Le centaure Chiron, fils de Cronos et de Philyra, nymphe océanide, d'où le surnom de Philyrides, qui lui est donné par les poètes. Cronos, surpris par Rhée sa femme dans ses amours avec la nymphe, se changea en cheval pour lui échapper. De ces amours naquit Chiron, l'hippocentaure. Chiron différe des autres centaures par la douceur de ses moeurs et par sa sagesse, comme il en différait par l'origine. Homère l'appelle «le plus juste des centaures», et Pindare le qualifie «d'ami des hommes». Il régnait sur les vallées du Pélion, riche en plantes salutaires et il faut sans doute voir en lui un génie de la montagne, esprit bienfaisant, qui connaissait la vertu des simples et qui l'enseignait aux hommes. Virgile, qui joint dans le même vers son nom à celui du devin Mélampos, célèbre aussi dans la légende thessalienne, les qualifie tous deux de maîtres dans l'art de guérir les bestiaux. Selon un commentaire, «Chiron représente ici l'emploi des moyens naturels, Mélampos celui des artifices surnaturels».
Chiron fut le maître d'Asclépios, qu'Apollon lui avait confié à sa naissance pour l'instruire dans l'art de la médecine. Il lui montrait à panser les blessures. Il fut l'ami ou le précepteur d'un grand nombre de héros, tant des Argonautes que de ceux qui prirent part à la guerre de Troie. On cite, entre autres, Jason et son fils Médos, le chasseur Actéon, Pélée et Achille. Sa liaison paraît avoir été surtout intime avec la famille des Eacides. Une tradition faisait de Pélée son petit-fils. Eaque avait épousé Endeïs, fille de Chiron, qui fut mère de Pélée et de Télamon.
Chiron ne fut pas seulement l'instituteur, il fut l'ami constant et le conseiller de Pélée. Ge fut grâce à ses conseils que Pélée parvint à vaincre la résistance de Téthys à un hymen ordonné par les dieux. Les noces se célébrèrent sur le Pélion, dans la demeure du centaure ; et Pélée reçut de Chiron à cette occasion la lance de frène qui devait faire des prodiges de valeur dans les mains de son fils. Cette lance merveilleuse d'Achille avait la vertu de guérir les blessures qu'elle avait faites. Télèphe, blessé par Achille, fut ainsi guéri par l'arme même dont il avait reçu l'atteinte.
L'éducation d'Achille n'est pas moins célèbre que les noces de Pélée dans la légende thessalienne. Apollodore nous montre le centaure nourrissant son élève du sang des lions et de la moelle des ours et des sangliers. Il lui apprit à lancer le javelot contre les bêtes sauvages et à atteindre les biches à la course. Quelquefois il le portait à la chasse sur son dos, et lui enseignait ainsi l'équitation avec les autres exercices héroïques. Il lui inculquait en même temps les principes de la sagesse antique, et ses leçons ont fait le sujet d'un poème d'Hésiode, qui n'est pas parvenu jusqu'à nous.
Parmi les cures attribuées à Chiron, on cite celle par laquelle il rendit la vue à Phoenix, fils d'Amyntor, à qui son père avait fait crever les yeux. Phoenix s'était réfugié chez Pélée qui le fit guérir par Chiron.
Chiron, dieu-centaure, fils de Cronos, était immortel par sa naissance divine. Aussi sa mort fut-elle volontaire. On racontait qu'il avait été blessé par hasard d'une flèche d'Hercule, comme il fuyait devant le héros avec les autres centaures. D'autres disent qu'il avait lui-même laissé tomber sur son pied, en l'examinant, cette flèche infectée du venin de l'hydre de Lerne. Tous les remèdes ayant été impuissants contre le poison répandu dans ses veines, Chiron, en proie à des douleurs incurables, désira mourir. On dit qu'il avait laissé en mourant son immortalité à Prométhée ; mais Prométhée était lui-même immortel. Peut-être faut-il entendre que Zeus avait promis de délivrer Prométhée de son supplice à la condition qu'un immortel consentirait à mourir pour lui. La mort de Chiron se trouverait ainsi associée à la délivrance du Titan. D'autres expliquent par des causes morales la mélancolie du dieu-centaure et son dégoût de la vie. Après sa mort, Zeus le transporta dans le ciel, où il devint le Sagittaire.
Pausanias a cru reconnaître Chiron dans un centaure aux pieds de devant humains, qui était représenté sur le coffre de Cypsélus. On l'y voyait, paraît-il, déjà mort et passé au rang des dieux, venir consoler Achille de sa fin prématurée. Un des tableaux de Philostrate était consacré à l'éducation d'Achille. Parmi les monuments antiques parvenus jusqu'à nous, les uns le représentent aux noces de Pélée, parmi les dieux qui apportent leurs présents aux nouveaux époux ; d'autres nous le montrent dans ses fonctions de précepteur du jeune Achille (comme dans la peinture d'un vase du musée du Louvre ici reproduite). On l'y voit particulièrement enseigner à son élève l'art de jouer de la lyre. Dans une peinture de Pompéi, il est réuni aux dieux de la médecine Apollon et Esculape.
Article de L. de Ronchaud