Les collections polynésiennes

Clichés Casanovas, Miquel, Mary et Vincent

Par Anne LAVONDES - Ethnologue à l'ORSTOM - UZES, Avril 1993


Je remercie tout particulièrement le Pr BOURGAT de m'avoir permis de travailler sur ces collections. Mes remerciements vont aussi au Dr EXBROYAT, ainsi qu'au personnel du Muséum.

INTRODUCTION

Les objets ethnographiques océaniens du Muséum d'Histoire naturelle de Perpignan ont été étudiés et catalogués en 1988, alors qu'ils se trouvaient encore dans les réserves du Muséum. Un inventaire préliminaire de ces collections, accompagné d'une étude historique, avait déjà été réalisé par le Dr Jacqueline EXBROYAT et publié dans le bulletin de l'Association des Conservateurs des collections publiques de France (N° 178, 1988, I, pp. 29 à 37). Depuis, ces objets sont exposés dans deux vitrines d'une salle élégamment rénovée qui a été inaugurée le 15 février 1989 à l'occasion d'une «Journée d'études océaniennes» organisée et présidée par le Professeur Robert BOURGAT, conservateur du Muséum.

La collection mélanésienne comprend de belles pièces, en particulier une série d'armes provenant de Nouvelle-Calédonie. Les objets polynésiens sont plus disparates, mais ils sont intéressants autant par les questions qu'ils soulèvent que par leur valeur propre.

Il n'existait pas, au Muséum, d'inventaire ancien ou d'étiquettes attachées aux objets et l'histoire de ces collections restait donc hypothétique. Depuis, ainsi qu'a bien voulu m'en informer le Pr Robert BOURGAT, le dépouillement d'un lot de vieux documents a livré un manuscrit de L. COMPANYO datant de 1845, adressé au Maire de Perpignan, faisant état d'un don fait par AMADIS, attaché à l'Expédition DUPETIT-THOUARS dans l'Océanie, et qui comprenait :

Dans ce même document, on peut lire que HENRY, ex-bibliothécaire, dès son arrivée à Toulon, a envoyé au Muséum 5 objets curieux provenant de l'Océanie. Ce sont des «meubles et ustensiles dont l'usage n'est pas très bien prononcé».

Beaucoup des objets de cette liste proviendraient de Mélanésie. Mais «les deux supports d'échasses sculptés» sont incontestablement d'origine marquisienne et font encore partie des collections polynésiennes du Muséum. Il parait donc possible de faire remonter l'acquisition de ces deux objets aux voyages de DUPETIT-THOUARS dans le Pacifique. Mais comme nous n'en connaissons pas la date précise, il reste des incertitudes sur les conditions de cette collecte. En 1838, sur la Vénus, DUPETIT-THOUARS avait visité les Marquises, ainsi que d'autres îles, en particulier dans l'archipel de la Société. Pourtant, aucun objet polynésien du Muséum ne témoigne du passage de la Vénus aux Hawaii, à l'île de Pâques ou en Nouvelle-Zélande. Il parait plus probable que les étriers d'échasses ont été obtenus par échange ou en cadeau au cours d'un séjour plus long aux Marquises.

A la fin du mois d'avril 1842, le Contre-Amiral Abel Aubert DUPETIT-THOUARS qui commandait la Reine Blanche était arrivé aux Marquises, sur ordre du roi Louis-Philippe, pour prendre possession de l'archipel. Le nom du donateur des pièces marquisiennes, AMADIS, n'apparait pas au bas des actes de cession à la France de chacune des îles, parmi les signatures des principaux officiers ou responsables qui accompagnaient DUPETIT-THOUARS. Il ne fait pas partie non plus de l'état-major des navires qui vinrent aux Marquises renforcer le corps expéditionnaire commandé par DUPETIT-THOUARS. Une partie des officiers et des artilleurs de marine transportés par ces bâtiments installèrent à Nuku-Hiva une base militaire sous le commandement supérieur du capitaine de corvette COLLET. En 1844, celui-ci fut remplacé à la direction du Fort COLLET par AMALRIC, Chef de bataillon d'artillerie de marine, qui eut à faire face à un soulèvement des Marquisiens, conduits par le chef PAKOKO qui s'était réfugié dans la montagne. Marins et militaires assurèrent ainsi une présence française jusqu'à l'arrivée des administrateurs civils et ils eurent l'occasion de recueillir de nombreux témoins de la culture matérielle des Marquisiens. Ceux-ci se trouvent maintenant en grand nombre dans les collections publiques.

DUPETIT-THOUARS avait été nommé commandant en chef-de la station navale du Pacifique, mais après son départ des Marquises, ses projets d'annexion de Tahiti et les difficultés qui en résultèrent, l'avaient empêché de naviguer davantage à travers l'Océanie. Il est vrai qu'à cette époque, à Tahiti et même aux Marquises, on pouvait trouver des objets provenant d'autres régions du Pacifique, en particulier des armes des Fidji. Le casse-tête «plus petit, sculpté et bien travaillé» de la liste des dons AMADIS correspond peut-être à celui du Muséum (n° 10 du catalogue). Mais l'origine des autres pièces, dont une partie se trouve au Muséum, reste bien difficile à déterminer.

La suite des documents qui concerne cinq objets curieux provenant de l'Océanie, des «meubles et ustensiles» dont l'usage n'était pas connu, pourrait avoir quelque rapport avec d'autres objets marquisiens du Muséum, ou ceux de Tahiti, des Australes et de Futuna, mais ces renseignements non datés sont trop imprécis pour apporter la moindre certitude.

L'histoire des collections polynésiennes du Muséum d'Histoire naturelle de Perpignan reste donc incomplète. Mais si, dans une nouvelle perspective qui donne quelque vraisemblance à cette hypothèse, on considère que la collecte des pièces a été contemporaine de l'établissement dans le Pacifique d'une présence française régulière, navale et militaire, cet ensemble d'objets qui paraissaient assez disparates, prend une certaine cohérence. On peut penser que la plupart de ces objets ont été fabriqués avant 1850 et, pour les plus récents d'entre eux, peu avant la disparition d'un artisanat traditionnel authentique.

Ce catalogue est établi suivant les normes des inventaires des collections publiques françaises de la Direction des Musées de France afin de pouvoir être éventuellement intégré dans les projets d'inventaires régionaux des collections océaniennes. En attendant que le Muséum ait adapté un système d'enregistrement, des numéros d'inventaires provisoires ont été attribués aux objets. L'inventaire a été fait le 15 décembre 1988.


INVENTAIRE DES OBJETS POLYNESIENS

  1. ILES MARQUISES

    1. Pilon. Kea tuki popoi.
      Inv. MHNP. 88.12.15.1. Don ? Roche volcanique. Technique assez fine.
      H. : 19 cm - Diamètre de base : 17,7 cm. Très bon état de conservation.
      Prov. Iles Marquises. Ile ?
      Epoque dassique, XVIIIe ou début XIXe siècle.

      Pilon classique à tête sculptée de deux tiki bi-frons. Les traits sont un peu en relief, les cercles autour des yeux sont légèrement marqués. Les oreilles sont en doubles spirales peu développées. Il n'y a pas de motifs aux commissures des lèvres. Les deux faces du tiki sont de bonne facture, presque semblables. La base est presque circulaire, à surface convexe très piquetée, limitée par un méplat basal peu usé.

      J. GARANGER - Pilons Polynésiens, 1967, 79.

    2. Eventail. Tahi'i, complet.
      Inv. MHNP 88.12.5.2. Acquis ?
      Bois de toa (Casuarina equisetifolia) et jeunes feuilles de pandanus ; fibres de bourre de coco. Technique fine.
      H. : 54 cm - H. du manche : 13 cm - 1. proximale : 3,1 cm - ép. : 1,5 cm - 1. de la vannerie : 50 cm.
      Bon état de conservation. Vannerie fragile un peu déchirée.
      Prov. Iles Marquises, probablement groupe Sud. Epoque classique, XVIIIe siècle ou début du XIXe siècle.

      Le manche en bois est simple, poli, non décoré, de section transversale elliptique, plus large aux extrémités. La surface proximale est plano-convexe, de contour bi-convexe, comme les poignées de casse-tête 'u'u.

      La vannerie est très grande, semi-elliptique, avec une fine ligature un peu abimée près du manche. Semblable aux éventails recueillis au XVIIIe siècle par le capitaine Cook, mais probablement plus récent.

      A. KAEPPLER, 1978, p. 167.

    3. Etrier d'échasse. Tupuvae.
      Inv. MHNP. 88.12.15.3. Acquis ?
      Vieille étiquette avec numéro illisible.
      Bois de Casuarina equisetifolia. Technique fine, très bonne.
      H. : 38,8 cm - 1. max : 6,3 cm (au chapeau). Bon état de conservation.
      Prov. Iles Marquises, probablement le groupe Sud. Epoque ancienne, fin du xvme siècle ou début du XIXe.

      Sculpture finement travaillée et relativement rare, car elle comporte deux tiki superposés : le premier, en haut, est plus grand, bras levés non séparés, jambes retournées montrant les tatouages en cercles des fessiers. Les traits du visage sont classiques avec un motif aux commissures des lèvres. Les décors des surfaces sont variés, finement sculptés. Les angles et les reliefs sont adoucis. Le chapeau est sculpté sur la partie courbe de la face supérieure, mais pas à l'endroit où on pose le pied. Les évidements pour le passage des ligatures semblent anciens.

      K. Von den STEINEN, Vol II et III.

    4. Etrier d'échasse. Tapuvae.
      Inv. MHNP 88.12.15.4. Acquisition ?
      Bois de Casuarina equisetifolia. Technique assez fine.
      H. : 38,5 cm - 1. max (au chapeau) : 6,7 cm. Bon état de conservation.
      Prov. Iles Marquises, probablement groupe Sud. Première moitié du XIXe siècle.

      Le tiki est unique, simple, avec les mains repliées sur l'abdomen. Les doigts sont bien indiqués dans un volume semi-elliptique, typiquement marquisien, avec de fines indentations. Les jambes sont droites. Les surfaces sont décorées de rainures parallèles assez profondes, mais fines. Les creux sont bien marqués, angles assez vifs, le dessus du chapeau n'est pas décoré.

      K. von den STEINEN, vol. II et III.

  2. ILES DE LA SOCIETE

    1. Coffre. Piha.
      Inv. MHNP 88.12.15.5. Acquisition ?
      Bois et corde importés. Technique assez bonne. L. : 99,7 cm - 1. : 25,5 cm - ép. ou H. : 10,5 cm.
      Etat de conservation bon, mais il manque des cordes d'attache et le couvercle.
      Prov. Iles de la Société.
      Epoque : première moitié du XIXe siècle.

      Coffre classique en trois parties avec une pièce creusée et rapportée à chaque extrémité. La section transversale est elliptique. Les côtés sont parallèles et le contour rectangulaire. La pièce centrale, taillée dans un tronc et évidée, présente sur le dessus une ouverture rectangulaire bordée de chaque côté de cinq taquets pour la fixation d'un couvercle. Ceux-ci sont tous cassés au niveau de la paroi. L'intérieur est creusé par de longs enlèvements ; les surfaces extérieures sont soigneusement polies. La surface des extrémités est entièrement sculptée de motifs classiques, mais larges, en chevrons avec des creux profonds taillés à angles droits. Les perforations pour l'assemblage des pièces sont cylindriques.

      A. KAEPPLER, 1978, p. 135.
      I. MOSCHNER, 1955, p. 178, n° 30.
      A. LAVONDES, 1976, p. 350, n° 287, PL. 35.

  3. ILES AUSTRALES

    1. Pagaie «cérémonielle». Hoe ; 'oe.
      Inv. MHNP 88.12.15.6. Acquisition ?
      Bois, probablement du Callophyllum inophyllum (tamanu). Technique assez fine.
      L. : 85 cm - 1. de la pelle : 17, 9 cm. Bon état de conservation.
      Prov. Iles Australes. Ra'ivavae ou Tupu'ai. Epoque : première moitié du XIXe siècle.

      Petite pagaie entièrement décorée. Autour de la poignée sont sculptées six têtes humaines classiques, à visage triangulaire en relief. Le manche de section transversale circulaire est décoré de motifs géométriques courbes et en doubles K. La pelle a une face interne presque plane ; l'arête médiane de la face externe est peu marquée. On distingue sur la partie proximale de cette arête une succession de formes humaines très stylisées. Sur les deux faces de la pelle, les principaux décors sont des cercles concentriques de dimensions inégales. Deux d'entre eux, très grands, font penser à des yeux.

      H.U. HALL, 1921
      H. STOLPE, 1927
      M. URBAIN, 1947
      P. VERIN, 1969, p. 209.

    2. Plat. 'umete.
      Inv. MHNP 88.12.15.7. Acquisition ?
      Bois. Technique moyenne, rare.
      L. : 52 cm - 1. : 28 cm - H. de la sculpture : environ 5 cm - 1. avec les bras : 6,5 cm. Bon état de conservation.
      Prov. Iles Australes. Ra'ivavae.
      Epoque, probablement la première moitié du xixe siècle.

      Plat de forme classique : contour ovale et section transversale semi-circulaire. La paroi est assez épaisse, déformée sur un côté par un gros noeud du bois qui n'a pu être résorbé et fait une bosse à l'intérieur. L'extrémité distale est en pointe, sans gouttière. Les surfaces ne sont pas décorées, mais à l'extrémité proximale, une sculpture en ronde-bosse forme une poignée : c'est une figure qui rappelle celles des pagaies sculptées, avec un visage triangulaire oblique et deux volumes cylindriques sur la tête. Les yeux sont arrondis et creusés comme s'ils avaient reçu autrefois des incrustations de nacre ou de coquillage. La face est barrée par une bande étroite d'identations qui va d'une oreille à l'autre et constitue le seul décor de surface de cet objet, à comparer avec la figurine du n° 456 de la collection OLDMAN, PL. 25 et 26.

      Les bras et les mains sont levés dans une attitude d'offrande ou de danse qui rappelle certains motifs découpés des pagaies ou des tambours, ou bien la statue de pierre, assez exceptionnelle, du Pitt Rivers Museum d'Oxford. La tête paraît être double en Janus, à l'imitation des manches de chasse-mouches, mais la face externe est très discrète, sans traits marqués.

      Cette pièce composite et peu typique est peut-être l'oeuvre d'un apprenti sculpteur.

      T. BARROW, 1979, fig. 61, p. 60 - p. 63 - fig. 70, p. 66.
      G. ARCHEY, 1965, p. 23.
      OLDMAN, 1953.
      S. PHELPS, n° 626, 627, 652, PL. 79.

  4. ILES TONGA

    1. Massue
      Inv. MHNP 88.12.15.8. Acquisition ?
      Bois dur, probablement du Casuarina. Technique moyenne.
      L. : 89 cm (sans la protubérance proximale). Bon état de conservation.
      Prov. Iles Tonga ou Polynésie Occidentale. Epoque : XIXe siècle.

      Massue classique, à barrette, avec un décor incomplet sur le manche.

      S. PHELPS, PL. 94, 95.

    2. Massue
      Inv. MHNP 88.12.15.9. Acquisition ?
      Bois dur, probablement du Casuarina. Technique moyenne.
      L. : 86 cm. Bon état de conservation.

      Massue en forme de gourdin à tête épaisse, de section transversale en losange. Pas de décor, manche lisse.

      S. PHELPS. PL. 94 et 95.

  5. ILES FIDJI

    1. Massue de jet. I ula tavatava.
      Inv. MHNP 88.12.15.10. Acquisition ?
      Bois, racine d'arbuste. Technique fine. L. : 40 cm.
      Bon état de conservation.
      Prov Iles Fidji.
      Epoque : probablement milieu du XIXe siècle.

      Massue «à côtes», de bonne facture ; la tête est à section transversale circulaire. Des motifs en zigzag décorent la partie proximale du manche.

      F. CLUNIE, 1977, p. 63 et fig. 21.

  6. ILES WALLIS ET FUTUNA ?

    1. Appui-tête. Uluga.
      Inv. MHNP 88.12.15.11. Acquisition ?
      Bois clair. Technique moyenne.
      L. : 41 cm.
      Bon état de conservation.
      Prov. peut-être Futuna, probablement XIXe siècle.

      Appui-tête taillé dans une section de tronc d'arbre, décoré de lignes parallèles gravées et de motifs géométriques. Le bloc de bois est allégé par un évidement central. Des oreillers de cette forme, avec des pieds rudimentaires appelés Dali, existaient dans l'île de Futuna.

      E.G. BURROWS, 1936, p. 139, fig. 9, f. S.
      MANUAUD, 1979, p. 302, 303.

  7. MICRONESIE ?

    1. Boîte
      Inv. MHNP 88.12.15.12. Acquisition ?
      Bois. Technique moyenne.
      L. (sans les poignées) : 56,5 cm - 1. : 18,3 cm - H. : 14,5 cm.
      Prov. incertaine, peut-être Micronésie.
      Epoque : probablement XIXe siècle.

      Boîte avec couvercle, de forme oblongue. Les côtés sont un peu convexes, les extrémités ont une surface plane. Un rebord est aménagé pour l'emboîtement du couvercle. Celui-ci est à double pente, avec une arête centrale. Les poignées, de simples protubérances aux extrémités, sont en deux parties égales : l'une fait partie du couvercle, l'autre de la boîte. Il n'y a pas de décor, ce qui rend la détermination plus difficile. Des boîtes à couvercle, plus petites, sont attribuées à la Micronésie : les poignées sont aussi en deux parties, ou solidaires du couvercle. Il existait aussi aux Tuamotu, des boîtes en bois fermées par un couvercle, dont les côtés, comme ceux des Kumete, étaient un peu convexes, mais elles ne sont pas représentées dans les musées, semble-t-il.

      J. EDGE-PARTINGTON, 1898, PL. 51, n° 5. S.
      PHELPS, PL. 121, n° 952.
      K.P. EMORY, 1975, p. 18-19.

    2. Deux objets dont l'origine n'a pu être précisée, n'ont pas été catalogués.
    3. Savate ou «claquette».

      Elle ne paraît pas provenir de Tahiti. En Polynésie, les sandales utilisées en cas de mal aux pieds, pour marcher sur les récifs coralliens, ou dans la montagne, sont tressées à partir de fibres végétales provenant de la bourre des noix de coco ou de l'écorce de l'Hibiscus tiliaceus. Elles étaient larges et courtes : souvent les doigts de pieds et le talon dépassaient de la semelle.

    4. Coffret en forme d'amande, de petite taille.

      Le décor assez frustre du couvercle évoque des écailles de tortues.


INDEX DOCUMENTAIRE

Appui-tête
A Tahiti, aux Iles Cook et en Polynésie Occidentale, des objets en bois souvent finement travaillés et de formes élégantes servaient d'oreillers, tout particulièrement pour les chefs ou les membres des familles aisées. Pour dormir, on pliait sur le dessus de l'appui-tête, une pièce d'étoffe en écorce battue (tapa).

Coffre
Aux îles de la Société, des pièces de bois évidées et polies servaient de coffres pour conserver dans les maisons et peut-être sur les pirogues, des objets précieux et fragiles comme les ornements en tapa, en vannerie et en plumes, ainsi que les hameçons de nacre, etc... Ces boîtes ne sont pas fréquentes dans les musées et les couvercles manquent presque toujours, probablement parce que les figurines en relief qui les décoraient étaient trop réalistes pour les Européens du XVIne et du XIXe siècles. Trois modèles superbes de ces boîtes à trésor proviennent des voyages du Capitaine COOK : deux d'entre eux se trouvent au British Museum, le troisième au Musée d'Ethnographie de Vienne. Un autre, plus récent, se trouve au Musée des Beaux-Arts de Lille. Tous ont des extrémités décorées de motifs en chevrons. Celui du Musée de Tahiti et des Iles n'est pas sculpté.

Echasses
Aux Iles Marquises, les échasses n'étaient pas des jouets d'enfants. Elles étaient utilisées par des hommes adultes pour pratiquer un sport violent au cours de certaines cérémonies rituelles en mémoire des morts. Les pédales sculptées en forme de tiki étaient fixées par des ligatures à des manches décorés de motifs géométriques. Les pédales d'échasses sont fréquentes dans les musées.

Eventail
Aux îles de la Société, aux Cook et surtout aux Marquises, les éventails étaient des objets de prestige, portés par les chefs, hommes et femmes. Les manches des éventails recueillis au cours du deuxième voyage du Capitaine COOK, en 1774, ont une forme simple et harmonieuse. Au cours du me siècle, les sculptures sont devenues de plus en plus compliquées, jusqu'aux environs de 1840. Ensuite, les éventails ne furent plus fabriqués aux Marquises.

Massue
La massue en bois lourd dense, généralement du Casuarina sp., était une des armes de prédilection des Polynésiens. De formes et de dimensions différentes suivant les archipels, elles étaient souvent un peu décorées. Aux îles Tonga, des motifs géométriques finement sculptés ornaient parfois toute la surface de l'arme. Les massues et casse-tête de type fidjien ont été fabriqués plus longtemps que les autres armes polynésiennes, et ils étaient encore en vente dans le Pacifique après 1850.

Pagaie
Les pagaies employées autrefois en Polynésie pour manoeuvrer les pirogues doubles ou à balancier étaient rarement décorées. Les pagaies, entièrement sculptées provenant de Ra'ivavae, aux îles Australes, si abondantes dans les musées et les collections particulières, ont été fabriquées pour la vente dans la première moitié du XIXe siècle. On ne connait pas précisément l'origine et la fonction exacte de ces objets dits «de cérémonie», qui étaient probablement conservés dans les temples familiaux et utilisés à l'occasion des danses rituelles. Les habitants de Ra'ivavae avaient la réputation d'être d'excellents sculpteurs, mais à la fin des années 1820, la population de l'île fut décimée par des épidémies et la tradition de cet art remarquable se perdit.

Pilon
Dans la Polynésie orientale, des pilons sculptés dans de la roche volcanique et parfois du corail, ont été fabriqués pendant les périodes classiques et moderne, c'est-à-dire depuis le XVIe siècle environ jusqu'à la période actuelle. La forme de la tête du pilon varie suivant les archipels : aux îles de la Société, la partie proximale est caractérisée par des barrettes décoratives transversales ou deux épanouissements latéraux importants. Aux îles Marquises, les plus beaux pilons sont décorés de deux têtes de tiki bi-frons. Ces ustensiles, utilisés généralement avec des tables à piler en bois, servent encore pour certaines préparations culinaires, en particulier pour malaxer les pâtes faites avec les fruits de l'arbre à pain, cuits ou fermentés (popoi), ou pour la préparation des médicaments à base de végétaux.

Plat
Dans la vie quotidienne, les Polynésiens utilisaient des contenants de formes et de dimensions variées, pour diverses fonctions : calebasses et noix de coco pour les liquides, plats en bois pour les mets cuits. Aux îles Australes et aux Marquises, la surface extérieure des plats de petites dimensions pouvait être finement décorée. On ne connait pas très bien la fonction première des jolies coupes de Ra'ivavae, dont le bord est orné de sculptures dans sa partie proximale : rince-doigts pour les chefs, coupes pour la consommation du Kava (boisson légèrement stupéfiante) ; ces attributions varient suivant les auteurs et les musées. Il est probable que, comme dans le reste de la Polynésie, chaque contenant pouvait avoir plusieurs fonctions différentes.

Tapa
Nom générique, d'origine hawaïenne, des étoffes fabriquées avec l'écorce interne du murier à papier, de l'arbre à pain, etc.

Tiki ou Ti'i
Dans la mythologie de plusieurs archipels polynésiens, Tiki ou Ti'i était le premier homme. Le mot désigne aussi une sculpture anthropomorphe en pierre ou en bois et aussi parfois par extension, toutes sortes de motifs décorant des surfaces. Aux îles Marquises, sous sa forme conventionnelle, le tiki symbolise les ancêtres divinisés et peut-être d'autres personnages mythiques. Il est au centre de l'art marquisien où ses formes massives bien reconnaissables, sa grosse tête aux grands yeux cerclés posée directement sur les épaules, ses bras pliés sur l'abdomen, sont présents dans toute les sculpture. Minuscule sur les ornements d'oreilles en dents de cachalot, plus volumineux sur les étriers d'échasses, il a pu prendre des dimensions monumentales dans les lieux sacrés réservés aux cultes ou à la mémoire des morts. On trouve aussi des tiki sculptés à plat sur des contenants en bois, des couvercles de calebasses. Imprimé sous la peau, il était un motif de tatouage.

Aux îles de la Société et aux Australes, les ti'i étaient surtout des sculptures de pierre, de formes plus ou moins élaborées. Les images anthropomorphes les plus réalistes ont disparu et dans la sculpture sur bois, les figures humaines ne sont pas très abondantes. Sur les pagaies, les tambours et les manches de chasse-mouches des îles Australes, elles montrent tous les degrés de stylisation.

'Umete ou kumete
Voir «plat».


OUVRAGES CITES


Cet article a été publié dans les Annales du Muséum d'Histoire naturelle de Perpignan, n° 4, 1994 : pp.3-12