Etude préliminaire d'un cas de Leontiasis ossea
Par Jack Weber, Docteur en Pharmacie, diplômé d'anthropologie, Lyon
| Cliché Stéphane Miquel, service photographique, mairie de Perpignan |
HISTOIRE NATURELLE DE LA LEONTIASIS OSSEA
Le terme Leontiasis est connu depuis l'Antiquité. Il était employé pour décrire les déformations grotesques de la face et du crâne chez les lépreux où l'épaississement de la peau et des tissus mous sous-cutanés contribuait à l'élaboration d'un véritable mufle rappelant le museau du lion.
Le docteur M. Grmek (1983), professeur à la Sorbonne, cite, dans son ouvrage Les maladies à l'aube de la civilisation occidentale, un passage du traité de Rufus d'Ephèse, médecin du IIe siècle après J.C., où il est question de l'ancienneté de l'affection lépreuse. Ce dernier attribue à Straton, disciple du fameux Erasistrate, practicien alexandrin du IIIe siècle avant J.C., la plus ancienne description de cette affection qu'il nomme «cacochymé» et que certains autres médecins, je cite : «appelèrent à son début leontiasis parce que les malades prennent une mauvaise odeur, que leurs joues se relâchent, que leurs lèvres s'épaississent, que leurs sourcils se gonflent et que leurs pommettes rougissent...».
Il faudra cependant attendre 1864 pour que le célèbre pathologiste allemand Virchow fasse la distinction entre le leontiasis des gréco-romains dû à la lèpre qui n'est autre qu'un grossissement de la face consécutive à un «éléphantiasis» (épaississement) de la peau et des tissus sous-cutanés et la leontiasis ossea, hypertrophie bilatérale, diffuse et progressive des os de la face et du crâne qui n'a rien à voir avec la lèpre.
Si Virchow conserva le terme Leontiasis auquel il ajouta ossea, c'est qu'il pensait que l'hypertrophie des os correspondait exactement à un éléphantiasis des parties molles alors qu'en réalité c'est l'hyperostose elle-même qui est responsable du faciès léonin que l'on observe. Dès lors, le terme Leontiasis ossea a été employé comme terme de diagnostic.
L'étude la plus complète, mais totalement dépassée, reste celle, déjà ancienne, de Lawford Knaggs (1924) parue dans le British Journal of Surgery où il définit deux formes de Leontiasis ossea :
- une forme qui touche l'enveloppe externe de l'os ; c'est la forme périostéïque avec un os à la surface bosselée et irrégulière ;
- une forme ostéïtique où l'hyperostose se traduit par un aspect régulier et lisse de la surface osseuse.
Dans tous les cas, la maladie, d'étiologie inconnue, débute au cours de la première ou deuxième décade de la vie. Son évolution est très lente et la durée de survie peut atteindre plusieurs dizaines d'années.
La lésion initiale siège sur la branche montante du maxillaire supérieur à son union avec le front. Puis l'hypertrophie gagne la face externe du maxillaire supérieur, l'os malaire, l'arcade zygomatique, comble la fosse canine et augmente le volume de tout le maxillaire supérieur. Dès lors, le nez a perdu son ensellure, les sillons naso-labiaux sont comblés, la région vestibulaire proémine : un véritable mufle se trouve ainsi constitué donnant au faciès un aspect léonin. La mandibule est également épaissie, créant un prognathisme qui s'accompagne de la chute des dents. L'évolution, lente, est grevée de complications : obstruction des cavités de la face (sinus et fosses nasales, sinus frontaux), des canaux qui livrent passage aux nerfs crâniens et des trous de la base du crâne.
La plus ancienne référence à cette maladie est celle que l'on peut trouver dans les OEuvres posthumes de Malpighi publiées en 1700 peu après la mort de ce célèbre anatomiste et médecin italien. Une des observations concerne un crâne appartenant à la collection du Duc du Mutina, d'un poids considérable (3,5 kg) et extrêmement déformé. Bien que la description, en latin, soit difficile à suivre, il semble clair qu'il s'agisse d'un cas de Leontiasis ossea.
- La forme périostéïque
Le cas le plus représentatif de cette forme définie par Knaggs est sans nul doute le cas Fourcade. Dès 1767, Anthelme Jourdain, premier stomatologiste chirurgien, en propose une représentation dans son Traité des maladies chirurgicales de la bouche réalisant ainsi la première iconographie de cette maladie. Ce cas est très intéressant puisqu'il a une histoire clinique que nous rapporte Virchow. Fourcade, chirurgien à Perpignan au XVIIIe, avait un fils en excellente santé du moins jusqu'à l'âge de 12 ans où son père remarqua une suppuration persistante du canal lacrymal de l'oeil droit. Au même moment, apparut une petite tumeur de la taille d'une amande sur la branche montante du maxillaire supérieur qui se développa jusqu'à l'âge de 15 ans, comprimant le cartilage nasal de façon que le jeune garçon éprouvait de grande difficulté à respirer, excepté par la bouche. Puis la maladie gagna la mandibule et envahit tout le maxillaire supérieur, les fosses nasales, les orbites, le palais et l'os malaire si bien qu'à l'âge de 20 ans, la face était monstrueuse. Il mourut à 45 ans, aveugle, phtisique et ne pouvant plus parler. - La forme ostéïque
Pour illustrer cette deuxième forme qui nous intéresse plus particulièrement puisque le crâne d'Oms peut y être rattaché, tournons-nous vers un crâne tout aussi célèbre que le précédent, car maintes fois étudié, et connu sous le nom de crâne de Sacy. On retrouve sa trace depuis 1745. Originaire de Sacy, village proche de Reims, il fut figuré pour la première fois par Dargenville en 1775 dans son ouvrage L'Oryctologie sur une planche intitulée «Parties du corps humain pétrifiées». Cette tête, d'une épaisseur et d'une grosseur extraordinaire ayant été prise pour celle, pétrifiée, d'un homme ancien, sain mais gigantesque, Jadelot (1799), prouve par l'examen des dents qu'elle appartenait à «un enfant d'environ 6 ans ayant souffert de ce que quelques-uns nomment la maladie éburné».
L'étude de ce même crâne fut reprise par Gervais en 1875. Les dessins qui accompagnent son article «L'hyperostose chez l'homme et les animaux» montrent que l'extérieur du crâne présente une surface lisse mais la face endocranienne offre un aspect cotonneux avec des orifices de la base, particulièrement le foramen magnum, très remaniés. Une section horizontale de la boîte cranienne montre des parois très épaissies pouvant atteindre jusqu'à 3,5 cm d'épaisseur.
Depuis l'étude de Knaggs, peu de progrès ont été réalisés. Si, pour certains pathologistes, cette affection est une entité nosologique à part entière, bien caractérisée et individualisée, comme c'est le cas par exemple pour Jaffe (1972) qui reprend tous les arguments de Knaggs et conserve les deux formes de Leontiasis ossea, pour d'autres anatomistes, cette affection n'est qu'un symptôme dont la pathologie sous-jacente est à rechercher. En effet, il faut savoir que certaines maladies peuvent provoquer des hypertrophies des os avec parfois des atteintes de la face et du crâne, réalisant des tableaux cliniques proches de celui observé dans la Leontiasis ossea. Quelle est donc la place de la Leontiasis ossea au sein de ces ostéochondrodysplasies et surtout quels sont ses rapports avec les pathologies proches comme les dysplasies fibreuses, la maladie de Paget et les ostéopathies condensantes (dysplasie crânio-diaphysaire, maladie de Pyle ou dysplasie crânio-métaphysaire) ?
LE CRANE D'OMS : UNE ETUDE PLURIDISCIPLINAIRE
La paléopathologie, par le biais de cette pièce muséologique, peut nous aider à mieux comprendre cette affection. C'est pour cette raison que nous avons sollicité le concours de plusieurs spécialistes qui ont accepté de se pencher sur ce problème. Les résultats, pour la plupart encore en cours, concernent uniquement le crâne d'Oms et nous nous garderons bien de les généraliser à l'ensemble des pièces regroupées sous le nom Leontiasis ossea et qui peuvent refléter d'autres pathologies. L'approche retenue est à la fois macroscopique, par l'apport de l'anatomie descriptive associée à l'imagerie médicale, et microscopique, par l'examen du tissu osseux au microscope photonique et électronique complété par une étude ostéodensitométrique. La description anatomique, réalisée ensemble, nous a permis de mieux cerner l'expression de la maladie à travers les modifications de la boîte crânienne dans son ensemble et les remaniements des os qui la composent.
Puis, nous avons essayé d'en tirer des conclusions d'ordre fonctionnel en étudiant plus particulièrement la base du crâne avec les trous qui s'y rapportent et les insertions aponévrotiques et musculaires (étude en cours).
Le docteur Y. Roullaud, radiologue, s'est chargé de l'imagerie médicale. Après un examen radiologique classique, il a utilisé le scanner pour découper le crâne en une cinquantaine de coupes frontales distantes de 5 mm, couvrant ainsi l'ensemble de la tête osseuse.
Puis, il a réalisé des coupes sagittales et transversales en des plans particuliers choisis pour apprécier le degré de remaniement de certaines structures endocrâniennes majeures (interprétation en cours).
L'étude microscopique du tissu osseux, menée à Lyon par le docteur G. Boivin, directeur de recherche à l'I.N.S.E.R.M., est en cours à la faculté de médecine Alexis Carrel. Il a procédé au prélèvement d'un cylindre osseux de 7,5 mm de diamètre dans la région occipitale du crâne à l'aide d'un classique trocart de Meunier.
Après traitement et inclusion de la biopsie, des coupes minces ont été réalisées puis colorées. L'observation au microscope en lumière polarisée a montré que la texture du tissu osseux du crâne d'Oms présentait la classique structure lamellaire de l'os compact sain. La microscopie électronique a confirmé ces tous premiers résultats et permis de visualiser quelques molécules de collagène parfaitement reconnaissable à leur conformation spatiale en triple hélice. Pour compléter cette approche microscopique, le docteur Dubceuf du service de Rhumatologie de l'Hôpital E. Herriot (Lyon) s'est intéressé au contenu et à la densité minérale osseuse de l'os en utilisant l'absorptiométrie : les valeurs obtenues sont en cours d'interprétation.
LE CRANE D'OMS : PREMIERE APPROCHE MORPHOLOGIQUE
Au premier abord, ce crâne est remarquable par :
- son état de conservation exceptionnel consécutif à la très forte densité de l'os qui le met à l'abri de toutes dégradations naturelles ;
- sa masse considérable : une simple comparaison avec n'importe quel crâne «normal» se passe de tout commentaire (masse du calvarium = 2 566 g ; masse de la mandibule = 263 g) ;
- son faciès léonin caractéristique de la maladie ;
- son aspect ivoirin, déjà remarqué par les anciens qui qualifièrent cette affection de «maladie éburnée».
De plus, ce crâne présente une forte assymétrie :
- globalement le côté gauche est le plus développé ;
- des zones très hypertrophiées débordent sur les régions voisines moins hyperostosées, voires conservées ou mêmes disparues.
LA VOUTE DU CRANE
La surface de la voûte crânienne, parfaitement lisse et d'aspect éburné comme l'ensemble de la pièce, est criblée d'une multitude de petits orifices vasculaires. Les sutures, noyées dans la masse osseuse, sont totalement invisibles.
Les longueurs et les hauteurs de la boîte cranienne sont augmentées plus ou moins harmonieusement. La plus grande largeur se retrouve dans la région malaire près de la suture pariéto-temporale matérialisée par une importante boursouflure traduisant le débordement de l'os pariétal sur l'os temporal. Cette morphologie générale est responsable de l'aspect en «pain de sucre» du crâne.
Dans la région glabellaire, on note le départ d'une zone en «V» dans laquelle se dessinent des arborescences en creux colorées ou non (phénomène post-mortem ? Traduction d'une circulation diploïque intense ?).
Pour la petite histoire, sur l'os frontal, près d'un relief calcifié (ostéome ?), on observe six petites entailles triangulaires, parallèles et peu profondes : peut-être s'agit-il du souvenir du canif de l'inventeur éprouvant la dureté de l'os au moment de cette insolite découverte !?
LES PAROIS LATERALES DU CRANE
Pour simplifier l'étude des parois latérales du crâne, on définira arbitrairement deux régions, l'une antérieure ou temporo-zygomatique et l'autre postérieure ou mastoïdienne.
- La région temporo-zygomatique
C'est là que l'hypertrophie est la plus importante, réalisant une énorme boursouflure de l'os zygomatique qui toutefois conserve sa forme quadrangulaire. Son bord massétérin (postéro-inférieur), très épaissi, a perdu sa rugosité et les reliefs d'insertion du muscle masséter sont peu marquées, ce qui laisse supposer une certaine atrophie de ce muscle élévateur de la mandibule.
L'arcade zygomatique, très boursouflée et comprimée d'avant en arrière, délimite avec l'écaille de l'os temporal un orifice zygomatique très rétréci, laissant passage à un muscle temporal réduit à sa plus simple expression (c'est aussi un muscle élévateur de la mandibule).
Toutes les sutures en rapport avec la partie squameuse de l'os temporal sont hypertrophiées et forment un profond sillon qui disparait en arrière, traduisant le débordement de l'os pariétal sur l'os temporal. A gauche, comme à droite, on remarque les profondes empreintes de l'artère temporale superficielle qui traversent l'écaille de l'os temporal. - La région mastoïdienne
La région mastoïdienne, allongée dans le sens antéropostérieur, est délimitée, à son contact avec le conduit auditif externe, par une scissure tympano-squameuse bien développée. L'épine sus-méatique, très hypertrophiée, précède une zone criblée retro-méatique, par contre, peu marquée. En arrière, l'orifice du trou mastoïdien est évasé et même dédoublé du côté gauche. Sur la face externe de l'apophyse mastoïde, on reconnait les reliefs d'insertion des muscles stemo-cléïdo-mastdidien et splénius. La face interne de l'apophyse mastoïde, très remaniée, est intéressante : la gouttière d'insertion du muscle digastrique s'est transformée en une large surface quadrangulaire limitée en dedans par une éminence juxta-mastoïdienne réalisant un véritable surplomb sous lequel vient s'insinuer l'artère occipitale. Malgré ces profonds remaniements, la distance inter-mastoïdienne semble conservée.
LE MASSIF FACIAL
Par commodité, nous avons là encore subdivisé le massif facial en deux étages : l'un supérieur avec à l'extérieur les cavités orbitaires et au milieu la région nasofrontale, l'autre inférieur avec la région maxillaire en avant, l'arcade dentaire en-dessous et la voûte palatine en arrière et en-dessous.
- La région orbitaire
Très remaniée, la cavité orbitaire, à droite comme à gauche, peut être assimilée à une pyramide dont la base est en avant (ouverture) et le sommet en arrière (canal optique). La longueur du grand axe de cette pyramide est doublée chez notre sujet.
La base, de forme losangique, comprend quatre bords :
- le bord supérieur (arcade soucillière) est très horizontal et présente un orifice dilaté à gauche et une échancrure sus-orbitaire à droite ;
- le bord externe est très arrondi et évasé : il est essentiellement constitué par l'apophyse orbitaire de l'os zygomatique qui, nous l'avons vu, est particulièrement hypertrophié.
- le bord inférieur est si hyperostosé qu'il absorbe en arrière une grande partie du plancher de l'orbite formant ainsi une large corniche qui surplombe la fosse canine ;
- le bord interne, formé par l'apophyse montante de l'os maxillaire, contribue largement à l'agrandissement de la région médiane donc à l'aspect léonin de la face.
- sur la paroi externe, la suture sphéno-malaire est déportée vers l'arrière sous l'action de la poussée de l'os zygomatique ;
- sur la paroi interne, la gouttière lacrymale très élargie fait suite à un canal nasal à direction postérieure.
- La région naso-frontale
En haut, cette région médiane est caractérisée par la perte de l'ensellure nasale consécutive à la boursouflure des os propres du nez. La suture médio-nasale a disparu. Par contre, on retrouve les sutures naso-maxillaires et naso-frontale, cette dernière soulignée par quatre à cinq stries horizontales.
La partie inférieure de cette région est occupée par les fosses nasale. La cloison est constituée d'un vomer largement implanté et d'une lame ethmoïdale épaissie et fracturée à sa partie antérieure.
L'hypertrophie de la cloison et des cornets, peu visibles, réduit la lumière des fosses nasales à une étroite fissure qui, lorsqu'elle était recouverte de sa muqueuse, devait rendre difficile voire impossible toute fonction respiratoire. Les bords de l'orifice piriforme ont subis un épaississement considérable qui accentue la réduction des fosses nasales. Contrairement aux cavités orbitaires où l'hyperostose s'est développée vers l'extérieur devant la résistance du contenu de l'orbite, pour les fosses nasales le développement osseux s'est réalisé vers l'intérieur. - La région maxillaire
La région maxillaire, très fortement développée en bas et en dehors, a perdu sa concavité et sa symétrie. Les trous sous-orbitaires sont bien visibles. Sur la face externe de l'os maxillaire, en bas près de l'arcade dentaire, on trouve à droite comme à gauche une dent incluse (pré-molaires ?) très superficiellement sous la corticale perforée. - L'arcade dentaire supérieure
Assymétrique dans sa partie antérieure, l'arcade n'offre plus que des alvéoles dentaires vides : il n'y a plus de dents en place. A droite comme à gauche, on reconnait les alvéoles de I1(11) ; de I2 (12) ; de cd (53) ? ; absence des alvéoles de Pml et Pm2 (14 et 15) et les alvéoles vides de Ml (16) , M2 (17), M3 (18), les molaires déciduales ayant disparues du vivant du sujet.
L'étude de ces alvéoles peut nous aider à mieux comprendre la chronologie de la maladie. On peut supposer que la maladie a débuté entre les âges de sept et dix ans après l'éruption de la dent de six ans (Ml). Puis le processus s'est accéléré dans la région antérieure prémolocanine où l'hyperostose a pris «de vitesse» la mise en place des prémolaires qui seraient ainsi restées incluses dans la masse osseuse. Par contre, dans la région molaire, le processus hypertrophique, plus lent et plus tardif, n'a pas empêché la mise en place des molaires M2 et même M3 dans des alvéoles deshabitées post-mortem mais ayant abritées des racines in vivo. - La voûte palatine
Comblée par l'hyperostose et très aplatie, la voûte palatine est particulièrement rugueuse et bien vascularisée. Le canal palatin antérieur, marqué par une dépression triangulaire, présente un orifice buccal aveugle. La partie postérieure de la voûte palatine sera décrite avec la partie antérieure de la base du crâne.
LA BASE DU CRANE
Comme le préconise L. Testut (1899), nous diviserons par commodité la base du crâne en trois zones :
- une portion antérieure ou zone faciale limitée en arrière par la ligne bizygomatique avec une partie médiane comprise entre les apophyses ptérygoïdes et, en dehors, une partie correspondante aux fosses ptérygo-maxillaires et zygomatiques ;
- une portion moyenne ou zone jugulaire comprise entre la ligne bizygomatique et la ligne bimastoïdienne avec en dedans la surface basilaire de l'os occipital et en dehors deux surfaces quadrilatères dont les quatre angles sont matérialisés par quatre saillies osseuses importantes : le tubercule zygomatique, l'apophyse ptérygoïde, le condyle de l'occipital et l'apophyse mastoïde ; chacun de ces quadrilatères peut être divisé à son tour en deux triangles (l'un antéro-externe et l'autre postéro-interne) par une diagonale qui s'étend de l'apophyse mastoïde à l'apophyse ptérygoïde ;
- une portion postérieure ou zone occipitale comprenant toute la région située en arrière de la ligne bimastdfdienne.
- La région faciale de la base du crâne
- La région inter-ptérygoïdienne
Le bord postérieur du vomer qui sépare les orifices postérieurs des fosses nasales est très épaissi transversalement (1 cm au plus étroit) réduisant ainsi les choanes, une fois revêtues de leur muqueuse, à des orifices quasi virtuels totalement inadaptés à une fonction respiratoire normale.
Les apophyses ptérygoïdes sont particulièrement remaniées :
. l'aile interne, noyée dans l'ensemble, est à peine marquée par le relief de son bord postérieur qui se termine par la surface de fracture de son crochet. A sa base, la fossette scaphoïde (insertion du muscle péristaphylin externe) n'est plus reconnaissable ;
. l'aile externe, massive, très hypertrophiée, surtout à son contact avec la tubérosité maxillaire est largement évasée et donne à l'ensemble une ampleur peu commune. Dans l'épaisseur de sa face interne, on note un orifice large et profond difficilement interprétable et plus en dedans, une gouttière peu profonde, en contact avec l'aile interne, qui semble constituer le seul vestige de la fosse ptérygoïde (insertion du muscle ptérygoïdien interne) et de l'échancrure ptérygoïde totalement comblée par une apophyse pyramidale hyperostosée (os palatin). Sa face externe, convexe à droite et légèrement concave à gauche présente d'épais reliefs d'insertion pour le muscle ptérygoïdien externe. Quant à son bord postérieur, très convexe et totalement mousse, il ne laisse plus percevoir aucun de ses reliefs caractéristiques, en particulier l'épine de Civinini qui a complètement disparu ;
. en arrière et en dedans, le trou déchiré antérieur n'est plus marqué que par une invagination de l'os entre la base des apophyses ptérygoïdes et le sommet des pyramides pétreuses (on voit à droite un minuscule orifice de 1 mm de diamètre). - La région des fosses zygomatiques et ptérygo-maxillaires
La partie horizontale de cette région, qui constitue la paroi supérieure de la fosse zygomatique, est bien limitée en dehors par une crête sphéno-temporale particulièrement saillante avec un tubercule sphénoïdal bien individualisé.
Le sillon, déjà décrit, qui contourne l'écaille du temporal se retrouve ici et même au-delà du condyle temporal réalisant en avant de ce dernier et en dehors de la crête sphéno-temporale une véritable apophyse osseuse sans équivalent sur un crâne «normal». Et avant, la fente sphéno-maxillaire est réduite à une simple fissure entre les os maxillaire et malaire et à son extrémité interne la fosse ptérygo-maxillaire est quasi inexistante car le bord antéro-externe de l'apophyse ptérygoïde reste, sur presque toute sa hauteur, intimement appliquée à la tubérosité maxillaire.
- La région inter-ptérygoïdienne
- La région jugulaire de la base du crâne
- La surface basilaire de l'os occipital
La surface basilaire de l'os occipital, littéralement «ratatinée», de forme triangulaire à pointe vomérienne, a basculé vers le haut, entraînant une véritable cassure de la base du crâne. Elle est parcourue par deux saillies osseuses qui semblent correspondre d'une part au tubercule pharyngien (insertion de l'aponévrose du pharynx) et d'autre part aux crêtes synostosique et musculaire. Plus en arrière, à la partie antérieure et médiane du trou occipital, on note la présence de deux petits tubercules basilaires. - Les surfaces quadrilatères de la région jugale
Là encore, les surfaces quadrilatères ont subi d'importantes modifications. La diagonale, qui s'étend de l'apophyse mastoïde à l'apophyse ptérygoïde et sur laquelle s'insère l'aponévrose ptérygo-temporo-maxillaire, s'est transformée en une véritable barre osseuse. On y reconnait, d'arrière en avant, l'apophyse mastoïde puis l'apophyse styldide, vestigiale et fracturée, doublée extérieurement par une apophyse vaginale épaissie et limitée par un bord mousse. Plus en avant, un relief, boursouflé et allongé, qui n'existe pas chez le sujet «normal», vient cacher en dehors, avec l'aide de l'aile externe de l'apophyse ptérygôide, le trou ovale.
Le triangle postéro-interne présente un condyle occipital aplati qui vient s'arrondir au contact de la surface basilaire. La fossette condylienne antérieure a disparu. Par contre, on note la présence en dehors du condyle gauche d'une variation connue sous le nom d'apophyse paramastdide et qui pourrait s'articuler avec l'apophyse transverse de l'atlas.
La face exocranienne de la pyramide pétreuse qui constitue normalement la majeure partie de ce triangle est réduite à un simple sillon irrégulier coincé en dedans entre le condyle occipital et la surface basilaire et en dehors entre l'apophyse vaginale et l'épine du sphénoïde. Les différents trous, orifices et fosses particulièrement nombreux dans cette région de la base du crâne sont difficilement repérables. Certains sont invisibles (trou stylo-mastoïdien, orifice inférieur du conduit de Jacobson, acqueduc du limaçon, orifice exocranien de la trompe d'Eustache, le trou déchiré antérieur, orifice postérieur du canal vidien) et d'autres plus ou moins rétrécis (trou déchiré postérieur, trou condylien antérieur, fosse jugulaire). Le canal carotidien est, quant à lui, à peine réduit.
Le triangle antéro-externe a conservé ses dimensions mais ses nombreux reliefs sont très hypertrophiés. La scissure de Glaser est raccourcie, le trou petit rond, de diamètre normal, est visible à droite mais caché à gauche. Les cavités glénoïdes ont gardé leur forme et leurs dimensions mais présentent des bords plus grossiers surtout au niveau de la face antérieure du tympanal et près de la scissure de Glaser. Le conduit auditif externe semble légèrement dilaté.
- La surface basilaire de l'os occipital
- La région occipitale de la base du crâne
Cette région, limitée en avant par les condyles occipitaux, les apophyses jugulaires et apophyses mastoïdes, nous offre sur la ligne médiane le trou occipital remarquable par son extrême rétrécissement surtout à sa partie antérieure, entre les condyles occipitaux. En arrière de ces derniers, la fossette condylienne postérieure a totalement disparu ainsi que le trou condylien postérieur qu'elle abrite. La crête occipital externe, les lignes nuchales inférieure et supérieure sont très hypertrophiées comme d'ailleurs tous les reliefs d'insertion musculaires de la région à l'exception de la protubérance occipitale externe qui a complètement disparu. L'écaille occipitale se présente dans un plan très horizontal voire même déclive en arrière par rapport au plan de Francfort avec comme conséquence une rencontre à angle droit avec la partie postérieure de la voûte, au niveau de la ligne nuchale supérieure.
LA MANDIBULE
L'aspect général de la mandibule est massif, soufflé avec effacement des reliefs.
- Le corps de la mandibule
La face antérieure du corps de la mandibule est lisse, élargie et convexe avec une éminence mentonnière arrondie. La symphyse mentonnière et la ligne oblique externe ont disparu. Le trou mentonnier, rétréci, est bien à sa place.
Le bord inférieur est très épaissi et propose à sa partie médiane une surface tourmentée qui pourrait correspondre à l'insertion du muscle digastrique.
La face postérieure forme un «V» très étroit avec des apophyses geni très développées d'où naissent des lignes mylo-hyoïdiennes plus que discrètes.
Le bord supérieur supporte une arcade dentaire incomplète mais aux proportions parfaitement normales. Aucune dent n'est en place mais on reconnait les alvéoles deshabitées post-mortem des Il (31 et 41) de m2d (75) avec deux racines, des Ml et M2 (36-37 et 46-47). - Les branches montantes
Les branches montantes sont symétriques malgré quelques modifications post-mortem à droite : perte de la moitié externe du condyle et abrasion de l'apophyse coronoïde.
La face externe, volumineuse et boursouflée, est quasiment lisse, ne présentant que peu de surface rugueuse pour l'insertion inférieure du muscle masséter.
La face interne fait suite à une fossette sous-maxillaire bien marquée. L'épine de Spix, volumineuse et saillante, est soulignée par un profond sillon mylo-hyoïdien : elle masque l'entrée d'un gros canal dentaire. Le trigone rétro-molaire n'est qu'une vaste surface concave surplombée par une crête temporale à peine reconnaissable.
Le bord inférieur, moins large que celui du corps, forme en arrière un angle particulièrement ouvert. Il est traversé à gauche par un sillon transversal (empreinte de l'artère faciale ?). Le bord postérieur dont l'hyperostose a comblé l'étranglement du col du condyle est pratiquement rectiligne.
Le bord supérieur est occupé par un condyle peu remanié où l'on reconnaît le contour habituel de la capsule articulaire avec ses tubercules interne et externe et tout laisse supposer un fonctionnement normal de l'articulation. Par contre, la fossette d'insertion du muscle ptérygoïde externe est totalement comblée. L'échancrure sigmoïde est très retrécie surtout en avant par le développement excessif de l'apophyse coronoïde, épaisse et mousse. Le bord antérieur, à peine individualisé, va se perdre en avant et en bas dans une boursouflure, seul vestige de la ligne oblique externe.
Cette première approche morphologique du crâne d'Oms nous permettra ultérieurement, avec l'aide de l'imagerie médicale et de l'histologie, de mieux cerner le processus pathologique. Ensuite, tous ces résultats, confrontés à ceux obtenus par d'autres auteurs sur d'autres ostéochondrodysplasies, nous aideront à replacer la Leontiasis ossea au sein des maladies ostéocondensantes.
BIBLIOGRAPHIE
- Dargenville A.J. 1775. L'histoire naturelle éclaircie dans une de ses parties principales, l'Oryctologie, qui traite des terres, des pierres, des métaux, des minéraux et autres fossiles. De Bure, éd. Paris.
- Gervais P. 1875. L'hyperostose chez l'homme et les animaux. Journal de Zoologie, IV, p. 272.
- Grmek M.D. 1983. Les maladies à l'aube de la civilisation occidentale. 527 p. Payot, Paris.
- Jadelot J.F.N. 1799 (an VII). Description anatomique d'une tête extraordinaire. J J. Fuchs, éd. Paris.
- Jaffe H.L. 1972. Metabolic, degenerative, and inflammatory Diseases of Bones and Joints. pp. 276-281. Lea & Febiger. Philadelphia.
- Knaggs R.L. 1923-1924. Leontiasis ossea. Brit. J. Surg. 11 pp. 347-379.
- Malpighi 1700. Opera posthuma.
- Testut L. 1899. Traité d'anatomie humaine. 4e édition. Tome I.Ostéologie-arthrologie-myologie. Doin, éd. Paris.
- Virchow 1864. Pathologie des tumeurs. Traduction française.
Cet article a été publié dans les Annales du Muséum d'Histoire naturelle de Perpignan, n° 5, 1995 : pp.22-32