5. Panope et Galéné

Panope
Hier, as-tu vu, Galéné, ce que la Discorde a fait au repas, en Thessalie, parce qu'on ne l'avait pas invitée à ce banquet ?

Galéné
Je n'étais pas de votre banquet : Neptune m'avait ordonné, Panope, de veiller, pendant ce temps, à ce que la mer fût tranquille. Qu'a donc fait la Discorde, qui n'avait pas été invitée ?

Panope
Thétis et Pélée se retiraient dans la chambre nuptiale, conduits par Amphitrite et Neptune : alors la Discorde, sans être vue, et profitant de ce que les uns buvaient, les autres causaient avec bruit, ou bien écoutaient la lyre d'Apollon et les chants de Mars, jette au milieu de la salle une pomme magnifique, toute d'or, chère Galéné, et sur laquelle était écrit : A la plus belle ! La pomme roule, comme à dessein, vers l'endroit où étaient couchées Junon, Vénus et Minerve. Mercure la ramasse et lit l'inscription ; nous autres Néréides, nous gardons le silence : que faire à côté de si grandes déesses ? Elles, au contraire, réclament, chacune, la pomme, prétendant y avoir droit ; et, si Jupiter ne les eût séparées, l'affaire en serait venue aux coups. Alors le dieu : «Je ne veux pas, dit-il, décider entre vous (elles avaient voulu, en effet, le prendre pour arbitre), mais descendez sur le mont Ida, auprès du fils de Priam ; c'est un bon juge en fait de beauté, un vrai connaisseur, et il ne vous jugera pas mal».

Galéné
Qu'ont fait alors les déesses, Panope ?

Panope
Elles se rendent aujourd'hui, je crois, au mont Ida, et quelqu'un viendra sans doute avant peu nous annoncer quelle est la préférée.

Galéné
Je te le dis d'avance, aucune autre ne sera victorieuse, puisque Vénus combat, ou bien le juge n'y verra pas clair.


Traduction d'Eugène Talbot (1857)