Le camée couramment appelé Gemma augustea est l'un des chefs d'oeuvre de la glyptique du Ier siècle après JC. Il a été taillé dans une pierre d'onyx à double couche, blanche et bleu très foncé, aux environs de l'an 10, par un artiste qui pourrait être Dioscurides ou l'un de ses disciples. Il se trouve actuellement au Kunsthistorisches Museum de Vienne.

Dans la moitié inférieure gauche du camée, des soldats romains érigent un trophée d'armes, pour célébrer la victoire qu'ils viennent de remporter sur des Barbares assis à leurs pieds. Les cheveux longs du prisonnier suggèrent qu'il s'agit d'un Celte ou d'un Germain, en tout cas d'un homme du nord.

Dans la partie supérieure du camée, immédiatement au-dessus de cette scène, un homme à la tête couronnée de lauriers descend d'un char à deux chevaux (un bige) conduit par une déesse qui pourrait être la Victoire. Il apparaît donc comme un guerrier triomphant, mais probablement pas comme un général recevant officiellement le triomphe à Rome à son retour de campagne (dans ce cas, il serait monté sur un quadrige). Sans doute s'agit-il de Tibère, mais il n'a pas forcément mis un terme définitif à la campagne militaire qu'il est en train de mener dans les terres du Nord.

La partie supérieure centrale du camée est évidemment la plus intéressante : assis de profil, Auguste divinisé est représenté sous les traits de Jupiter avec l'aigle à ses pieds. Derrière lui, l'allégorie de l'Oikoumène (l'ensemble de la terre habitée) le couronne de la corona civica à feuilles de chêne pour le remercier d'avoir sauvé la vie de nombreux citoyens romains. Il est assis à côté de la déesse Rome, qu'il a en effet sauvée de la guerre civile. Le bâton d'augure (lituus) qu'il tient dans sa main gauche peut suggérer qu'il a annoncé les victoires de Tibère (mais que celui-ci, ayant vaincu sous ses auspices, continue à lui céder le premier rang), tandis que le Capricorne situé au-dessus de sa tête rappelle le jour faste de sa conception, un 23 décembre, et donc sa prédestination. Ces détails mythologiques et religieux additionnés lui donnent donc, avant même sa mort, l'allure d'une nouvelle divinité.

Même si Auguste a ostensiblement marqué sa désapprobation vis-à-vis de telles représentations à Rome, il ne faut pas forcément chercher à résoudre la contradiction en envisageant une datation posthume, ou une diffusion confidentielle dans des cercles intimes. Auguste ne se prenait probablement pas pour un dieu, comme pourrait le faire plus tard Caligula, et cette représentation pourrait être comprise comme une simple allégorie de son extraordinaire pouvoir sur terre. De toute façon, même si le culte d'Auguste en tant que dieu était interdit à Rome, il n'en allait pas de même en province : la divinisation était bel et bien en marche, du vivant même du princeps.


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