[Mégalopolis et sa région]
XXX. [1] La rivière d'Hélisson a sa source dans
un village de même nom ; après avoir arrosé
les terres des Dipéens et des Lycéates, elle
traverse la ville de Mégalopolis et se décharge
enfin dans l'Alphée quelque trente stades au-delà.
Près des murs de Mégalopolis on voit un temple de
Neptune surnommé Epoptès ; il ne reste de la
statue du Dieu que la tête seulement.
[2] L'Hélisson partage la ville à peu près
comme ces canaux que l'on nomme Euripes partagent les villes de
Cnide et de Mitylène ; La place publique est à
droite du côté du nord et à l'endroit
où les bords de la rivière s'élèvent
le plus ; cette place est entourée d'une balustrade de
pierres. Vous y voyez un temple de Jupiter Lycéus qui
n'est précédé d'aucun vestibule ; tout ce
qu'il contient est exposé aux yeux des regardants. J'y ai
remarqué deux autels, deux tables, deux aigles de
même matière que les tables, et une statue de
marbre du dieu Pan surnommé le Sinoïs,
[3] du nom de la nymphe Sinoé, qui soit en particulier,
soit de concert avec ses compagnes, prit soin de
l'éducation de ce Dieu. Devant le frontispice du temple
il y a un Apollon en bronze qui est une très belle statue
; elle est haute de douze pieds ; ce sont les Phigaliens qui
l'ont fait faire à leurs dépens, et elle a
été transportée là pour servir
d'ornement à la ville de Mégalopolis.
[4] Le lieu où les Phigaliens l'avaient d'abord
placée se nomme Basses ; de là vient le surnom
qu'avait le Dieu, et qu'il a quitté pour prendre celui
d'Epicurius ; j'en dirai la raison lorsque j'en serai
à l'article des Phigaliens. A la droite de l'Apollon est
une petite statue de la mère des Dieux ; à
l'égard de son temple, il n'en est resté que les
colonnes.
[5] De plusieurs statues qui étaient devant la porte, le
temps n'a épargné que les piédestaux avec
une inscription en vers élégiaques, qui
témoigne que l'on avait érigé une statue
à Diophane fils de Dioeus, qui le premier engagea tous
les peuples du Péloponnèse à envoyer des
députés aux états d'Achaïe.
[6] Dans la place on voit un portique qu'ils nomment le
Philippée, non que Philippe de Macédoine l'ait
bâti, mais parce que les Mégalopolitains pour faire
leur cour à ce prince, lui donnèrent son nom. Ce
portique touchait au temple de Mercure Acacesius, dont il ne
s'est conservé que la voûte et quelques piliers.
Suit un autre portique de moindre grandeur, où l'on
rendait la justice, et où l'on voit encore six places de
sénateurs en manière de niches. La première
est présentement occupée par une statue de Diane
Ephésienne, la seconde par une statue de bronze du dieu
Pan, haute d'une coudée. Ce Dieu est surnommé
Scolite,
[7] parce qu'auparavant sa statue était sur une petite
hauteur ainsi nommée, laquelle est dans l'enceinte de la
ville et d'où coule un ruisseau qui va se perdre dans
l'Hélisson. Derrière les sièges des
sénateurs il y a un temple de la Fortune où la
déesse est en marbre, c'est une statue de cinq pieds de
haut. Le Myropolis est encore un portique qui fait partie de la
place ; il fut bâti des dépouilles des
Lacédémoniens, après la victoire
qu'Aristodème tyran de Mégalopolis remporta sur
eux et sur Acrotate fils de Cléomène, leur
général.
[8] Dans la même place derrière le temple de
Jupiter Lycéüs et à l'extrémité
du terrein qui lui est consacré, on voit une statue de
Polybe fils de Lycortas. Cette statue est sur une colonne, et
sur cette colonne on a gravé une inscription en vers
élégiaques, qui porte que Polybe voyagea beaucoup
par terre et par mer, qu'il servit dans l'armée des
Romains, et que souvent il apaisa leur colère contre les
Grecs. C'est ce même Polybe qui a écrit l'histoire
des Romains, particulièrement leurs guerres contre les
Carthaginois.
[9] Il recherche quelle en fut la cause, et fait voir comment
les Romains après avoir eux-mêmes pensé
périr, enfin par la valeur de Scipion un de leurs
citoyens qui fut surnommé l'Africain, vinrent à
bout de détruire Carthage. On dit à la gloire de
Polybe que tout ce que le général Romain fit par
son conseil lui réussit, et que dès qu'il cessa de
le croire, il fut moins heureux. Toutes les villes grecques qui
entrèrent dans la ligue d'Achaïe eurent toujours
Polybe pour appui auprès des Romains ; non seulement il
les protégeait, mais il les gouvernait en quelque
façon. A la gauche de sa statue c'est le
sénat.
[10] Quant au portique d'Aristandre qui est aussi une des
beautés de la place, les Mégalopolitains disent
qu'il est ainsi appellé du nom d'un de leurs citoyens qui
l'a fait bâtir. Tout contre et au soleil levant est le
temple de Jupiter Sauveur, une belle colonnade qui règne
tout alentour en fait l'ornement et le soutient. On y voit
Jupiter assis sur un trône, la ville de Mégalopolis
à sa droite, et Diane conservatrice à sa gauche ;
ces deux statues sont de marbre du mont Pentélique, et de
la façon de Céphisidore et de Xénophon tous
deux Athéniens.
XXXI. [1] Le portique d'Aristandre du côté du
soleil couchant, renferme un espace qui est consacré aux
gandes Déesses, c'est-à-dire à
Cérès et à Proserpine, comme je l'ai
déjà expliqué dans mes mémoires sur
la Messénie. Mais les Arcadiens donnent aussi le surnom
de Conservatrice à Proserpine.
[2] Devant ce saint lieu il y a des statues de Diane,
d'Esculape, d'Hygéia, et des grandes Déesses.
Cérès est toute de marbre, Proserpine n'a de
marbre que la tête, les mains et les pieds, tout le reste
n'est que de bois, mais il est caché sous ses habits ;
ces deux dernières statues ont près de quinze
pieds de haut. Sur le devant de leurs piédestaux on voit
deux autres statues beaucoup plus petites, ce sont de jeunes
filles vêtues de longues tuniques, qui portent des
corbeilles de fleurs sur leurs têtes. On croit que le
statuaire Damophon a voulu représenter là ses
filles ; ceux qui les prennent pour des divinités disent
que ce sont Minerve et Diane qui cueillent des fleurs en la
compagnie de Proserpine.
[3] Aux pieds de Cérès il y a un petit Hercule de
la hauteur d'une coudée. Suivant le poète
Onomacrite cet Hercule est un des Dactyles du mont Ida. Vous y
voyez aussi deux heures, et d'un côté le dieu Pan
jouant de la flûte, de l'autre Apollon qui tient une lyre.
Une inscription porte qu'ils sont l'un et l'autre au nombre des
principaux Dieux.
[4] Vous verrez encore plusieurs nymphes posées sur une
table ; Naïs porte le petit Jupiter entre ses bras ;
Anthracia autre nymphe d'Arcadie tient un flambeau. La nymphe
Hagno tient une cruche d'une main, et une bouteille de l'autre ;
Archiroé et Myrtoessa ont aussi chacune une cruche dont
elles versent de l'eau. Dans cette grande enceinte qui est
consacrée à Cérès et à
Proserpine, il y a un temple de Jupiter Philius, comme qui
dirait le Dieu qui préside à
l'amitié. Sa statue est un ouvrage de
Polyclète d'Argos, et on la prendrait pour une statue de
Bacchus ; car le Dieu est représenté avec des
cothurnes pour chaussure, il tient un thyrse d'une main, et un
gobelet de l'autre. Mais un aigle est perché sur son
thyrse, et ce dernier symbole ne convient point à
Bacchus.
[5] Derrière le temple est un bois sacré de
médiocre étendue, fermé par un petit mur,
et où les hommes n'entrent point. A l'entrée du
bois on voit une Cérès et une Proserpine, ces
statues n'ont guères que trois pieds de haut. Dans le
bois même il y a un temple dédié aux grandes
Déesses et à Vénus. Le vestibule est
orné de quelques statues de bois d'un goût fort
antique, vous y voyez une Junon, un Apollon, et les Muses. On
dit que ces statues ont été apportées de
Trapézunte.
[6] Je remarquai dans le temple deux statues de bois, un
Mercure et une Vénus ; ce sont des ouvrages de Damophon.
La Vénus a le visage, les mains, et le bout des pieds
d'ivoire. Cette Vénus est surnommée la
Machiniste, et avec raison ce me semble ; car qu'est-ce que
les hommes n'imaginent point pour réussir en amour
?
[7] Vous verrez aussi dans une chapelle les statues de ces
hommes illustres, Callignote, Mentas, Sosigène, et Polus,
qui, dit-on, apportèrent les premiers aux
Mégalopolitains les mystères des grandes
Déesses, et leur apprirent à les
célébrer comme on les célèbre
à Eleusis. Plusieurs divinités sont
représentées dans le parvis du temple sous des
bustes de figure carrée, entre autres, Mercure
surnommé Agétor ou le conducteur, Apollon,
Minerve, Neptune, et le Soleil à qui ils donnent deux
surnoms, celui de conservateur, et celui d'Hercule. Quant au
temple, il est fort grand, et c'est dans ce temple qu'ils
célèbrent les mystères des grandes
Déesses.
[8] A la droite du temple Proserpine a sa chapelle
particulière avec une statue de marbre, haute de huit
pieds, dont le piédestal est tout couvert de rubans. Les
femmes ont la liberté d'entrer dans cette chapelle en
tout temps, mais les hommes n'y sont admis qu'une fois dans
l'année. Le lieu d'exercice est au couchant et tient
à la place publique.
[9] Derrière le Philippée il y a deux petites
collines ; sur l'une était autrefois le temple de Minerve
Polias, sur l'autre celui de Junon ; ces deux temples sont en
ruines. De cette dernière colline coule une fontaine
qu'ils nomment Bathylle et qui va grossir l'Hélisson.
Voilà ce que j'ai vu de plus remarquable dans cette
partie de la ville.
XXXII. [1] De l'autre côté de la rivière et
au midi vous voyez un magnifique théâtre, le plus
grand qu'il y ait dans toute la Grèce ; il est
orné d'une fontaine qui coule sans cesse. Non loin du
théâtre on trouve les fondemens d'un Sénat
où s'assemblaient les dix mille qui présidaient
aux affaires ; on nommait ce lieu le Thersilion, du nom de celui
qui l'avait consacré à cet usage. La maison la
plus proche, qui est aujourd'hui à un particulier, fut
autrefois bâtie pour Alexandre fils de Philippe. On voit
encore devant la porte une statue d'Ammon, de figure
carrée comme ces Hermès, et avec des cornes de
bélier.
[2] Près de là est un temple qui est commun aux
Muses, à Apollon et à Mercure. Il y est
resté quelques piédestaux qui marquent que chacune
de ces divinités avait sa statue ; mais il n'y a plus
qu'une Muse, et un Apollon de figure semblable à celle
des Hermès. Le temps a encore moins épargné
un temple de Vénus ; il ne s'en est conservé que
la partie antérieure avec trois statues de la
Déesse, l'une sous le nom de Vénus la
céleste, l'autre sous le titre de Vénus la
vulgaire, et la troisième sans aucun surnom.
[3] L'autel de Mars n'est pas loin de là, les
Mégalopolitains croient cet autel fort ancien. Au-dessus
du temple de Vénus il y a un stade qui d'un
côté aboutit au théâtre, et une
fontaine qu'ils disent être consacrée à
Bacchus. A l'autre extrémité du stade ils avaient
un temple de Bacchus, qui fut brûlé par le feu du
ciel il y a quelque cinquante ans. Hercule et Mercure avaient
aussi un temple en commun devant le stade ; il n'en reste
aujourd'hui que l'autel.
[4] Dans ce même quartier s'élève une
colline qui regarde le soleil levant, et où Diane
surnommée Agrotera ou la Chasseresse a son
temple, bâti autrefois par Aristodème. A la droite
de ce temple est un petit canton consacré à
Esculape ; au milieu est le temple du Dieu où il est
représenté avec la déesse Hygéia. En
descendant de la colline vous voyez des bustes carrés de
ces dieux que l'on nomme Ergates, comme sont entre autres
Minerve Ergané, Apollon Agyiéüs, Mercure,
Hercule, et Lucine. Homère attribue diverses fonctions
à ces trois derniers ; car selon lui Mercure est le
messager de Jupiter, et a soin de conduire nos âmes aux
enfers après notre mort. Hercule s'est exercé en
une infinité de travaux plus difficiles les uns que les
autres, et Lucine assiste les femmes qui sentent les douleurs de
l'enfantement.
[5] Au bas de la colline on voit un autre temple d'Esculape
enfant, le Dieu est debout ; c'est une statue d'une
coudée. Apollon y est aussi représenté,
mais assis dans un trône ; cette statue a pour le moins
six pieds de hauteur. On vous montrera dans ce temple des os de
corps humain d'une grandeur excessive. Ils prétendent que
ce sont les os d'un géant qu'Hoplodamas appella au
secours de Rhéa : j'aurai bientôt occasion d'en
parler plus au long. Près de ce temple est un ruisseau
qui va aussi tomber dans l'Hélisson.
XXXIII. [1] Au reste si Mégalopolis bâtie
autrefois avec tant d'ardeur par les Arcadiens, agrès les
espérances que les Grecs en avaient conçues,
dépouillée aujourd'hui de tous ses ornements ne
présente que des ruines de tous côtés, je ne
m'en étonne pas. Je sais que la fortune se joue sans
cesse des choses d'ici bas, que rien ne lui résiste, et
que toutes les productions humaines, fortes ou faibles,
anciennes ou nouvelles, sont également sujettes à
son empire.
[2] Que reste-t-il de Mycènes, qui du temps de la guerre
de Troie commandait à toute la Grèce, et de
Ninive, autrefois la capitale des Assyriens, et de Thèbes
en Béotie qui un temps s'est fait craindre et respecter
de tous les Grecs ? Les deux premières sont
détruites, et la troisième conserve à peine
son nom, grâces à la citadelle qui subsiste encore,
et à un fort petit nombre d'habitans. Considérons
celles qui anciennement surpassaient toutes les autres en
richesses, Thèbes en Egypte, Orchomène dans le
pays des Minyens, Délos qui s'est vue si florissante par
son commerce ; que sont-elles devenues ? Les unes à
présent n'ont pas la richesse d'un simple particulier
médiocremeut puissant, et Délos serait
entièrement abandonnée, sans la garnison que les
Athéniens y envoient tous les ans pour la garde du temple
d'Apollon.
[3] Babylone a été la plus grande ville que le
soleil pût voir dans sa course ; il n'en est resté
que les murs et le temple de Bélus. Tyrinthe dans l'Argie
n'a pas eu un meilleur sort. Ces anciennes villes si fortes, si
riches, et si grandes ont été réduites
à rien, pendant qu'Alexandrie en Egypte, et
Séleucie sur les bords de l'Oronte, tout nouvellement
bâties l'une et l'autre, sont parvenues à un tel
point de grandeur et de puissance, que la Fortune
elle-même semble les avoir prises sous sa
protection.
[4] Mais nous avons vu de nos jours quelque chose de plus
étonnant encore que ces jeux de la fortune dans
l'abaissement de certaines villes, et dans l'accroissement de
quelques autres. Chrysé était une île fort
peu distante de Lemnos ; ce fut-là, dit-on, que
Philoctète souffrit de si grandes douleurs de la piquure
d'un serpent. Cette île submergée par les flots de
la mer a entièrement disparu, et en même temps on
en a vu paraître une autre qui n'était point, et
que l'on appelle l'île Hiéra. Ainsi toutes les
choses humaines ne sont que pour un temps, et il n'y a rien de
stable dans le monde.
XXXIV. [1] En allant de Mégalopolis en Messénie
on n'a pas fait sept stades que l'on trouve à la gauche
du grand chemin un temple dédié à des
déesses que les gens du lieu nomment Manies, et
tout le canton d'alentour en porte aussi le nom. Je crois qu'ils
entendent les furies ; aussi disent-ils qu'Oreste ayant
tué sa mère perdit l'esprit en ce
lieu-là.
[2] Assez près du temple on voit un petit tertre couvert
d'une espèce de tombe sur laquelle est gravée la
figure d'un doigt ; ils appellent ce tertre la
sépulture du doigt, et disent qu'Oreste devenu
furieux se coupa là avec les dents un des doigts de la
main. Dans le voisinage est un autre endroit qu'ils nomment
Acé, parce qu'Oreste fut guéri là de ses
fureurs, et ils y ont bâti un temple aux
Euménides.
[3] Ils racontent qu'à la première apparition de
ces Déesses, lorsqu'eles troublèrent l'esprit
à Oreste, il les vit toutes noires ; qu'à la
seconde apparition, après qu'il se fut arraché un
doigt, il les vit toutes blanches, et qu'alors il recouvra son
bon sens ; qu'à cause de cela pour apaiser les
premières il les honora comme on a coutume d'honorer les
mânes des morts, mais qu'il sacrifia aux secondes.
[4] Et encore aujourd'hui en mémoire de cet
événement ils se croient bien fondés
à sacrifier à ces Déesses et aux
Grâces en même temps. Auprès du lieu qu'ils
nomment Acé il y a un autre temple, où l'on dit
qu'Oreste coupa ses cheveux, et ce temple a pris de là sa
dénomination. A dire le vrai, ceux qui ont
recherché les antiquités du
Péloponnèse conviennent qu'Oreste poursuivi par
les furies vengeresses de la mort de Clytemnestre,
éprouva toutes ces aventures en Arcadie, avant que
d'être jugé dans l'aréopage. Ils ajoutent
qu'il eut pour accusateur non pas Tyndare, car il n'était
plus au monde, mais Périlas, qui, comme cousin germain de
Clytemnestre, demanda la punition du crime d'Oreste ; ce
Périlas était fils d'Icarius, qui eut même
plusieurs filles ensuite.
[5] De Manies au fleuve Alphée il peut y avoir environ
quinze stades, je dis jusqu'à l'endroit où la
rivière de Gathéate après avoir reçu
celle de Carnion se décharge dans l'Alphée. La
rivière de Carnion a sa source dans l'Epytide au-dessous
du temple d'Apollon Céréate.
[6] Pour celle de Gathéate, elle vient de Gathée
dans le territoire de Cromes quelque quarante stades au-dessus
de l'Alphée, où l'on voit à peine quelques
traces d'une ancienne ville de ce nom. De Cromes à
Nymphas on compte vingt stades. Nymphas est un lieu fort
aquatique et rempli d'arbres. De là à
Hermée lieu consacré à Mercure on compte
encore vingt stades. Là il y a une colonne et un Mercure
dessus ; c'est une borne entre les Messéniens et les
Mégalopolitains.
XXXV. [1] En cet endroit vous verrez deux chemins ; l'un va
à Messène, l'autre conduit de Mégalopolis
à Carnasium autre ville de la Messénie. En prenant
ce dernier vous trouverez bientôt l'Alphée, et
c'est justement à cette hauteur que le Malluns et le
Syrus après avoir mêlé leurs eaux ensemble
viennent tomber dans ce fleuve. Après avoir
côtoyé quelque temps la rivière de Malluns
qui est sur la droite, vous la passez, et vous arrivez à
Phédrias par un chemin qui va toujours en
descendant.
[2] Phédrias est à trente stades du confluent
dont j'ai parlé, et à quinze stades
d'Herniée où l'on voit un temple de cette
divinité que les Arcadiens appellent par excellence la
Maîtresse. Ce lieu est encore mitoyen entre les
Mégalopolitains et les Messéniens. Vous y verrez
quelques statues de cette Déesse si chère aux
Arcadiens, de Cérès, de Mercure et d'Hercule,
toutes de grandeur médiocre. Cet Hercule de bois fait par
Dédale, et que l'on dit qui était sur les confins
de Mégalopolis et de la Messénie, pourrait bien
avoir été là.
[3] Le chemin qui va de Mégalopolis à
Lacédémone borde l'Alphée l'espace de
trente stades, jusqu'à l'endroit où la
rivière de Thiuns se mêle avec le fleuve. Ensuite
on laisse la rivière à gauche, et à
quarante stades du confluent on trouve Phalésies,
d'où il n'y a plus que vingt stades à faire pour
arriver au temple de Mercure qui est auprès de la ville
de Bélémine.
[4] Les Arcadiens prétendent que Bélémine
était autrefois une ville de leur frontière, et
que les Lacédémoniens l'ont usurpée sur
eux. Mais je n'y vois aucune apparence ; car sans recourir
à d'autres raisons qu'on pourrait alléguer, les
Thébains n'auraient pas manqué de faire valoir les
droits de leurs alliés, s'ils avaient cru pouvoir
justement revendiquer cette ville en leur nom.
Tardieu, 1821
[5] De Mégalopolis à Methydrium, et à
quelques petites places qui sont sur la frontière
d'Arcadie, il y a environ cent soixante et dix stades. En y
allant vous passez par Scias, qui n'est qu'à treize
stades, et où l'on voit encore quelques restes d'un
temple de Diane Sciatis, bâti, à ce que l'on croit,
par Aristodème durant sa domination. A dix stades de
là vous voyez Charisium, ou plutôt le lieu
où cette ville était, car à peine en
reste-t-il quelques vestiges.
[6] Dix autres stades plus loin c'était Tricolons, autre
ville ruinée, dont il ne s'est conservé qu'un
temple de Neptune sur une colline, avec une statue du Dieu de
figure carrée, et un bois sacré qui environne le
temple ; cette ville avait été bâtie par les
enfants de Lycaon. Si vous prenez sur la gauche vous arriverez
à Zoetée qui est à quinze stades de
Tricolons, et qui a eu, dit-on, pour fondateur
Zoetéüs fils de Tricolonus. Paroréüs son
cadet fonda aussi Parorie dix stades plus loin.
[7] Aujourd'hui ces deux villes sont désertes. Il est
seulement resté deux temples à Zoetée, l'un
de Cérès, l'autre de Diane. Vous verrez sur cette
route les ruines de plusieurs autres villes, comme de
Thyrée à quinze stades de Parorie, et ensuite
d'Hypsunte, ville autrefois située sur une montagne de
même nom. Entre Thyrée et Hypsunte c'est un pays de
montagnes couvertes de bois et pleines de bêtes fauves.
J'ai déjà dit que ces villes avaient
été ainsi appellées du nom de
Thyréüs et d'Hypsuns tous deux fils de Lycaon.
[8] A Tricolons vous trouverez sur votre droite un chemin qui
va en descendant et qui vous mènera jusqu'à une
fontaine qu'ils nomment Crounes. Trente stades plus bas vous
verrez la sépulture de Callisto ; c'est une
éminence où l'on a laissé croître
toute sorte d'arbres, soit fruitiers ou sauvages. A l'endroit le
plus haut est un temple de Diane surnommée Calliste.
Pamphus est le premier que je sache, qui ait donné ce
surnom à Diane à l'imitation des Arcadiens.
[9] Vingt-cinq stades au-delà et à plus de cent
stades de Tricolons, sur le chemin de Methydrium la seule ville
de cette province qui se soit maintenue, vous avez
Anémose et le mont Phalante, sur lequel on voit encore
quelques restes d'une ville de même nom. Les Arcadiens
disent que Phalantus son fondateur était fils
d'Agélas, et petit-fils de Stymphale.
[10] Au bas de la montagne est une plaine, et après
cette plaine la ville de Schoenus, ainsi appellée du nom
de Schoenéüs béotien de nation. Mais s'il est
vrai que Schoenéüs soit venu s'établir en
Arcadie, je croirais aussi que le stade d'Atalante qui est
auprès de la ville a été ainsi
appellé du nom d'une des filles de ce Béotien, et
que dans la suite les Arcadiens ont confondu cette Atalante avec
l'autre. Quoi qu'il en soit, en convient que tous ces lieux et
quelques autres encore sont compris dans l'Arcadie.
XXXVI. [1] Methydrium est donc, comme j'ai dit, la seule de
toutes ces villes qui mérite qu'on en parle. Elle est
à cent trente-sept stades de Tricolons. Son nom vient de
ce qu'elle est sur une hauteur entre deux fleuves, le Maloetas
et le Mylaon ; c'est Orchomène qui l'a bâtie. Ses
citoyens avant qu'ils se transplantassent à
Mégalopolis avaient remporté des victoires aux
jeux olympiques.
[2] On voit en cette ville un temple de Neptune Hippius,
bâti sur le rivage du fleuve Malcetas. Le mont Thaumasius
domine le long de ce fleuve ; les Methydriens disent que
Rhéa grosse de Jupiter se retira sur cette montagne, et
que Hoplodamas avec les autres Géants accourut à
son secours pour la défendre contre les violences de
Saturne.
[3] Ils avouent pourtant qu'elle accoucha dans un canton du
mont Lycée ; mais si l'on les en croit, ce fut sur le
mont Thaumasius qu'elle trompa Saturne en lui présentant
une pierre au lieu du petit Jupiter, comme les Grecs le
racontent. Ce qui est de certain, c'est que l'on voit sur la
cime de la montagne une grotte nommée encore la grotte
de Rhéa, où il n'est permis à personne
d'entrer, qu'aux seules femmes destinées à y
célébrer les mystères de la
Déesse.
[4] A trente stades de Methydrium vous verrez la fontaine
Nymphasia ; et de là jusqu'à un endroit qui sert
de borne aux Mégalopolitains, aux Orchoméniens et
aux Caphyates on compte encore trente stades.
Tardieu, 1821
[5] On va de Mégalopolis à Ménale par un
défilé qui se nomme les portes
d'Hélos, et que l'on trouve au-delà de
l'Hélisson. Sur le chemin à la gauche est le
temple du bon Dieu, ainsi l'appelle-t-on. Si nous tenons des
dieux tout le bien qui nous arrive, Jupiter étant
au-dessus de tous, il y a lieu de croire que c'est lui que l'on
a voulu surnommer ainsi. Un peu plus loin sur une
éminence vous verrez le tombeau d'Aristodème, qui
en se faisant le tyran de sa patrie trouva le moyen de conserver
le titre d'homme de bien. Là même est un temple de
Minerve surnommée l'inventrice et avec raison,
puisque c'est à elle que les hommes doivent l'invention
des arts, et toutes leurs bonnes pensées.
[6] Sur le même chemin à droite il y a un grand
espace consacré à Borée ; les
Mégalopolitains lui font des sacrifices
régulièrement tous les ans, et l'honorent d'un
culte particulier en reconnaissance du secours qu'il leur donna
si à propos contre Agis qui commandait l'armée des
Lacédémoniens. Ensuite vous trouverez la
sépulture d'Oïclés père
d'Amphiaraüs, si pourtant il est vrai qu'il soit mort en
Arcadie, et non à Troie, où il suivit Hercule dans
son expédition contre le roi Laomédon.
Après ce tombeau vous voyez le temple de
Cérès d'Hélos, ainsi le nomme-t-on ; il est
accompagné d'un bois sacré, et n'est en effet
qu'à cinq stades de la ville d'Hélos ; il n'est
permis qu'aux femmes d'y entrer.
[7] A trente stades de là c'est un village que l'on
nomme Paliscius ; au sortir de ce village vous laissez à
gauche l'Elaphus ruisseau qui est souvent à sec, et
après vingt stades de chemin vous arrivez à la
ville de Perethées dont on ne voit plus que les ruines,
à l'exception d'un temple du dieu Pan, qui s'est
conservé. Là on passe une ravine, et quinze stades
plus loin on se trouve dans la plaine de Ménale
commandée par une montagne de même nom. Au pied de
la montagne on voit encore quelques vestiges de la ville de
Lycoa, et un temple de Diane Lycoatis, où la
déesse est en bronze.
[8] Sumatia autre ville ruinée était au midi. Sur
la même montagne il y a un endroit où trois chemins
viennent aboutir ; ce fut de là que les Mantinéens
par le conseil de l'oracle de Delphes enlevèrent les os
d'Arcas fils de Callisto. Il ne reste plus que des ruines de la
ville de Ménale et d'un temple de Minerve ; mais on voit
encore deux stades, dont l'un était pour les combats des
athlètes, l'autre pour les courses de chevaux. Les gens
du pays croient cette montagne particulièrement
consacrée au dieu Pan, et ils sont si persuadés de
la présence du Dieu, qu'ils s'imaginent quelquefois
l'entendre jouer de la flûte.
[9] Depuis le temple de cette divinité que les Arcadiens
nomment la Maîtresse jusques à
Mégalopolis il y a environ quarante stades, et l'on passe
l'Alphée à moitié chemin. A deux stades du
fleuve on trouve les ruines de Macarée, et à sept
stades ensuite celles de Dasée, d'où l'on compte
encore sept stades jusqu'au mont Acacésius, au pied
duquel était autrefois la ville d'Acacésium.
[10] On y voit encore une statue de marbre qui
représente Mercure. Si l'on en veut croire les Arcadiens,
c'est-là que ce Dieu dans son enfance a été
élevé par les soins d'Acacus un des fils de
Lycaon. Mais les Thébains ont une tradition bien
différente, et les Tanagréens une autre aussi
différente de celle des Thébains. Le temple de la
divinité favorite des Arcadiens est à quatre
stades d'Acacésium. La première statue que l'on y
voit est une Diane surnommée la Conductrice ;
c'est une statue de bronze qui a bien six pieds de haut, autant
que je m'en puis souvenir ; la Déesse tient un flambeau
de chaque main.
XXXVII. [1] Cette Diane est à l'entrée du parvis.
En approchant du temple vous trouvez à droite un
portique, et le long des murs plusieurs statues de marbre blanc
rangées sur des piédestaux. Sur le premier ce sont
des Parques avec Jupiter surnommé Moeragete ; sur le
second c'est Hercule qui arrache à Apollon un
trépied ; je dirai l'explication que j'ai ouï donner
de cette figure, lorsque je décrirai le temple de Delphes
dans mon voyage de la Phocide.
[2] Au milieu du portique il y a une table où sont
décrites les cérémonies qui s'observent
dans les mystères de la Déesse. Sur le
troisième piédestal vous voyez des nymphes et des
statues du dieu Pan. Sur le quatrième est une statue de
Polybe fils de Lycortas. L'inscription porte que la Grèce
n'eut pas fait tant de fautes, si elle avait suivi les conseils
de ce grand homme, et que tombée dans de grands malheurs,
elle n'eut d'espérance et de ressource qu'en lui. Devant
le temple on voit trois autels dédiés, l'un
à la divinité favorite des Arcadiens, l'autre
à Cérès, et le troisième à la
mère des dieux.
[3] La statue de la première divinité et celle de
Cérès avec le trône où elles sont
assises, et leur marchepied sont d'un seul bloc de marbre. On
n'aperçoit ni dans les draperies, ni dans les autres
ornements aucune jointure, ni quoique ce soit qui puisse faire
soupçonner que cette pièce soit de plusieurs
morceaux. Les Arcadiens disent que ce bloc ne leur a point
été apporté, mais qu'avertis en songe de
creuser la terre dans l'enceinte du temple, ils l'y
trouvèrent ; c'est Damophon qui l'a mis en oeuvre. Les
deux statues sont grandes comme celle de la mère des
dieux à Athènes.
[4] Cérès tient un flambeau de la main droite. et
elle avance la main gauche vers la première
divinité ; celle-ci tient un sceptre et a sur ses genoux
une corbeille qu'elle soutient de la main droite. Diane est
à côté du trône auprès de
Cérès ; elle est vêtue d'une peau de cerf,
le carquois sur l'épaule, tenant d'une main un flambeau,
et de l'autre deux serpents ; un chien de chasse est
auprès d'elle.
[5] De l'autre côté près de la
divinité favorite on voit Anytus dans l'équipage
d'un homme de guerre ; les ministres du temple disent que la
Déesse fut élevée par cet Anytus qui
était un des Titans. Homère est le premier qui ait
parlé des Titans ; il en fait des dieux du Tartare dans
le serment que le Tartare prête à Junon. Onomacrite
a depuis emprunté cette fable d'Homère, et dans
son poème sur les orgies de Bacchus, il dit que les
Titans causèrent bien des maux à ce Dieu.
[6] Quant à Anytus, je rapporte ce que les Arcadiens en
disent. Mais que Diane soit fille de Cérès et non
de Latone, c'est une tradition égyptienne que le
poète Eschyle fils d'Euphorion a le premier
répandue parmi les Grecs. Je ne dis rien ni des
Curètes qui sont dessous les deux principales figures, ni
des Corybantes que l'ouvrier a représentés sur le
piédestal, si ce n'est qu'un de ces Curètes n'est
pas fort reconnaissable.
[7] Les Arcadiens apportent au temple des fruits de toute
espèce, excepté des grenades. En sortant du temple
vous verrez sur votre droite un miroir encastré dans le
mur ; quand on s'y regarde à peine se voit-on, mais on
voit distinctement ce beau groupe de marbre dont j'ai
parlé.
[8] Si vous avancez un peu au-dessus du temple, vous verrez sur
votre droite ce qu'ils appellent le Mégaron, où
ils célèbrent les mystères de la
Déesse, et lui font des sacrifices auxquels il n'y a rien
d'épargné. Ils ne coupent point le gosier aux
victimes comme dans les autres sacrifices ; mais ils les
dépècent tantôt d'une manière,
tantôt de l'autre, suivant que le hasard les leur fait
tomber entre les mains.
[9] C'est de toutes les Déesses celle à qui les
Arcadiens ont le plus de dévotion ; ils la disent fille
de Neptune et de Cérès, et ils l'appellent la
Maîtresse, comme on appelle Coré cette
autre Déesse qui est fille de Jupiter et de
Cérès, quoique Homère lui ait donné
le nom de Perséphoné, et Pamphus avant
Homère. Pour moi j'ai presque eu scrupule de faire
connaître la première de ces deux divinités
à des lecteurs qui ne sont pas initiés à
ses mystères.
[10] Au-dessus de Mégaron il y a un bois sacré,
entouré d'une muraille de pierres sèches. Dans ce
bois on voit des arbres de toute sorte, mais entre autres un
chêne et un olivier qui sont sortis de la même
racine, sans que cela puisse s'imputer à l'industrie de
qui que ce soit. Au-delà du bois on trouve un autel
dédié à Neptune Hippius, comme au
père de la Déesse, et quelques autres encore. Une
inscription apprend que le dernier est un autel commun à
tous les dieux.
[11] De là par des marches faites exprès on monte
au temple du dieu Pan. Vous voyez d'abord un portique et
au-dedans une statue de moyenne grandeur. Les Arcadiens mettent
ce Dieu au nombre des plus puissantes divinités, qui
exaucent les prières des bons, et font sentir leur
colère aux méchants ; ils tiennent une lampe
perpétuellement allumée en son honneur ; ils
croient qu'anciennement ce Dieu rendait des oracles, et qu'il
avait pour interprète la nymphe Erato, celle-là
même qui épousa Arcas fille de Callisto, et dont
j'ai dit ci-devant une partie de ce qu'ils en racontent.
[12] Vous verrez aussi là un autel dédié
à Mars, dans le temple deux statues de Vénus,
l'une de marbre blanc, l'autre de bois, beaucoup plus ancienne.
Apollon et Minerve sont aussi en bois ; mais Minerve a sa
chapelle à part.
XXXVIII. [1] Un peu plus loin vous découvrirez
l'enceinte des murailles de Lycosure, où il n'y a
aujourd'hui qu'un petit nombre d'habitants ; c'est
néanmoins la plus ancienne ville qu'il y ait dans le
monde, la première que le soleil ait vue, et celle qui a
fait naître aux hommes l'idée de bâtir toutes
les autres.
[2] Sur la gauche du temple de la Déesse si chère
aux Arcadiens vous voyez le mont Lycée, qu'ils appellent
autrement le mont Olympe et le mont Sacré ; car ils
prétendent que Jupiter a été nourri sur
cette montagne dans un petit canton nommée Cretée,
qui est à la gauche d'un bois consacré à
Apollon Parrhasius ; c'est-là, disent-ils, et non dans
l'île de Crète, que Jupiter a été
élevé par trois nymphes, Thisoa, Néda, et
Hagno.
[3] La première bâtit la ville de Thisoa dans la
province de Parrhasie ; ce n'est plus à présent
qu'un village de la dépendance de Mégalopolis. La
seconde donna son nom au fleuve Nédas ; et la
troisième donna le sien à une fontaine du mont
Lycée, dont l'eau l'hiver et l'été est
toute semblable à celle du Danube.
[4] Dans les temps de sécheresse, lorsque la terre aride
et brûlée ne peut nourrir les arbres et les fruits
qu'elle donne, le prêtre de Jupiter Lycéüs
tourné vers la fontaine adresse ses prières au
Dieu, et lui fait des sacrifices en observant toutes les
cérémonies prescrites ; ensuite il jette une
branche de chêne sur la surface de l'eau, car elle ne va
point au fond. Cette légère agitation qui arrive
à la fontaine en fait sortir des exhalaisons qui
s'épaississent et se forment en nuages ; lesquels
retombant bientôt en pluie arrosent et fertilisent le
pays.
[5] Il y a aussi sur le mont Lycée un temple
consacré à Pan avec un bois sacré,
près duquel est un hippodrome et un stade, où de
toute ancienneté l'on a célébré des
jeux en l'honneur du Dieu. On voit encore là plusieurs
piédestaux, mais les statues n'y sont plus. J'y remarquai
une inscription en vers élégiaques, où il
était parlé d'un Astyanax Arcadien de
nation.
[6] Le mont Lycée est fameux par bien d'antres
merveilles. Il n'est pas permis aux hommes d'entrer dans
l'enceinte consacrée à Jupiter Lycéüs.
Si quelqu'un au mépris de la loi est assez osé
pour y mettre le pied, il meurt infailliblement dans
l'année. On dit aussi que tout ce qui entre dans cette
enceinte, hommes et animaux, n'y fait point d'ombre. Si une
bête poursuivie par des chasseurs peut s'y sauver, elle
est en sûreté ; les chasseurs ne passent pas outre,
ils se tiennent en dehors, mais ils remarquent que le corps de
cette bête, quoique opposée aux rayons du soleil,
ne fait aucune ombre. A Syéné ville voisine de
l'Ethiopie, durant le temps que le soleil est dans le signe du
Cancer, il n'y a ni arbres, ni animaux qui fassent de l'ombre ;
mais dans le canton du mont Lycée dont il s'agit ici,
cela arrive en tout temps.
[7] Sur la croupe la plus haute de la montagne on a fait
à Jupiter un autel de terres rapportées,
d'où l'on découvre presque tout le
Péloponnèse. Devant cet autel on a posé
deux colonnes au soleil levant, sur lesquelles il y a deux
aigles dorés d'un goût fort ancien ; c'est sur cet
autel qu'ils sacrifient à Jupiter Lycéüs avec
un grand mystère. Il ne m'est pas permis de divulguer les
cérémonies de ce sacrifice ; ainsi laissons les
choses comme elles sont, et comme elles ont toujours
été.
[8] Dans cette partie du mont Lycée qui est à
l'orient vous verrez un temple d'Apollon Parrhasius, ou
Pythius, car on lui donne l'un et l'autre surnom. Les
Arcadiens célèbrent tous les ans une fête en
l'honneur de ce Dieu, ils lui sacrifient un sanglier dans la
place publique, et alors c'est à Apollon Epicurius qu'ils
adressent leurs voeux mais ensuite ils portent la victime dans
le temple d'Apollon Parrhasius, en grande pompe et au son des
flûtes. Là ils coupent les cuisses de la victime,
ils les font rôtir, et ils consomment le sacrifice ; tel
est leur usage.
[9] Au nord de la montagne c'est le territoire de Thisoa ; les
gens du lieu honorent particulièrement la nymphe de ce
nom. Le Mylaon, le Nus, l'Achéloüs, le
Céladus, et le Naphilus sont autant de rivières
qui arrosent ce canton, et qui vont se jeter dans
l'Alphée. Je connais deux autres fleuves de même
nom que l'Achéloüs qui est en Arcadie, mais beaucoup
plus célèbres.
[10] L'un traverse le pays des Acarnaniens et des Etoliens, et
a son embouchure vers les Echinades ; celui-là est
nommé par Homère le roi des fleuves ; l'autre
tombe du mont Sipyle, et le même poète en a fait
encore mention en parlant de Niobé. Ainsi
l'Achéloüs qui passe aux environs du mont
Lycée est le troisième.
[11] A la droite de Lycosure vous voyez de hautes montagnes que
l'on appelle les monts Nomiens ; Pan surnommé Nomius y a
son temple. Près de là est un lieu qu'ils
appellent Melpée, parce que, disent-ils, ce fut là
que Pan inventa l'art de jouer de la flûte. Quant aux
monts Nomiens, il serait naturel de croire qu'ils portent ce nom
à cause de leurs pâturages qui sont
consacrés au dieu Pan ; cependant les Arcadiens disent
qu'ils sont ainsi appellés du nom d'une nymphe.
XXXIX. [1] Le Plataniste passe à travers la ville de
Lycosure du côté du couchant. Pour aller à
Phigalie il faut passer cette rivière ; quand vous l'avez
passée vous trouvez un chemin qui va toujours en montant
l'espace de trente stades.
[2] Ce qui regarde Phigalus fils de Lycaon et le premier
fondateur de Phigalie, comment ensuite cette ville s'est
appellée Phialie du nom de Phialus fils de Boucolion, et
comment enfin on est revenu à sa première
dénomination, c'est ce qui a déjà
été remarqué dans ces mémoires. On
raconte beaucoup d'autres choses, mais qui ne me paraissent pas
fort dignes de foi ; car les uns disent que Phigalus
était un homme originaire du pays, mais nullement fils de
Lycaon ; les autres, que Phigalie était une nymphe du
nombre des Dryades.
[3] Quoi qu'il en soit, lorsque les Lacédémoniens
firent la guerre aux Arcadiens, ils tournèrent d'abord
leurs forces contre Phigalie, entrèrent dans le pays avec
une armée, repoussèrent les habitants jusques dans
leurs murs, et mirent le siège devant la ville. Les
Phigaliens se voyant près d'être forcés
capitulèrent et eurent la liberté de se retirer
où ils voudraient ; ils évacuèrent donc la
place, qui fut rasée sous l'archontat de Miltiade
à Athènes, la seconde année de la
trentième olympiade, en laquelle Chionis
Lacédémonien fut proclamé vainqueur aux
jeux olympiques pour la troisième fois.
[4] Ces fugitifs ayant jugé à propos d'aller
à Delphes pour consulter l'oracle sur les moyens de
rentrer dans leur pays, il leur fut répondu qu'en vain
ils tenteraient leur retour par eux-mêmes, qu'ils prissent
avec eux cent hommes d'élite de la ville d'Oresthasium,
que ces cent hommes périraient tous dans le combat, mais
qu'à l'aide de leur valeur les Phigaliens rentreraient
dans leur ville. Lorsque les Oresthasiens surent la
réponse de l'oracle, ce fut parmi eux à qui
s'enrôlerait le premier pour être du nombre de ces
braves qui devaient procurer le retour des Phigaliens.
[5] Et ne demandant qu'à aller en avant, ils
poussèrent jusqu'aux portes de Phigalie, où
s'étant battus avec la garnison
lacédémonienne, ils vérifièrent
l'oracle de point en point ; car ils périrent tous
jusqu'au dernier ; mais les Spartiates furent chassés, et
les Phigaliens se remirent en possession de leur patrie. La
ville est sur un rocher fort haut et fort escarpé, les
murs sont même bâtis pour la plus gaude partie sur
le roc ; mais tout au haut il y a une plate-forme assez
spacieuse, où Diane Conservatrice a un temple et une
statue de marbre qui représente la Déesse toute
droite ; ils descendent de ce temple en procession dans la
ville.
[6] Vous verrez dans le lieu d'exercice un Mercure qui semble
mettre son manteau, cette statue est carrée par en bas et
sans pieds. Bacchus surnommé Acratophore a aussi son
temple à Phigalie ; le bas de sa statue est tellement
couvert de feuilles de lierre et de laurier qu'on ne le peut
voir ; les parties qui se voient sont enluminées de
vermillon ; ces peuples disent que les Ibériens tirent le
vermillon des mêmes mines d'où ils tirent
l'or.
XL. [1] Dans la place publique on voit une statue d'Arrachion
célèbre pancratiaste ; c'est une statue de marbre
fort ancienne, comme il y paraît surtout à son
attitude ; les pieds sont presque joints, et les mains pendantes
sur les côtés jusqu'aux cuisses. On prétend
qu'il y a de l'écriture au bas, mais elle est
entièrement effacée par le temps. Arrachion fut
couronné deux fois en la cinquante-deuxième et en
la cinquante-troisième olympiade ; mais en la suivante sa
victoire fut mémorable autant par la décision des
juges que par son courage.
[2] Car ayant vaincu tous ses adversaires, à la
réserve d'un seul qui lui disputait la couronne
d'olivier, celui-ci lui embarrassa les jambes et se jeta en
même temps à son col pour l'étrangler.
Arrachion en cet état ne sut faire autre chose que
d'écraser un des doigts du pied à son adversaire,
qui en ressentit une si grande douleur, qu'il lui céda la
victoire un moment avant qu'Arrachion étranglé
rendît le dernier soupir. Les Eléens
prononcèrent en faveur d'Arrachion, et tout mort qu'il
était il fut couronné.
[3] Je sais que les Argiens en usèrent de même
envers Creugas, fameux athlète natif d'Epidamne. Ils le
proclamèrent vainqueur après sa mort, et lui
adjugèrent le prix des jeux néméens, parce
que Damoxène de Syracuse son antagoniste ne l'avait
vaincu que par une lâche trahison, et en violant les lois
dont ils étaient convenus l'un et l'autre. Ils devaient
sur le soir combattre ensemble au pugilat, et ils étaient
convenus en présence de témoins qu'après
que l'un aurait porté un coup à son adversaire,
celui-ci aurait son tour et en porterait un
réciproquement à l'autre. Le ceste ne s'attachait
point alors avec des courroies autour du poignet ; on
s'enveloppait seulement la paume de la main d'un cuir de boeuf
que l'on faisait tenir avec des lanières, mais de sorte
que les doigts demeuraient découverts.
[4] Creugas frappa le premier Damoxène et lui
déchargea un grand coup sur la tête ; celui-ci dit
à Creugas de tenir ses mains en repos, et d'attendre le
coup à son tour ; Creugas obéit ; aussitôt
Damoxène lui plongea les doigts dans le flanc avec tant
de violence qu'il le perça, et à coups
redoublés élargissant la plaie il lui arracha les
boyaux.
[5] Creugas expira sur le champ ; mais parce que
Damoxène avait manqué de bonne foi, et qu'au lieu
d'un seul coup il en avait porté plusieurs de suite, les
Argiens le chassèrent honteusement de l'arène, et
adjugèrent la victoire à Creugas, même
après sa mort. Ils firent plus, ils lui
érigèrent une statue que l'on voit encore
aujourd'hui dans le temple d'Apollon Lycius à
Argos.
XLI. [1] Vous verrez aussi dans la place publique de Phigalie
la sépulture de ces braves Oresthasiens dont j'ai
parlé ; les Phigaliens font tous les ans leur
anniversaire sur leur tombeau.
[2] La rivière de Lymax traverse la ville de Phigalie et
va tomber ensuite dans le fleuve Nédas. On dit que le nom
de Lymax vient de la purification de Rhéa après
qu'elle eut mis Jupiter au monde, et de ce que les nymphes qui
assistèrent à ses couches en jetèrent les
impuretés dans cette rivière. En effet les
Achéens emploient le mot de lyma dans cette
acception, et Homère qui nous apprend que les Grecs
après s'être purifiés, à cause de la
peste dont ils avaient été frappés,
jetèrent dans la mer ce qui avait servi à leur
purification, emploie aussi le mot lymata dans le
même sens.
[3] Le Nédas a sa source au mont Cerausius qui fait
partie du mont Lycée ; il passe assez près de
Phigalie, et les enfants de la ville vont en cet endroit couper
leurs cheveux pour les consacrer au fleuve ; près de son
embouchure il porte de petits navires. De tous les fleuves que
nous connaissons le Méandre est celui qui fait le plus de
détours, se repliant pour ainsi dire sur lui-même,
et serpentant en plusieurs manières ; s'il y en a quelque
autre qu'on puisse lui comparer en ce point, c'est le
Nédas.
[4] Environ douze stades au-dessous de Phigalie il y a des
bains chauds, près desquels la rivière de Lymax se
jette dans le Nédas. Au-dessus du confluent on voit un
temple fort célèbre et fort antique ; c'est le
temple d'Eurynome ; il est environné d'une si grande
quantité de cyprès, que l'on diroit d'une
forêt, et l'accès en est difficile à cause
de sa situation.
[5] Le peuple de Phigalie s'imagine qu'Eurynome est un surnom
de Diane ; mais ceux qui ont quelque connaissance de
l'antiquité savent bien qu'Eurynome était une
fille de l'Océan, et qu'Homère en fait mention
dans l'Iliade, lorsqu'il dit que Vulcain fut reçu
par Thétis et par Eurynome. On ouvre ce temple un certain
jour de l'année, et tout le reste du temps on le tient
fermé ; ce jour-là le public et les particuliers y
viennent sacrifier.
[6] Comme je ne me suis point trouvé dans le pays le
jour de la fête, je n'ai pu voir la statue d'Eurynome ;
mais j'ai ouï dire à des Phigaliens qu'elle
était attachée avec des chaînes d'or, et
qu'elle représentait une espèce de divinité
marine qui était moitié femme et moitié
poisson, ce qui ne peut jamais convenir à Diane.
[7] La ville de Phigalie est toute environnée de
montagnes ; du mont Cotylius à la gauche, et du mont
Elaïus à la droite. Le mont Cotylius est à
quarante stades de la ville ; sur cette montagne il y a un bourg
nommé Basses, où vous verrez un temple d'Apollon
Epicurius, dont la voûte est de pierre de taille.
[8] Après celui de Tégée c'est de tous les
temples du Péloponnèse le plus estimé, soit
pour la beauté de la pierre, soit pour
l'élégance et la symétrie de
l'édifice. Le surnom d'Epicurius vient de ce que ces
peuples furent délivrés de la peste par le secours
du Dieu, de même que les Athéniens
l'appellèrent Alexicacus pour un semblable sujet.
[9] Je crois que l'un et l'autre nom lui furent donnés
durant la guerre des Athéniens avec les Phigaliens et les
autres peuples du Péloponnèse. Ce qui me le
persuade, c'est premièrement la conformité des
deux noms, et en second lieu c'est qu'Ictinus qui a
été l'architecte du temple d'Apollon Epicurius
vivait du temps de Périclès, et qu'il fut aussi
l'architecte du temple que l'on nomme le Parthénon
à Athènes. J'ai déjà dit que la
statue du Dieu avait été transporfée dans
la place publique de Mégalopolis.
[10] On trouve à la vérité une source sur
le mont Cotylius ; mais l'historien qui a écrit que c'est
la source de la rivière de Lymax donne lieu de croire
qu'il ne l'a pas vue par lui-même, et qu'il ne s'en est
pas même rapporté à des personnes qui
l'eussent vue ; pour moi j'en parlé comme témoin
oculaire et comme instruit par les gens du pays ; cette source
est très faible et se perd bientôt dans les terres.
Je ne puis néanmoins dire en quel endroit de l'Arcadie la
rivière de Lymax a sa source, parce qu'il ne me vint pas
dans l'esprit de m'en informer. Au-dessus du temple d'Apollon il
y a un lieu qu'ils nomment Cotylus, où vous verrez un
temple de Vénus et une statue de la Déesse : le
temple n'a plus de toit.
XLII. [1] Le mont Elaïus n'est qu'à trente stades
de Phigalie. Ce que l'on y voit de plus curieux, c'est une
grotte de Cérès surnommée la noire.
Il faut savoir que les Phigaliens conviennent de ce que disent
les Thalpusiens du commerce que Neptune eut avec
Cérès ; ils prétendent seulement que ce qui
en naquit ne fut pas un cheval, mais cette divinité que
les Arcadiens appellent leur Maîtresse.
[2] Ils ajoutent que Cérès outrée de
dépit contre Neptune, et inconsolable de
l'enlèvement de Proserpine, pour marquer son
déplaisir prit un habit noir, s'enferma dans la grotte
dont je parle, et y demeura longtemps cachée. Cependant
les fruits et les moissons ne venaient point à
maturité, et les hommes périssaient de faim. Les
dieux n'y pouvaient apporter de remède, parce qu'aucun
d'eux ne savait ce que Cérès était
devenue.
[3] Enfin Pan prenant un jour le plaisir de la chasse,
après avoir couru toutes les montagnes d'Arcadie vint sur
le mont Elaïus, où il trouva Cérès en
l'état que j'ai dit. Aussitôt il en informa Jupiter
qui envoya les Parques à la Déesse pour
tâcher de la consoler et de la fléchir, à
quoi elles réussirent. Les Phigaliens depuis cet
événement ont toujours regardé cette grotte
comme sacrée. Ils y avaient placé une statue de
bois qui représentait une figure de femme, couchée
sur une roche.
[4] Le corps de la statue était couvert d'une tunique
qui descendait jusqu'aux pieds ; mais sur ce corps il y avait
une tête de cheval avec des crins ; des serpents et
d'autres bêtes sauvages semblaient s'attrouper alentour.
La Déesse tenait d'une main un dauphin, et de l'autre une
colombe, symboles dont l'intelligence est aisée à
quiconque est doué de quelque pénétration
et n'est pas tout-à-fait ignorant dans la mythologie.
Cérès fut donc surnommée la noire
parce qu'elle avait pris un habit de deuil.
[5] Les Phigaliens ne savent ni de qui était cette
statue, ni comment elle fut brûlée ; car elle le
fut. Après cet accident non seulement ils n'en mirent pas
une autre à la place, mais ils négligèrent
entièrement la fête et les cérémonies
de la Déesse. Aussitôt la terre cessa de donner ses
richesses ordinaires ; les Phigaliens punis par une
stérilité qui causa la famine allèrent
consulter l'oracle de Delphes, et en eurent cette réponse
:
[6]
Malheureux habitants de la triste Azanie, De Cérès autrefois nation si chérie, A vous nourrir de gland, à paître dans les bois Vous voilà condamnés pour la seconde fois. Mais des maux plus cruels vous menacent encore : Oui, je vous le prédis ; la faim qui vous dévore Va croissant tous les jours irriter vos fureurs, Et vous accoutumer aux plus grandes horreurs. Des membres de son fils, ô barbare courage ! Le père assouvira sa famélique rage ; La mère, de l'enfant qu'elle porte en son sein, Pour s'en rassasier, deviendra l'assassin. Et vous périrez tous, si Cérès offensée Dans son antre profond n'est par vous encensée, Et si rétablissant son culte et ses autels, Vous ne lui décernez des honneurs immortels. |
[7] Les Phigaliens depuis cet oracle rendirent à
Cérès tous les honneurs imaginables, et entre
autres marques de respect et de dévotion qu'ils lui
donnèrent, ils engagèrent Onatas fils de Micon de
l'île d'Egine, à leur faire une statue de la
Déesse, lui promettant telle récompense qu'il
voudrait. On voit aussi à Pergame un Apollon en bronze
qui est de la façon d'Onatas ; c'est une statue admirable
tant pour sa grandeur que pour la beauté de l'ouvrage. Le
même Onatas fit donc une Cérès en bronze,
les uns disent d'après un tableau qu'il trouva, d'autres
d'après une statue de bois faite à l'imitation de
l'ancienne, d'autres même d'après une apparition
qu'il eut en songe. Quoi qu'il en soit, je crois que cet ouvrage
fut fait quelques générations après
l'irruption des Perses en Grèce.
[8] Car Xerxès passa en Europe dans le temps que
Gélon fils de Dinamène était tyran de
Syracuse et de toute la Sicile. A Gélon, succéda
son frère Hiéron ; celui-ci étant mort sans
accomplir le voeu qu'il avait fait à Jupiter Olympien
pour plusieurs victoires remportées à la course de
chevaux, son fils Dinamène second du nom l'acquitta pour
lui.
[9] Il consacra à Jupiter un char de bronze
attelé de deux chevaux, et c'était un ouvrage
d'Onatas. Je l'ai su à Olympie, avec deux inscriptions,
dont voici la première :
Arbitre souverain des hommes et des dieux, Mon père aux jeux sacrés trois fois victorieux, A ton puissant secours dut l'éclat de sa gloire ; Et voulant signaler son zèle et sa victoire Par un monument éternel, De ce char il fit voeu d'enrichir ton autel ; De son sceptre héritier j'acquitte sa promesse : Puissai-je ainsi toujours imiter sa sagesse. |
[10] La seconde est conçue en ces termes :
D'Onatas à ce char reconnais l'industrie.
Micon était son père, Egine sa patrie.
Ce statuaire vivait en même temps qu'Idégias
d'Athènes, et qu'Agéladès d'Argos.
[11] J'étais venu à Phigalie exprès pour
voir sa Cérès ; je n'immolai aucune victime
à la Déesse ; je lui présentai seulement
quelques fruits à la manière des gens du pays,
surtout du raisin avec des rayons de miel, et des laines
nullement apprêtées, mais comme la toison les
donne. On met ces offrandes sur un autel qui est devant la
grotte, et on verse de l'huile dessus. Cette espèce de
sacrifice se fait tous les jours par les particuliers, et une
fois l'an par la ville en corps.
[12] C'est une prêtresse qui y préside,
accompagnée du ministre le plus jeune. La grotte est
environnée d'un bois sacré où il y a une
source d'eau très froide. La statue d'Onatas n'y
était plus de mon temps, et la plupart des Phigaliens
doutaient qu'elle y eût jamais été.
[13] Un vieillard m'assura qu'environ trois
générations avant lui cette statue avait
été fracassée par de grosses roches qui
s'étaient détachées de la voûte, et
en effet l'on voit encore les marques de ces ruines.
Chapitre suivant
Traduction par l'abbé Gédoyn (1731, édition
de 1794)
NB : Orthographe modernisée et chapitrage
complété.