesse, l'une sous le nom de Vénus la céleste, l'autre sous le titre de Vénus la vulgaire, et la troisième sans aucun surnom.

[3] L'autel de Mars n'est pas loin de là, les Mégalopolitains croient cet autel fort ancien. Au-dessus du temple de Vénus il y a un stade qui d'un côté aboutit au théâtre, et une fontaine qu'ils disent être consacrée à Bacchus. A l'autre extrémité du stade ils avaient un temple de Bacchus, qui fut brûlé par le feu du ciel il y a quelque cinquante ans. Hercule et Mercure avaient aussi un temple en commun devant le stade ; il n'en reste aujourd'hui que l'autel.

[4] Dans ce même quartier s'élève une colline qui regarde le soleil levant, et où Diane surnommée Agrotera ou la Chasseresse a son temple, bâti autrefois par Aristodème. A la droite de ce temple est un petit canton consacré à Esculape ; au milieu est le temple du Dieu où il est représenté avec la déesse Hygéia. En descendant de la colline vous voyez des bustes carrés de ces dieux que l'on nomme Ergates, comme sont entre autres Minerve Ergané, Apollon Agyiéüs, Mercure, Hercule, et Lucine. Homère attribue diverses fonctions à ces trois derniers ; car selon lui Mercure est le messager de Jupiter, et a soin de conduire nos âmes aux enfers après notre mort. Hercule s'est exercé en une infinité de travaux plus difficiles les uns que les autres, et Lucine assiste les femmes qui sentent les douleurs de l'enfantement.

[5] Au bas de la colline on voit un autre temple d'Esculape enfant, le Dieu est debout ; c'est une statue d'une coudée. Apollon y est aussi représenté, mais assis dans un trône ; cette statue a pour le moins six pieds de hauteur. On vous montrera dans ce temple des os de corps humain d'une grandeur excessive. Ils prétendent que ce sont les os d'un géant qu'Hoplodamas appella au secours de Rhéa : j'aurai bientôt occasion d'en parler plus au long. Près de ce temple est un ruisseau qui va aussi tomber dans l'Hélisson.

XXXIII. [1] Au reste si Mégalopolis bâtie autrefois avec tant d'ardeur par les Arcadiens, agrès les espérances que les Grecs en avaient conçues, dépouillée aujourd'hui de tous ses ornements ne présente que des ruines de tous côtés, je ne m'en étonne pas. Je sais que la fortune se joue sans cesse des choses d'ici bas, que rien ne lui résiste, et que toutes les productions humaines, fortes ou faibles, anciennes ou nouvelles, sont également sujettes à son empire.

[2] Que reste-t-il de Mycènes, qui du temps de la guerre de Troie commandait à toute la Grèce, et de Ninive, autrefois la capitale des Assyriens, et de Thèbes en Béotie qui un temps s'est fait craindre et respecter de tous les Grecs ? Les deux premières sont détruites, et la troisième conserve à peine son nom, grâces à la citadelle qui subsiste encore, et à un fort petit nombre d'habitans. Considérons celles qui anciennement surpassaient toutes les autres en richesses, Thèbes en Egypte, Orchomène dans le pays des Minyens, Délos qui s'est vue si florissante par son commerce ; que sont-elles devenues ? Les unes à présent n'ont pas la richesse d'un simple particulier médiocremeut puissant, et Délos serait entièrement abandonnée, sans la garnison que les Athéniens y envoient tous les ans pour la garde du temple d'Apollon.

[3] Babylone a été la plus grande ville que le soleil pût voir dans sa course ; il n'en est resté que les murs et le temple de Bélus. Tyrinthe dans l'Argie n'a pas eu un meilleur sort. Ces anciennes villes si fortes, si riches, et si grandes ont été réduites à rien, pendant qu'Alexandrie en Egypte, et Séleucie sur les bords de l'Oronte, tout nouvellement bâties l'une et l'autre, sont parvenues à un tel point de grandeur et de puissance, que la Fortune elle-même semble les avoir prises sous sa protection.

[4] Mais nous avons vu de nos jours quelque chose de plus étonnant encore que ces jeux de la fortune dans l'abaissement de certaines villes, et dans l'accroissement de quelques autres. Chrysé était une île fort peu distante de Lemnos ; ce fut-là, dit-on, que Philoctète souffrit de si grandes douleurs de la piquure d'un serpent. Cette île submergée par les flots de la mer a entièrement disparu, et en même temps on en a vu paraître une autre qui n'était point, et que l'on appelle l'île Hiéra. Ainsi toutes les choses humaines ne sont que pour un temps, et il n'y a rien de stable dans le monde.

XXXIV. [1] En allant de Mégalopolis en Messénie on n'a pas fait sept stades que l'on trouve à la gauche du grand chemin un temple dédié à des déesses que les gens du lieu nomment Manies, et tout le canton d'alentour en porte aussi le nom. Je crois qu'ils entendent les furies ; aussi disent-ils qu'Oreste ayant tué sa mère perdit l'esprit en ce lieu-là.

[2] Assez près du temple on voit un petit tertre couvert d'une espèce de tombe sur laquelle est gravée la figure d'un doigt ; ils appellent ce tertre la sépulture du doigt, et disent qu'Oreste devenu furieux se coupa là avec les dents un des doigts de la main. Dans le voisinage est un autre endroit qu'ils nomment Acé, parce qu'Oreste fut guéri là de ses fureurs, et ils y ont bâti un temple aux Euménides.

[3] Ils racontent qu'à la première apparition de ces Déesses, lorsqu'eles troublèrent l'esprit à Oreste, il les vit toutes noires ; qu'à la seconde apparition, après qu'il se fut arraché un doigt, il les vit toutes blanches, et qu'alors il recouvra son bon sens ; qu'à cause de cela pour apaiser les premières il les honora comme on a coutume d'honorer les mânes des morts, mais qu'il sacrifia aux secondes.

[4] Et encore aujourd'hui en mémoire de cet événement ils se croient bien fondés à sacrifier à ces Déesses et aux Grâces en même temps. Auprès du lieu qu'ils nomment Acé il y a un autre temple, où l'on dit qu'Oreste coupa ses cheveux, et ce temple a pris de là sa dénomination. A dire le vrai, ceux qui ont recherché les antiquités du Péloponnèse conviennent qu'Oreste poursuivi par les furies vengeresses de la mort de Clytemnestre, éprouva toutes ces aventures en Arcadie, avant que d'être jugé dans l'aréopage. Ils ajoutent qu'il eut pour accusateur non pas Tyndare, car il n'était plus au monde, mais Périlas, qui, comme cousin germain de Clytemnestre, demanda la punition du crime d'Oreste ; ce Périlas était fils d'Icarius, qui eut même plusieurs filles ensuite.

[5] De Manies au fleuve Alphée il peut y avoir environ quinze stades, je dis jusqu'à l'endroit où la rivière de Gathéate après avoir reçu celle de Carnion se décharge dans l'Alphée. La rivière de Carnion a sa source dans l'Epytide au-dessous du temple d'Apollon Céréate.

[6] Pour celle de Gathéate, elle vient de Gathée dans le territoire de Cromes quelque quarante stades au-dessus de l'Alphée, où l'on voit à peine quelques traces d'une ancienne ville de ce nom. De Cromes à Nymphas on compte vingt stades. Nymphas est un lieu fort aquatique et rempli d'arbres. De là à Hermée lieu consacré à Mercure on compte encore vingt stades. Là il y a une colonne et un Mercure dessus ; c'est une borne entre les Messéniens et les Mégalopolitains.

XXXV. [1] En cet endroit vous verrez deux chemins ; l'un va à Messène, l'autre conduit de Mégalopolis à Carnasium autre ville de la Messénie. En prenant ce dernier vous trouverez bientôt l'Alphée, et c'est justement à cette hauteur que le Malluns et le Syrus après avoir mêlé leurs eaux ensemble viennent tomber dans ce fleuve. Après avoir côtoyé quelque temps la rivière de Malluns qui est sur la droite, vous la passez, et vous arrivez à Phédrias par un chemin qui va toujours en descendant.

[2] Phédrias est à trente stades du confluent dont j'ai parlé, et à quinze stades d'Herniée où l'on voit un temple de cette divinité que les Arcadiens appellent par excellence la Maîtresse. Ce lieu est encore mitoyen entre les Mégalopolitains et les Messéniens. Vous y verrez quelques statues de cette Déesse si chère aux Arcadiens, de Cérès, de Mercure et d'Hercule, toutes de grandeur médiocre. Cet Hercule de bois fait par Dédale, et que l'on dit qui était sur les confins de Mégalopolis et de la Messénie, pourrait bien avoir été là.

[3] Le chemin qui va de Mégalopolis à Lacédémone borde l'Alphée l'espace de trente stades, jusqu'à l'endroit où la rivière de Thiuns se mêle avec le fleuve. Ensuite on laisse la rivière à gauche, et à quarante stades du confluent on trouve Phalésies, d'où il n'y a plus que vingt stades à faire pour arriver au temple de Mercure qui est auprès de la ville de Bélémine.

[4] Les Arcadiens prétendent que Bélémine était autrefois une ville de leur frontière, et que les Lacédémoniens l'ont usurpée sur eux. Mais je n'y vois aucune apparence ; car sans recourir à d'autres raisons qu'on pourrait alléguer, les Thébains n'auraient pas manqué de faire valoir les droits de leurs alliés, s'ils avaient cru pouvoir justement revendiquer cette ville en leur nom.

Tardieu, 1821

[5] De Mégalopolis à Methydrium, et à quelques petites places qui sont sur la frontière d'Arcadie, il y a environ cent soixante et dix stades. En y allant vous passez par Scias, qui n'est qu'à treize stades, et où l'on voit encore quelques restes d'un temple de Diane Sciatis, bâti, à ce que l'on croit, par Aristodème durant sa domination. A dix stades de là vous voyez Charisium, ou plutôt le lieu où cette ville était, car à peine en reste-t-il quelques vestiges.

[6] Dix autres stades plus loin c'était Tricolons, autre ville ruinée, dont il ne s'est conservé qu'un temple de Neptune sur une colline, avec une statue du Dieu de figure carrée, et un bois sacré qui environne le temple ; cette ville avait été bâtie par les enfants de Lycaon. Si vous prenez sur la gauche vous arriverez à Zoetée qui est à quinze stades de Tricolons, et qui a eu, dit-on, pour fondateur Zoetéüs fils de Tricolonus. Paroréüs son cadet fonda aussi Parorie dix stades plus loin.

[7] Aujourd'hui ces deux villes sont désertes. Il est seulement resté deux temples à Zoetée, l'un de Cérès, l'autre de Diane. Vous verrez sur cette route les ruines de plusieurs autres villes, comme de Thyrée à quinze stades de Parorie, et ensuite d'Hypsunte, ville autrefois située sur une montagne de même nom. Entre Thyrée et Hypsunte c'est un pays de montagnes couvertes de bois et pleines de bêtes fauves. J'ai déjà dit que ces villes avaient été ainsi appellées du nom de Thyréüs et d'Hypsuns tous deux fils de Lycaon.

[8] A Tricolons vous trouverez sur votre droite un chemin qui va en descendant et qui vous mènera jusqu'à une fontaine qu'ils nomment Crounes. Trente stades plus bas vous verrez la sépulture de Callisto ; c'est une éminence où l'on a laissé croître toute sorte d'arbres, soit fruitiers ou sauvages. A l'endroit le plus haut est un temple de Diane surnommée Calliste. Pamphus est le premier que je sache, qui ait donné ce surnom à Diane à l'imitation des Arcadiens.

[9] Vingt-cinq stades au-delà et à plus de cent stades de Tricolons, sur le chemin de Methydrium la seule ville de cette province qui se soit maintenue, vous avez Anémose et le mont Phalante, sur lequel on voit encore quelques restes d'une ville de même nom. Les Arcadiens disent que Phalantus son fondateur était fils d'Agélas, et petit-fils de Stymphale.

[10] Au bas de la montagne est une plaine, et après cette plaine la ville de Schoenus, ainsi appellée du nom de Schoenéüs béotien de nation. Mais s'il est vrai que Schoenéüs soit venu s'établir en Arcadie, je croirais aussi que le stade d'Atalante qui est auprès de la ville a été ainsi appellé du nom d'une des filles de ce Béotien, et que dans la suite les Arcadiens ont confondu cette Atalante avec l'autre. Quoi qu'il en soit, en convient que tous ces lieux et quelques autres encore sont compris dans l'Arcadie.

XXXVI. [1] Methydrium est donc, comme j'ai dit, la seule de toutes ces villes qui mérite qu'on en parle. Elle est à cent trente-sept stades de Tricolons. Son nom vient de ce qu'elle est sur une hauteur entre deux fleuves, le Maloetas et le Mylaon ; c'est Orchomène qui l'a bâtie. Ses citoyens avant qu'ils se transplantassent à Mégalopolis avaient remporté des victoires aux jeux olympiques.

[2] On voit en cette ville un temple de Neptune Hippius, bâti sur le rivage du fleuve Malcetas. Le mont Thaumasius domine le long de ce fleuve ; les Methydriens disent que Rhéa grosse de Jupiter se retira sur cette montagne, et que Hoplodamas avec les autres Géants accourut à son secours pour la défendre contre les violences de Saturne.

[3] Ils avouent pourtant qu'elle accoucha dans un canton du mont Lycée ; mais si l'on les en croit, ce fut sur le mont Thaumasius qu'elle trompa Saturne en lui présentant une pierre au lieu du petit Jupiter, comme les Grecs le racontent. Ce qui est de certain, c'est que l'on voit sur la cime de la montagne une grotte nommée encore la grotte de Rhéa, où il n'est permis à personne d'entrer, qu'aux seules femmes destinées à y célébrer les mystères de la Déesse.

[4] A trente stades de Methydrium vous verrez la fontaine Nymphasia ; et de là jusqu'à un endroit qui sert de borne aux Mégalopolitains, aux Orchoméniens et aux Caphyates on compte encore trente stades.

Tardieu, 1821

[5] On va de Mégalopolis à Ménale par un défilé qui se nomme les portes d'Hélos, et que l'on trouve au-delà de l'Hélisson. Sur le chemin à la gauche est le temple du bon Dieu, ainsi l'appelle-t-on. Si nous tenons des dieux tout le bien qui nous arrive, Jupiter étant au-dessus de tous, il y a lieu de croire que c'est lui que l'on a voulu surnommer ainsi. Un peu plus loin sur une éminence vous verrez le tombeau d'Aristodème, qui en se faisant le tyran de sa patrie trouva le moyen de conserver le titre d'homme de bien. Là même est un temple de Minerve surnommée l'inventrice et avec raison, puisque c'est à elle que les hommes doivent l'invention des arts, et toutes leurs bonnes pensées.

[6] Sur le même chemin à droite il y a un grand espace consacré à Borée ; les Mégalopolitains lui font des sacrifices régulièrement tous les ans, et l'honorent d'un culte particulier en reconnaissance du secours qu'il leur donna si à propos contre Agis qui commandait l'armée des Lacédémoniens. Ensuite vous trouverez la sépulture d'Oïclés père d'Amphiaraüs, si pourtant il est vrai qu'il soit mort en Arcadie, et non à Troie, où il suivit Hercule dans son expédition contre le roi Laomédon. Après ce tombeau vous voyez le temple de Cérès d'Hélos, ainsi le nomme-t-on ; il est accompagné d'un bois sacré, et n'est en effet qu'à cinq stades de la ville d'Hélos ; il n'est permis qu'aux femmes d'y entrer.

[7] A trente stades de là c'est un village que l'on nomme Paliscius ; au sortir de ce village vous laissez à gauche l'Elaphus ruisseau qui est souvent à sec, et après vingt stades de chemin vous arrivez à la ville de Perethées dont on ne voit plus que les ruines, à l'exception d'un temple du dieu Pan, qui s'est conservé. Là on passe une ravine, et quinze stades plus loin on se trouve dans la plaine de Ménale commandée par une montagne de même nom. Au pied de la montagne on voit encore quelques vestiges de la ville de Lycoa, et un temple de Diane Lycoatis, où la déesse est en bronze.

[8] Sumatia autre ville ruinée était au midi. Sur la même montagne il y a un endroit où trois chemins viennent aboutir ; ce fut de là que les Mantinéens par le conseil de l'oracle de Delphes enlevèrent les os d'Arcas fils de Callisto. Il ne reste plus que des ruines de la ville de Ménale et d'un temple de Minerve ; mais on voit encore deux stades, dont l'un était pour les combats des athlètes, l'autre pour les courses de chevaux. Les gens du pays croient cette montagne particulièrement consacrée au dieu Pan, et ils sont si persuadés de la présence du Dieu, qu'ils s'imaginent quelquefois l'entendre jouer de la flûte.

[9] Depuis le temple de cette divinité que les Arcadiens nomment la Maîtresse jusques à Mégalopolis il y a environ quarante stades, et l'on passe l'Alphée à moitié chemin. A deux stades du fleuve on trouve les ruines de Macarée, et à sept stades ensuite celles de Dasée, d'où l'on compte encore sept stades jusqu'au mont Acacésius, au pied duquel était autrefois la ville d'Acacésium.

[10] On y voit encore une statue de marbre qui représente Mercure. Si l'on en veut croire les Arcadiens, c'est-là que ce Dieu dans son enfance a été élevé par les soins d'Acacus un des fils de Lycaon. Mais les Thébains ont une tradition bien différente, et les Tanagréens une autre aussi différente de celle des Thébains. Le temple de la divinité favorite des Arcadiens est à quatre stades d'Acacésium. La première statue que l'on y voit est une Diane surnommée la Conductrice ; c'est une statue de bronze qui a bien six pieds de haut, autant que je m'en puis souvenir ; la Déesse tient un flambeau de chaque main.

XXXVII. [1] Cette Diane est à l'entrée du parvis. En approchant du temple vous trouvez à droite un portique, et le long des murs plusieurs statues de marbre blanc rangées sur des piédestaux. Sur le premier ce sont des Parques avec Jupiter surnommé Moeragete ; sur le second c'est Hercule qui arrache à Apollon un trépied ; je dirai l'explication que j'ai ouï donner de cette figure, lorsque je décrirai le temple de Delphes dans mon voyage de la Phocide.

[2] Au milieu du portique il y a une table où sont décrites les cérémonies qui s'observent dans les mystères de la Déesse. Sur le troisième piédestal vous voyez des nymphes et des statues du dieu Pan. Sur le quatrième est une statue de Polybe fils de Lycortas. L'inscription porte que la Grèce n'eut pas fait tant de fautes, si elle avait suivi les conseils de ce grand homme, et que tombée dans de grands malheurs, elle n'eut d'espérance et de ressource qu'en lui. Devant le temple on voit trois autels dédiés, l'un à la divinité favorite des Arcadiens, l'autre à Cérès, et le troisième à la mère des dieux.

[3] La statue de la première divinité et celle de Cérès avec le trône où elles sont assises, et leur marchepied sont d'un seul bloc de marbre. On n'aperçoit ni dans les draperies, ni dans les autres ornements aucune jointure, ni quoique ce soit qui puisse faire soupçonner que cette pièce soit de plusieurs morceaux. Les Arcadiens disent que ce bloc ne leur a point été apporté, mais qu'avertis en songe de creuser la terre dans l'enceinte du temple, ils l'y trouvèrent ; c'est Damophon qui l'a mis en oeuvre. Les deux statues sont grandes comme celle de la mère des dieux à Athènes.

[4] Cérès tient un flambeau de la main droite. et elle avance la main gauche vers la première divinité ; celle-ci tient un sceptre et a sur ses genoux une corbeille qu'elle soutient de la main droite. Diane est à côté du trône auprès de Cérès ; elle est vêtue d'une peau de cerf, le carquois sur l'épaule, tenant d'une main un flambeau, et de l'autre deux serpents ; un chien de chasse est auprès d'elle.

[5] De l'autre côté près de la divinité favorite on voit Anytus dans l'équipage d'un homme de guerre ; les ministres du temple disent que la Déesse fut élevée par cet Anytus qui était un des Titans. Homère est le premier qui ait parlé des Titans ; il en fait des dieux du Tartare dans le serment que le Tartare prête à Junon. Onomacrite a depuis emprunté cette fable d'Homère, et dans son poème sur les orgies de Bacchus, il dit que les Titans causèrent bien des maux à ce Dieu.

[6] Quant à Anytus, je rapporte ce que les Arcadiens en disent. Mais que Diane soit fille de Cérès et non de Latone, c'est une tradition égyptienne que le poète Eschyle fils d'Euphorion a le premier répandue parmi les Grecs. Je ne dis rien ni des Curètes qui sont dessous les deux principales figures, ni des Corybantes que l'ouvrier a représentés sur le piédestal, si ce n'est qu'un de ces Curètes n'est pas fort reconnaissable.

[7] Les Arcadiens apportent au temple des fruits de toute espèce, excepté des grenades. En sortant du temple vous verrez sur votre droite un miroir encastré dans le mur ; quand on s'y regarde à peine se voit-on, mais on voit distinctement ce beau groupe de marbre dont j'ai parlé.

[8] Si vous avancez un peu au-dessus du temple, vous verrez sur votre droite ce qu'ils appellent le Mégaron, où ils célèbrent les mystères de la Déesse, et lui font des sacrifices auxquels il n'y a rien d'épargné. Ils ne coupent point le gosier aux victimes comme dans les autres sacrifices ; mais ils les dépècent tantôt d'une manière, tantôt de l'autre, suivant que le hasard les leur fait tomber entre les mains.

[9] C'est de toutes les Déesses celle à qui les Arcadiens ont le plus de dévotion ; ils la disent fille de Neptune et de Cérès, et ils l'appellent la Maîtresse, comme on appelle Coré cette autre Déesse qui est fille de Jupiter et de Cérès, quoique Homère lui ait donné le nom de Perséphoné, et Pamphus avant Homère. Pour moi j'ai presque eu scrupule de faire connaître la première de ces deux divinités à des lecteurs qui ne sont pas initiés à ses mystères.

[10] Au-dessus de Mégaron il y a un bois sacré, entouré d'une muraille de pierres sèches. Dans ce bois on voit des arbres de toute sorte, mais entre autres un chêne et un olivier qui sont sortis de la même racine, sans que cela puisse s'imputer à l'industrie de qui que ce soit. Au-delà du bois on trouve un autel dédié à Neptune Hippius, comme au père de la Déesse, et quelques autres encore. Une inscription apprend que le dernier est un autel commun à tous les dieux.

[11] De là par des marches faites exprès on monte au temple du dieu Pan. Vous voyez d'abord un portique et au-dedans une statue de moyenne grandeur. Les Arcadiens mettent ce Dieu au nombre des plus puissantes divinités, qui exaucent les prières des bons, et font sentir leur colère aux méchants ; ils tiennent une lampe perpétuellement allumée en son honneur ; ils croient qu'anciennement ce Dieu rendait des oracles, et qu'il avait pour interprète la nymphe Erato, celle-là même qui épousa Arcas fille de Callisto, et dont j'ai dit ci-devant une partie de ce qu'ils en racontent.

[12] Vous verrez aussi là un autel dédié à Mars, dans le temple deux statues de Vénus, l'une de marbre blanc, l'autre de bois, beaucoup plus ancienne. Apollon et Minerve sont aussi en bois ; mais Minerve a sa chapelle à part.

XXXVIII. [1] Un peu plus loin vous découvrirez l'enceinte des murailles de Lycosure, où il n'y a aujourd'hui qu'un petit nombre d'habitants ; c'est néanmoins la plus ancienne ville qu'il y ait dans le monde, la première que le soleil ait vue, et celle qui a fait naître aux hommes l'idée de bâtir toutes les autres.

[2] Sur la gauche du temple de la Déesse si chère aux Arcadiens vous voyez le mont Lycée, qu'ils appellent autrement le mont Olympe et le mont Sacré ; car ils prétendent que Jupiter a été nourri sur cette montagne dans un petit canton nommée Cretée, qui est à la gauche d'un bois consacré à Apollon Parrhasius ; c'est-là, disent-ils, et non dans l'île de Crète, que Jupiter a été élevé par trois nymphes, Thisoa, Néda, et Hagno.

[3] La première bâtit la ville de Thisoa dans la province de Parrhasie ; ce n'est plus à présent qu'un village de la dépendance de Mégalopolis. La seconde donna son nom au fleuve Nédas ; et la troisième donna le sien à une fontaine du mont Lycée, dont l'eau l'hiver et l'été est toute semblable à celle du Danube.

[4] Dans les temps de sécheresse, lorsque la terre aride et brûlée ne peut nourrir les arbres et les fruits qu'elle donne, le prêtre de Jupiter Lycéüs tourné vers la fontaine adresse ses prières au Dieu, et lui fait des sacrifices en observant toutes les cérémonies prescrites ; ensuite il jette une branche de chêne sur la surface de l'eau, car elle ne va point au fond. Cette légère agitation qui arrive à la fontaine en fait sortir des exhalaisons qui s'épaississent et se forment en nuages ; lesquels retombant bientôt en pluie arrosent et fertilisent le pays.

[5] Il y a aussi sur le mont Lycée un temple consacré à Pan avec un bois sacré, près duquel est un hippodrome et un stade, où de toute ancienneté l'on a célébré des jeux en l'honneur du Dieu. On voit encore là plusieurs piédestaux, mais les statues n'y sont plus. J'y remarquai une inscription en vers élégiaques, où il était parlé d'un Astyanax Arcadien de nation.

[6] Le mont Lycée est fameux par bien d'antres merveilles. Il n'est pas permis aux hommes d'entrer dans l'enceinte consacrée à Jupiter Lycéüs. Si quelqu'un au mépris de la loi est assez osé pour y mettre le pied, il meurt infailliblement dans l'année. On dit aussi que tout ce qui entre dans cette enceinte, hommes et animaux, n'y fait point d'ombre. Si une bête poursuivie par des chasseurs peut s'y sauver, elle est en sûreté ; les chasseurs ne passent pas outre, ils se tiennent en dehors, mais ils remarquent que le corps de cette bête, quoique opposée aux rayons du soleil, ne fait aucune ombre. A Syéné ville voisine de l'Ethiopie, durant le temps que le soleil est dans le signe du Cancer, il n'y a ni arbres, ni animaux qui fassent de l'ombre ; mais dans le canton du mont Lycée dont il s'agit ici, cela arrive en tout temps.

[7] Sur la croupe la plus haute de la montagne on a fait à Jupiter un autel de terres rapportées, d'où l'on découvre presque tout le Péloponnèse. Devant cet autel on a posé deux colonnes au soleil levant, sur lesquelles il y a deux aigles dorés d'un goût fort ancien ; c'est sur cet autel qu'ils sacrifient à Jupiter Lycéüs avec un grand mystère. Il ne m'est pas permis de divulguer les cérémonies de ce sacrifice ; ainsi laissons les choses comme elles sont, et comme elles ont toujours été.

[8] Dans cette partie du mont Lycée qui est à l'orient vous verrez un temple d'Apollon Parrhasius, ou Pythius, car on lui donne l'un et l'autre surnom. Les Arcadiens célèbrent tous les ans une fête en l'honneur de ce Dieu, ils lui sacrifient un sanglier dans la place publique, et alors c'est à Apollon Epicurius qu'ils adressent leurs voeux mais ensuite ils portent la victime dans le temple d'Apollon Parrhasius, en grande pompe et au son des flûtes. Là ils coupent les cuisses de la victime, ils les font rôtir, et ils consomment le sacrifice ; tel est leur usage.

[9] Au nord de la montagne c'est le territoire de Thisoa ; les gens du lieu honorent particulièrement la nymphe de ce nom. Le Mylaon, le Nus, l'Achéloüs, le Céladus, et le Naphilus sont autant de rivières qui arrosent ce canton, et qui vont se jeter dans l'Alphée. Je connais deux autres fleuves de même nom que l'Achéloüs qui est en Arcadie, mais beaucoup plus célèbres.

[10] L'un traverse le pays des Acarnaniens et des Etoliens, et a son embouchure vers les Echinades ; celui-là est nommé par Homère le roi des fleuves ; l'autre tombe du mont Sipyle, et le même poète en a fait encore mention en parlant de Niobé. Ainsi l'Achéloüs qui passe aux environs du mont Lycée est le troisième.

[11] A la droite de Lycosure vous voyez de hautes montagnes que l'on appelle les monts Nomiens ; Pan surnommé Nomius y a son temple. Près de là est un lieu qu'ils appellent Melpée, parce que, disent-ils, ce fut là que Pan inventa l'art de jouer de la flûte. Quant aux monts Nomiens, il serait naturel de croire qu'ils portent ce nom à cause de leurs pâturages qui sont consacrés au dieu Pan ; cependant les Arcadiens disent qu'ils sont ainsi appellés du nom d'une nymphe.

XXXIX. [1] Le Plataniste passe à travers la ville de Lycosure du côté du couchant. Pour aller à Phigalie il faut passer cette rivière ; quand vous l'avez passée vous trouvez un chemin qui va toujours en montant l'espace de trente stades.

[2] Ce qui regarde Phigalus fils de Lycaon et le premier fondateur de Phigalie, comment ensuite cette ville s'est appellée Phialie du nom de Phialus fils de Boucolion, et comment enfin on est revenu à sa première dénomination, c'est ce qui a déjà été remarqué dans ces mémoires. On raconte beaucoup d'autres choses, mais qui ne me paraissent pas fort dignes de foi ; car les uns disent que Phigalus était un homme originaire du pays, mais nullement fils de Lycaon ; les autres, que Phigalie était une nymphe du nombre des Dryades.

[3] Quoi qu'il en soit, lorsque les Lacédémoniens firent la guerre aux Arcadiens, ils tournèrent d'abord leurs forces contre Phigalie, entrèrent dans le pays avec une armée, repoussèrent les habitants jusques dans leurs murs, et mirent le siège devant la ville. Les Phigaliens se voyant près d'être forcés capitulèrent et eurent la liberté de se retirer où ils voudraient ; ils évacuèrent donc la place, qui fut rasée sous l'archontat de Miltiade à Athènes, la seconde année de la trentième olympiade, en laquelle Chionis Lacédémonien fut proclamé vainqueur aux jeux olympiques pour la troisième fois.

[4] Ces fugitifs ayant jugé à propos d'aller à Delphes pour consulter l'oracle sur les moyens de rentrer dans leur pays, il leur fut répondu qu'en vain ils tenteraient leur retour par eux-mêmes, qu'ils prissent avec eux cent hommes d'élite de la ville d'Oresthasium, que ces cent hommes périraient tous dans le combat, mais qu'à l'aide de leur valeur les Phigaliens rentreraient dans leur ville. Lorsque les Oresthasiens surent la réponse de l'oracle, ce fut parmi eux à qui s'enrôlerait le premier pour être du nombre de ces braves qui devaient procurer le retour des Phigaliens.

[5] Et ne demandant qu'à aller en avant, ils poussèrent jusqu'aux portes de Phigalie, où s'étant battus avec la garnison lacédémonienne, ils vérifièrent l'oracle de point en point ; car ils périrent tous jusqu'au dernier ; mais les Spartiates furent chassés, et les Phigaliens se remirent en possession de leur patrie. La ville est sur un rocher fort haut et fort escarpé, les murs sont même bâtis pour la plus gaude partie sur le roc ; mais tout au haut il y a une plate-forme assez spacieuse, où Diane Conservatrice a un temple et une statue de marbre qui représente la Déesse toute droite ; ils descendent de ce temple en procession dans la ville.

[6] Vous verrez dans le lieu d'exercice un Mercure qui semble mettre son manteau, cette statue est carrée par en bas et sans pieds. Bacchus surnommé Acratophore a aussi son temple à Phigalie ; le bas de sa statue est tellement couvert de feuilles de lierre et de laurier qu'on ne le peut voir ; les parties qui se voient sont enluminées de vermillon ; ces peuples disent que les Ibériens tirent le vermillon des mêmes mines d'où ils tirent l'or.

XL. [1] Dans la place publique on voit une statue d'Arrachion célèbre pancratiaste ; c'est une statue de marbre fort ancienne, comme il y paraît surtout à son attitude ; les pieds sont presque joints, et les mains pendantes sur les côtés jusqu'aux cuisses. On prétend qu'il y a de l'écriture au bas, mais elle est entièrement effacée par le temps. Arrachion fut couronné deux fois en la cinquante-deuxième et en la cinquante-troisième olympiade ; mais en la suivante sa victoire fut mémorable autant par la décision des juges que par son courage.

[2] Car ayant vaincu tous ses adversaires, à la réserve d'un seul qui lui disputait la couronne d'olivier, celui-ci lui embarrassa les jambes et se jeta en même temps à son col pour l'étrangler. Arrachion en cet état ne sut faire autre chose que d'écraser un des doigts du pied à son adversaire, qui en ressentit une si grande douleur, qu'il lui céda la victoire un moment avant qu'Arrachion étranglé rendît le dernier soupir. Les Eléens prononcèrent en faveur d'Arrachion, et tout mort qu'il était il fut couronné.

[3] Je sais que les Argiens en usèrent de même envers Creugas, fameux athlète natif d'Epidamne. Ils le proclamèrent vainqueur après sa mort, et lui adjugèrent le prix des jeux néméens, parce que Damoxène de Syracuse son antagoniste ne l'avait vaincu que par une lâche trahison, et en violant les lois dont ils étaient convenus l'un et l'autre. Ils devaient sur le soir combattre ensemble au pugilat, et ils étaient convenus en présence de témoins qu'après que l'un aurait porté un coup à son adversaire, celui-ci aurait son tour et en porterait un réciproquement à l'autre. Le ceste ne s'attachait point alors avec des courroies autour du poignet ; on s'enveloppait seulement la paume de la main d'un cuir de boeuf que l'on faisait tenir avec des lanières, mais de sorte que les doigts demeuraient découverts.

[4] Creugas frappa le premier Damoxène et lui déchargea un grand coup sur la tête ; celui-ci dit à Creugas de tenir ses mains en repos, et d'attendre le coup à son tour ; Creugas obéit ; aussitôt Damoxène lui plongea les doigts dans le flanc avec tant de violence qu'il le perça, et à coups redoublés élargissant la plaie il lui arracha les boyaux.

[5] Creugas expira sur le champ ; mais parce que Damoxène avait manqué de bonne foi, et qu'au lieu d'un seul coup il en avait porté plusieurs de suite, les Argiens le chassèrent honteusement de l'arène, et adjugèrent la victoire à Creugas, même après sa mort. Ils firent plus, ils lui érigèrent une statue que l'on voit encore aujourd'hui dans le temple d'Apollon Lycius à Argos.

XLI. [1] Vous verrez aussi dans la place publique de Phigalie la sépulture de ces braves Oresthasiens dont j'ai parlé ; les Phigaliens font tous les ans leur anniversaire sur leur tombeau.

[2] La rivière de Lymax traverse la ville de Phigalie et va tomber ensuite dans le fleuve Nédas. On dit que le nom de Lymax vient de la purification de Rhéa après qu'elle eut mis Jupiter au monde, et de ce que les nymphes qui assistèrent à ses couches en jetèrent les impuretés dans cette rivière. En effet les Achéens emploient le mot de lyma dans cette acception, et Homère qui nous apprend que les Grecs après s'être purifiés, à cause de la peste dont ils avaient été frappés, jetèrent dans la mer ce qui avait servi à leur purification, emploie aussi le mot lymata dans le même sens.

[3] Le Nédas a sa source au mont Cerausius qui fait partie du mont Lycée ; il passe assez près de Phigalie, et les enfants de la ville vont en cet endroit couper leurs cheveux pour les consacrer au fleuve ; près de son embouchure il porte de petits navires. De tous les fleuves que nous connaissons le Méandre est celui qui fait le plus de détours, se repliant pour ainsi dire sur lui-même, et serpentant en plusieurs manières ; s'il y en a quelque autre qu'on puisse lui comparer en ce point, c'est le Nédas.

[4] Environ douze stades au-dessous de Phigalie il y a des bains chauds, près desquels la rivière de Lymax se jette dans le Nédas. Au-dessus du confluent on voit un temple fort célèbre et fort antique ; c'est le temple d'Eurynome ; il est environné d'une si grande quantité de cyprès, que l'on diroit d'une forêt, et l'accès en est difficile à cause de sa situation.

[5] Le peuple de Phigalie s'imagine qu'Eurynome est un surnom de Diane ; mais ceux qui ont quelque connaissance de l'antiquité savent bien qu'Eurynome était une fille de l'Océan, et qu'Homère en fait mention dans l'Iliade, lorsqu'il dit que Vulcain fut reçu par Thétis et par Eurynome. On ouvre ce temple un certain jour de l'année, et tout le reste du temps on le tient fermé ; ce jour-là le public et les particuliers y viennent sacrifier.

[6] Comme je ne me suis point trouvé dans le pays le jour de la fête, je n'ai pu voir la statue d'Eurynome ; mais j'ai ouï dire à des Phigaliens qu'elle était attachée avec des chaînes d'or, et qu'elle représentait une espèce de divinité marine qui était moitié femme et moitié poisson, ce qui ne peut jamais convenir à Diane.

[7] La ville de Phigalie est toute environnée de montagnes ; du mont Cotylius à la gauche, et du mont Elaïus à la droite. Le mont Cotylius est à quarante stades de la ville ; sur cette montagne il y a un bourg nommé Basses, où vous verrez un temple d'Apollon Epicurius, dont la voûte est de pierre de taille.

[8] Après celui de Tégée c'est de tous les temples du Péloponnèse le plus estimé, soit pour la beauté de la pierre, soit pour l'élégance et la symétrie de l'édifice. Le surnom d'Epicurius vient de ce que ces peuples furent délivrés de la peste par le secours du Dieu, de même que les Athéniens l'appellèrent Alexicacus pour un semblable sujet.

[9] Je crois que l'un et l'autre nom lui furent donnés durant la guerre des Athéniens avec les Phigaliens et les autres peuples du Péloponnèse. Ce qui me le persuade, c'est premièrement la conformité des deux noms, et en second lieu c'est qu'Ictinus qui a été l'architecte du temple d'Apollon Epicurius vivait du temps de Périclès, et qu'il fut aussi l'architecte du temple que l'on nomme le Parthénon à Athènes. J'ai déjà dit que la statue du Dieu avait été transporfée dans la place publique de Mégalopolis.

[10] On trouve à la vérité une source sur le mont Cotylius ; mais l'historien qui a écrit que c'est la source de la rivière de Lymax donne lieu de croire qu'il ne l'a pas vue par lui-même, et qu'il ne s'en est pas même rapporté à des personnes qui l'eussent vue ; pour moi j'en parlé comme témoin oculaire et comme instruit par les gens du pays ; cette source est très faible et se perd bientôt dans les terres. Je ne puis néanmoins dire en quel endroit de l'Arcadie la rivière de Lymax a sa source, parce qu'il ne me vint pas dans l'esprit de m'en informer. Au-dessus du temple d'Apollon il y a un lieu qu'ils nomment Cotylus, où vous verrez un temple de Vénus et une statue de la Déesse : le temple n'a plus de toit.

XLII. [1] Le mont Elaïus n'est qu'à trente stades de Phigalie. Ce que l'on y voit de plus curieux, c'est une grotte de Cérès surnommée la noire. Il faut savoir que les Phigaliens conviennent de ce que disent les Thalpusiens du commerce que Neptune eut avec Cérès ; ils prétendent seulement que ce qui en naquit ne fut pas un cheval, mais cette divinité que les Arcadiens appellent leur Maîtresse.

[2] Ils ajoutent que Cérès outrée de dépit contre Neptune, et inconsolable de l'enlèvement de Proserpine, pour marquer son déplaisir prit un habit noir, s'enferma dans la grotte dont je parle, et y demeura longtemps cachée. Cependant les fruits et les moissons ne venaient point à maturité, et les hommes périssaient de faim. Les dieux n'y pouvaient apporter de remède, parce qu'aucun d'eux ne savait ce que Cérès était devenue.

[3] Enfin Pan prenant un jour le plaisir de la chasse, après avoir couru toutes les montagnes d'Arcadie vint sur le mont Elaïus, où il trouva Cérès en l'état que j'ai dit. Aussitôt il en informa Jupiter qui envoya les Parques à la Déesse pour tâcher de la consoler et de la fléchir, à quoi elles réussirent. Les Phigaliens depuis cet événement ont toujours regardé cette grotte comme sacrée. Ils y avaient placé une statue de bois qui représentait une figure de femme, couchée sur une roche.

[4] Le corps de la statue était couvert d'une tunique qui descendait jusqu'aux pieds ; mais sur ce corps il y avait une tête de cheval avec des crins ; des serpents et d'autres bêtes sauvages semblaient s'attrouper alentour. La Déesse tenait d'une main un dauphin, et de l'autre une colombe, symboles dont l'intelligence est aisée à quiconque est doué de quelque pénétration et n'est pas tout-à-fait ignorant dans la mythologie. Cérès fut donc surnommée la noire parce qu'elle avait pris un habit de deuil.

[5] Les Phigaliens ne savent ni de qui était cette statue, ni comment elle fut brûlée ; car elle le fut. Après cet accident non seulement ils n'en mirent pas une autre à la place, mais ils négligèrent entièrement la fête et les cérémonies de la Déesse. Aussitôt la terre cessa de donner ses richesses ordinaires ; les Phigaliens punis par une stérilité qui causa la famine allèrent consulter l'oracle de Delphes, et en eurent cette réponse :

[6]

Malheureux habitants de la triste Azanie,
De Cérès autrefois nation si chérie,
A vous nourrir de gland, à paître dans les bois
Vous voilà condamnés pour la seconde fois.
Mais des maux plus cruels vous menacent encore :
Oui, je vous le prédis ; la faim qui vous dévore
Va croissant tous les jours irriter vos fureurs,
Et vous accoutumer aux plus grandes horreurs.
Des membres de son fils, ô barbare courage !
Le père assouvira sa famélique rage ;
La mère, de l'enfant qu'elle porte en son sein,
Pour s'en rassasier, deviendra l'assassin.
Et vous périrez tous, si Cérès offensée
Dans son antre profond n'est par vous encensée,
Et si rétablissant son culte et ses autels,
Vous ne lui décernez des honneurs immortels.

[7] Les Phigaliens depuis cet oracle rendirent à Cérès tous les honneurs imaginables, et entre autres marques de respect et de dévotion qu'ils lui donnèrent, ils engagèrent Onatas fils de Micon de l'île d'Egine, à leur faire une statue de la Déesse, lui promettant telle récompense qu'il voudrait. On voit aussi à Pergame un Apollon en bronze qui est de la façon d'Onatas ; c'est une statue admirable tant pour sa grandeur que pour la beauté de l'ouvrage. Le même Onatas fit donc une Cérès en bronze, les uns disent d'après un tableau qu'il trouva, d'autres d'après une statue de bois faite à l'imitation de l'ancienne, d'autres même d'après une apparition qu'il eut en songe. Quoi qu'il en soit, je crois que cet ouvrage fut fait quelques générations après l'irruption des Perses en Grèce.

[8] Car Xerxès passa en Europe dans le temps que Gélon fils de Dinamène était tyran de Syracuse et de toute la Sicile. A Gélon, succéda son frère Hiéron ; celui-ci étant mort sans accomplir le voeu qu'il avait fait à Jupiter Olympien pour plusieurs victoires remportées à la course de chevaux, son fils Dinamène second du nom l'acquitta pour lui.

[9] Il consacra à Jupiter un char de bronze attelé de deux chevaux, et c'était un ouvrage d'Onatas. Je l'ai su à Olympie, avec deux inscriptions, dont voici la première :

Arbitre souverain des hommes et des dieux,
Mon père aux jeux sacrés trois fois victorieux,
A ton puissant secours dut l'éclat de sa gloire ;
Et voulant signaler son zèle et sa victoire
Par un monument éternel,
De ce char il fit voeu d'enrichir ton autel ;
De son sceptre héritier j'acquitte sa promesse :
Puissai-je ainsi toujours imiter sa sagesse.

[10] La seconde est conçue en ces termes :

D'Onatas à ce char reconnais l'industrie.
Micon était son père, Egine sa patrie.

Ce statuaire vivait en même temps qu'Idégias d'Athènes, et qu'Agéladès d'Argos.

[11] J'étais venu à Phigalie exprès pour voir sa Cérès ; je n'immolai aucune victime à la Déesse ; je lui présentai seulement quelques fruits à la manière des gens du pays, surtout du raisin avec des rayons de miel, et des laines nullement apprêtées, mais comme la toison les donne. On met ces offrandes sur un autel qui est devant la grotte, et on verse de l'huile dessus. Cette espèce de sacrifice se fait tous les jours par les particuliers, et une fois l'an par la ville en corps.

[12] C'est une prêtresse qui y préside, accompagnée du ministre le plus jeune. La grotte est environnée d'un bois sacré où il y a une source d'eau très froide. La statue d'Onatas n'y était plus de mon temps, et la plupart des Phigaliens doutaient qu'elle y eût jamais été.

[13] Un vieillard m'assura qu'environ trois générations avant lui cette statue avait été fracassée par de grosses roches qui s'étaient détachées de la voûte, et en effet l'on voit encore les marques de ces ruines.


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Traduction par l'abbé Gédoyn (1731, édition de 1794)
NB : Orthographe modernisée et chapitrage complété.