Homère - Odyssée, IV, v.512
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Ton frère évita la mort et il s'échappa
sur sa nef creuse, et la vénérable Kère
le sauva ; mais à peine avait-il vu le haut cap des
Maléiens, qu'une tempête, l'ayant saisi,
l'emporta, gémissant, à
l'extrémité du pays où Thyestès
habitait autrefois, et où habitait alors le Thyestade
Aigysthos. Là, le retour paraissait sans danger, et
les Dieux firent changer les vents et regagnèrent
leurs demeures. Et Agamemnôn, joyeux, descendit sur la
terre de la patrie, et il la baisait, et il versait des
larmes abondantes parce qu'il l'avait revue avec joie. Mais
une sentinelle le vit du haut d'un rocher où le
traître Aigysthos l'avait placée, lui ayant
promis en récompense deux talents d'or. Et, de
là, elle veillait depuis toute une année, de
peur que l'Atréide arrivât en secret et se
souvînt de sa force et de son courage. Et elle se
hâta d'aller l'annoncer, dans ses demeures, au prince
des peuples. Aussitôt Aigysthos médita une
embûche rusée, et il choisit, parmi le peuple,
vingt hommes très braves, et il les plaça en
embuscade, et, d'un autre côté, il ordonna de
préparer un repas. Et lui-même il invita,
méditant de honteuses actions, le prince des peuples
Agamemnôn à le suivre avec ses chevaux et ses
chars. Et il mena ainsi à la mort l'Atréide
imprudent, et il le tua pendant le repas, comme on
égorge un boeuf à l'étable. Et aucun des
compagnons d'Agamemnôn ne fut sauvé, ni
même ceux d'Aigysthos ; et tous furent
égorgés dans la demeure royale.
Traduction de Leconte de Lisle (1867)