Aux trois soeurs SeymourQuand les filles d'Achelois, Les trois belles chanteresses, Qui des hommes par leurs vois Estoient les enchanteresses, Virent jaunir la toison, Et les soldars de Jason Ramer la barque argienne Sur la mer Sicilienne,
Elles, d'ordre, flanc à flanc, Oisives au front des ondes, D'un peigne d'yvoire blanc Frisotoient leurs tresses blondes, Et mignotant de leurs yeux Les attraits délicieux, Aguignoient la nef passante D'une oeillade languissante.
Puis souspirerent un chant De leurs gorges nompareilles, Par douce force alléchant Les plus gaillardes aureilles ; Afin que le son pipeur Fraudast le premier labeur Des chevaliers de la Grèce Amorcés de leur caresse.
Ja ces demi-dieux estoient Prests de tomber en servage, Et jà domptés se jettoient Dans la prison du rivage, Sans Orphée, qui, soudain Prenant son luth en ia main, Opposé vers elles, joue Loin des autres sur la proue ;
Afin que le contre-son De sa repoussante lyre Perdist au vent la chanson Premier qu'entrer au navire, Et qu'il tirast des dangers Ces demi-dieux passagers Qui dévoient par la Libye Porter leur mère affaiblie.
Mais si ce harpeur fameux Oyoit le luth des Serenes Qui sonne aux bords escumeux Des Albionnes arènes, Son luth payen il fendroit Et disciple se rendroit Dessous leur chanson chrestienne Dont la voix passe la sienne,
Car luy, enflé de vains mots, Devisoit à l'aventure Ou des membres du Chaos Ou du sein de la Nature ; Mais ces vierges chantent mieux Le vray manouvrier des cieux, Et sa demeure éternelle, Et ceux qui vivent en elle.
Las ! ce qu'on void de mondain Jamais ferme ne se fonde, Ains fuit et refuit soudain Comme le branle d'une onde Qui ne cesse de rouler, De s'avancer et couler, Tant que rampant il arrive D'un grand heurt contre la rive.
La science, auparavant Si long temps orientale, Peu à peu marchant avant, S'apparoist occidentale, Et sans jamais se borner N'a point cessé de tourner, Tant qu'elle soit parvenue A l'autre rive incogneue.
Là de son grave sourcy Vint affoler le courage De ces trois vierges icy, Les trois seules de nostre âge, Et si bien les sceut tenter, Qu'ores on les oit chanter Maint vers jumeau qui surmonte Les nostres, rouges de honte.
Par vous, vierges de renom, Vrais peintres de la mémoire, Des autres vierges le nom Sera clair en vostre gloire. Et puis que le ciel bénin Au doux sexe féminin Fait naistre chose si rare D'un lieu jadis tant barbare,
Denisot se vante heure D'avoir oublié sa terre, Et passager demeuré Trois ans en vostre Angleterre, Et d'avoir cogneu vos yeux, Où les amours gracieux Doucement leurs flèches dardent Contre ceux qui vous regardent.
Voire et d'avoir quelquefois Tant levé sa petitesse, Que sous l'outil de sa vois Il polit vostre jeunesse, Vous ouvrant les beaux secrets Des vieux Latins et des Grecs, Dont l'honneur se renouvelle Par vostre muse nouvelle.
Io, puis que les esprits D'Angleterre et de la France, Bandez d'une ligue, ont pris Le fer contre l'ignorance, Et que nos roys se sont faits D'ennemis amis parfaits, Tuans la guerre cruelle Par une paix mutuelle,
Advienne qu'une de vous, Nouant la mer passagère, Se joigne à quelqu'un de nous Par une nopce estrangere ; Lors vos escrits avancez Se verront recompensez D'une chanson mieux sonnée, Qui cri'ra vostre hymenée.
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