XII, 2 - La Cappadoce
Carte Spruner (1865) |
1. La Mélitène ressemble beaucoup à la Commagène ; comme elle, elle est partout plantée d'arbres fruitiers, mais elle est la seule parmi toutes les provinces de la Cappadoce qui jouisse de cet avantage, la seule aussi qui produise de l'huile d'olive et du vin, tel que le Monarite, capable de rivaliser avec les vins de Grèce. Elle fait face à la Sophène, et, de même que la Commagène dont la frontière se confond avec la sienne, en est séparée par le cours de l'Euphrate. Toutefois l'importante forteresse de Tomisa, qui est située de l'autre côté du fleuve, dépend encore de la Cappadoce : naguère, il est vrai, les Sophéniens avaient racheté cette place moyennant la somme de cent talents, mais plus tard Lucullus en fit don de nouveau au roi de Cappadoce en récompense de l'utile concours que celui-ci lui avait prêté dans sa guerre contre Mithridate.
2. La Cataonie forme une large plaine, fort basse, où tous les végétaux, à l'exception pourtant des arbres verts, réussissent à merveille. Elle a
des montagnes tout autour d'elle, entre autres l'Amanus, qui n'est qu'un rameau détaché du Taurus cilicien et qui la borde au midi, et l'Antitaurus, autre branche que le Taurus
projette juste à l'opposite. Et en effet, tandis que l'Amanus se dirige au S. O. à partir de la Cataonie pour aller expirer aux bords de la mer de Cilicie et de la mer de Syrie,
enfermant dans la courbe qu'il décrit ainsi tout le golfe d'Issus avec les plaines de la Cilicie qui s'étendent au pied du Taurus, l'Antitaurus se porte au N. en inclinant
légèrement vers l'E. et va finir dans l'intérieur des terres.
3. C'est dans l'Antitaurus précisément, dans une des vallées étroites et profondes de cette chaîne, qu'est située Comana avec le fameux temple
consacré à la déesse Mâ, la même que nous nommons Enyô. Comana est une ville considérable, mais qui doit surtout son importance à la
multitude d'enthousiastes ou de prophètes et d'hiérodules ou d'esclaves sacrés qu'elle renferme. Ses habitants, bien que Cataoniens d'origine et bien que soumis
nominalement au roi de Cappadoce, sont plutôt les sujets du grand prêtre [de Mâ]. Celui-ci a la surintendance du temple et règne en maître sur les
hiérodules : or, à l'époque où nous avons visité ce temple, on y comptait plus de 6000 hiérodules, tant hommes que femmes. Un territoire spacieux
dépend du temple et c'est encore le grand prêtre qui en perçoit les revenus. Le grand prêtre tient du reste en Cappadoce le second rang après le roi et en
général jusqu'à présent rois et grands prêtres ont été choisis dans la même famille. La nature du culte rendu à la déesse
Mâ a donné lieu de penser qu'Oreste, après s'être enfui avec sa soeur Iphigénie de la Scythie taurique, avait introduit dans cette contrée les rites du
culte de Diane Tauropole ; la tradition ajoute que le frère et la soeur auraient en signe de deuil déposé leur chevelure sur l'autel de la déesse et que c'est de
cette circonstance que la ville de Comana aurait tiré son nom. Cette ville est située sur les deux rives du fleuve Sarus qui, longtemps resserré dans les gorges ou
étroites vallées du Taurus, se déploie enfin dans les plaines de la Cilicie pour aller se jeter au delà dans la mer de ce nom.
4. Quant à la Cataonie, elle est traversée par le Pyramus, cours d'eau navigable, qui a sa source tout au milieu de la plaine. Cette source est un gouffre profond d'où l'on
voit l'eau qui a longtemps coulé sous terre en dérobant aux yeux son cours mystérieux jaillir tout à coup à la surface du sol. Un javelot lancé de haut
dans ce gouffre rencontre de la part de cette masse d'eau jaillissante une telle résistance qu'il n'y enfonce qu'avec peine. Grâce à la profondeur et à la largeur
exceptionnelles de son lit, le Pyramus forme de prime abord un fleuve puissant et impétueux, mais il n'a pas plus tôt atteint le Taurus que son lit [tout à l'heure si large]
se resserre extraordinairement. Et ce qui n'est pas moins extraordinaire c'est la disposition que présente l'espèce de brèche ou de coupure qui livre passage à ses
eaux à travers la montagne. Car, de même qu'on voit dans un rocher qui se fend tout à coup et se sépare en deux les saillants de l'un des côtés
correspondre si exactement aux rentrants de l'autre qu'il semble qu'on n'aurait qu'à les rapprocher pour qu'ils se rajustassent aussitôt, de même nous avons vu sur les deux
rives du Pyramus les rochers qui garnissent les flancs de la montagne jusqu'au sommet opposer symétriquement les uns aux autres, malgré la distance de 2 à 300
plèthres qui les sépare, leurs parties saillantes et rentrantes. Ajoutons qu'au milieu de cette vallée ainsi encaissée et resserrée entre deux murs de rochers
le sol, qui n'est autre que le roc lui-même, présente une étroite fissure qu'un chien ou un lièvre pourrait franchir d'un bond : or c'est cette fissure qui sert de
lit au fleuve, et, comme elle ne dépasse guère en largeur les proportions d'une simple rigole, les eaux du fleuve naturellement la remplissent jusqu'aux bords : seulement, par
suite de sa direction tortueuse, par suite aussi de l'extrême rapprochement de ses parois et de sa profondeur qui est celle d'un véritable gouffre, le passage du fleuve y produit
un fracas épouvantable, comparable au bruit du tonnerre, et qui frappe d'aussi loin l'oreille du voyageur. Une fois sorti des montagnes, le Pyramus se précipite vers la mer, et il
roule dans ses eaux une telle quantité de limon enlevée soit aux campagne, de la Cataonie soit aux plaines ciliciennes, que cette circonstance a donné lieu dès
longtemps à l'oracle suivant :
«Un jour viendra où nos fils verront le Pyrame aux flots d'argent, reculant de plus en plus les limites du continent,
atteindre jusqu'aux bords sacrés de Cypre».
On observe, en effet, à l'embouchure de ce fleuve le même phénomène qu'en Egypte aux bouches du Nil, le Nil par ses atterrissements ne cessant, comme on sait,
d'accroître le continent aux dépens de la mer, ce qui a inspiré à Hérodote cette parole célèbre que l'Egypte est un présent du Nil
et suggéré à Homère la remarque que Pharos était dans le principe une île de la haute mer, et qu'on ne la voyait pas, comme à présent,
toucher presque aux rivages de l'Egypte.
5. Pas plus que la Mélitène, la plane de la Cataonie ne possède de ville proprement dite ; mais il y a dans la partie montagneuse de ce pays des places très fortes,
notamment la citadelle d'Azamora et celle de Dastarcum, au pied de laquelle passe le fleuve Carmalas. C'est là aussi que se trouve le temple d'Apollon Cataonien, temple
vénéré dans toute la Cappadoce comme ayant servi de type aux autres édifices sacrés qu'on rencontre en ce pays. Il n'y a du reste que deux des
préfectures de la Cappadoce qui possèdent de vraies villes ; seulement [à défaut de villes on peut mentionner dans les autres quelques lieux remarquables,] dans la
Sargarausène, par exemple, la petite place d'Herpé avec le fleuve Carmalas, qui, comme le Pyramus, [sort du Taurus pour] entrer en Cilicie ; et, hors de la Sargarausène,
Argus, position forte et élevée adossée au Taurus, et Nora, ou, comme on l'appelle aujourd'hui, Néroassos, place rendue célèbre par le long
siège qu'y soutint Eumène. De nos jours Nora fut le trésor de ce Sisina qui tenta d'usurper le trône de Cappadoce. Mais il possédait en même temps
Cadéna, ancienne résidence royale, et qui, comme telle, avait l'aspect et les dimensions d'une ville. Enfin on peut citer encore sur les confins de la Lycaonie le gros bourg de
Garsaoura, qui passe pour avoir été jadis, comme Cadéna, l'une des métropoles ou capitales du pays ; et enfin dans la Morimène, à Vénasa, ce
temple de Jupiter dont l'enceinte peut abriter aisément 3000 hiérodules et qui possède un territoire sacré fournissant, au grand prêtre un revenu annuel de
quinze talents. Ce grand prêtre qui occupe le second rang après celui de Comana est comme lui nommé à vie.
6. La surintendance du temple de Jupiter Daciéus, la troisième hiérarchiquement parlant, est très inférieure à la prêtrise de Vénasa, et
ne laisse pas cependant d'avoir encore une certaine importance. Il y a dans le voisinage de ce temple un bassin d'eau saumâtre, ayant les proportions d'un grand lac, et enfermé
entre des collines très hautes et très abruptes, dans lesquelles il a fallu creuser des espèces d'escaliers pour en rendre le bord accessible. Ajoutons que les eaux de ce
bassin n'éprouvent jamais de crue et qu'en même temps elles n'ont pas d'écoulement apparent.
7. Sur les dix préfectures de la Cappadoce, deux seulement, avons-nous dit, se trouvent posséder de vraies villes : la Tyanitis, notamment, possède Tyane, ville
située au pied du Taurus, dans le voisinage des Pyles ciliciennes, de tous les passages donnant accès en Cilicie et en Syrie, assurément le plus facile et le plus
fréquenté. Tyane est appelée quelquefois [aussi] Eusébia du Taurus. Le pays aux environs est généralement fertile et composé de plaines
pour la plus grande partie. Quant à la ville, elle est bâtie sur une de ces hautes terrasses ou chaussées dites de Sémiramis, et une belle et forte muraille en
protège l'enceinte. Non loin de Tyane, mais encore plus près de la montagne, s'élèvent deux autres villes, Castabales et Cybistres, dont l'une (c'est Castabales que
je veux dire) possède un temple dédié à Diane Pérasia et desservi par des prêtresses pouvant, dit-on, marcher impunément pieds nus sur des
charbons ardents. Ici encore nous retrouvons la légende d'Oreste et de Diane Taurpole, quelques auteurs se fondant sur ce nom de Pérasia donné à la déesse
pour prétendre que l'introduction de son culte en cette contrée a été une importation d'outre-mer. Ainsi dans la Tyanitis, l'une des dix préfectures de la
Cappadoce, une première ville, Tyane, car nous ne comptons pas les annexions récentes telles que Castabales et Cybistres, telles encore que les villes de la Cilicie
Trachée, Elaeeussa, par exemple, qu'Archélaüs, qui l'avait choisie pour en faire le lieu de sa résidence habituelle, a bâtie dans une île riante et fertile
et sur un plan très vaste. Dans la préfecture de Cilicie, une seconde ville, Mazaca, métropole du peuple cappadocien. Mazaca, elle aussi, a reçu le nom
d'Eusébia, mais avec l'épithète ou qualification d'Argéenne, vu qu'elle est située au pied du mont Argée, point culminant de la
Cappadoce, couvert de neiges perpétuelles, et du sommet duquel, au rapport des rares voyageurs qui en ont fait l'ascension, la vue, par les temps clairs, découvre à la fois
les deux mers, la mer du Pont et la mer d'Issus. Rien de moins favorable, du reste, pour l'établissement d'une capitale que le site de Mazaca : non seulement, en effet, la ville manque
d'eau, mais elle est dépourvue de toute défense, les anciens souverains de la Cappadoce n'y ayant pas même élevé de mur d'enceinte, soit par pure
négligence, soit de propos délibéré pour empêcher que les habitants trop assurés de trouver derrière leurs remparts un abri inexpugnable ne
voulussent profiter des collines qui entourent leur plaine, collines dont la hauteur défie la portée des traits, pour se livrer à tous les excès du brigandage.
Ajoutons que les environs de la ville sont d'une extrême aridité et qu'avec une surface plane et unie ils ne sont cependant susceptibles d'aucune culture, le sol n'étant
là à proprement parler que du sable sur un fond pierreux, sans compter qu'un peu plus loin la plaine paraît minée par un feu intérieur à en juger par
les puits de feu qu'on rencontre à chaque pas sur un espace de plusieurs stades. Or, eu égard à ces diverses circonstances, les habitants de Mazaca sont obligés de
faire venir de loin tout ce qui est nécessaire à leur subsistance. Il n'est pas jusqu'aux ressources et richesses apparentes du pays qui ne présentent un certain danger.
Comme la Cappadoce, en effet, manque de bois presque partout, tandis que les flancs du mont Argée sont couverts de belles forêts de chênes, il semble au premier abord que les
habitants de Mazaca ont du moins toute facilité pour se procurer du bois dans leur voisinage ; il n'en est rien pourtant, car au pied de ces forêts de chênes le sol est
généralement miné par le feu en même temps que détrempé par des nappes d'eau souterraines, sans pourtant laisser jaillir ni eau ni feu au dehors et sans
montrer à sa surface (si ce n'est en quelques endroits où il est très marécageux et où il dégage des vapeurs sujettes à s'enflammer la nuit),
sans montrer, dis je, autre chose que de verdoyantes prairies ; et il s'ensuit que, si certaines personnes ayant une connaissance parfaite des localités réussissent en prenant
bien leurs précautions à aller pour leur usage personnel couper les bois de l'Argée, il y aurait en revanche pour le plus grand nombre du danger à le faire, les
bêtes de somme surtout courant grand risque de tomber dans ces puits de feu dont rien n'annonce la présence.
8. C'est ainsi encore qu'il existe dans la plaine en avant de Mazaca et à une distance de la ville qui n'excède pas 40 stades un cours d'eau important, le Mêlas ;
malheureusement le lieu où cette rivière prend sa source se trouve être plus bas que la ville même et il en résulte que ses eaux, faute de partir d'un point un
peu plus élevé, ne peuvent être utilisées par les habitants. Il y a plus, comme le Mêlas est sujet à déborder et qn'il forme alors sur ses rives
des marais et autres flaques d'eau, il vicie l'air pendant l'été aux environs de la ville, et gêne d'autre part l'exploitation d'une carrière voisine qui ne laisse
pas, malgré cela, de rendre aux Mazacéniens les plus grands services, vu que la pierre s'y présente sous forme de larges dalles qui sont autant de matériaux tout
prêts pour la construction de leurs maisons ; seulement une fois cachées sous les eaux, ces lourdes dalles opposent une grande résistance à l'extraction. Enfin, de
ces marais que forme le Mêlas se dégagent partout des flammes. Le roi Ariarathe avait fait fermer l'étroit passage par où le Mêlas débouche dans la
vallée de [l'Halys] et avait converti ainsi en un lac grand comme une mer toute la plaine environnante ; dans ce lac il avait ménagé de petites îles à l'instar
des Cyclades et il prenait plaisir, un vrai plaisir d'enfant, à y résider. Mais la digue se rompit tout à coup, et le Mêlas fit de nouveau irruption [dans l'Halys],
qui, grossi outre mesure, emporta une bonne partie des terres de la Cappadoce, avec les plantations et les habitations qui les couvraient, endommageant même une portion notable du canton
de la Phrygie occupé par les Galates. Les Galates, qui avaient soumis le cas à l'arbitrage des Romains, tirèrent d'Ariarathe une indemnité de trois cents talents
pour le dommage causé. La même chose arriva aux environs d'Herpa, où Ariarathe avait intercepté également le cours du Carmalas : la digue se rompit et une
partie du canton de Mallos, dans la préfecture de Cilicie, ayant cruellement souffert de l'irruption des eaux, Ariarathe dut indemniser les victimes de ce sinistre du tort qu'il leur
avait causé.
9. D'autre part, si malgré ses nombreux inconvénients les rois de Cappadoce ont préféré Mazaca comme capitale, c'est qu'ils n'eussent pu, ce semble, trouver
dans toute la Cappadoce une seconde localité située comme celle-là au centre des cantons pouvant seuls leur fournir du bois, de la pierre à bâtir, et, ce dont
ils avaient le plus besoin, du fourrage pour nourrir leurs troupeaux : la ville n'était en effet pour eux qu'un camp, si l'on peut dire, et, en cas de danger pour leur
sûreté personnelle et pour la sûreté de leurs trésors, ils s'étaient ménagé de plus sûrs abris dans ces châteaux forts si
nombreux en Cappadoce et qui tous appartenaient à eux ou à leurs amis. Située à 800 stades environ au S. du Pont et à une distance double ou peu s'en faut de
l'Euphrate, Mazaca se trouve en outre, par la route de Tyane, à six journées de marche des Pyles ciliciennes et du Camp de Cyrus. Tyane est juste mi-chemin. Quant à la
distance qui sépare Tyane elle-même de Cybistres, elle est de 300 stades. Ce sont les lois de Charondas qui sont en vigueur à Mazaca et l'interprétation en est
confiée à un nomode, dont l'office équivaut à celui des jurisconsultes à Rome. Les Mazacéniens eurent naguère beaucoup à souffrir
lors des incursions répétées de Tigrane en Cappadoce ; ils se virent tous enlever à leurs foyers par le roi d'Arménie et transporter en Mésopotamie
pour y former le principal noyau de la population de Tigranocerte. Mais plus tard, après la prise de Tigranocerte [par les Romains,] tous ceux qui en eurent les moyens furent
autorisés à regagner leurs demeures.
10. L'étendue de la Cappadoce mesure, en largeur, depuis le Pont jusqu'au Taurus, 1800 stades environ, et près de 3000 stades en longueur depuis la Lycaonie et la Phrygie
[à l'0.] jusqu'à l'Euphrate et l'Arménie à l'E. Elle est riche en productions du sol et surtout en blé ; riche aussi en bétail de toute sorte. Bien
qu'étant plus méridionale que le Pont, la Cappadoce a un climat plus froid. Cela est si vrai que dans le canton de Bagadania qui n'est qu'une plaine (et la plaine la plus
méridionale de toute la Cappadoce puisqu'elle est située juste au pied du Taurus), c'est à peine si l'on rencontre un seul arbre fruitier. Ajoutons que ce canton, comme
presque toute la Cappadoce du reste, mais surtout comme la Garsauiritide, la Lycaonie et la Morimène, nourrit un très grand nombre d'onagres. Une autre production
particulière à la Cappadoce est la terre de Sinope : on nomme ainsi le minium de qualité supérieure lequel n'a d'égal que le minium d'Ibérie, et le nom
qu'on lui donne vient de ce qu'avant que le marché d'Ephèse eût étendu ses relations jusqu'en Cappadoce, c'est à Sinope exclusivement que les marchands
cappadociens expédiaient cette précieuse substance. On prétend aussi que les carriers au service d'Archélaüs trouvaient souvent dans les carrières
voisines de la frontière de Galatie des bancs de cristal de roche et d'onyx. Enfin on parle d'une localité de la Cappadoce où l'on extrait une pierre particulière
semblable à l'ivoire pour la blancheur : avec cette pierre qui se débite en morceaux de la grosseur de petites pierres à aiguiser on fait des manches de couteau. Ailleurs,
on signale un gisement de pierres spéculaires si belles et si grosses qu'on en a fait un article avantageux d'exportation. Le Pont et la Cappadoce ont pour limite commune une
chaîne de montagnes parallèle au Taurus qui commence à la pointe occidentale de la Chammanène (là où s'élève au haut d'un pic la
forteresse de Dasmenda) et qui se prolonge jusqu'à l'extrémité orientale de la Laviansène. On sait que la Chammanène et la Laviansène forment deux des
préfectures de la Cappadoce.
11. Quand les Romains, après la défaite d'Antiochus, commencèrent à prendre en main la direction des affaires de l'Asie, on les vit conclure avec les peuples et les
rois différents traités d'amitié et d'alliance : mais tandis qu'en général cet honneur était un hommage personnel rendu aux souverains, en Cappadoce il
fut commun à la nation aussi bien qu'à son roi ; et, comme la famille royale n'avait pas tardé à s'éteindre, les Romains, eu égard au traité
d'alliance et d'amitié contracté avec la nation elle-même, permirent à celle-ci de se gouverner désormais d'après ses propres lois ; mais la Cappadoce
ayant député à Rome déclina l'autonomie qui lui était ainsi octroyée, s'avouant incapable de supporter un pareil régime et demandant qu'on lui
donnât un roi. Les Romains s'étonnèrent qu'il y eût au monde des hommes dégoûtés à ce point de la liberté [...] ils
autorisèrent donc la nation cappadocienne à choisir dans son sein par voie d'élection tel roi qu'elle voudrait. Ariobarzane fut élu ; mais parvenue à la
troisième génération sa famille s'éteignit à son tour. Archélaüs monta alors sur le trône, bien qu'il n'appartînt aucunement au pays :
c'était Antoine qui avait choisi et installé ce nouveau roi. - Voilà ce que nous avions à dire de la Grande Cappadoce. Quant à la Cilicie Trachée, bien
qu'elle ait été, [comme nous l'avons dit plus haut,] annexée à la Cappadoce, le mieux sera de n'en parler qu'en décrivant l'ensemble de la Cilicie.