XII, 7 - La Pisidie

Carte Spruner (1865)

1. Entre autres peuples pisidiens qui confinent aux Homonadiens on distingue les Selgiens, qui forment même la nation la plus considérable de toute la Pisidie. En général, les peuples Pisidiens occupent les cimes mêmes du Taurus ; quelques-uns cependant habitent au-dessus des villes paraphyliennes de Sidé et d'Aspendus de simples collines plantées d'oliviers ; plus haut maintenant et déjà dans la montagne, où ils confinent aux Selgiens et aux Homonadiens, sont les Catennéens, tandis que les Sagalassiens occupent sur le versant intérieur une position qui les rapproche davantage des frontières de la Milyade.

2. Artémidore compte comme villes pisidiennes Selgé, Sagalassus, Petnélissus, Adada, Tymbriada, Cremna, Pittyassus, Amblada, Anabura, Isinda, Carassus, Tarabassus et Termesse. Quelques-unes de ces villes sont situées en pleine montagne ; mais les autres sont échelonnées du haut en bas sur les deux versants du Taurus, soit sur le versant pamphylien, soit sur le versant milyen limitrophe de la Phrygie, de la Lydie et de la Carie, toutes contrées dont les populations bien qu'appartenant au climat septentrional sont éminemment pacifiques, tandis que celles de la Pamphylie, bien qu'occupant le versant méridional du Taurus, ont, comme les Ciliciens, leurs frères, conservé presque toutes les habitudes des anciens pirates, ne laissant, elles non plus, ni paix ni trêve à leurs voisins. Celles des villes pisidiennes qui se trouvent confiner à la Phrygie et à la Carie sont Tabae, Isinda et Amblada, la même ville dont le territoire produit ce vin ambladien si utilement employé dans le traitement de certaines maladies.

3. Dans la montagne, les peuples pisidiens que nous avons nommés sont, comme les Ciliciens, divisés généralement en petits états sous des chefs ou tyrans nationaux et ne vivent guère que de brigandages. On assure même qu'anciennement ils auraient reçu parmi eux un certain nombre d'aventuriers lélèges qui, séduits par la ressemblance des moeurs, auraient voulu se fixer à tout jamais dans leurs montagnes. Au contraire, la ville de Selgé qui avait commencé par être asservie à des colons lacédémoniens et plus anciennement à Calchas finit, grâce à la sagesse de ses institutions et à l'accroissement de sa population qui s'éleva un moment au chiffre de 20 000 habitants, par former une république ou cité libre. Du reste, l'aspect des lieux aux environs de Selgé est quelque chose d'admirable : qu'on se figure, en effet, sur les crêtes les plus élevées du Taurus, des espaces de terrain assez fertiles pour nourrir plusieurs milliers d'hommes, semés ici de plantations d'oliviers et de beaux vignobles, là de plantureux pâturages où sont répandus des bestiaux de toute sorte, et enfermés dans une ceinture de beaux bois contenant les essences les plus variées, et notamment une très grande quantité de styraces, arbres médiocrement élevés, mais très droits, dont le bois sert à faire les hampes des javelines dites styracines, analogues aux cranéines ou javelines faites de bois de cormier. Il se forme dans le tronc de ces arbres une espèce de ver xylophage qui ronge le bois jusqu'au bord externe de l'écorce, faisant tomber à terre une espèce de poussière fine ou de râclure assez semblable à du son ou à de la sciure de bois et qui s'amasse au pied de l'arbre, suivie bientôt de l'écoulement d'une liqueur gommeuse prompte à se coaguler. De cette liqueur une partie dégoutte sur la sciure de bois amassée au pied de l'arbre et la pénètre ainsi que la terre qui est au-dessous, ne conservant naturellement sa pureté première qu'à la surface, tandis que le reste, qui adhère à l'écorce du tronc et qui se coagule autour de l'orifice par où se fait l'écoulement, conserve la sienne tout entière. De la partie moins pure on fait, avec une certaine quantité de sciure de bois et de terre, un mélange plus odorant que le suc resté à l'état natif, mais très inférieur à tous autres égards (ce qu'on ne sait pas assez généralement), et les dévots l'emploient en guise d'encens et en font une très grande consommation. On prise beaucoup aussi l'iris de Selgé et le liniment fait avec le suc de cette plante. Un petit nombre de routes donnent accès jusqu'à la ville et aux environs de Selgé, ce qui s'explique par la nature montagneuse de ce pays, coupé partout de précipices et profondément raviné par le cours de torrents tels que l'Eurymédon et le Cestrus, qui, du haut des montagnes de Selgé, se précipitent vers la mer de Pamphylie. Au moyen de ponts lesdites routes franchissent ces torrents. Protégés par la force exceptionnelle de leur position, les Selgiens n'avaient jamais, ni anciennement ni depuis, perdu leur indépendance, ils avaient toujours pu cultiver la plus grande partie de leurs terres avec une pleine et entière sécurité ; seule, la partie basse du Taurus (tant celle du versant pamphylien que celle du versant intérieur) leur avait été contestée par les rois leurs voisins, mais ils la leur avaient disputée sans relâche les armes à la main, et avaient fini par obtenir des Romains, à de certaines conditions, la reconnaissance de leurs droits, de même qu'au temps d'Alexandre, lorsqu'ils avaient député vers le conquérant, c'est à titre d'amis seulement qu'ils s'étaient dits prêts à recevoir ses ordres. Aujourd'hui en revanche [tout est bien changé,] et les Selgiens, qui ont dû faire aux Romains une soumission pleine et entière, ont vu réunir leur territoire à l'ancien royaume d'Amyntas.


XII-6 Sommaire XII-8