StymphaleEt partout devant lui, par milliers, les oiseaux, De la berge fangeuse où le Héros dévale, S'envolèrent, ainsi qu'une brusque rafale, Sur le lugubre lac dont clapotaient les eaux. D'autres, d'un vol plus bas croisant leurs noirs réseaux, Frôlaient le front baisé par les lèvres d'Omphale Quand, ajustant au nerf la flèche triomphale, L'Archer superbe fit un pas dans les roseaux. Et dès lors, du nuage effarouché qu'il crible, Avec des cris stridents plut une pluie horrible Que l'éclair meurtrier rayait de traits de feu. Enfin, le Soleil vit, à travers ces nuées Où son arc avait fait d'éclatantes trouées, Hercule tout sanglant sourire au grand ciel bleu. NessusDu temps que je vivais à mes frères pareil Et comme eux ignorant d'un sort meilleur ou pire, Les monts Thessaliens étaient mon vague empire Et leurs torrents glacés lavaient mon poil vermeil. Tel j'ai grandi, beau, libre, heureux, sous le soleil ; Seule, éparse dans l'air que ma narine aspire, La chaleureuse odeur des cavales d'Epire Inquiétait parfois ma course ou mon sommeil. Mais depuis que j'ai vu l'Epouse triomphale Sourire entre les bras de l'Archer de Stymphale, Le désir me harcèle et hérisse mes crins ; Car un Dieu, maudit soit le nom dont il se nomme, A mêlé dans le sang enfiévré de mes reins Au rut de l'étalon l'amour qui dompte l'homme. NéméeDepuis que le Dompteur entra dans la forêt En suivant sur le sol la formidable empreinte, Seul, un rugissement a trahi leur étreinte. Tout s'est tu. Le soleil s'abîme et disparaît. A travers le hallier, la ronce et le guéret, Le pâtre épouvanté qui s'enfuit vers Tirynthe Se tourne, et voit d'un oeil élargi par la crainte Surgir au bord des bois le grand fauve en arrêt. Il s'écrie. Il a vu la terreur de Némée Qui sur le ciel sanglant ouvre sa gueule armée, Et la crinière éparse et les sinistres crocs ; Car l'ombre grandissante avec le crépuscule Fait, sous l'horrible peau qui flotte autour d'Hercule, Mêlant l'homme à la bête, un monstrueux héros. La CentauresseJadis, à travers bois, rocs, torrents et vallons, Errait le fier troupeau des Centaures sans nombre ; Sur leurs flancs le soleil se jouait avec l'ombre ; Ils mêlaient leurs crins noirs parmi nos cheveux blonds. L'été fleurit en vain l'herbe. Nous la foulons Seules. L'antre est désert que la broussaille encombre ; Et parfois je me prends, dans la nuit chaude et sombre A frémir à l'appel lointain des étalons. Car la race de jour en jour diminuée Des fils prodigieux qu'engendra la Nuée, Nous délaisse et poursuit la Femme éperdument. C'est que leur amour même aux brutes nous ravale : Le cri qu'il nous arrache est un hennissement, Et leur désir en nous n'étreint que la cavale. Centaures et LapithesLa foule nuptiale au festin s'est ruée, Centaures et guerriers ivres, hardis et beaux ; Et la chair héroïque, au reflet des flambeaux, Se mêle au poil ardent des fils de la Nuée. Rires. tumulte... Un cri !... L'Epouse polluée Que presse un noir poitrail, sous la pourpre en lambeaux Se débat, et l'airain sonne au choc des sabots Et la table s'écroule à travers la huée. Alors celui pour qui le plus grand est un nain, Se lève. Sur son crâne, un mufle léonin Se fronce, hérissé de crins d'or. C'est Hercule. Et d'un bout de la salle immense à l'autre bout, Dompté par l'oeil terrible où la colère bout, Le troupeau monstrueux en renâclant recule. Fuites de CentauresIls fuient, ivres de meurtre et de rébellion, Vers le mont escarpé qui garde leur retraite ; La peur les précipite, ils sentent la mort prête Et flairent dans la nuit une odeur de lion. Ils franchissent, foulant l'hydre et le stellion, Ravins, torrents, halliers, sans que rien les arrête, Et déjà, sur le ciel, se dresse au loin la crête De l'Ossa, de l'Olympe ou du noir Pélion. Parfois, l'un des fuyards de la farouche harde Se cabre brusquement, se retourne, regarde, Et rejoint d'un seul bond le fraternel bétail ; Car il a vu la lune éblouissante et pleine Allonger derrière eux, suprême épouvantail, La gigantesque horreur de l'ombre Herculéenne. |