10. Iris et Neptune

Iris
Cette île errante, Neptune, qui, détachée de la Sicile, nage encore cachée sous les eaux, Jupiter ordonne que tu la fixes sur-le-champ : il veut que tu la fasses monter à la surface des flots et qu'elle apparaisse visible, au milieu de la mer Egée et arrêtée sur une base inébranlable ; il en a besoin.

Neptune
Il va être obéi ; mais à quoi lui servira-t-elle, Iris, quand, devenue visible, elle cessera d'être flottante ?

Iris
Latone doit y venir accoucher : elle commence à ressentir avec force les douleurs de l'enfantement.

Neptune
Eh quoi ! Le ciel n'est-il pas un bon endroit pour accoucher ; ou bien, à défaut du ciel, n'a-t-on pas toute la terre pour recevoir les enfants de Latone ?

Iris
Non vraiment, Neptune ; Junon, par un serment terrible, a fait promettre à la Terre de ne donner aucun asile à Latone en travail : mais cette île n'est pas comprise dans le serment, puisqu'elle n'a pas encore paru.

Neptune
J'entends. Ile, arrête-toi ; sors une seconde fois de l'abîme, ne sois plus emportée par les vagues, demeure immobile, et reçois, île bienheureuse, les deux enfants de mon frère, les plus beaux des dieux. Et vous, Tritons, transportez-y Latone : que le calme règne de toutes parts. Quant au serpent qui la poursuit et l'effraye, les petits enfants, nés à peine, l'attaqueront et vengeront leur mère. Va, Iris, annonce à Jupiter que tout est prêt : Délos est fixée ; que Latone y vienne et mette au jour ses enfants.


Traduction d'Eugène Talbot (1857)